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fragile n.4

Comment décider qui mérite notre aide ? Qu'ils en aient besoin devrait suffire

25 MAI 2003 ; {#}Nyssastra{/#} 1

C’est un peu étrange. Et machinalement, ses doigts se perdent sur la toile précieuse de la robe, contre le ventre. Il n’y a plus de douleur, plus de blessure. Nyssandra sait pourtant qu’ici, la chair était déchirée et que le sang s’enfuyait sous la peau intacte. Que ça n’était pas plus tard qu’hier, et que maintenant, tout est soigné. Nyssandra sait qu’elle a failli mourir à peine vingt-quatre heures plus tôt (et pourtant, elle ne s’est jamais autant sentie en forme qu’aujourd’hui).

« Tu as mal ? » demande Aramis, alité et inquiété. Et elle secoue la tête, la main délaisse le ventre (rien n’a changé, et pourtant tout a changé – c’est un peu étrange). Les doigts viennent accrocher un pendant en diamant autour du cou gracile tandis qu’elle l’observe avec un sourire à travers le miroir de la coiffeuse. Tout à son contraire, il est plus marqué qu’elle, la jambe explosée et l’épaule bandée. Il est plus marqué qu’elle par ce qu’il s’est passé sur tous les plans. Il a encore la peur au fond des yeux à l’idée qu’elle meure (et c’est vraiment étrange parce que Nyssandra a toujours eu peur de mourir, et elle n’a pas eu peur, elle n’a pas peur). « Tu es sûre ? » Il insiste. Il ne veut plus vraiment la croire quand elle dit qu’elle va bien. Tu as menti, tu as failli m’abandonner, a-t-il craqué quand ils sont revenus à la maison et qu’il a voulu l’examiner et tout vérifier. Sentir qu’elle était encore là contre lui. « Certaine, Amour, glisse-t-elle en venant s’installer à ses côtés, les jambes nues pendant contre le bord du lit : Ce n’est pas moi qui ne pouvais pas bouger cette nuit. » Sur le coin de la bouche, un baiser se perd, ponctué d’un sourire un peu taquin. C’est lui qui a voulu l’aimer ; elle aurait préféré qu’il se repose. Elle n’a cédé qu’aux caresses brûlantes de ses mains amoureuses quand il l’a allumée de baisers tremblants, d’étreintes fuyantes et « au final, c’est moi qui ai tout fait ». Il fait un peu la moue, et c’est un rire qui perle de ses lèvres ourlées d’un rouge sophistiqué quand il fait remarquer que c'est elle « voulais retirer mon pantalon sous les décombres. »

« Est-ce que tu dois vraiment y aller ? » Elle hoche la tête, acquiesce soudainement plus grave. Aramis n’aime pas Astoria. Et elle doit avouer qu’elle n’apprécie pas non plus la petite brune, princesse de rien. Mais c’est important. « Tu sais bien que oui. » L’invitation a déjà été lancée, hier, d’un trait de plume assuré ; dans le sac noir et violine offert par Aramis, il y a un parchemin où Astoria lui donne le lieu de rendez-vous et Nyssandra n’est pas de ceux qui posent des lapins. « Je ne l’aime pas. » « Moi non plus, mais il faut que je lui parle de Scorpius. » Parce que Nyssandra a failli mourir, parce qu’elle a réalisé qu’elle n’avait plus aussi peur de mourir qu’avant. Elle a toujours cru qu’elle aurait assez peur d’y passer pour passer son tour et revenir à son filleul. Mais, pour Aramis, elle accepterait de ne pas survivre, de ne pas retourner auprès de Scorpius. Seulement Scorpius a besoin de tendresse maternelle, d’affection. (Draco a besoin qu’on lui rappelle qu’il ne doit pas imiter l’éducation de son père, autrement il fera n’importe quoi et ça blessera Scorpius, ça fera une autre génération d’Aramis, de Draco et de Pansy) Alors, peut-être que, finalement, il serait bien que Scorpius récupère une mère. Juste au cas où Nyssandra n’a plus assez peur de la mort.

C’est pour ça qu’elle esquive l’étreinte d’un Aramis décidé à la garder.
C’est pour ça, aussi, qu’elle pousse la porte de ce restaurant caché dans un coin de Diagon Alley.

« Nyssandra. Je suis très contente de te voir. J'ai été soulagée d'entendre que toi et Aramis alliez bien. Permets-moi de te réitérer mes félicitations pour votre mariage, c'était très somptueux! » Un instant, Nyssandra est désarçonnée par l'attitude de cette fille qu'elle méprise profondément. Puis la méfiance vient aussitôt, une petite voix lui rappelle qu'Astoria est la fille de Wyatt Greengrass ; et qu'importe sa futilité, ou son inutilité, la brune ne peut pas être en train de lui décocher des clins d’œil et de lui déballer toute la panoplie des amies complices. Pas sans avoir une idée derrière la tête. « J'espère que la jambe d'Aramis ne le fait pas trop souffrir ? » Le sourire de Nyssandra, lui, n'atteint pas les yeux fauves qui étudient Astoria, et un sourcil s'arque à l'étonnante question de sa vis-à-vis. « Aramis va bien., déclare-t-elle, sobre. Le regard continue de détailler Astoria avant de souffler : Il n'a pas demandé de tes nouvelles. » Why are you suddenly playing it all friendly? Elle veut poser la question, la méfiance au coin de la bouche, mais une serveuse arrive, son exubérance en étendard. Elle est ravie d'avoir de telles clientes dans son restaurant, ça lui fera des choses à raconter sur son MSN, imaginez-vous le scoop : Astoria Greeengrass et Nyssandra Lestrange ensemble dans son restaurant ! Tout le monde a toujours tellement eu à dire sur le fait que Nyssandra ait sidé avec Draco Malfoy, et personne n'ignore la distance polie, mais trop grande pour une mère et une marraine, qu'ont toujours gardé les deux femmes. Alors, curieuse, la serveuse fait un peu de zèle et annonce le plat du jour, conseille un plat plutôt qu'un autre parce qu'elle a lu dans une interview que l'un préférait ça, que l'autre aimait mieux ça. « Que prendrez-vous ? » demande-t-elle enfin. Sous le regard de la serveuse, Nyssandra décoche un sourire charmant à Astoria. Et si elle n'a sincèrement aucune idée de ce qu'elle souhaite manger (peut-être qu'elle aurait simplement pu l'inviter pour le thé, finalement), elle prend le ton du critique gastronome, rôle qu'elle improvise parfois pour sa chronique : « Tu es l'habituée ici, que me conseilles-tu de prendre ? »

Sans dévier d'un choix, elle se pliera aux recommandations culinaires d'Astoria, glissera qu'elle a hâte de goûter tout ça - à moitié par sincérité, à moitié parce que Nyssandra est comme ça, à tester, à évaluer les gens sans cesse. Et elle a passé tant d'années à trouver cette fille méprisable, sans intérêt et sans valeur propre. Tant d'années à la mépriser. Elle a besoin de lui trouver une qualité, un point positif - même le plus minime - pour se résoudre à accepter qu'Astoria approche de Scorpius, pour envisager qu'Astoria puisse jouer, un jour, son rôle de mère avec lui. « Est-ce que tu l'aimes ? » demande-t-elle quand elle juge la serveuse assez loin pour ne pas laisser traîner une oreille (ça ne regarde qu'elles après tout). « Est-ce que tu aimes Scorpius ? » Scorpius. Et pas ton fils. Nyssandra ne lui reconnait pas encore ce droit.