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sujet; A childhood's role-model is doomed to become but just a man, in time (roman)

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La guerre à droite, la guerre à gauche. La guerre partout. Elle se lisait sur les visages tendus des passants dans la rue et Theodore la ressentait même à chaque pas qu’il faisait dans une rue un tant soit peu peuplée : angoisse, rage, désespoir … sadisme, joie macabre. Il ne pouvait échapper nulle part à la guerre ; elle l’accompagnait, fidèle partenaire, partout où il allait. Pourtant, ce n’était pas pour parler de guerre qu’il se dirigeait aujourd’hui vers le très célèbre Chaudron Baveur en vue de rencontrer un « collègue » Mangemort. Non, ces entrevues avaient commencé bien avant que Theodore devienne un sbire du Magister et même bien avant qu’il sache avec certitude que son rendez-vous, Roman Travers, était lui aussi un asservi du Mage Noir ; ces rencontres discrètes avaient commencé au milieu de l’adolescence de l’héritier Nott, quand il avait voulu suivre plus assidûment les progrès de Roman quant à ce que Theodore avait interprété comme étant une promesse informulée : ramener sa défunte mère, morte en donnant la vie à son unique fils, à la vie. Mais cela faisait maintenant quelques années que Theodore ne s’y rendait plus que par habitude et davantage pour discuter de manière très neutre avec le Mangemort ; il ne croyait plus une seule seconde à une réelle possibilité de ramener sa mère dans sa vie. Tout cela n’avait été que les élucubrations folles et irréalisables d’un gamin fâché contre le monde.

C’est ainsi qu’il poussa un léger soupir – une expiration juste plus forte qu’à l’accoutumée, vraiment – en tapotant les briques du mur qui séparait le Chemin de Traverse du célèbre pub sorcier nommé le Chaudron baveur dans un ordre précis avec sa baguette en bois de vigne. Suite à quoi, les briques se mirent à bouger de concert, comme prises dans un ballet hautement précis, et s’écartèrent du passage de façon à former un arc boutant juste assez haut pour laisser passer un homme de bonne taille. L’ex-Serpentard observa le phénomène de manière blasée, sans s’émerveiller le moins du monde de la magie qui animait ces lourdes et anciennes briques, sans se poser la moindre question sur le pourquoi du comment. Un effet secondaire de son ascendance pure : impressionner un sorcier conscient de sa nature depuis toujours et ayant toujours baigné dans un univers débordant, suintant de magie était une tâche très difficile. C’est donc impassible qu’il traversa l’arc boutant et que le trou créé par la magie se referma par la magie derrière lui.

En l’espace de deux secondes, il avait rejoint la porte du fameux établissement et la poussa sans ménagement pour rentrer. Il se dirigea ensuite vers le bar, d’un pas assuré mais discret. Theodore Nott n’avait jamais été du genre à chercher à attirer l’attention d’autrui sur lui. Et pourtant, sur son passage, plusieurs têtes se relevaient. Des Mangemorts expérimentés qui, pour la plupart, les méprisaient lui et la marque indûment gagnée sur son bras ; des personnes se voulant « neutres » mais qui étaient piégées dans le monde sorcier, forcées d’accepter tout ce que leur faisait subir le Magister, et qui haïssaient chaque respiration mesurée du jeune brun à cause de tout ce qu’il représentait pour eux : l’oppression, la guerre, la souffrance. La perte d’êtres chers. Parfois Theodore se disait vraiment que c’était un miracle qu’il ne se soit pas encore donné la mort tant il pouvait se détester : par honte personnelle de ses propres actes et par la haine extérieure qui l’accablait à chacun de ses pas. Il posa les coudes sur le comptoir en fixant le barman, silencieux. Ce petit mange fonctionnait tout le temps ; les gens se sentaient mal à l’aise et abandonnaient tout ce qu’ils faisaient pour venir s’enquérir de ses besoins et désir. « Une bièraubeurre. Apportez-la à ma table habituelle. » dicta-t-il avec une certaine autorité naturelle, et ce malgré le fait qu’il commandait une boisson largement réputée destinée aux adolescents et non aux hommes. Et puis, avec une touche d’hésitation et parce que, la plupart du temps depuis plus de trois ans, il ignorait bien comment racheter tous ses péchés et cherchaient n’importe quel prétexte pour soulager un petit peu sa conscience ravagée il conclut avec un maladroit « S’il vous plaît. » et une poignée de noises sur le bois terne du comptoir. Il se dirigea ensuite vers une table située dans un coin reculée, à l’abri des oreilles indiscrètes, voilée dans une semi-obscurité contrecarrée seulement par une petite lanterne où brillait une boule lumineuse magique. Une silhouette inidentifiable l’y attendait déjà. Quels Mangemorts clichés fait-on pensa-t-il sarcastiquement en s’asseyant près de son « collègue » – aussi bizarre était-il pour lui de penser à Travis en ces termes – et en le saluant d’un sobre « Bonjour Roman. Comment vas-tu aujourd’hui ? » Que les banalités d’une conversation routinière commencent pensa amèrement le jeune Nott en lançant son sourire le plus poli – et le plus distant.

