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sujet; (mars 2003) i think u freeky - imacchus

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« Et bah, t’en fais une tête, Murdock »
« Tu t’es fait larguer par Zaïtseva ? »
« Ou par Rookwood ? »
« Que dalle les mecs, matez-moi les jolies griffures qu’il a dans le cou »
« J’vous assure, c’est pas c’que vous croyez » finis-tu par céder, te frayant un chemin entre les imbécilités et les gros bras de tes petits camarades de la ruche.
Tu venais tout juste de débarquer dans le quartier rafleur, aux aurores (sans mauvais jeu de mots, rip les Aurors) et disons que tu avais l’air encore plus débraillé que d’habitude. Des valises d’élèves de première année à Poudlard sous les yeux, et la parka jetée sur tes larges épaules, t’avais en effet l’air d’avoir passé une nuit agitée.
En vérité, t’avais failli pas la passer, la nuit.
Parce que les fines éraflures encore un peu boursoufflées qui te balafraient la nuque ne venaient pas de quelque torride maîtresse, mais du chat devenu à moitié sauvage, si ce n’est complètement dominateur, que t’avait offert Rookwood à l’occasion de ton dernier anniversaire. Et, à l’image de celui qui aurait pu être son potentiel bourreau, le matou avait senti que t’étais pas du genre à porter la culotte. De fait, il avait eu vite fait de faire régner sa loi dans l’appartement sous les toits, et la place occupée dans le canapé était un théâtre de conflit brûlant. Et ‘faut croire que tu n'avais pas pris le temps de te soigner, parce que tu ne t’étais toujours pas remis de cette fois où, t’avais encore raté un sortilège de base, bafouillant « oculanus » plutôt qu’« oculus reparo » - s’ensuivit une vilaine sensation…  

Ignorant le reste de leurs babillages, tu te sers un café bien serré avant de jeter un œil aux lettres déposées par les hiboux, un froncement de sourcils en remarquant qu’ils avaient laissé d’autres genres de colis.
« Cherche pas, y’a rien pour toi, aujourd’hui, mon gros » tu vas pour en demander la raison, si t’avais pas encore hérité d’un congé posé au hasard en ton nom, tellement t’en prenais jamais « on a oublié d’fêter ton anniv’, du coup » oh non pitié, qu’est-ce qu’ils étaient encore allés inventer ? tu retiens ta respiration, le nez dans ton jus de chaussette tiède « on t’a trouvé une aut’ sorte de bestiau pour qu’tu t’fasses la main » tu ouvres grand les yeux alors que tu embrasses le reste de la salle de repos du regard, prêt à tomber nez à nez avec un dragon ou autre créature magique beaucoup moins ragoutante.

Et c’est là que tu finis par la remarquer. Elle est si flagrante que tu devais vraiment être dans le coltard pour pas l'avoir vue avant. Parce qu’elle vous arrive tout juste à l’épaule, qu’elle a les cheveux et les chaussures propres. Et qu’elle reste immobile dans un coin, parfaitement droite, parfaitement silencieuse… et parfaitement symétrique. T’as tiqué en comptant le nombre de poches et en suivant la ligne impeccable de sa raie au milieu.
Au départ, t’as cru que c’était tes p’tits camarades qui l’avaient arrangé de cette façon, en sachant que t’appréciais particulièrement les gens bien apprêtés. Et puis après, t’as avalé une gorgée de travers, à l’idée qu’ils t’offrent une gamine sur un plateau, comme Rookwood l’avait fait avec cette prostituée de luxe française.
‘Faut croire que ton collègue blagueur avait lu dans tes pensées (et il n’aurait pas été le premier à le faire), puisqu’il te rassure d’une bourrade dans l’épaule.
« Ferme ta bouche, Murdock, tu baves partout ; elle est pas à consommer c’te p’tiote ; c’est une stagiaire ! »

Tu bailles comme un poisson mort en établissant les connexions, puis ton visage se ferme en pigeant ce que cela induisait. « Hé, pourquoi c’t’encore moi qui m’coltine les bleus ? » « Parce que tu fais partie du bizutage, mon gros ; s’ils te voient, ils auront tout vu ; allez, salut ! » Et, sans demander son reste, il te laisse planté là, comme un arbre. Tout le monde prend soin de ne pas croiser ton regard, si bien que tu finis par être obligé de rencontrer le sien.
Il y avait quelque chose de troublant chez cette jeune fille. Elle devait pas être si jeune, puisqu’en âge de faire son stage chez les Rafleurs.
C’était peut-être dans la raideur de sa position. Ou dans la porcelaine de ses joues, malgré l’ambiance mâle et moite de la pièce. Dans les poches recousues de sa cape. Ou dans ce grain de beauté au-dessus de ses lèvres sévères, qui flinguait la parfaite symétrie comme elle te fusillait du regard.
Sans dissimuler un soupir de résignation, parce qu’elle avait l’air autant motivée que toi à l’idée de passer six mois dans tes pattes boueuses, tu te décides à faire les présentations comme on te l’avait appris, depuis que certains stagiaires avaient atterri à Ste-Mangouste, inconscients, sans que tu ne puisses être capable de les nommer.
« C’est quoi ton nom ? Tu veux du café ? On a p’t’être du thé, s’tu veux, chez les secrétaires, à côté. Moi c’est Murdock. »
On va y arriver, mon grand. Au moins, tu ne lui avais pas demandé comment s’appelait son café, ce qui représentait un progrès considérable.
T’accroches même un sourire un peu flippant de par sa maladresse au coin de tes crocs, dans l’espoir vain de la dérider un peu.


