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Ce samedi-là, la famille Keller était au complet au manoir. Du moins, ce qu'il en restait.
Les tourments de Madame Keller l'accompagnaient où qu'elle aille, comme un dangereux voile noir qui semblait pouvoir ôter toute beauté et tout émerveillement à quiconque passait dans son ombre. La femme, dont les rides étaient de plus en plus visible chaque jour que Dieu faisait, restait cloîtrée dans son boudoir. Elle lisait ou regardait dans le vide mais, Aloys en était sûr, toutes ses pensées étaient tournées vers les souvenirs qu'elle gardait de sa famille autrefois paisible. Kratos, leur elfe de maison, passait plus de temps avec qu'elle que ses trois enfants réunis. Tous lui en étaient gré et le benjamin peut-être plus que les autres car il ne parvenait parfois plus à la regarder tant elle lui inspirait du chagrin et de la détresse. De plus, il n'osait l'avouer ouvertement mais il la tenait aussi souvent que possible pour responsable du malheur dont il avait été la victime et Ulrich le bourreau. Quelle mère laisse ses enfants se déchirer et se détester autant que les Keller ?
Dans sa chambre, Aloys lisait un livre sur la médicomagie que lui avait prêté Taylor. Il en dévorait chacune des pages, répétant de temps à autres à voix haute quelques informations pour mieux les retenir, et semblait avoir oublié que, à quelques mètres seulement, son frère haï vaquait lui aussi à ses occupations.
Cette semaine avait été calme pour le jeune homme qui avait passé le plus de temps possible à Ste-Mangouste, jonglant entre les heures pour lesquelles on le payait et celles qu'il faisait, en plus, auprès de son mentor, deux étages au-dessus du sien. Il n'avait guère eu le temps de subir les brimades d'Ulrich ou les assauts désespérés de sa sœur qui paraissait lui consacrer toujours un peu d'énergie. Kathrina menait sa vie à elle mais elle tentait souvent de reprendre contact avec son jumeau, de la manière la plus douce et bienfaisante qui soit. Et, à chaque fois, Aloysius se faisait un plaisir de la renvoyer paître, l'entendant parfois pleurer suite à leur dispute, sans en ressentir le moindre remords. Ou plutôt, en tentant de se convaincre qu'il n'en ressentait aucun. Car, au fond de lui, dans une partie de son âme qu'il pensait parfois damnée, il détestait chaque phrase cinglante qu'il destinait à sa sœur, et se haïssait d'autant plus de ressembler à ce point à Ulrich. Toutefois, c'était un besoin irrépressible qui l'obligeait à être aussi acerbe et cruel vis-à-vis de Kathrina et il ne semblait faire aucun effort pour contenir cette envie.
Tandis qu'il était plongé dans son livre, totalement indifférent à ce qu'il pouvait se passer au manoir,  Aloys fut surpris par trois coups contre sa porte. Il se redressa aussitôt, posant l'ouvrage et hésitant une seconde avant d'approuver l'entrée de l'intrus. Une grimace lui tordit les lèvres et il lâcha un « oui ? » un tantinet forcé. La poignée s'abaissa et il vit apparaître, dans l'ouverture, la silhouette menue de sa sœur. Elle tenait à la main un plat dans lequel d'adorables et traîtres petits muffins lui firent instantanément de l'oeil. Bien qu'Alo sut sans un nuage de doute, ce que Kathrina venait lui proposer, il lâcha :

-Qu'est-ce que tu veux ?

Son ton était aussi sec qu'à l'habitude, si bien que parfois, il se demandait si Kathrina se souvenait encore des fois où il avait pu lui parler tendrement, qui étaient rares et remontaient à l'époque où Ulrich commençait seulement ses études à Poudlard. Il la toisait d'un regard qui traduisait son mécontentement d'être dérangé. C'était désormais la seule façon qu'il avait de considérer sa sœur quand elle était présente. Pourtant, et il aurait pu l'avouer à quiconque aurait pu taire ce secret, il l'aimait encore bien plus qu'il ne saurait le dire.