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Ce matin-là, il l'avait rencontré. Il l'avait vu de trop près à son goût, se sentant plus victime que bourreau, plus blessé que blessant. Il l'avait vu passer tout près de lui quand la lame du couteau avait marqué sa joue, traçant sur sa peau diaphane la longue estafilade qui le marquait encore, faisant couler son si précieux sang en une goutte qui était venue mourir sur le col de sa robe de sorcier. C'était la première fois, et assurément pas la dernière qu'il se voyait être victime d'autre chose que d'un sortilège, d'une potion, ou d'un enchantement quelconque, et il osait imaginer que la douleur qui émanait d'une simple coupure sur sa joue n'était rien en comparaison de ce que pouvait être le déplaisir mortel de sentir le froid de la lame planter en plein dans son cœur.

Avec naïveté, toute fois subtile, il se disait aussi que ce n'était pas une chose naturelle pour un sorcier que de se battre avec un couteau, qu'il s'agissait là de l'apanage des moldus que d'user d'outils aussi archaïque pour retirer la vie à quelqu'un, cela manquait de grâce, de subtilité et surtout de magie. Il aurait été d'ailleurs plus que déshonorant de mourir au champ d'honneur de cette façon, et il se félicitait presque de la punition qu'il avait infligé à l'impudent. Celui-ci ne finirait pas en prison, certainement pas tant que les prisonniers d'Azkaban auraient la possibilité de sortir de leurs geôles pour venir jouer les gentils serviteurs en signant un simple contrat. Non, celui-ci, serait torturé, blessé, et une fois que la punition serait jugée suffisante donné en pâture aux experimages pour servir de bon cobaye. C'était là le prix à payer pour avoir blessé le directeur de la section des rafleurs, c'était là tout ce que l'on méritait quand on s'en prenait d'un peu trop près à Roman Travers.

Seulement, il était bon de se dire que ces événements, bien qu'ils furent récents, faisaient déjà partis du passé et qu'il était bon d'y tirer un trait. Néanmoins, il était bien difficile pour le si entêté et revanchard Travers d'en faire abstraction surtout quand il arborait sur son visage la marque même de cette petite défaite qu'il avait concédé.  L'orgueil à vif, il avait passé sa journée à bougonner dans son bureau, quand il n'avait tout simplement pas été odieux avec ses collaborateurs, si bien que tout le monde avait fini par l’éviter, fuyant son regard, échappant à sa fureur, et finissant par souffler quand il avait tiré sa montre puis décrété qu'il était l'heure pour lui de s'en aller.

Ce n'était plus vraiment un secret pour personne, Roman Travers, au-delà de son air macabre et de cette impression qu'il donnait de toujours être solitaire, entretenait des rendez-vous habituel avec un jeune homme. Nulles questions n'avaient jamais été posé quant à leur relation, certains mauvais langues disaient que l'homme en plus d'être nécrophile aimaient les hommes bien plus que les femmes, quand d'autres disaient qu'il s'agissait là de rencontre entre mangemorts et qu'ils devaient parler de choses dont le commun des mortels ne devaient pas soupçonner l'existence. Seulement, ils étaient loin d'imaginer que ce lien qui unissait Roman au jeune Nott n'avait été déterminé que par des lubies enfantines que Roman avait eut l'erreur d'encourager, et qu'il n'y avait eut que le temps, ainsi que certaines habitudes tel que ces rendez-vous au Chaudron Baveur, pour renforcer ce lien.

