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sujet; face to face (augustus)
MessageSujet: face to face (augustus)    face to face (augustus)   EmptyMer 7 Oct 2015 - 21:04

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Sans cesse à mes côtés s'agite le Démon; il nage autour de moi comme un air impalpable
Je l'avale et le sens qui brûle mon poumon
Et l'emplit d'un désir éternel et coupable.
Baudelaire




Tic tac, cliquetis désagréable, la caboche qui déborde d’ébullition. Combien de temps encore à supporter ce bruit ? Un rapport à finir, lecture pénible à une heure devenue indécente. Le silence crépite à l’étage, se fait roi, souverain du moindre bureau. Seul illustre écho depuis le boudoir principal, la tanière de la noble platine. Des pages tournées, le frottement rugueux du papier contre l’épiderme. Caresse piquante, inlassable. Pourtant, si elle a toujours apprécié l’aventure au cœur des écritures, la tâche lui est à l’instant laborieuse. Le tremblement subtil des blanches phalanges en témoigne. Maladie ? Elle rétorquerait férocement qu’il n’en est rien, qu’elle est juste empreinte d’un épuisement passager. Mensonge! Le front brûle, indice d’une fièvre naissante. Le corps frissonne depuis hier. De froid, de chaud, l’ossature tremble au rythme des heures, vacille au moindre pas. Mais la dragonne résiste, affronte sa routine sans trébucher en priant de tenir jusqu’à boucler sa besogne. Tous partis, il ne reste plus qu’elle à l’étage de son département, arrimée à son inaltérable obsession. Eux qu’elle cherche, merveilles qu’elle étudie en ce moment, depuis toujours, passion d'enfance. Un dossier, une créature dissimulée sous l’humain. Les globes bleus oscillent le long des lignes soigneusement rédigées, se perdent dans les informations inscrites sur les fibres de cellulose.

Vingt deux heures, le fichier est replacé dans la pile et le bureau lentement déserté. Il est temps pour elle de rentrer chez elle. Y chercher sa seringue, une piqûre, puis rejoindre le mari endormi, sceller la journée d’un tendre baiser.  Habitude monocorde préservée au fil des années de vie conjugale, d’une affection sans amour, tendresse simple. Minerve quitte son dossier, se fige dans le mouvement. Ça tourbillonne sauvagement! Une main nécessairement posée sur le coin du bureau pour ne pas rejoindre le sol. Bigre ! Allons bon, respire... Contours et couleurs lentement reprennent vie dans le creux de sa rétine, le cœur calme ses ardeurs, affolement fugace. Un médecin à appeler pense t’elle en récupérant sa longue veste noire et son sac. A cette heure ? Le docteur William toujours disponible pour ses fidèles. Surtout elle, la carcasse fragile, la chair brésillée de quelques maux. Du diabète tenace à l’arthrose, la quinquagénaire sait qu’elle atteindra difficilement son septantième anniversaire. Dans un sens, ça lui évitera de respirer la gangrène du monde plus longtemps. Autant crever avant de virer cinglée…

Couloir dépeuplé, il en est pareil pour l’ascenseur dans lequel elle s’engouffre sans tarder. Espace clos, la femme se laisse poser contre la barre, ferme les yeux un instant. Ça tourne, blêmit férocement dans sa blonde caboche. Les lèvres se pincent pour contrôler la respiration, mesurer le débit d'oxygène. Eviter un malaise sur son lieu de travail. Bien qu’à cette heure, elle ne craigne de se ridiculiser devant ses collègues, la gorgone préfère éviter l’horreur. A-t-on déjà vu une Bulstrode faillir ? Jamais ! Et ce n’est pas aujourd’hui que cette tradition sera brisée. Ultime réputation à maintenir à jour. Encore quelques minutes, et elle pourrait s’engouffrer dans l’air tiède du soir, aspirer une bonne goulée revigorante et rejoindre son foyer sans s’attarder dans les artères sombres de la ville. Flanquée contre l’un des coins de l’étroite cage, une convulsion électrique redresse sa colonne lorsque coulissent les portes à mi chemin du premier étage. Bordel, fallait-il qu’un autre péquenaud choisisse le même ascenseur ? Minerve se redresse, hisse l’apathie sur son faciès pourtant marqué par la fébrilité. Urghs ! Les yeux s’écarquillent au visage reconnu. Une main se crispe instinctivement à l’intrusion fâcheuse. Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? Prière silencieuse pour que l’autre n’ouvre son bec et que la descente s’achève au plus vite. Le regard trouve intérêt dans le vide. Pas en état de combattre. Quelle merde..  




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