Dernière édition par Aloysius Keller le Dim 22 Fév 2015 - 17:24, édité 1 fois
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Ce samedi après-midi, je m'étais décidé à faire des muffins. J'adorais ça et après maintes essayages, j'avais réussi à faire ce que j'aurai dû apprendre avec ma mère. C'était peine perdue car elle était de plus en plus absente. Toujours dans son boudoir, je m'y rendais le moins possible. Elle m'inspirait que de la peine et me rappelait encore une fois ce que je pourrais devenir comme ça si je perdais à nouveau un membre de ma famille. Ulrich faisait partie des dernières personnes que je voulais voir disparaître ou entreposée dans le caveau familiale même si au fond, il avait déjà préparé son départ au côté de Susan. Aloys en faisait partie aussi. Même s'il me méprisait sans que je ne sache vraiment pourquoi je ne me décourageais jamais d'aller vers lui. J'aimerais tellement qu'il comprenne que je l'aimais à part égal de mon frère aîné. Ils étaient tout simplement la seule famille qui me restait. D'où mon idée de faire ses muffins afin d'aller le trouver et de lui en proposer.

Les jours passaient, je me tenais à mon emploi du temps parfaitement bien régler et paniquais si quelque chose perturbait mes plans. Il n'y avait que les week-end pour me permettre ces petits brins de folie entre mes créations et la cuisine. J'étais la seule femme encore valide dans cette maison et j'adorais penser me sentir utile en faisait des petites surprises tandis que Kratos, notre Elfe de Maison, s'occupait de maman. Il avait du courage et il prenait son rôle très à coeur ce que je ne cessais de le remercier. Durant la cuisson, je pensais à la semaine qui allait arriver. Mon travail me prenait en général qu'une courte partie de ma journée, je m'occupais de ces bout de choux qui me donnaient envie de devenir maman. Plein de vie, assoiffé de tout savoir et de découvrir le monde, c'était tout ce que j'aimais travailler avec eux. J'adorais leur montrer les petites choses de la vie qui apparaissaient à chaque saison ce qui leur donnait toujours le sourire. Un rien leur donnait envie de sympathiser, de jouer et d'aimer. Je ne me lasserais jamais de la place que j'avais actuellement et je comprenais ce que maman pouvait ressentir chaque jour.

La cuisson se terminait tandis que je préparais un plat afin de les transporter de chambre en chambre. Mes frères ne passaient pas de temps ensemble, ils s'ignoraient ou se crêpaient le chignon en hurlant toujours plus fort l'un que l'autre. C'était un énorme stress car je ne comprenais pas pourquoi ils étaient tout les deux toujours furieux, il n'y avait pas une journée où c'était calme ou alors, les retours étaient plus catastrophique. Une fois les muffins prêt, je m’empressais de retourner dans le hall et de monter les quelques mètres qui nous séparaient toujours. Aloys ne pouvait être que dans sa chambre et je pensais qu'Ulrich était dans son bureau, là il y passait le plus clair de son temps. Mon coeur battait la chamade, j'étais réellement excitée à l'idée de lui présenter mon travail. Je parcourais le couloir jusqu'à la chambre de mon jumeau et toqua. Le "oui ?" forcé me passa au-dessus de la tête, je voulais seulement passer un moment avec lui et retrouvais ce que nous avions auparavant... Je le désirais tellement.

"Bonjour, Alo..." mais il me coupa

- Qu'est-ce que tu veux ?" me demanda t-il en aboyant sur moi. Ce n'était pas une grande surprise, il réagissait toujours comme ça. Je ne l'avais encore jamais vu aimable avec quiconque tout en sachant que j'avais l'honneur de subir toutes ses mauvaises humeurs. Peut-être était-ce un appel au secours ou pas mais je préférais croire ça plutôt que de relâcher mes efforts. Ma famille, c'était toute ma vie.

"Tiens, je viens de les faire. Ils sortent tout juste du four. Le chocolat doit être encore fondant.. Goûtes !" l'incitais-je en lui tendant le plat alors qu'il me regardait avec un air mauvais que je m'empressais d'ignorer. J'avais l'habitude depuis le temps.