Ainsi, assis tout au fond de l'Auberge de sorcier la plus connue de Londres il attendait son rendez-vous dans une luminosité toute tamisée qui lui permettait de cacher autant son visage balafré que cette aura de mauvaise humeur qui l'entourait. Calmement, il attendait, sortant de temps en temps sa montre à gousset, et sortait de temps en temps sa montre pour mieux mettre à mal une patience déjà épuisée. Theodore n'était pas en retard, mais la patience ne faisait pas parti des vertus que possédait Roman. D'un soupir, il rangeait l'objet bourré de mécanismes que son père avait ensorcelé pour que jamais ils ne cessent de tourner mais surtout pour que la montre soit toujours à l'heure, et il s'enfonçait un peu plus sur la chaise où il avait posé son séant. Surveillant les entrées sorties, il finit par entrevoir le jeune Nott qui comme à son habitude passait entre les regards dérangeant de leurs pairs et les afflictions de ces autres soumis à la neutralité.

A l'approche de son jeune ami, il se redressait comme pour faire oublier le temps d'un instant toute l'indisposition dont il souffrait, mais il la sentait de nouveau poindre quand la question au sujet de son humeur se fit entendre. Avançant son visage dans la luminosité somme toute relative de l'emplacement où ils se trouvaient désormais tous les deux, il poussa un soupir contrit avant de prendre la parole. « J'ai bien failli louper notre rendez-vous d'une éternité. », il ponctuait d'un sourire carnassier qui ne fit que ressortir davantage l'élancement qui lui traversait sa joue à vif. « Mais il faut croire que ce n'était pas mon heure. », croisant les bras la table autant qu'il croisait ses jambes sous la table, il tentait d'apprivoiser sa fureur pour sembler ne serait-ce qu'un peu détendu. « Je te retourne la question. Et toi, Theodore, comment vas-tu aujourd'hui ?! », la question prenait tout son sens pour un Roman qui avait bien sûr remarqué toute la distance instaurée par le jeune homme, tout comme il avait pu remarquer cette froideur qu'il distillait avec parcimonie. Oui, il fallait croire que ce jour ne serait pas dès plus facile pour Roman, que ce jour ferait peut être même parti de ceux qu'il préférait délester au fond d'une pensine bien profonde.

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Le visage de Traversa s’avança dans la lumière comme un acteur apparaît soudain sur scène pour être applaudit – un geste bien théâtral – et Theodore remarqua immédiatement la longue coupure légèrement gonflée qui ornait la joue pâle de son co-équipier. Et Roman ironisait à propos de cela … Ses commentaires apportèrent une légère grimace désapprobatrice sur les traits de Theodore ; encore et toujours l’une des conséquences de la guerre. Et Roman, avec son sourire de prédateur avide de chair fraiche, semblait s’en amuser. L’ex-Serpentard comprenait même à demi-mot que la personne qui avait fait cela n’allait pas s’en sortir ainsi. Il pouvait sentir de puissantes vagues enragées s’échouer sur lui avec fureur et violence et l’épicentre de cette émotion intense était son vis-à-vis balafré. Quel contraste avec son apparence détendue et sereine … Comment pouvait-il se complaire ainsi dans la guerre s’interrogea brièvement l’héritier Nott avec déception. Vraiment, plus il vieillissait et moins Roman Travers correspondait à l’image idéalisée qu’il s’en était fait lorsqu’il était encore enfant et ignorant du monde.