Dernière édition par Bacchus A. Murdock le Dim 15 Mai 2016 - 0:32, édité 1 fois
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Une des secrétaires remet à Imogene un bout de papier blanc et lui indique d'un geste la pièce d'à côté. C'est parti.
C'est obscur, petit, pas vraiment sale, mais en désordre. Elle respire lentement, ce n'est pas ça qui la fera flancher, du moins elle l'espère de toutes ses forces. Elle prend son courage à deux mains et tend le bout de papier vers le premier venu qui, sans conviction, le passe à son voisin. Il la regarde de haut en bas et hausse les sourcils. Elle sait très bien ce qu'il veut dire par là. Avec son allure trop lisse, elle a plus l'air d'une fillette perdue que d'une stagiaire. Peu importe.
Le bougre lui tapote la tête, bouleversant au passage tout l'ordre qu'elle avait mis dans ses cheveux.
« Attends là, petite. Il va pas tarder. »
Elle ferme les yeux pour se calmer. Inutile de se mettre en colère pour si peu. Elle le range quand même dans sa liste de personnes à éviter dans les prochains mois. Juste au cas où.
Elle remet ses cheveux en place, en reniflant avec mépris vers le dos du gourgandin.
Et elle attend. Elle se met à fixer le petit trou de souris du mur d'en face en se matant intérieurement pour ne pas piquer une crise devant tous ces gens qui la trouvent déjà bizarre. Elle doit quand même réprimer un cri d'horreur quand une poignée de cafards décident de jouer les explorateurs jusqu'au meuble d'à côté.

« Il » arrive quelques dizaines de minutes plus tard. Ses grosses bottes font trembler le sol, et à première vue il lui fait penser à un gorille avec une parka sur le dos. Il a l'air impressionnant, mais un peu benêt, peut-être. Un Rafleur tout craché.
Elle risque un regard vers sa direction. Sa tasse de café à la main, encore ensommeillé apparemment, il regarde le courrier en fronçant les sourcils. Elle en profite pour vérifier l'état de sa grosse barbe brune. Au moins, il n'y a pas de nourriture qui traîne à l'intérieur. Il a des égratignures un peu partout, ce qui la fait un peu tiquer. Mais de ce qu'elle peut voir, malgré son apparence négligée, il a l'air propre. C'est déjà ça.
Elle le voit échanger quelques mots avec l'autre troll qui lui a ébouriffé les cheveux. Il balaye un peu la pièce du regard en plissant les yeux et elle tourne rapidement la tête vers le trou de souris avant qu'il ne la voit l'observer.
Elle tient trente secondes. Parce que généralement, au bout de trente secondes, on voit déjà les caractéristiques essentielles d'une personne, et on passe à autre chose. Elle lève les yeux, il la regarde toujours. Raté.
Il n'a pas l'air dérangé par son apparence, plutôt... fasciné ? Elle n'a pas le temps d'étudier la question puisque son collègue lui donne un coup de poing dans l'épaule pour le secouer.
Sentant son moment approcher, Imogene lisse encore un fois d'un coup de baguette sa jupe vieillotte. Elle inspire et plante son regard dans celui du géant. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il a l'air un peu déstabilisé, il se gratte la tête en la regardant de haut en bas.
Il soupire bruyamment et bafouille quelques phrases de présentation. Café. Thé. Murdock. Il s'appelle Murdock.
Son visage se déforme maladroitement pour exhiber une grimace bizarre qu'elle prend pour un sourire. Quel idiot. C'est un élan de déception qui s'empare de la jeune femme. Elle s'attendait à pire, mais quand même... à mieux. Elle tourne brusquement la tête vers le petit trou de souris et lance d'une voix monocorde.
« Imogene Rowle. Non merci. Enchantée. »

Si elle avait su sur quel imbécile elle allait tomber, elle n'aurait jamais mis les pieds ici.
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Ton rictus qu’on était censé assimiler à un sourire se casse la figure quand il ne trouve rien pour s’accrocher sur le visage tout à fait lisse de la demoiselle. Tu grimaces clairement, lorsque tu réalises que ça allait sans doute être plus difficile pour toi que pour elle ; c’était même à se demander lequel de vous deux était le véritable bizuté.
Mais pas question de te laisser marcher sur les pieds ; ou alors, si elle comptait réellement te marcher sur les pattes, tu lui prouverais que ça ne t’empêcherait pas d’avancer, à l’image de ces couples souvent drôlement assortis qui valsaient de la sorte, pour apprendre la cadence. Toi, tu perdrais pas le rythme, et après tout, elle était venue pour voir comment ça se passait dans la ruche. Tu émettais toutefois une réserver sur ses réelles motivations, car il n’était pas rare que les parents des familles socialement élevées se mettent en tête d’envoyer leur progéniture patauger quelques mois chez vous, pour leur apprendre la vie ou du moins la vie des gens pas aussi riches que papa. De fait, vous vous retrouviez un peu trop souvent avec les fils à maman et autres biberonnés à la tétine de cristal.
Mais cette gamine, tu savais définitivement pas si elle avait été élevée de la sorte, ou par des vampires.

Toutefois, t’as pas dit ton dernier mot, et c’est comme si tu voulais lui montrer que toi aussi, on avait essayé de bien t’élever et que regarde, je connais tous les noms de la liste des familles au sang sacré d’Angleterre.
« Rowle. Des sangs-purs, c’est bien » que tu marmonnes, presque pour toi-même, après avoir récité mécaniquement les noms de chaque famille, appris par cœur, grâce à maman parce qu’elle voulait que tu t’intègres bien dans les soirées un peu chic. Sauf que t’avais oublié de lui dire que tu mettais quasiment jamais les pieds dans les soirées chics, si ce n’était pour faire le gorille à l’entrée.

Tu prends le temps de finir ton café, debout en face d’elle qu’on n’aurait pas su dire si vous faisiez partie de la même dimension que les autres occupants de la pièce. Mais t’y fais pas gaffe, ça fait trop longtemps qu’on te considérait comme un drôle d’énergumène, et c’était à croire que tes petits collègues s’étaient lassés de pointer du doigt chacune de tes étranges attitudes. Non, à la place, ils chargeaient les nouvelles recrues de le faire.
En attendant, c’est en pointant des yeux ses maigres chevilles qu’une idée saugrenue germe dans ton esprit. Si elle comptait te tenir tête en se terrant dans son mutisme, tu venais trouver de quoi lui délier la langue. Même si ça allait être davantage pour souffler que pour bavasser.
« Tu sais comment un bon Rafleur démarre une rude journée de travail ? » on remerciera la phrase d’ouverture du prospectus qu’on distribuait dans les écoles de sorciers. Bien entendu, t’attends pas qu’elle te juge pour toute réponse « il va faire du sport, pour se réveiller » le rôle d’instructeur de pacotille te va aussi bien qu’un nez rouge à Rookwood. Mais d’un autre côté, au vu de ton impressionnante carrure qui te ferait passer pour plus grand que tu n’étais, ça se voyait bien que tu manquais pas de rouler des mécaniques chaque matin.
Et t’en connaissais désormais une qui ferait bien de s’y mettre aussi, avant de perdre trois orteils si jamais on lui marchait par mégarde sur le pied. Que ce soit une jeune fille t’importe peu ; tu constates juste qu’elle n’est pas bien épaisse, que son teint est trop pâle et ses cheveux trop longs.