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Incohérentes… Incomplètes… Brisées … Les pensées qu’il avait récupérée sur Alexander, bien que prises dans leur entièreté, avaient subi les ravages d’Azkaban.  Le Serpentard le voit encore se vanter dans sa cellule, essayant vainement de lui montrer un pouvoir qu’il ne détenait plus depuis longtemps, une crainte qu’il n’inspirait plus et un ascendant qu’il n’aurait jamais sur ce cadet devenu plus fort que lui qu’était Ulrich. Son aîné avait été amoché par la prison, détruit par les détraqueurs et ses souvenirs en étaient donc devenus chaotiques. Pas que ça dérange tant que ça le brun, son propre esprit avait été ravagé et les bris restants avaient formés l’âme tortueuse et torturé qui était la sienne : cruelle, implacable et sans pitié.  Non ce qui l’agaçait prodigieusement était de devoir épluché et vivre les piètres sentiments de son aîné et entendre son maudit rire résonner à travers chacun des moments de vie qu’il lui avait arraché. Un rire dément, presque désincarné qui représentait bien la loque humaine qu’il était avant qu’Ulrich ne l’achève. Quel honneur lui avait fait !  Après l’avoir torturé durant des années, lui avoir imposé sa visite régulière en prison et l’avoir effacé de l’arbre généalogique des Keller, Alexander avait été définitivement éradiqué de la surface de la terre.

Sa salle d’entrainement au sous-sol était le meilleur endroit qu’il avait trouvé pour explorer à travers la pensive ce qui appartenait à un autre fait du même sang que le sien. Ca lui permettait ainsi d’être tranquille et de ne pas risquer de voir arriver qui que ce soit d’impromptu. Kathrina, autant que les autres, ne devait pas avoir le loisir d’y avoir accès.
Cela lui permettait également une fois sa séance terminée, d’en commencer une autre : un entrainement. Cela faisait des années qu’Ulrich pratiquait sans relâche, se perfectionnant en allant jusqu’à se blesser parfois.  La conscience de sa mortalité ne l’effrayait pas. La fragilité naturelle des corps humains peu importe les exercices inhumains pratiqués n’avait aucune emprise sur ses desseins ou sur sa manière de se comporter. Son enveloppe charnelle n’avait jamais vraiment eu beaucoup d’importance à ses yeux comme en témoignaient les nombreuses cicatrices. Il avait cependant rapidement compris que son visage était l’un des principaux attraits auquel il lui fallait prêter un semblant d’attention. N’était-ce pas par lui qu’il parvenait à duper et charmer ses proies et ses pions ?

Cela ne l’empêche toutefois pas de se blesser. Alors que les mannequins bougeaient autour de lui, Ulrich avait fait imploser, sous le feu de la colère qu’il évacuait, son adversaire de bois. Une écharde avait éraflé sa joue mais le jeune homme s’était contenté de poursuivre ses lancés de sorts. Ce n’est que lorsqu’il se décida à regagner sa chambre à l’étage, notamment pour tranquilliser  sa jeune sœur qui ne manquerait pas de remarquer son absence, que la coupure lui revint. L’essuyant d’un revers de la main sans en faire grand cas, Ulrich regagna le rez-de-chaussée en prenant un soin tout particulier à verrouiller avec attention la porte de sa salle personnelle. Aloys serait bien trop heureux de pouvoir s’y faufiler, le cas échéant.

En face, la porte du boudoir de leur mère était entrouverte. Ulrich pouvait la voir toujours installée dans son fauteuil, les yeux dans le vague, perdue dans ce passé qu’elle désirait tant voir renaitre de ses cendres. Les années passaient mais Isana ne paraissait même pas s’être aperçue des dégâts du temps sur sa personne et sur ses enfants. La mère de famille dynamique et pleine de vie avait tout bonnement lâché prise lorsqu’il en avait sans doute le plus besoin. Rien n’aurait pu l’aider cela dit, il en était conscient au fond de lui. Mais l’ancienne Serdaigle n’avait même pas pu être présente pour ses deux plus jeunes enfants et c’était donc le gamin promu au tout nouveau rang d’aîné de la famille qui avait veillé sur les jumeaux revêtant les rôles de père, frère, mentor et ennemi.

Détournant le regard,Ulrich remonta tranquillement les marches en direction du premier étage. Une odeur de muffins au chocolat régnait dans le hall d’entrée. Kathrina, sans aucun doute !  Il n’y avait réellement qu’elle qui prenait le temps de confectionner ce type d’attentions en laissant se répandre la senteur de ses préparations de la sorte, Kratos n’aimant clairement pas laisser ses tâches se faire savoir dans toute la demeure familiale.