« Comme tous les jours, je suppose. Je m’apprête à aller faire un petit voyage avec un ami. J’ai tellement hâte » répondit-il en ignorant soigneusement la question initiale de son interlocuteur. Il n’avait pas envie de lui dire qu’il était dégoûté de voir chaque jour un peu plus la pourriture qui rongeait ce monde. Il ne voulait pas non plus lui dire à quel point son cœur était lourd et sa déception immense à chaque fois qu’il prenait conscience que, oui, vraiment, Roman était un Mangemort et oui il ne rechignait pas face à un bon duel – fût-il à mort. Alors il ne fit que secouer la tête, un air calculé pour être légèrement blasé mais pas trop plaqué sur le visage, en copiant la position de Roman : bras et jambes croisés, comme s’il était un nœud impossible à défaire ; une barrière immense et invisible était ainsi dressée entre les deux hommes. « Il se trouve que je m’apprête à aller faire un petit voyage avec un ami. J’ai tellement hâte » ironisa-t-il. Bien sûr, entre deux Mangemorts parler d’un « petit voyage » avait souvent un sens bien différent que lors d’une conversation réellement badine. Un « voyage » ou une « course » désignait bien souvent, dans le premier cas de figure, une mission au service du Magister et de sa puissance cruelle. Et, pour une raison étrange et injustifiée, Theodore avait l’impression que c’était de la faute de Roman s’il était sur le point de se lancer dans une mission suicidaire pour un jeune homme de son âge avec Draco Malfoy. L’homme qu’il connaissait depuis son enfance se déformait dans sa tête, prenant de plus en plus les traits de personnalités de son père, et se substituait à ce dernier pour expliquer la présence de Theodore au sein des Mangemorts. Un glissement facilement compréhensible lorsqu’on connaissait Mr. Nott ; Roman était, curieusement, bien plus approchable que lui. Theodore n’aurait jamais pu en vouloir ouvertement à son père – il n’aurait même pas pu lui en vouloir dans l’intimité de ses pensées éveillées.

« Je suppose que tu peux comprendre mon impatience, n’est-ce pas ? Après tout, je ne doute pas une seule seconde que tu te sois fait cette marque lors d’un voyage semblable. » continua-t-il en découvrant ses dents dans un sourire sans joie, un sourire laid et méchant qui répondait parfaitement au sourire carnassier qu’avait arboré son comparse quelques secondes plus tôt. « Et je ne doute pas non plus que ce léger inconvénient n’a néanmoins pas su t’empêcher d’apprécier pleinement ton voyage, hein ? » Un interlocuteur moins habitué à Theodore Nott aurait pu ne pas percevoir le changement d’attitude alors que son temps restait égal, léger ; comme s’il parlait réellement des dernières nouvelles avec un vieil ami. Mais Roman le connaissait trop ; il percevrait combien il était inhabituel pour Theo d’utiliser ainsi un « hein » bien trop familier dans un endroit public. Et peut-être même qu’il pourrait réaliser que « ce petit inconvénient » faisait plus référence à la personne ayant posé sa marque sur Travers qu’à la marque elle-même – et que cela sonnait dans le plus profond du cœur du jeune homme comme une accusation. Quelle hypocrisie pour un jeune homme ayant déjà deux meurtres à son actif. Theodore inspira légèrement plus fort que d’habitude et expira longuement, calmement par le nez. Il devait se calmer ou ses doutes seraient mis à jour – si ce n’était pas déjà chose faite – et il serait mené par son ancien héros devant le Mage Noir et tué séance tenante.

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Theodore était un garçon fragile. Ce n'était pas une découverte surprenante qui décontenançait Roman, loin de là, il s'était bien vite rendu compte que dans la vie de cet enfant il y avait de profonds manques, mais qui était-il pour juger ? Rien. Rien de plus qu'un homme qui avait tenté, avec beaucoup de maladresses, de faire sourire un enfant perdu dans les affres terribles de la vie. Le garçon était devenu un adolescent, et l'adolescent avait fini par devenir un homme ; un homme qui avait perdu ses illusions d'enfant, et qui toujours avait dans le regard cette pointe d'amertume vis à vis d'un peu tout ce qui se présentait à lui. Une tristesse que le mangemort avait pensé pouvoir effacé, mais il fallait se rendre à l'évidence, il ne pouvait rien faire. Il ne pouvait plus rien faire pour ce garçon qui avait prit une bien mauvais décision, car il en était certain, Theodore n'était pas taillé pour devenir un mage noir, pas plus qu'il ne pourrait vaincre le spleen qui l'emplissait un peu plus chaque jour. Pourtant, par delà ses certitudes, Roman n'avait rien fait pour l’arrêter. Il s'était dit qu'il valait encore mieux pour cet enfant qu'il appréciait depuis déjà un grand nombre d'année, endosser la tunique sombre du mangemort plutôt que de se retrouver six pieds sous terre pour avoir oser la neutralité ou pire pour s'être insurgé face à l'autorité.