« Ramène ta banane » passons l’expression adressée à la lugubre demoiselle ; t’attends pas qu’elle se mette à réellement rechigner pour attraper quelques affaires dans un casier défoncé au fond de la pièce. Vous sortez de la salle de repos et en deux pas, vous êtes dans les toilettes –pour femmes, cela va de soi, on ne change pas une équipe qui collectionne si consciencieusement les cartons rouges. Tu lui fiches un tee-shirt infiniment de fois trop grand pour elle. « Enfile-moi ça, fais tomber la jupe mais garde tes collants, on va aller s’dégourdir un peu les pattes » Parce que tu comptais bien lui recolorer un peu les joues en rose, avant d’aller passer le bonjour à Rookwood. Il pourrait alors même se féliciter de ton plan sagace.
Tu la pousserais presque dans un cabinet de toilettes, sous les yeux effarés des dames qui s’empressent de quitter le navire comme des rats, après que le gros matou ait mis la main sur une souris. « On va faire un tour dans le Londres moldu, c’pas très ragoutant, mais ça t’f’ra changer d’air » Puis, sans demander ton reste –mais c’était devenu une habitude, ça aussi- tu te défais toi-même de ta parka et de ton hideux pull, exhibant sans intention aucune –parce que Rookwood n’était pas dans le coin à ce que je sache-, tes superbes muscles dorsaux dont la symétrie irréprochable n’était que légèrement altérée par quelques tatouages épars.
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Son entrée en matière a eu son petit effet. Même en ayant le regard rivé sur le petit trou de souris, elle a vu les muscles de son visage s'affaisser. Au moins, il ne porte plus ce sourire idiot. Bien. Si elle doit rester dans une telle jungle, autant qu'elle sache se faire respecter le plus tôt possible.
Elle lui jette un regard en biais. Les interrogations défilent devant les yeux de Murdock. Ce n'est pas une surprise. Avec un corps aussi maigrichon que le sien, on est en droit de se demander comment elle pourra tenir pendant les six mois à venir en compagnie de ces ogres.
Elle l'entend marmonner dans sa grosse barbe brune. Il sait qu'elle est une Sang-Pur. Au moins, il est prévenu. « Les aigles ne volent pas avec les pigeons », comme dirait son père.

Elle l'observe boire son café, l'air pensif. Un petit silence s'installe. Un silence qui dit « Bon, par quoi on commence ? ». Elle se dit que s'il se demande toujours par quoi commencer avec tous les stagiaires, à chaque fois, on est pas sorti de l'auberge.
Soudain, comme s'il avait eu l'idée du siècle, il pointe un doigt au ciel en levant les sourcils. Il parle comme un vendeur de citrouilles. C'est presque comique pour un fort gaillard comme lui. C'est un ton faussement enjoué, on voit bien qu'il n'a pas l'habitude. Surtout qu'elle n'est pas très bon public.
Elle a un moment de latence en essayant d'intégrer ce qu'il vient de lui dire. Du sport. Il veut qu'elle fasse du sport. « Pour se réveiller. » Elle n'a pas besoin de se réveiller, elle est parfaitement lucide, parfaitement attentive, comme toujours. C'est une idée tout à fait absurde. Surtout quand, comme elle, l'effort se résume à se déplacer de son lit jusqu'à la salle à manger. Elle a une pensée bienveillante – pour une fois – envers ses parents, pour qui le mot sport était jusque là un mot d'une langue ancienne et inconnue, morte depuis longtemps dans leur famille.

Il farfouille dans un coin sombre de la pièce et se dirige vers la porte. Ses pas de géant obligent Imogene à trottiner derrière lui sous les regards hilares des autres crétins.
Il ouvre la porte des toilettes pour femmes. Les toilettes pour femmes. Imogene a un petit mouvement de recul. Les toilettes pour femmes ? Est-ce pour la provoquer ou bien... ? Pendant un bref instant, elle craint de finir littéralement la queue entre les jambes d'une minute à l'autre. C'est ça sa définition du sport ?
Il lui jette un vêtement informe sur la tête. Encore ses expressions de vieux pruneau, pour lui dire de se préparer pour courir. Elle soupire presque de soulagement à cette idée. Qu'est-ce qu'elle s'est imaginée ? Il doit juste être habitué à venir ici se changer. Ce qui reste tout de même assez perturbant.
Les rares dames jusqu'ici présentes se précipitent vers la sortie en lui jetant des regards affolés avec des gestes d'oisillons poussés de leur nid pour la première fois. Une image intéressante, qui lui colle un petit sourire sur le visage.

Elle jette un œil suspicieux au gorille à l'autre bout de la pièce. Elle ne s'est jamais déshabillée devant un homme, et elle ne comptait pas le faire aujourd'hui. Elle se dépêche, en faisant le moins de bruit possible, et en essayant de ne pas trop gigoter dans tous les sens en retirant son chemisier. Elle enfile le tee-shirt – propre, ça c'est une surprise – qui sur elle ressemble plus à un sac de pommes de terre qu'à autre chose.
Elle tire un peu sur le bas du tee-shirt pour cacher ses jambes maigrichonnes. Sans montrer une parcelle de peau, elle a l'impression d'être toute nue. Quand elle se retourne, elle constate qu'il a enlevé son haut. Elle constate aussi que ses muscles dorsaux sont symétriques, et elle se ragaillardit en observant la seule chose ici qui lui semble familière. Mais c'est quand même son responsable, ça ne se fait pas. Elle secoue la tête et marche au garde-à-vous jusqu'à la porte. Elle hésite. Est-ce qu'elle a le droit de lui dire de se rhabiller ?
« Les aigles ne volent pas avec les pigeons. »