Ses pieds venaient d’arriver au premier étage lorsque la voix de son frère vint à ses oreilles. Sa cadette avait effectivement préparé des pâtisseries à l’attention de son jumeau qui visiblement ne semblait pas aussi honoré qu’il ne l’aurait dû s’il avait fait preuve d’un tant soit peu de politesse.
Leur elfe de maison était déjà sur le qui-vive s’apprêtant sans aucun doute à nettoyer les débris des repoussements d’Aloys tout en cajolant la jeune sœur de son maître.
Lorsqu’elle croisa le regard de ce dernier, la vieille créature parut le déplorer. Kratos était intelligent et connaissait parfaitement les caractères des membres de la famille Keller ainsi que leur manière propre de se montrer leurs sentiments. Si son jeune frère venait à élever le ton ou avoir un comportement qu’il réprouvait sous son toit, Ulrich ne se gênerait pas de le faire savoir et ça, son serviteur le savait parfaitement.

Cependant, d’un bref regard, celui-ci comprit clairement que l’héritier Keller ne souhaitait pas le voir intervenir. Restant d’une discrétion et d’un silence de mort, Ulrich attendit patiemment pour jauger les réactions de son cadet.




911 mots
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L'odeur des muffins se faisait insupportablement alléchante. C'était comme un énorme cadeau de Noël, emballé dans du papier bariolé et brillant, mais présenté par le plus grand méchant du monde. La frustration était telle qu'il ne pouvait s'empêcher de la laisser transparaître dans son attitude. Aloys regardait sa sœur avec un si profond mépris qu'il en était impossible de discerner son appétit grandissant. Il lui parlait froidement et n'en éprouvait guère de remords. Il avait besoin qu'elle comprenne qu'elle l'avait fait souffrir, qu'elle le faisait souffrir, même maintenant. Même avec ces adorables petits gâteaux qu'elle lui tendait aimablement. Oui, chaque seconde de la longue et fastidieuse vie d'Aloys Keller était marquée par cette haine féroce envers son frère, sa mère et sa sœur, tous traîtres d'une manière ou d'une autre.
Elle tendait ce plat en nourrissant l'espoir qu'Aloys s'emparerait d'un muffin au chocolat. Il en mourrait d'envie, en dépit de tous ses ressentiments. Alors, en soufflant d'un air démotivé, le jeune homme se leva. Il ne quitta pas une seconde des yeux sa sœur, la toisant sans scrupule aucun. Il attrapa le plus gros muffin en feintant d'avoir laissé le hasard choisir pour lui. Il ne prit pas la peine de retourner s'asseoir à son bureau, restant fixé en face de Kathrina. Il avait bien une tête et demie de plus que la demoiselle et n'essayait guère de se mettre à sa hauteur. C'était sa façon à lui de matérialiser leur différence, l'infériorité qu'il lui attribuait.
D'un geste qui ne se voulait pas du tout charmant, il mordit dans le muffin et mâcha. Au maximum, il se donna l'air forcé de déguster les gâteaux de sa sœur : une grimace tordait son visage et le dégoût se lisait sans difficulté. Quand il eut dégluti, il prit une seconde pour faire tomber les miettes restées au coin de sa bouche, et ajouta :

-Digne d'un muffin industriel de Ste-Mangouste. Félicitation, Kathrina.

Il écrasa le reste du muffin dans le plat avec tout le dédain possible et, avec un sourire méprisant, se permit une petite révérence ironique. En réalité, Aloysius l'avait trouvé délicieuse, cette petite gourmandise. Si délectable, même, que feinter son dégoût lui avait demandé beaucoup d'efforts. Il lui avait fallu réprimer ce frisson de plaisir qui l'avait, une seconde, transcendé.

-Allez, dégage, j'suis occupé.

Aloys tourna les talons dans un geste un peu théâtral, jetant sa main pour accorder les mots à la parole. Il voulait que Kathrina sorte, claque la porte, s'en aille, tout simplement. Il avait envie de se replonger dans sa lecture et d'oublier ce sublime goût de chocolat qui venait de lui réchauffer le palais. Mais certainement que ni Kathrina qu'il espérait avoir blessée, ni Ulrich qu'il ne savait pas caché juste derrière le mur, ne le laisseraient pas s'en tirer si facilement.

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