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❝ Somewhere deep in the dark Septembre 2002

Lune encore inconstante, la rondeur indécise, l’apogée remise au lendemain. Bientôt, bientôt, elle souffle, distillant sa fureur dans les veines viciées, exacerbant les sens dans son ardeur brûlante. La frustration sous la peau, Vayk n’aurait jamais osé s’aventurer dans les bois de son propre chef. Céder à l’appel enfoui au plus profond de son être signifiait accepter un tant soit peu la bête y dormant. Elle n’a pas le choix, pourtant. Du moins s’en est-elle persuadée. L’inquiétude est plus grande que la peur viscérale. Fait suffisamment rare pour que cela reste notable, rare qu’elle se soucie de la vie d’un autre plus que de la sienne. Il a un statut particulier, à ses yeux, à son âme, le Danois. Elle le déteste pour ça. Des années que le vide ne l’est plus vraiment, comblé d’un ersatz d’affection que Vayk se blâme pour ressentir. Félicité de recevoir des nouvelles, voir qu’il a l’amitié plus forte que la Louve. Et la désagréable sensation du manque lorsque, soudain, plus rien. Des lettres, des missives, des hurlements dans le silence. Elle court après une réponse, un signe, se torture de savoir s’il est toujours debout. Vivant et debout. Correction. Conscient et debout.  La Hongroise « tremblait » (disons qu’elle tressaillait légèrement) à l’idée de retrouver, un jour, l’impétueux Hvedrung vide de toute âme, soumis au baiser terrible du détraqueur. Pas qu’elle se soucie particulièrement de l’existence du prétendu rejeton de Loki, il était suffisamment grand pour savoir que ce qu’il faisait était stupide (Ou peut-être pas. Elle n’était plus sûre de grand-chose concernant ses congénères.), mais l’insoutenable vide demande à être comblé. Vayk n’a jamais aimé vivre dans l’attente, dans l’ignorance. Elle a toujours su où elle allait, s’inventant des raisons pour justifier l’absurde. Mais le silence ne parle pas de lui-même. Blind and deaf.
Forcément, la Hongroise réclame des réponses. Dans tous les sens du terme. Elle suit les instincts de l’animal tapis dans ses entrailles, traque l’odeur ténue d’un souvenir enfoui. Il lui reste peu de réminiscences physiques d’Aksel, des rencontres dérobées, du parfum à travers l’encre. Eléments lointains qu’elle se doit de faire remonter pour les besoins de la chasse à l’Homme.
Un soupir transperce la barrière de ses lèvres. Elle s’agace déjà de ne pas le trouver aussi vite qu’elle l’aurait souhaité et la frustration fait monter des hurlements qu’elle peine à retenir. One of those nights. Celles qui précèdent la furie de la reine capricieuse. Le règne d’une lune qui ne partage pas. Celles qu’elle préfère, de loin, passer prostrée sur son lit, à attendre que le mal passe.
Mais pas cette fois. Vayk ne peut que tirer parti des sens en ébullition (plus qu’à l’accoutumée s’entend) et s’il faut humer l’air comme un vulgaire chien pour trouver une trace, elle le fera. La chasse l’ennuie, pourtant. Elle y trouve un intérêt indiscutable lorsqu’il s’agit de chasser l’inconnu, les symptômes, implacable scientifique. La Louve elle-même trouve de l’exaltation de la traque d’une proie dans les nuits dominées par la lune trop ronde.  Pas ce soir. Ce soir c’est l’ennui, la colère et la frustration de voir la filature s’éterniser. La peur, aussi. La peur de devoir revenir le lendemain sous les traits douloureux de la Louve. Jamais.
Il sait mais elle garde l’apparence de la bête pour elle seule et les agents du ministère. Crainte –justifiée, pense-t-elle- de voir la lueur dans ses yeux changer. Savoir qu’elle est louve est une chose. La voir en est une autre.
Enfin elle capte l’odeur plus forte, la silhouette plus claire, aucune autre forme de vie autour. Loin du camp des insurgés pense-t-elle. Et c’est tant mieux. En aucun cas elle ne veut être mêlée de près au tumulte qui agite les deux camps. En aucun cas elle n’a envie de prendre pleinement part à cette guerre.
« Tu ne donnes pas assez de... hírek. » Elle lâche d’un ton morne, le magyar traitre trébuchant des lèvres avant qu’elle n’ait pu le retenir, signe évident d’un reproche silencieux. Colère un peu sourde mais rassurante. Au moins il est toujours de ce monde. « De nouvelles. » Correction un peu précipitée, en anglais, pour s'assurer qu'il comprenne. Elle redresse le dos fatigué par trop de marche et plante ses iris ambrés sur la silhouette du Danois, en attente d'une réponse.
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