« Mettez un tee-shirt. » dit-elle simplement, sans bouger.
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Cela tenait certainement d’une vieille habitude qui voulait que les joueurs de Quidditch, à Poudlard, ne faisaient pas vraiment gaffe de qui se changeait où avant les matchs. A croire que vous aviez atteint à l’époque un tel niveau de camaraderie que vous ne reluquiez même plus les filles sous les douches, parce qu’avant d’être une fille, Johannsen était une attrapeuse. De fait, si tu semblais prendre ton temps, c’était tout simplement parce que tu avais remarqué qu’on t’avait gratifié d’un nouveau tatouage dans le creux de l’épaule. Tu avais dû te contorsionner pour le voir, mais tu savais bien que quasiment à chaque fois, les petites siestes un peu n’importe où –et en fait surtout n’importe où- dans la salle de repos des Rafleurs ne restaient pas impunies.
Tu allais pour te brosser les dents pour la seconde fois de la matinée lorsqu’elle te sommerait presque de te rhabiller. Bon, au moins, elle gaspillait pas sa salive à te faire changer d’avis, ce qui aurait eu le don de te rendre plus malicieux, puisque tu aurais alors songé à rallonger votre parcours. T’as l’insolence de pas piger tout de suite qu’elle s’adresse à toi, à voir ton haussement de sourcils, ton temps de latence, et que tu te ferais saigner les gencives, et que tu te rinces la bouche avant de pouvoir lui répondre.
« T’inquiète, j’comptais pas t’crever un œil » que tu ricanes en enfilant exactement le même tee-shirt qu’elle, à ceci près que toi dedans, t’avais pas l’air d’être en chemise de nuit. Au contraire.
C’est que vous seriez presque adorables, ainsi assortis dans vos tee-shirts flanqués du logo du dernier marathon plus ou moins caritatif organisé par le niveau 7, consacré aux sports et jeux magiques, l’un trottinant derrière l’autre alors que vous passez les portes du Ministère.

Vous passez les différents postes et autres passages secrets qui séparaient d’une frontière plus ou moins floue le monde sorcier et le monde moldu. Sans trop de mal d’ailleurs, parce qu’on avait l’habitude de te voir rôder dans les alentours, de bon matin, pour aller courir comme un chien errant.
Vous débouchez finalement dans une rue moldue, déjà grouillante de vies que tu aurais tôt fait d’arracher. Et c’est comme si l’atmosphère lui-même s’en retrouvait modifié, moins lourd, mais tout aussi pesant. T’aimes pas être là mais tu dois reconnaître que la naïveté des Moldus avait quelque chose de déconcertant, à être ainsi détachés des événements –quand bien même tu étais acteur de cette ère sombre- pour vaquer à leurs quotidiens, sans faire attention à vous.
Et en effet, d’accoutumée, dans le monde magique, on avait tendance à te dévisager, soit parce que tu faisais trop sale, soit trop peur, soit parce que t’étais la traînée de poudre qui filait les sombres auras des Mangemorts. Ici, les regards étaient un peu moins de travers, même si aujourd’hui, les passants risquaient de trouver ça singulier voire même croustillant, de voir cette jeune femme aux formes et au look adolescents te suivre tant bien que mal, avec la même motivation que si on t’avait collé dans les pattes de tout autre Mangemort que Rookwood.

Pour accentuer le ridicule de la situation, vous suivez le même parcours effectué par les jeunes et chics salariés de la City, avec lesquels vous jurez drôlement dans le paysage, avec votre dégaine de duo de cambrioleurs.
Au début, tu vas à ton rythme, jugeant qu’elle te suivait par l’aura négatif qui émanait de sa menue silhouette ; tu ne l’attends pas pour ne pas dire que tu finis par l’oublier, heureux comme un mâtin relâché dans la campagne.
Et puis un moment, alors que t’attendais pour traverser (bah oué, faut bien se coller aux mœurs moldues, depuis cette fois où t’avais failli emboutir une mobylette), tu remarques qu’il manque sa petite ombre menaçante, qui jusque là te lançait de mauvaises ondes, et priant presque tout haut pour que ça s’arrête. Tu fais brusquement volte-face, pour constater qu’en effet, elle ne te suit plus, as ce mouvement grotesque de tapoter les poches arrière de ton pantalon, comme s’il y avait une chance qu’elle s’y trouve.
De mémoire, tu fais marche arrière, sous le regard ébahi des passants que tu viens de croiser. C’est au moment où t’étais sur le point de paniquer (non mais sérieusement, tu n’avais plus essayé de mettre un stagiaire k.o dès le premier jour, depuis le scandale que ça avait suscité avec le jeune Nott), que tu la retrouves, l’air de rien, affalée sur un banc, à côté d’une petite grand-mère qui avait l’air pour le moins plus active qu’elle rien qu’à balancer des miettes aux pigeons. Tu manques d’ailleurs de l’écraser alors que tu poses ta grosse patte sur le banc pour t’étirer, histoire de pas te refroidir.
« Bah alors, miss Rowle, on abandonne déjà ? Tu sais c’qu’on fait là, c’est que dalle par rapport aux vraies poursuites pendant les rafles, hein ? » Tu accentues ton appui, si bien que le banc penche dangereusement de ton côté, et la mamie se retrouve en l’air sans se douter de rien, alors qu’elle range soigneusement ses affaires. « Ton rebelle, là, il s’est déjà carapaté dans le premier trou à rat, hein, c’pas du bon boulot » Tu ôtes ton pied juste au moment où elle décidait de se relever, lui évitant ainsi une mauvaise chute ; après coup, tu l’aurais presque regretté, au vu du peu de respect que tu avais pour les Moldus.