Aujourd'hui, encore, il ne saurait rien des états-d'âme du garçon. Encore aujourd'hui il taisait se ressentiment qui, pourtant, se lisait sur chacun des traits de son visage. Il pouvait faire illusion auprès de la plupart des gens qu'il pourrait croiser, feignant la froideur ou encore le désintérêt, mais cela ne pouvait fonctionner qu'un temps avec Roman. Alors quand les mots sonnèrent dans un mimétisme presque parfait, le sourire à couper au couteau en moins, Roman ne put que se raidir en se demandant encore combien de temps devrait jouer ce petit jeu. « Je n'ai pas ce genre de voyage, tout du moins, je n'ai plus le temps d'avoir ce type de contre-temps. Si je suis blessée, c'est uniquement dans le cadre de mon travail, pas parce que l'on m’envoie en « voyage ». », il n'y avait désormais plus aucune chaleur dans le ton employé par le rafleur. Il n'y avait plus qu'un éclat de fureur qui pouvait se lire au travers de son regard azuré, rien de plus qu'une étincelle que le jeune Nott avait lui-même déclenché par cette amertume qu'il faisait, sans quiproquos possible, découler de Roman, et même plus précisément des décisions qu'il avait pu prendre au cour de sa vie.

Ce n'était pas un secret après tout, Roman Travers était un mangemort, et un mangemort particulièrement implacable quand il s'agissait de mener la traque ou encore de mettre à mort. Il n'avait jamais craint de se salir les mains, ou encore de se retrouver éclabousser dans de bien vilaines affaires. Mais le fait était que tout cela découlait d'une simple décision qu'il avait prise un peu plus jeune, et contrairement à ce que le commun des sorciers pouvait penser Roman Travers n'avait pas choisi de suivre le seigneur des ténèbres par adoration de ses idéaux mais tout simplement parce qu'il y avait vu la possibilité de construire sa vie avec bien moins de contrainte que sous l'ancien régime. On pouvait sans trop de problème se dire qu'il était l'un des grands gagnants de ce changement drastique, et lui jugeait qu'il n'avait strictement rien à se reprocher parce qu'il était de ceux qui avait su jouer des convenances d'un pathétique destin.   Il désapprouvait alors grandement les reproches muets d'un garçonnet qui n'avait pas su avoir la jugeote d'y réfléchir à deux fois. Il était désormais un mangemort, et malheureusement pour lui c'était un emploi à plein temps, à durée indéterminée, et sans possibilité d'en démissionner.

