Traître. Assassin. Fugitif. Insurgé.
Sans en être réellement conscient, presque machinalement, j’effectuais les cent pas. L’extrémité de mes doigts portés à mes lèvres, mes dents malmenaient le bout de mes ongles, tandis que mes pensées vagabondaient. Je n’étais plus le même que celui que j'avais composé il y avait encore quelques mois. Il y a de ces individus qui demeurent égaux à eux-mêmes, forts de caractère, que les moindres circonstances ne paraissent pouvoir les déstabiliser. Un faux pas avait suffi à bouleverser tout mon monde, me déraciner prodigieusement, me laissant tel un être perdu dont les tracas et les cicatrices récentes demeuraient impeccablement voilées sous un masque de méfiance et froideur. J’avais été ce garçon jovial, souriant, taquin, charmeur, amical. Celui qui charme et qu’on apprécie. Celui qui s’avère charismatique et qui parvient à placer n’importe qui dans sa poche. Aujourd’hui, j’avais perdu la pièce la plus importante à ma vie. Celle que jamais je n’avais eu à séduire : ma sœur. Et sans elle, par Merlin que je me semblais incomplet, impuissant, inutile. J'avais du mal à fonctionner sans elle. A voler solo lorsque ma vie n'avait été qu'un duo.

Je me ressassais notre dernier souvenir ensemble inlassablement, ses émotions, ses paroles, mes propres dires se répétaient continuellement, tel un disque rayé, que je rembobinais à l’extrême. Parfois, je rêvais à la suite de cet échange, mais la vérité était que cette conversation n’existait même plus. Juliet avait bu une potion la faisant oublier tout ce que je lui avais dit ce soir-là. Et dans sa tête, j’étais parti sans daigner lui dire au revoir. J’avais fui car l’on m’avait surpris empoisonnant un homme du Ministère. L’on me condamnait de traître, d'assassin. L’on ordonnait ma mort, pour celle d’un individu dont les idéaux et les agissements demeuraient ignobles. Mon jeu de rendre ce monde plus juste et sauver la vie de sorciers nécessitant des papiers afin de garder leur vie sauve avait connu sa fin. Plusieurs semaines, j’avais erré aux aguets de la moindre attaque, militant pour conserver mon cœur battant. J’avais que très peu de connaissances quant à l’option d’entrer chez les Insurgés, bien que ce fût là-bas que ma place se trouvait. Et durant ces laborieux jours, je m’étais forcé à demeurer positif pour conserver ma vie et rejoindre ses lacérations tant que possible. Il y avait pire que moi. Je ne devais pas me plaindre. Je devais survivre. Je devais devenir un soldat fier, maintenant. Je devais enfin sortir de l’ombre et entrer dans la cour des grands. Je ne pouvais plus suivre l’adage opportuniste des Slughorn et étreindre ce profil bas qui m’était propre. Je devais bouger, éclore, combattre à découvert.

Et j’avais fait ma place. J’avais suit ce plan, le dernier que nous avions élaboré, Juliet et moi, bien qu’encore une fois, il n’était plus que mon plan. Qu’elle l’avait effacé de sa mémoire. Pour sa sécurité. Par Merlin que j’espérais que rien ne lui arrive, à elle, à mes parents. J’étais devenu un Audacieux, j’avais mon miroir à double sens, je grimpais mes échelons, prenais mes repères, comme je l’avais fait au Ministère après ma sortie de Poudlard. Et puis, il y avait eu une rencontre particulière. Astoria.

Dire que ce soit la seule qui m’ait surpris serait un mensonge. Dire que ce soit la seule qui eût l’effet d’une claque en plein visage aurait été incorrect. Dire qu’une culpabilité m’enlaçait horriblement à sa vue serait véridique. Traître. Encore. Elle n’était pas à sa place, elle était prisonnière, et Merlin que sa présence me déstabilisait. Pour ce passé si lourd qui avait existé entre nous. Pour ces sentiments, cette rancune, cette culpabilité, ce cocktail aux ingrédients multiples qui perdurait encore aujourd’hui. Si bien que lorsqu’Astoria avait avec véhémence réclamé d’aller se laver – après s’être vue refuser une multitude d’autres souhaits – et que cela avait été accepté, je m’étais porté volontaire pour la surveiller lors de cette tâche. Une moins ambiguë aurait certes pu être trouvée, mais les occasions en temps de guerre ne sont jamais idéales. Je m’étais ainsi approché de la jeune femme, mon cœur martelant ma poitrine et mes traits s’efforçant à rester fermés. Ce masque glacial qui devait me protéger. Je resserrais ma poigne sur son bras presque maigre, lui sommant simplement : « Viens. » Pas d'explications supplémentaires. Je craignais trop que mon ton trahissent mes sentiments. Mes ambitions.