Tu te mets à faire du sur place. « J’me cale sur ton rythme pour commencer, s’tu veux ; mais j’t’assure que c’t’exercice est nécessaire, surtout pour nous, les sangs-purs, ‘faut qu’on s’entretienne. » Oui, c’est ça, histoire de compenser toutes les saloperies que faisaient vos ancêtres entre eux, hein, autant garder la forme, puisqu’on ne pouvait rien faire contre les tares congénitales.
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Heureusement – ou malheureusement ? La symétrie de ses muscles était quand même apaisante – Murdock a remis son tee-shirt, qui soit dit en passant, ne lui donne pas l'air d'un gnome. Il marche en trombe dans les couloirs, Imogene sur ses talons, en grognant à l'approche de quelques curieux. Quel homme étrange. C'est comme s'il avait toujours été là, et pourtant qu'il n'appartenait pas à ce lieu. C'est peut-être quelque chose qu'ils ont en commun, au fond. Elle secoue la tête. Sûrement pas.
Les couloirs sont interminables et elle est déjà fatiguée. Mais comment font-ils tous pour s'y retrouver ? Ils sortent enfin dans la rue, et pour la première fois de sa vie, Imogene est cernée par les Moldus. Elle n'en avait jamais vu autant à la fois. Elle trottine distraitement derrière le Rafleur, en essayant d'attraper du regard tout ce qui la sépare de ces gens qui ne se doutent même pas qu'un autre monde existe. Ils sont tellement... différents. Bizarres. Trop bizarres pour Imogene, qui ne peut pas se résoudre à les trouver attachants. Ils sont aveugles. Ils sont inutiles. Mais c'est presque rafraîchissant de voir l'ignorance béante sur leurs visages. Ces visages qui la regarde un peu bizarrement d'ailleurs. Il faut dire que Murdock et elle font bien la paire. C'est ironique.

En parlant de Murdock, où est-il cet abruti ? Et voilà, comme elle s'y attendait, il va beaucoup trop vite pour ses petites jambes. Elle tourne et se retourne au milieu de la foule, sans oser crier son nom. Pendant un instant, elle sent la panique l'envahir. Elle le traite de tous les noms de crapauds et de gnomes de son répertoire tout en balayant la foule du regard. Et voilà, elle est perdue. Foutue pour foutue, elle décide de s'asseoir -ou plutôt de se vautrer- sur un banc pas très loin, là où une une petite vieille dame rabougrie balance des gros morceaux de pain aux quelques pigeons qui se battent en duel. Au moins elle n'a pas à courir.

Elle regarde la vieille lancer son pain aux pigeons l'air de rien. C'est plutôt paisible comme ça. Ce serait bien si Murdock pouvait ne plus revenir.
Mais évidemment, le voilà qui arrive au galop. Et voilà qu'il joue au donneur de leçons. Et patati, et patata, c'est ça, c'est ça... Il est juste ridicule dans son legging moule-fesses. Ce n'est pas comme ça qu'elle va le prendre au sérieux. Et en plus, c'est de sa faute, il n'avait qu'à aller moins vite. Il étire ses grosses pattes devant elle, qui se demande quand même comment un homme de sa carrure peut être aussi souple. Si elle essayait de faire la même chose, elle serait juste bonne à se coller un mal de dos.
La petite dame rabougrie se lève, et avec elle le seul soutien visible d'Imogene.

Elle regarde les pieds de Murdock faire du sur place d'un air moqueur. On dirait une ballerine. Mais bien sûr, fatigue-toi, je n'ai aucune intention de bouger d'ici. Elle ferme les yeux en essayant d'oublier sa présence, mais il persiste, le nigaud. Il veut se caler à son rythme. Mais quel rythme ? Il l'a regardée, elle et son petit corps mourant ? Elle n'ira pas bien loin, et de toute façon elle n'en a pas envie.
Et s'il croit lui faire peur, il peut se fourrer sa baguette dans l’œil. Elle peut rester assise sur ce banc toute la journée, s'il le faut. Elle ignore ses sourcils en pointe et fixe le lointain, se demandant vaguement si elle pourrait le semer en courant de toutes ses forces jusqu'au coin de la rue. Et puis non, il la rattraperait en deux foulées et elle serait juste dans de beaux draps. Elle sent la tête de Murdock entrer dans son champ de vision. Son visage béat s'agite à quelques centimètres du sien. Connaît-il la notion d'espace personnel ?
« Et si je dis non ? »
Puis elle se lève, l'air triomphant. Elle passe devant lui sans le regarder. Quelle prestance. Quel charisme. Elle fait quelque pas en caressant son ego quand elle s'aperçoit qu'elle ne sait pas comment rentrer toute seule. Elle reste immobile un instant, en essayant de se souvenir du chemin parcouru. Et puis tant pis. Elle tourne les talons et se rassoit sur le banc, sous les yeux médusés du Rafleur. Allez, si elle garde l'attitude, elle pourra -peut-être- rester digne. Mais elle vient juste de s'attirer des ennuis.
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Son impertinence te cloue sur place ; la première fois sans doute depuis que vous avez quitté le Ministère. C’est sous ton regard médusé qu’elle prend ses clics et ses clacs et qu’elle fait demi-tour, dans une direction que tu aurais qualifié de totalement random. Elle a l’air de s’en rendre compte aussi puisque, toujours sous tes yeux ébahis, elle s’arrête soudainement, avant de revenir sur ses pas et de se rassoir sous ton nez, comme si rien ne s’était passé.
T’en reviens pas qu’elle essaye de garder une once de dignité à ce moment-là.
T’attends qu’elle ait bien mariné dans son embarras –un vieux tour que t’avais emprunté à Rookwood-, avant de croiser les bras et de la considérer, non sans un rictus en coin pas vraiment bienvenu.
« C’est bon, t’as fini ton cirque ? » que tu commences en prenant ton temps, le sourcil haussé.
A peu de détails près, on aurait pu croire que vous étiez un couple de gens bizarres, tu sais, genre ceux habillés bizarrement et complètement sans gêne, qui règlent leurs disputes en les étalant dans la rue comme du fumier.
A ceci près que vous n’étiez pas en couple, bien entendu.
« Bon alors, euh, déjà, on va s’calmer ? » Ouais voilà, on dirait davantage un père et sa fille. Mais toujours aussi gens bizarres. « Et deuxièm’ment, ch’ais pas c’qu’on t’a mis en tête, mais t’es pas censé désobéir, j’te signale ; t’es qu’une stagiaire. » Parmi tant d’autres, mais il fallait avouer que celle-ci, contre toutes attentes, te donnait d’ores et déjà du fil à retordre « J’en ai maté des plus féroces que toi, alors tu lèves ton noble fessier de ce banc, ou j’t’embarque avec. »