La marque était dans sa chair, comme elle était incrustée dans la chair de Roman qui, d'un geste vif, était venu saisir son avant-bras. Il serrait avec force, sans causer de douleurs, ne faisant que froisser le tissus de ses vêtements, mais il s'agissait là d'un geste plein d'avertissements. « Prends garde à tes mots. », avait-il soufflé entre ses dents avant de se pencher d'avantage vers son jeune ami. « Sois heureux que je sois ton ami et non un larbin écervelé car pour cette simple suspicion je pourrais te faire condamner. », murmurait-il dans une partialité dévoilée. Et fort heureusement la partialité de Roman jouait en faveur du jeune Nott, et du coin de l’œil, il remarquait l'approche du tenancier qui tenait à sa main un broc de bière au beurre. Il relâchait alors la pression qu'il avait maintenu sur la bras de Theodore pour mieux se caler au fond de sa chaise, se drapant dans son habituelle froideur comme pour donner le change vis à vis de cette situation qui apparaissait comme plutôt mauvaise.
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C’est fou ce qu’une conversation pouvait tourner au vinaigre en quelques minutes seulement. On était vraiment loin des banalités polies que Theodore avait imaginées échanger avec Roman en venant ici. Si seulement il ne s’était pas ramené avec sa balafre ignoble qui représentait tout ce que Theo détestait, si seulement ça n’avait pas été quelques heures seulement avant qu’il ne parte courir après une ombre introuvable … peut-être que la situation n’aurait pas à ce point dérapée, peut-être qu’il aurait pu se retenir de déverser sa frustration sur Roman à la manière d’un enfant qui pique une colère. Et comme pour souligner son attitude puérile, son désespoir enfantin, le barman arriva à table avec un grand verre de bièraubeurre qu’il déposa devant Theodore avec un « Voici, monsieur. Autre chose ? » hésitant. Une hésitation qui se lisait sans don d’empathie aucun requis dans les yeux du jeune homme tandis qu’il observait tour à tour Roman et Theodore avec angoisse. « Non, merci. Vous pouvez disposer. » grinça l’héritier Nott entre ses dents, libérant de ce fait le pauvre garçon de la situation inconfortable dans laquelle sa profession l’avait en quelque sorte forcé à se mettre. Il attendit que le serveur se soit un peu éloigné avant de palper son bras tatoué qui avait été encore il y a peu sous l’emprise autoritaire de Roman. Ce contact lui avait fait l’effet d’un seau glacé : il était pris au piège, incapable de s’enfuir, même s’il le voulait. Il serait toujours retrouvé. Il n’était pas mieux qu’un rebut car, lui aussi, il avait un maître qui avait droit de vie ou de mort sur sa personne. Theodore se sentait malade.

Toute la situation – les reproches qu’il avait envie de cracher au visage de son interlocuteur, sa bièraubeurre stupide qui le narguait, la froideur de Roman, l’intervention inopinée du barman, sa propre immaturité flagrante – faisait brûler les feux de la honte avec force derrière la peau des joues de Theodore et, à son plus grand désarroi, lui donnait même envie de pleurer, chose qu’il se garda bien de montrer. Il préférait encore afficher une colère montante, comme il le faisait ici, plutôt que d’assumer une envie de laisser monter quelques armes à ses yeux. « Je ne vois pas ce que j’ai dit de répréhensible, Roman » répondit alors le jeunot après un long blanc dans leur conversation. Il faisait preuve d’une abominable mauvaise foi et n’en avait que trop conscience. Bien sûr, il n’avait pas dit ouvertement qu’il désapprouvait du gouvernement en place ; mais son ton, ses sous-entendus avaient laissé clairement sous-entendre que Theodore Nott, fils du grand Alaric Nott, n’était pas non plus heureux avec la situation. Il continua, aveuglé par un sentiment de honte cuisant et une frustration trop longuement réprimée qui courrait désormais libre dans son corps « Mais je suis sans doute tellement écervelé que je ne pourrais pas me rendre compte de quoi que ce soit même si je disais une énormité incroyable du genre : ‘Je suis… »

Et là, Theodore s’arrêté net. Il avait failli dire, en ironisant, bien entendu, qu’il était Harry Potter. Mais même dans le cadre d’une dispute, même pour prouver quelque chose, une telle phrase aurait immédiatement attiré plusieurs Mangemorts dans le Chaudron Baveur et aurait sûrement signifié sa mise à mort imminente. Voilà dans quel genre de monde il vivait : un monde où il ne pouvait même pas se permettre de dire la moindre putain de connerie, un monde où il était obligé de penser comme son père pour ne pas déshonorer celui-ci. Un monde où il n’était qu’un pantin tueur au service d’un mégalomane surpuissant. Il abaissa la tête, honteux, mais calmé. Tout cela n’était pas la faute de Roman. Ça ne l’avait jamais été. C’était la faute du Seigneur des Ténèbres, c’était la faute d’Alaric Nott, de Luciuc Malfoy. C’était la faute de l’ignorance et de l’avarice. Mais si tout cela était vrai, Theodore ne comprenait pas comment Roman avait pu recevoir la marque sans y être plus ou moins forcé. Il ne comprenait simplement pas pourquoi il s’était avili de la sorte, volontairement, et cela emplissait Theodore de fureur et de chagrin. Parce que s’il avait été à la place de Roman, il aurait tracé son propre chemin et n’aurait jamais pris l’ignoble Marque. « Désolé. » marmonna-t-il en regardant Roman, toujours pas complètement calmé, mais au moins un tantinet plus raisonnable.

