« Gardes la dans tes bras et viens t’asseoir sur le fauteuil. » Son regard ne paraissait pas rassuré pour autant mais Luna, ne sachant pas vraiment si elle tenait correctement la petite, se leva doucement pour rejoindre le salon à la requête de Bill. Avant de s'asseoir, elle remarqua l'air renfrogné de la petite et réajusta instinctivement la position du petit être dans ses bras. Lovegood sut qu'elle la tenait bien, sans trop la serrer, sans lui donner l'impression qu'elle allait la lâcher, lorsque les traits d'Espérance retrouvèrent leur douceur naturelle de poupon. Elle observait un bien curieux phénomène, Lovegood, une fois installée au fond du fauteuil : elle se demandait si père et fille possédaient déjà un langage bien à eux, la petite main approchant le visage de Bill une fois qu'il eut posé un genou à terre. « Luna, tu n’es pas un danger pour elle ou pour moi ou pour n’importe qui d’autre. Regarde là, Luna regarda mieux, son visage penché sur le côté pour mieux plonger dans les deux petites billes bleues d'Espérance. Ressens tu une quelconque peur de sa part? » La petite main s'agitait devant elle, touchant, lâchant, tâtant, pinçant, le moindre morceau de peau de l'ancienne Serdaigle qu'elle réussissait à atteindre, découvrant curieusement cette inconnue qui la portait. Elle ne disait rien, observait tout aussi curieusement cette petite et précieuse chose qu'elle tenait dans les bras, écoutant les paroles de Bill dans un silence quasi-religieux l'explication de l'aîné Weasley. « Non, aucune... - Les bébés sont des éponges Luna, elle ressent tout ce que nous ressentons et son sourire nous prouve qu’il n’y a autour d’elle aucun danger. Elle sait que nous sommes là pour elle, que tu t’occupes d’elle. Tu n’as aucune malédiction collé dans le dos, juste de l’amour à donner et qu’elle veut recevoir. » Un petit sourire prit place sur ses lèvres lorsque Espérance clame comme le sien l'index de la blonde, tétant furieusement la jointure de ce dernier, usant d'un langage silencieux mais universel pour tous les hommes. Elle avait faim, ça crevait les yeux. Le timbre rieur de Bill se fit entendre tandis qu'il ajoutait des précisions, des convictions, pour rassurer Luna sur sa présence ici.

Dans sa poitrine, elle sentait son cœur se calmer, se réchauffer au contact des Weasley et de l’environnement... chaleureux, rassurant, de Shell Cottage. Elle ne s'offusqua pas non plus lorsqu'il lui imposa tout un programme pour les heures à venir. Elle ne ressentait pas de la joie, Luna, à cet instant. Enfin, pas que. L'expression irréelle qui l'avait caractérisé pendant des années revenait petit à petit sur son visage, à mesure que Bill parlait, à mesure qu'elle sentait l'attachement étrange pour cette petite prendre de plus en plus de place en elle. Pour la première fois depuis longtemps, elle avait l'impression de retourner chez elle, de retrouver par on ne sait quel miracle, une magie inconnue, sa famille. Elle laissa un petit rire s'échapper de ses lèvres lorsque Bill fit référence à l'ambiance survoltée qui régnait toujours sous un toit Weasley. Que ce soit ici, aujourd'hui, ou au Terrier, à l'époque, il y avait cette impression intemporelle de fouler le sol d'un foyer qui planait toujours entre les murs de cette famille aux cheveux de feu. Elle acquiesça vivement de la tête avant que Bill ne retourne à la cuisine, laissant de nouveau Luna seule avec la petite lorsqu'il lui eut remis le biberon entre les mains et un biscuit sablé dans la bouche.

« Au travail tata! » résonnaient encore les mots de Bill dans le salon, une fois que Luna eut avalé le gâteau et approché l'embout du biberon aux lèvres d'Espérance. C'était bon d'être à la maison.

Elle se souvenait des photographies prises par ses parent, celles de l'album violet des Lovegood. Ce seul livre jauni par le temps représentait toute la période où Luna était elle-même un bébé de l'âge d'Espérance. Si elle avait toujours eu un sourire nostalgique sur les lèvres en feuilletant le livre, elle n'avait jamais vraiment compris le regard embué de son père lorsqu'il la nourrissait, ni même la mine émerveillée de sa mère lorsqu'elle barbotait joyeusement dans l'eau de son bain. Les photos sorcières, les livres, les grimoires, rien de ce qu'ils recelaient ne pouvaient vraiment vous préparer à ce qu'il se passait une fois confrontés à la réalité. Tout comme à l'époque de l'AD, jamais elle n'avait senti la magie lui parcourir le derme lorsqu'elle les découvrait dans ses manuels scolaires ; contrairement aux nombreuses heures où elle s'était exercée dans la salle sur demande avec les autres, la magie irradiant tout sur son passage lorsqu'elle battait à tout rompre contre les parois de ses veines. Être en présence de la fille de Bill et Fleur, c'était découvrir une toute autre dimension de l'univers découvert le nez enfoncé dans ses vieux albums de famille. Ça prenait aux tripes, ça frappait en plein cœur. Rien, ni le risque d'être découverte, ni la fatigue qui lui alourdissait de plus en plus les membres, ne pouvait venir ternir cette formidable rencontre que Luna vivait avec Espérance. Elle se demandait si elle vivrait ça, elle aussi, un jour. Elle se demanda aussi, étrangement, si Pansy vivait ça avec ses deux petites filles. A l'heure d'aujourd'hui, elle ne savait toujours pas si la deuxième petite jumelle avait survécu à sa naissance. Au plus profond d'elle-même, Luna se résolut à contacter Draco au plus vite pour savoir ce qu'il en était.

Plusieurs minutes s'écoulèrent et, lorsque le biberon fut pratiquement vide, Espérance repoussa à l'aide de ses deux petites mains celle de Luna. Les sourcils de la blonde se froncèrent et après avoir déposé le biberon entre l'accoudoir du fauteuil et sa hanche, elle souleva doucement Espérance comme elle avait pu voir son père le faire avec elle sur les photos de son enfance avant de lui caler le menton par-dessus son épaule. Elle se retrouva ainsi, à ne pas savoir quoi faire ensuite. Elle berça la petite fille, tapotant légèrement son dos en même temps, pour meubler le temps. « Bill ? Je ne sais pas si je m'y prends bien pour le rôt. Comment... », elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase qu'un bruit caractéristique la coupa dans son élan. « Well. Je crois que c'est bon en fait. »