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sujet; [Mars 2000] ~ Unruhige Nacht im Schwarzwald |
| Les forêts étaient des lieux dangereux pour les aventuriers naïfs. Ô bien sûr on pouvait y croiser cerf, sanglier et autre lièvre... Mais l'on pouvait tomber parfois sur bien plus fâcheuse rencontre. Des loups me diriez-vous ? Non. Ce n'est pas de cette inoffensive menace dont nous voulons vous parlez. Les arbres rapprochés entre eux formaient un monde à eux tout seul, et dans ce "refuge", bien souvent, des esprits et des créatures bien plus intelligentes que des animaux y domiciliaient. Wes Gallagher en avait fait la découverte, il y a de cela une dizaine d'années. Il n'était pas encore au service du Ministère, il parcourait le monde avec sa soeur Hannah. Dans une taverne bavaroise, on lui avait compté monts et merveilles d'un lieu dangereux mais rempli de magie. Un homme coiffé avec un étrange turban lui avait même dit qu'il avait croisé des vampires et des harpies. C'en était trop pour la curiosité de l'aventurier, et il alla dans ce lieu redouté, accompagné d'hommes qui connaissaient le terrain. Et bien des découvertes et des choses firent leur apparition dans les bois germaniques. Mais de cela, je ne peux vous compter les péripéties tout de suite. Intéressons-nous au présent, car en lisière de la forêt, un homme scrutait les arbres. Il n'était pas si différent du sorcier qui s'intéressait à toute sorte de lieu et de créature il y a de cela une décennie. Ses cheveux avaient un peu grisonné, ses habits étaient devenus bien plus noirs, mais il portait toujours cette imposante barbe qui le faisait reconnaître de loin. Même si il s'agissait en apparence de la même personne, Wes n'était plus tout à fait le même. Avant, aventurier et curieux de tout. Aujourd'hui, chasseur et traqueur de proie de sa même espèce. Le Rafleur tâtait le sol, regardait autour de lui. Ce qu'il l'amenait ici, près de la Forêt Noire au début de la nuit, c'était bien évidemment le travail. Un collectif anglo-germanique mettait en place un réseau pour faire sortir certains ressortissants du territoire britannique. Ils ne pouvaient pas leur en vouloir, l'Angleterre était aujourd'hui dans un bordel pire que sous l'administration Fudge. Mais n'étais-ce pas le prix à payer pour mieux se relever? Quoi qu'il en soit, Gallagher était toujours aussi profesionnel, et il s'était acquitté de cette mission. Le reste de sa "meute" était dispersé aux quatre coins de la forêt, en quête de preuves. Ils n'avaient pas d'informations précises, mais tout portait à croire que la clé de la voie de passage se situait dans ce lieu magique. Le chasseur mit un peu de temps avant de pénétrer dans la forêt. Des mauvais souvenirs ? Peut-être. Le fait est que le traqueur progressait à pas de loup, en prenant bien soin de longer les arbres pour ne pas être découvert. Mais personne ne viendrait le sauver ici. Les arbres étaient bien trop rapprochés et trop denses. Cela lui rappelait la forêt interdite de Poudlard, où il avait pu s'infiltrer à la fin de sa septième année. Au bout d'un certain temps, Wes n'aperçut plus le crépuscule du soleil et il était désormais pleinement dans la forêt. Il avait conseillé à ses hommes d'y aller par groupes de deux. Lui, il avait préféré y aller seul. Déjà parce que cela en imposait en tant que chef de son gang de Rafleurs. Ensuite parce qu'il aimait le contact de la nature quand il était seul - et peut-être avait-il un compte à régler avec cette forêt. Plus il s'enfonçait et plus les ténèbres l'entouraient. Mais à ce moment, calé contre un épicéa, il aperçut des reflets de cheveux