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La colère était un sentiment que Roman connaissait bien parce qu'il était de ces hommes qui toujours se sentait furieux contre quelque chose. Il jugeait, à bien des égards, que ce sentiment, si fort qu'on l'avait érigé au rang de pécher originel, n'était pas uniquement destructeur mais permettait assurément de faire avancer quelques situations que le commun des mortels pouvait juger comme inextricable. Il appréciait la colère comme outil de construction, mais ce n'était pas ainsi que le jeune homme avait décidé de s'en servir. D'une façon que Roman ne pouvait juger que désolante, il regardant son jeune ami se rouler dans cette colère qui le consumait, et c'était avec le cœur froissé qu'il soupirait, incrédule, face à la situation ahurissante. Il jugeait que ce n'était ni le moment et encore moins le lieu où le mangemort en proie à ses doutes pouvait se laisser aller à ses états d'âmes. Néanmoins, il ne pouvait plus rien faire pour le faire taire, et celui-ci ne semblait pas en état d'être raisonné ni d'être raisonnable.

« Je ne vois pas ce que j’ai dit de répréhensible, Roman » , il appuyait sur son prénom, voulait certainement le faire réagir vis à vis de cette embarrassante situation qui conduisait l'interpellé à se demander combien de temps devrait encore durer cette mascarade. « Mais je suis sans doute tellement écervelé que je ne pourrais pas me rendre compte de quoi que ce soit même si je disais une énormité incroyable du genre : ‘Je suis… », qu'il le dise, qu'il le fasse, et grand bien lui ferrait de se prendre une bonne gifle en pleine figure pour que cela lui remette les idées en place. Et les regards, intrigués, avaient convergé vers leur table, admirant avec quel impuissance le directeur des rafleurs assistait à la débâcle du jeune Nott. Le monde des sorciers étaient petits, et les secrets devenaient bien trop rapidement des bruits de couloir puis des vérités que l'on exposait sans vergogne, même quand ils étaient tachés de fantasmes délurés. « Désolé. ».

C'était tombé comme un cheveux sur la soupe, un rattrapage in extremis, qui fit froncer les sourcils d'un Roman ne fort méchante humeur. Il décroisait alors ses longues jambes, prenant un bon appui sur le parquet vieillissant de l'établissement sans âge qu'était le Chaudron Baveur, et il se penchait vers son ami. Pas un sourire. Pas un rictus pour venir déformer ce visage. Il n''y avait là qu'un masque impassible, de celui dont il usait et abusait lorsqu'il travaillait et qu'il devait commander de jeunes gens tel que Theo. « Je ne sais pas ce qui te passe par la tête, je veux bien t'aider mais pas dans ces conditions, pas tant que tu auras décidé que tout ce que je peux faire est ignoble. », il se redressait alors, cherchant le regard de son ami plus que la proximité gardienne des secrets, et d'une voix grave, presque monotone, il reprenait la parole. « Prend-t-en aux bonnes personnes, et avec intelligence. Non comme un jeune bouc qui attaquerait aveuglement. », sinon, il finirait vraiment par avoir des problèmes et avec des personnes beaucoup moins conciliante que Roman.

