Une autre soirée barbante, imposée par des normes stupides. Rien ne te plaît dans ce genre de fêtes coincées, uniquement dirigées par l'envie d'être bien vus des autres. Tu n'es pas comme eux, et tu ne le sera sans doute jamais. A quoi bon tenter de paraître blanc comme neige devant des hypocrites, des menteurs qui cachent eux aussi leur visage ? Puisque de toute façon, tout le monde reprendra son véritable masque une fois la soirée terminée, une fois les invités partis. Traditions stupides, sourires faux, et la même idée qui trotte dans la tête de tous : vivement que cette mascarade s'achève. Tu l'espères en tout cas, toi qui passes ta soirée installé dans un coin, un verre à la main. Te contentant de détailler du regard tous les invités, de tenter de percer la carapace dont ils se sont couverts pour l'occasion. De voir qui se cache derrière ces sourires mensongers et ces attitudes grossièrement déguisées. Des assassins. Qui s'empiffrent de tous les mets possibles, alors que la population vit la peur au ventre. Celle de voir le Seigneur venir les tuer dans leur sommeil. Ils te rendent malade, t'empêchent de profiter de ta soirée. Ces créatures vicieuses, cruelles, sans aucun remord pour ceux qu'ils ne connaissent pas. Et voir que ta sœur semble en profiter, discutant avec ce fourbe de serpent, te tord l'estomac. Peut-être a-t-elle finalement bien fait de quitter le cocon familial. Elle qui semble si proche de leurs idéaux purs, de leurs idées tordues. Elle est comme lui. Tu ne sais pas vraiment ce qu'il reste de cet amour que tu portais pour cette grande sœur. Celle qui aurait du servir d'exemple et de modèle à ses cadets. Elle qui n'est aujourd'hui rien de plus qu'une déception immense.

Quelqu'un vient te parler, et tu l'écoutes à peine. Trop préoccupé par la compagnie de ta sœur. Ce serpent qui envenime son cœur. Une mauvaise herbe. A éradiquer. Comme celle que tu étais aux yeux de ses parents, aux yeux de sa Susanna. Il semble aujourd'hui l'avoir oubliée, préférant jeter ses crochets venimeux sur ta sœur. Pour mieux s'attaquer à toi. Tu sais qu'il te hait toujours, qu'il garde cette rancune profondément enracinée en lui. Depuis que vous vous êtes battus chez toi. Depuis que tu as eu l'audace de lui lancer un sortilèges impardonnable, dans l'espoir de le voir souffrir. Depuis que tu lui as ouvert la poitrine sur la longueur, dans l'espoir qu'il se vide de son sang. Jusqu'à finalement en mourir. Mais il a survécu, grâce à sa mère. Il a survécu, et te voilà enfermé dans cette soirée chiante à mourir. A le regarder flirter avec ta sœur. Encore et encore. Continuant à l'agripper au fil des soirées. Continuant d'alimenter cette flamme qui s'allume en ton sein. Cette flamme que tu connais pour l'avoir déjà consumée à plusieurs reprises. Elle te fait faire des choses horribles, tu le sais. Mais rien d'autre ne peut l'éteindre. Torturer Marcus n'a fait que la diminuer. Il te faut du sang pour l'éteindre. Il te faut la Mort pour la rendre supportable. Tu t'en es rendu compte en ôtant la vie à ta gouvernante, en cachant son corps dans le jardin. Et en faisant ce que tu fais aujourd'hui le mieux ; mentir, pour t'assurer une absence de châtiments. Personne ne t'a châtié, personne ne t'a engueulé lorsque tu as expliqué son départ pour un pays plus vert. Et personne n'a remit tes propos en doute. Par confiance, ou par l'absence d'envie de connaître la vérité. Celle qui blesse, qui détruit. Parce que cette maison n'a pas besoin d'un drame, diraient tes parents.

Un drame comme celui que tu prépares mentalement. Le plan est presque parfait, et te dessine un large sourire. Tu n'as pas encore abandonné ton projet de tuer ce traître. Ce sang-pur dont la famille lèche les bottes de Voldemort. Un ennemi. Rien de plus. Et une vieille affaire personnelle à régler, pour éviter à Aliss les mêmes déceptions que celles que tu as vécu des années plus tôt. Hors de question pour lui de la trahir, de la faire souffrir. Car au fond, malgré tout, une faible étincelle vibre encore pour cette sœur qui t'a abandonné, et que tu veux pardonner. C'est pour elle que tu fais tout ça, que tu viens à ces réunions stériles et dénuées d’intérêt. Pour ne pas la laisser seule au milieu de tous ces requins. Pour ne pas la laisser seule avec cette sœur qu'elle déteste.
Un seul instant d'inattention. Il t'a suffit de récupérer un autre verre pour t'apercevoir de la disparition d'Aliss... et Marcus. Le verre tombe lourdement au sol, sous le regard surpris de quelques invités, tandis que tu prends la direction des escaliers. Tu connais cette maison par cœur, pour y avoir été enfermé de nombreuses années. Et tu sais exactement quel chemin ils ont prit. Depuis le temps que cette vipère tente de voler ta sœur. Toutes les portes sont fermées, mais tu visualises rapidement celle où ils se trouvent. L'ancienne chambre d'Aliss. Celle qu'elle a abandonné en te quittant. En quittant sa famille.

« Je vous dérange ? » La voix pleine d'amertume. Pleine de rancœur envers cet homme qui, non content d'avoir foutu ta vie en l'air, s'amuse de ta sœur. Sans même se soucier de la faire souffrir. Sans même s'inquiéter des conséquences désastreuses que cela pourrait avoir sur sa santé. Comme s'il ne se souvenait pas des Doloris lancés sur sa pauvre carcasse. De la cicatrice laissée par le sortilège sur sa poitrine. « Les invités ne sont pas supposés monter. » Les mots ne visent pas spécialement Marcus, alors que ton regard va de l'un à l'autre. Est-elle plus qu'une invitée ? Non. Elle a abandonné ses droits sur cette maison le jour où elle est partie. Te laissant seul pour la diriger.