Toutefois, la demoiselle était aussi têtue que tout le second étage du Ministère réuni (à croire que c’était un atout, pour ne pas dire un incontournable, afin d’y travailler). De fait, tu poireautes comme un imbécile et en vain, puisqu’elle ne bouge pas d’un poil. T’as même pas attendu particulièrement longtemps qu’elle se bouge, mais disons que toi et la patience, ça faisait quelques années-lumière.
Du coup, tu roules les manches de ton tee-shirt, te campes bien sur tes appuis au sol et te baisses pour arracher le banc au sol. Y’avait déjà quelques passants qui ralentissaient leur allure pour se moquer de vous, mais là, c’est quasiment toute la rue qui se retourne vers vous, en retenant son souffle. Toi, de ton côté, tu souffles comme un bœuf à cause de l’effort, sans rien remarquer, comme si tu ne faisais que de banals étirements.
Cependant, malgré ce petit tour de force, tu risques pas d’aller bien loin avec un banc sur l’épaule et une gamine en équilibre dessus.
« Hé vous là-bas ! C’est de la détérioration de biens publics ! » Tu mets un temps avant de piger que c’est à toi qu’on s’adresse « Vous exagérez, j’l’ai à peine touché, elle a rien, la d’moisell… » que tu t’interromps, alors que tu faisais volte-face pour voir qui était l’importun qui venait se mêler de ce qui ne le regardait pas. « Par Merlin, la police moldue ! » que tu t’exclames, te frappant le front, avant d’embarquer la jeune Rowle littéralement sous ton bras, comme le sac de pommes de terre dont elle avait l’allure.
« Eh, mol-quoi ? Il nous a insultés, là ? » demande le flic à son collègue. Un haussement d’épaule plus tard et les voilà à votre poursuite, ou plutôt surtout à la tienne, vu qu’Imogene, elle, elle ne court pas, même si elle bat des bras et des jambes plus que jamais pour que tu la fasses descendre « Ecoutss, j’te lâcherai bien, mais y’t’tomberaient sur l’coin d’la goule aussitôt ; et j’ai pas envie d’venir te récup’ au commissariat moldu… alors lâche mon oreille, s’il-te-plaît, elle est sensible ! » que tu craches en secouant la tête, comme si une mouche te vrombissait dans ton oreille blessée il y a quelques années de ça.

L’exercice routinier devient tout de suite plus intéressant quand y’avait un peu d’adrénaline en plus. Tu cavales dans les rues un peu trop propres à ton goût, guettant une ruelle dans un coin un peu moins propre, un peu plus lugubre, qui aurait pu être tout autant un passage secret vers votre monde à vous. Un Stupefix ou deux et vous auriez été sortis d’affaire. Mais en plein jour, c’était pas vraiment conseillé ; et puis, t’avais les mains occupées à maintenir la demoiselle en place. « Bah tu vois, quand tu veux, tu sais –aïe, mon nez !- gesticuler quand même ! »

Tu finis par bifurquer dans une allée un peu glauque, sans oser jeter des regards derrière toi. T’aurais peut-être dû en jeter un peu plus devant, parce que tu te rends compte trop tard que vous êtes dans un cul-de-sac.
Mais comme on dit dans la Ruche des Rafleurs, aucun cul(-de-sac) ne résiste à Murdock. De fait, tu adoptes ta stratégie favorite : foncer dans le tas. Et en l’occurrence, dans le cas présent, le tas était une petite palissade de bois vermoulu. Une poubelle te sert de tremplin, et en un bond, tu t’accroches à la barrière pour passer par-dessus, leggings violet moche le premier, quitte à ce que, dans la précipitation, tu n’entendes pas le léger craquement du tissu élastique se déchirant à un clou rouillé.
Et une fois de plus, ce n’est que trop tard que tu captes que votre piste d’atterrissage serait… une benne à ordures, dont le couvercle se referme sur vous aussi sec.
Décidément… ces six mois risquaient d’être très longs.
Tu roules difficilement sur le côté, peinant à trouver un équilibre dans les sacs poubelle s’écroulant sur vous. L’odeur est atroce, mais ‘faudrait pas que t’écrases mademoiselle en plus de ça. Au vu de ses manières, elle doit clairement pas être à l’aise. Du coup, avant qu’elle ne pète un câble et ne vous fasse repérer, tu lui pinces le nez et les lèvres, pour la réduire au silence « J’veux pas un bruit, ma grande » que tu siffles entre tes dents, l’oreille contre la paroi de la benne, pour essayer d’entendre où en étaient les deux policiers qui vous coursaient. « J’crois qu’ils vont bientôt faire demi-tour… »
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Imogene n'est pas fière, mais elle est prête à jouer à l'enfant gâtée si ça peut lui éviter de remuer son derrière. Elle ressent une pointe de culpabilité, tout de même, en pensant à Murdock qui devra supporter son sale caractère pour les six mois à venir. Ce même Murdock qui est actuellement en train de lui refaire la leçon, avec son air nonchalant et les sourcils en pointe. C'est vrai qu'elle est tombée bien bas sur ce coup. Mais en même temps, il faut savoir se battre pour ses convictions, non ? C'est ce que ses parents se sont toujours évertués à lui répéter.
Les passants les regardent d'un air inquiets, comme s'ils préparaient un mauvais coup. C'est encore Murdock qui attire l'attention, avec son legging violet et ses airs de sale bonhomme.
Elle ne prête pas attention à ses menaces, de toute façon c'est toujours comme ça.
« Tu lèves ton noble fessier de ce banc, ou j't'embarque avec ! »
Mais bien sûr. Malgré ses muscles proéminents, il serait tout à fait incapable de soulever un banc. Et puis ce serait complètement stupide. Une autre manière d'attirer l'attention et d'avoir des ennuis. Personne de sensé...

Elle ouvre des yeux ronds. Il faut croire que Murdock n'est pas une personne dotée de bon sens puisque quelques secondes plus tard, à sa grande surprise, il se penche et arrache le banc du sol, avec la tête d'un centaure constipé.
Imogene se retrouve en équilibre dans les airs, devant une foule médusée.
« M-m-mais... »
Elle a envie de lui crier qu'il est complètement débile, mais elle est bien trop choquée par ce qui vient de se produire.