dorés. Sa vision nocturne n'avait rien d'un loup garou, mais au fur à mesure du temps il avait habitué ses yeux aux endroits obscurs. Il ne pouvait pas pleinement distingué la silhouette qu'il avait aperçu. Elle était plutôt petite et fine, mais encapuchonné dans un large manteau. Seuls quelques cheveux longs pouvaient laisser deviner qu'il s'agissait d'une femme. Ou bien alors un elfe. Mais ce genre de créatures aux oreilles pointus étaient depuis bien longtemps disparus, ou bien sujettes à des contes moldus mettant en scène des semi-hommes et des dragons. En revanche la réalité se dressait bien devant les yeux de Wes. Il tenta de s'approcher, discrètement, vers sa cible. Avec un peu de chances elle pourrait lui donner les informations qu'il était venu chercher. Et il était bien imprudent de venir seul dans ce genre d'endroit. Cela était aussi très suspect. Le traqueur n'était plus qu'à quelques mètres. La proie semblait elle aussi rechercher quelque chose. - CakcakcakcakUn frisson parcouru le dos de Wes. Ce cri il le connaissait. Erkling. Mais il ne savait pas où était caché cette créature nocturne, et la silhouette ne semblait pas le savoir non plus. |
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| Elle se changeait là, au milieu des autres, sans prendre garde aux regards qui pouvaient courir sur son corps frêle. Cela ne lui faisait ni chaud ni froid, comme tout le reste. Ici, elle restait constamment dans son coin, ignorant le reste du monde, ainsi que les murmures qui ponctuaient ses pas. Aussi n'était-elle que trop heureuse chaque fois qu'arrivait la dernière routine quotidienne : le retrait de son uniforme d'assistante de la brigade magique, laid, informe et irritant – particulièrement pour une peau délicate comme la sienne, qui avait été habituée toute une vie durant à des étoffes soyeuses et aériennes. Alors Darja récupérait son attirail de princesse au sang-pur, creusait un peu plus encore la barrière entre elle et les autres, relevait la tête avec fierté et s'en allait sans un mot, pas même une formule de politesse à l'égard de ceux qui la côtoyaient chaque jour depuis plus d'un mois à présent. Maintenant commençait sa vie, à présent débutait sa journée. Elle laissait tomber les masques, réanimait la flamme qu'on croyait morte en elle, éteinte à tout jamais, en songeant au seul trésor qui lui restait, la seule partie de son âme qui ne lui avait pas été arrachée : sa passion pour les potions, les élixirs, les décoctions en tous genres. Elle observa le soleil qui s'esquivait lentement, et sourit en pensant à la quête qui l'attendait : ce soir, elle se rendait dans la Daeva, la Forêt-Noire, afin d'aller recueillir de l'hellébore fétide.
L'hellébore fétide, à laquelle on donnait mille noms, comme pied de griffon ou, son préféré, rose de serpent, n'était pas à proprement parler une plante magique. Elle poussait également sur les terres moldues, aussi aurait-on pu se demander pour quelle raison la jeune tchèque souhaitait s'enfoncer en un si dangereux environnement pour quelque chose d'aussi banal. Mais l'espèce n'était pas si banale que cela : d'une durée de vie pouvant aller jusqu'à dix ans, elle ne fleurissait pourtant que deux fois durant celle-ci, toujours entre janvier et avril, rendant par conséquent ses fleurs plus difficiles à trouver que ce l'on pourrait présumer. Il se trouvait justement qu'elle était tombée sur un plant fleuri l'an passé, et que la seconde floraison avait toujours lieu l'année suivante. C'était une trop belle occasion, de laquelle découlerait de bons ingrédients pour les philtres de paix, potions somnifères, voire même poisons.