Roman qui, déjà, se levait et attrapait ce long manteau noir qu'il avait déposé sur une autre chaise à son arrivée. Il l'enfilait tout en gardant son protéger un l'oeil sans pour autant rajouter quoi que ce soit dans leur discussion, osant juste penser qu'il était bien loin le temps où l'enfant qu'il avait été se laissait emporter par ces rêves plutôt que par la désolation du monde dans lequel il ne voulait pas vivre. Prestement, il remettait de l'ordre dans sa tenue, et s’apprêtait à partir. « Mieux vaut ne plus se revoir, à moins que tu ne cherches vraiment mon aide. », rajoutait-il presque cordialement avant de faire un quart de demi-tour pour rejoindre la porte de la taverne des sorciers.


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La déception et la dureté de Roman Travers, Theodore pouvait les comprendre après ce qui venait tout juste de se passer, même si une partie de lui encore fort puérile et orgueilleuse avait bien envie de croire que tout ce qui venait de se passer était de la faute de son aîné. Mais Theodore était un jeune homme trop intelligent pour s’aveugler à ce point et sa logique le poussait à voir la réalité en face : il agissait comme un véritable con, un gamin pourri gâté qui s’en prenait à la première personne présente lorsque les choses n’allaient pas comme il le voulait. Ou était-ce vraiment le cas ? Après tout, sa frustration n’était pas celle que ressent un jeune homme habitué à tout recevoir lorsqu’une jeune femme se refuse à lui ; sa frustration était bien plus profonde, maladive et douloureuse. Elle était existentielle et résidait dans un mode de vie malsain qu’il était forcé de suivre malgré lui. Malgré tout, Theodore avait conscience d’avoir réagi de manière illogique et même pire, de manière inconsciente en s’énervant de la sorte en public.

… Et pourtant, ce n’était pas cela qui allait le retenir. Il respirait fort et fronçait les sourcils malgré lui tandis que Roman parlait, incapable de contenir sa fureur, son sentiment d’injustice qui l’envahissait. Incapable aussi de faire taire ces bruissements outragés, apeurés, moqueurs qui courraient sur lui comme des parasites. Pas de voix dans la tête du jeune Theo, juste des sensations dévorantes, déconcertantes qui courraient sous sa peau comme une maladie mortelle et qui embrouillait parfois sa raison, l’énervant encore plus qu’il n’aurait pu s’énerver s’il avait été seul dans son cœur. Sa colère bouillait en lui comme une épaisse mixture laissée trop longtemps sur le feu, ça montait, montait montait et menaçait de déborder et d’éclabousser tout sur son passage. Et le fait de voir Roman se lever et entamer les gestes qui mettaient de manière tacite fin à la conversation s’arrangeait rien. Il l’abandonnait ! Comme tout le monde ! Comme Granger, comme sa mère, comme son père qui avait abandonné l’idée de l’élever dès sa venue au monde.

Et la dernière phrase du nécromancien fut finalement de trop. Theodore reçut cette réplique comme une gifle et sa bouche s’entrouvrit sous le choc tandis qu’il cherchait l’air qui lui avait été coupé sous le coup de l’émotion. Pour le jeune Nott, Travers venait de le rejeter purement et simplement, rien de moins. L’ancien Serpentard referma prestement sa bouche entrouverte et déglutit difficilement, ravalant – il lui semblait – dans le même mouvement une boule de rage, de douleur et de larmes qui menaçait de sortir. Il était rare qu’une personne puisse à ce point bouleverser l’héritier Nott, mais Roman avait toujours eu cette place particulière dans son existence ; celle d’une figure quasi-paternelle, d’une silhouette bienveillante qui avait presque toujours été près de lui. Et, à cause de cela, l’opinion que Roman avait de lui comptait énormément aux yeux du brun. C’est donc vexé, toujours rendu déraisonnable par sa colère, qu’il persifla en réponse un venimeux « Oh, tu veux dire comme chercher ton aide pour ramener ma défunte mère, peut-être ? On sait à quel point tu tiens tes promesses, après tout ! » en dépassant le mangemort. Aussitôt dit, aussitôt regretté. Ces paroles accusatrices signaient peut-être la fin de quelque chose … et Theodore ne pourrait alors que se blâmer lui-même. Mais trop fier pour faire demi-tour et essayer d’arranger les choses dans l’instant, comme il aurait dû le faire, il poussa la porte du chaudron baveur et transplana direction sa résidence dans un léger plop.

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