« Hé vous là-bas ! C'est de la détérioration de biens publics ! »
Ils relèvent tous les deux la tête vers deux hommes qui, malgré tout impressionnés, trottinent vers eux l'air menaçant. Des policiers. Des policiers moldus ! Avant qu'elle ait pu dire quoi que ce soit, Imogene se fait embarquer dans les bras de Murdock, qui se met à courir en espérant les semer. Il ne fait qu'envenimer encore plus la situation, cet imbécile ! Et en plus il la touche ! Beuark ! Non mais il s'est pris pour qui ?
« Mais lâchez-moi espèce d'imbécile ! » Évidemment, il ignore ses vociférations.

Il court tellement vite qu'Imogene a des hauts-le-cœur, balancée dans tous les sens. C'est aussi dû au fait qu'elle doit manifester son mécontentement en se balançant dans tous les sens, même si au fond elle est quand même un tout petit satisfaite de ne pas avoir à courir. Mais ça il ne doit pas le savoir.
Il traverse des rues et ruelles qu'elle ne connaît pas, et elle ne peut s'empêcher de se demander s'il sait où il va. Il a forcément un plan, non ? Quoique, benêt comme il est, peut-être pas...
Il débouche sur une énième ruelle qui mène à un cul-de-sac. Et bien voilà, maintenant, ils sont foutus de chez foutus. Tout ça à cause de ce crétin !
Finalement, il trouve un moyen de les faire sortir de là, mais alors qu'elle se croyait sortie d'affaire, voilà qu'ils tombent dans une benne à ordures.
Une benne à ordures. Une benne. A ordures. Imogene Rowle. Dans une benne à ordures. Son cerveau l'abandonne quelques instants. Elle s'apprête à hurler quand il lui barre la bouche et le nez. Elle manque de s'évanouir. Mais pourquoi il pose ses sales pattes sur elle ? Et en plus, c'est complètement stupide, elle ne peut plus respirer. Elle a beau se débattre dans tous les sens, impossible de lui faire lâcher prise. Elle sent ses forces l'abandonner peu à peu au fur et à mesure. Elle étouffe ! Mais quel idiot ! Elle se répète intérieurement tous les mots d'oiseaux qui lui viennent à l'esprit en gigotant faiblement. Au bout d'un moment qui lui semble être une éternité, il relâche finalement son étreinte. Elle reprend bruyamment son souffle en le gratifiant d'une grosse claque sur le bras.

Les deux policiers doivent être partis puisqu'il ouvre la benne et la regarde d'un air triomphant, l'air de dire « Alors, c'est qui le meilleur ? ». C'en est trop pour Imogene. Elle crache les morceaux de déchets qui lui étaient tombés dans la bouche avant d'exploser de colère.
« Vous ! »
Elle sort de la benne en rejetant violemment la main qu'il lui tend. Elle manque quand même de se casser la figure en sautant de la poubelle, ce qui la rend d'autant plus vexée.
« VOUS ! »
« Moi ? » dit-il en se pointant du doigt.
« ESPECE D'ABRUTI !... ESPECE DE... DE... DE SALE GOULE REPUGNANTE !!! »
Elle n'a rien trouvé de mieux. Il se gratte la tête pendant qu'elle constate l'étendue des dégâts. C'est catastrophique. Ses cheveux sont mouillés, et elle ne préfère pas savoir de quoi, et elle peut sentir la saleté sur chaque parcelle de sa peau.
Elle a la tête qui tourne, ce qui l'oblige à s'accrocher au mur qui lui fait face.
On inspire. On expire. On compte jusqu'à dix. On ne pense pas. On ne pense surtout pas à ça.
Et elle qui s'était promis de ne pas craquer dès le premier jour...
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Tu penses avoir réussi à la calmer quand tu la sens s’agiter de moins en moins sous ta poigne. Tu étais loin de t’imaginer qu’elle lâchait prise dans tous les sens du terme, parce qu’elle était au bord de l’évanouissement. Voilà ce qui arrivait quand un champion de natation avait l’habitude de faire les 400 coups avec une nénette incapable de ressentir la douleur. On aurait peut-être mieux fait de ne jamais te faire rencontrer Nannie, le genre punching-ball qui ne se plaignait jamais ; loin de te calmer, ça n’avait fait que te faire développer des réflexes un peu trop… brusques, voire carrément insensés pour des plus faibles que toi.

Et heureusement pour vous que les deux flics aient abandonné les recherches puisque la tape sur ton bras claque dans un bruit sourd. Mais il en faudrait plus de la part d’Imogene pour t’arracher ton victorieux sourire de celui qui a enfin réussi à vous sortir d’un sacré bourbier. C’est que c’était pas tous les jours que t’en avais des idées du genre… et ça n’était peut-être pas plus mal au fond.
Tiens, tu vas même continuer sur ta lancée et la jouer galant homme. D’un bras levé, tu maintiens la porte de la benne ouverte, tandis que tu lui offres ta main – toute boueuse de bouillie de déchets ou de tu ne préférais pas savoir quoi- pour qu’elle se hisse à l’extérieur.
Mais l’ingrate demoiselle la refuse avec une vigueur que tu ne lui connaissais pas encore. Sans te laisser démonter pour l’instant, tu te dis qu’elle ne sait pas ce qu’elle loupe, ah bah si en fait, puisqu’elle se trébuche bien dessus avant d’atterrir sur la terre ferme.

D’un autre côté, toi non plus, tu ne savais pas ce qui t’attendait. T’entends à peine l’inspiration qu’elle prend, rouge de fureur –ou plutôt rose vu sa peau d’un blanc presque transparent.
T’étais en train de décoller une peau de banane abandonnée sur ta fesse lorsqu’elle se décide enfin à te cracher à la figure une insulte que tu pensais désuète depuis des siècles, ce qui a le don de t’arracher une expression de merlan frit.
Toutefois, tu seras bon seigneur et ne ripost-… oh et puis m*rde, c’en était trop.
« Hé oh, ma p’tite dame, j’te signale qu’sans la goule répugnante, tu s’rais paumée chez les moldus ou aux mains d’leur police ! » cela étant dit, sans la goule répugnante, elle n’aurait même pas eu à se rendre dans le monde moldu. « Alors j’aim’rais bien qu’tu fasses preuve d’un peu plus d’reconnaissance ! » Mais la gueuse, à défaut de reconnaissance, va même jusqu’à te tourner le dos, alors qu’elle s’appuie difficilement contre le mur noir de la ruelle.