Quand bien même elle aurait pu trouver la plante ailleurs, elle préférait toujours faire ses cueillettes sur des terres emplies de magie. Au plus profond d'elle, elle était persuadée que des racines qui s'étendaient sur l'une de ces terres étaient forcément plus fortes, et nourrissaient mieux ses propriétaires. Bien entendu, ce n'était qu'une croyance un peu farfelue, rien ne le prouvait jusque-là, et qu'une excuse parmi d'autres pour venir parcourir la Daeva, forêt mystérieuse qui avait fait coulé tant d'encre et chanté tant de voix. L'adrénaline, qu'elle sentait pulser en elle aussitôt qu'elle s'approchait de sa lisière, et l'excitation à l'idée de trouver peut-être quelque chose auquel elle ne s'attendait pas, une part de faune ou de flore exceptionnelle sur laquelle se pencher des heures, des jours, des mois durant, une nouvelle source d'expérimentations, une découverte qui changerait tout. Le moins qu'on puisse dire, c'est que la peur était le dernier sentiment qui venait inquiéter Darja : sa curiosité la muait en une essence dopante, irrésistible, euphorisante. C'était celle-là qui l'attirait quoiqu'il advienne, qui l'y faisait venir encore et encore quand d'autres tremblaient à l'évocation de son nom, que tout un chacun l'aurait longuement réprimandée en sachant qu'elle venait y faire ses emplettes. Elle avait pourtant un mignon petit bois, derrière le manoir de Herpo Creek, et elle y cultivait un certain nombre d'espèces pour ses préparations, mais il fallait bien avouer que ce n'était pas aussi amusant que de venir ici en pleine nuit. Cela ne voulait pas dire qu'elle ne prenait aucune précaution, pourtant. Elle portait des habits de rigueur, qui pourraient pallier à son manque d'expérience en cas de danger, au moins un tant soit peu : une combinaison en cuir de dragon redessinait les courbes de son corps, la gorge couverte d'écailles, et une longue cape noire à chaperon l'emmitouflait, la dissimulant à la plupart des regards.
Elle plongea à l'intérieur de la Forêt-Noire, ne cessant de tourner la tête. Elle avait beau s'être créée quelques repères en ce lieu gigantesque, il n'en demeurait pas moins pour autant un dangereux dédale plutôt joueur. Les forêts enchantées n'en faisaient jamais qu'à leur tête :la magie était têtue et retorse, et ici, on l'y trouvait sous sa forme la plus pure. Elle finit par trouver les rangées d'ifs. Sur l'un de ceux-ci, elle avait autrefois gravé un symbole, qui indiquait que l'hellébore se trouverait à cinq cent mètres à droite. Elle retira l'un de ses gants de cuir et se mit à laisser courir ses doigts sur les troncs rugueux, là où les épines lui laissaient la place de glisser sa main, à la recherche de la gravure. Elle avançait lentement, plissait les yeux afin de se souvenir d'un dernier détail qui pourrait lui échapper, mais ses pensées furent bientôt quelque peu perturbées.
« Cakcakcakcak. »
Elle sursauta. L'aventurière improvisée se vit soudainement habitée d'une terreur d'enfant. Des relents de souvenirs qu'elle aurait préféré laissé enfouis tant ils étaient pitoyables : les souvenirs de ces contes qu'on vous contait pour vous mettre au lit à l'heure le soir, ceux des dévoreurs d'enfants au caquètement sordide. Le meilleur à ce jeu-là, c'était son oncle tchèque, celui le plus jeune de la fratrie, qui était resté sur leurs terres d'origine. Il avait un véritable talent pour imiter les voix, celles des créatures y compris, et apparemment, ce cri-là ne sortait pas tout droit de son imagination. Elle savait à quoi s'attendre. Erkling. Mais elle n'était pas sûre de vraiment savoir comment y faire face. Garder son calme. Elle allait trouver une solution. Comme toujours.
Sa main glissa vers la sacoche nouée à sa taille. Celle-là ne la quittait jamais, à chacune de ses escapades en terre inconnu, à chaque fois qu'il pouvait y avoir un peu d'aventure. C'était sa malle magique, son outil secret. Quand la plupart des autres sorciers sortaient d'instinct leur baguette, elle se dirigeait en priorité vers ses fioles multicolores. « Tu n'es plus une enfant... » murmura-t-elle pour elle-même. L'Erkling était-elle encore une créature vraiment dangereuse pour elle ? Elle se souvint tout à coup que ces créatures étaient douées de parole, capables de communiquer avec les humains, ce qui ne rendait le tout que plus malasain. Elle eût un instant d'hésitation. Devait-elle parler ? Si oui, gentiment, ou bien plutôt d'un ton ferme supposé effrayer ? L'avait-il vue seulement ? Inutile après tout de se jeter dans la gueule du loup... |
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