Pendant un court instant, t’as peur qu’elle se mette à chialer. Ce qui serait le pompon. Parce que c’est certainement la situation que tu sais le moins gérer. « Ok, c’était p’t’être pas l’idée du siècle » reconnais-tu en désignant les puanteurs que vous êtes « mais une douche, et c’est réglé ! tu vas pas me faire une tragédie grecque pour quelques taches de gras sur un tee-shirt qu’est même pas l’tien ! C’est des choses qui arrivent, hein ! Mais pas étonnant qu’tu saches pas ça, vu qu’t’as toujours eu quarante elfes de maison pour te torcher l’cul ! » Tu pouvais parler, t’en avais eu aussi des elfes de maison, sauf que tu les chassais quand ils s’approchaient trop de toi.
C’est que t’avais de la verve quand tu voulais. Maintenant que tu y repensais, vrai qu’elle était particulièrement tirée à quatre épingles quand tu l’as vu pour la première fois. Mais, loin de te douter qu’elle était devenue maniaque de l’ordre suite à une sordide affaire, tu mettais ça sur le compte d’une éducation un peu trop bonne. Pour cette raison, tu t’étais donné la mission de faire bouger un peu tout ça et de lui montrer en quoi consistait la vraie vie pour ta part, soit, savoir se salir les mains.
Et en effet, tes mains sont tellement crades que t’oses même plus en poser une sur l’épaule gracile de la jeune femme.
« Ça va, j’ai compris » grommelles-tu « j’te ramène au Ministère, alors arrête de pleurnicher »
Bacchus Murdock, palme d’or du pire maître de stage rafleur depuis 1997.
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Inspire. Expire. Inspire. Expire. Tu es une grande fille. Ça suffit.
Ses yeux tentent de se raccrocher à un détail, un détail sans intérêt, mais qui aurait toute son importance maintenant. Juste maintenant. Sa tête est pleine et vide à la fois. Les pensées défilent, mais c'est trop dur de se concentrer. Qu'est-ce qu'avait dit sa mère ? Pense à quelque chose qui te calme. Mais penser, c'est déjà trop compliqué. Elle tente de lutter contre les souvenirs qui ressurgissent un à un.
Tu vois bien que ce n'était pas si difficile...
Ses parents avaient raison. Elle est incapable de se débrouiller toute seule. Ils l'avaient prévenue, elle n'arrivera jamais à tenir. Elle voulait leur prouver le contraire. Elle voulait leur montrer qu'elle pouvait se débrouiller toute seule, qu'elle pouvait très bien arriver à quelque chose. Rien qu'une fois elle voulait commencer et finir quelque chose du début jusqu'à la fin parce qu'elle s'en pensait capable. Mais elle avait tort.
C'est bien, Imogene, je suis fier de toi...
Imogene reprend son souffle tant bien que mal. Encore une crise. Le premier jour. Après tous ses efforts, après toutes ses promesses, après s'être préparée au pire il fallait que ce sale bonhomme fiche tout en l'air en la balançant dans une poubelle ! UNE POUBELLE ! Aberrant.
Elle ne sait pas ce qu'il y a de pire. De craquer là, maintenant, devant une poubelle dans une ruelle sale, le dernier endroit sur Terre où elle aurait pensé se retrouver un jour, après avoir investi tous ses efforts, ou le fait de se retrouver là avec cet espèce de plouc en leggings violet.
Je suis fier de toi...
Leggings violet. Le leggings violet ! La jeune femme ferme les yeux en visualisant le Rafleur dans sa tenue de gym absolument ridicule. Cette crétinerie affichée a quelque chose de réconfortant. Fait tout à fait navrant, imaginer ceci calme petit à petit la petite chose.

«J’te ramène au Ministère, alors arrête de pleurnicher »


Ses mots la ramènent à la réalité. Elle sent tout à coup les briques froides sous ses mains, et son visage se décontracter. Malgré tout, elle ne sait pas si c'est une défaite ou une victoire. Elle n'est pas aussi satisfaite qu'elle l'aurait cru.
Elle se détache dur mur de pierres et reprend sa posture droite comme un piquet. Elle lisse de nouveau son tee-shirt trop grand d'un coup de baguette, enlève les restants de détritus sur sa noble personne et remet ses cheveux en place.
Quand elle se tourne vers le Rafleur, elle tente de ne rien laisser échapper. Elle sent que si elle ouvre la bouche, elle va se mettre à pleurer. Et plutôt finir en pâté pour dragon plutôt que de lui donner raison.

Mais même si elle veut garder fière allure, elle marche derrière lui et garde la tête baissée sur le chemin du retour. Elle regarde le leggings violet bouger au fur et à mesure du cycle de marche du malandrin. Il a l'air un tout petit peu moins ridicule, on dirait. Mais comme tout à l'heure, les Moldus ne les regardent pas d'un bon œil. Surtout que Murdock n'a pas pris la peine d'enlever cette trace de sauce mal placée sur son arrière-train. Mais le gourgandin n'en a que faire.

Ils finissent par quitter le monde Moldu et se rapprocher du Ministère. Imogene prend un peu peur. Et s'il disait tout à ses supérieurs ? A ses collègues ? On se moquerait d'elle, ou on la renverrait chez elle. Ses parents la renieraient, sa famille serait à jamais déshonorée à cause de sa faiblesse, tout le monde la pointerait du doigt en lui jetant du crottin d’hippogriffe... Elle ne peut pas laisser faire ça, mais supplier, c'est admettre la faute. Et supplier ce bélître...
Alors supplier ? Ou ne pas supplier ? Ou menacer ? Ou mentir ?

La distance est de plus en plus courte. Le regard toujours rivé vers le leggings violet, Imogene se projette toutes les solutions possibles, en pesant le pour et le contre. Ses doigts triturent nerveusement sa baguette. Que faire ?

Alors que Murdock s'apprête à passer la porte du Ministère, la jeune sorcière le retient par le tee-shirt, en faisant extrêmement attention à l'attention où elle pose ses doigts. Il se retourne avec un mouvement d'impatience.

Elle lâche le tee-shirt et lui lance son regard le plus neutre possible pour dissimuler son trouble.
« Ne dites rien à personne... »
Elle déglutit avant de dire le mot magique.
« S'il vous plaît. »
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