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sujet; « seasons in the abyss » —— RABASTAN&LUCIUS [ post-beltane ] |
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Close your eyes, Look deep in your soul Step outside yourself And let your mind go Frozen eyes stare deep in your mind as you die
Il se réveille en sueur, d’un bond d’un seul et crispé. Depuis l’incident de Beltane, ses rêves étaient habités par d’étrange vision, des bouts de vie qu’il aurait eu vécu, avant. Essoufflé, le souffle saccadé, son cœur au bord des lèvres, il semblait éreinter, au bout d’un calvaire et d’une peur innommable. Non, cela ne peut être vrai. Il ne veut pas y croire, il ne peut pas le concevoir. Pas lui, certainement pas lui. Et pourtant, le karma est si farceur, si détestable. Il en a presque envie de vomir, presque envie de mourir. La bile monte jusqu’à sa gorge et se noue en boule qui lui bloque la respiration. Il n’y arrive pas, ça n’était qu’un rêve. Pourtant, il tremble, face à l’évidence. Le sentiment était bien trop réel ; le toucher bien trop grisant pour n’être que chimère. Il regarde sa main, remonte le long de son bras avec ses doigts et réalise l’ampleur de l’horreur. Rabastan Lestrange. Cette idée ne pouvait être réelle, même avec toute sa bonne volonté, elle demeurait surréaliste. Beltane avait réveillé quelque chose de bien trop enfoui, là, au fond de sa mémoire. C’était comme fuir après une vérité blafarde, atrocement douloureuse. Il lui faut l’affronter, lui, l’homme de ses nuits d’insomnie, de ses cauchemars, le responsable de son calvaire, de celui de Narcissa.
Il fait les cent pas, pensant à l’impossible, à l’irréversible. Son cœur se sert dans son poitrail et il ne l’envisage toujours pas. Comment cela peut-il être lui ? Pourquoi a-t-il fallu que cela soit lui ? La crainte d’un esclandre lui traverse l’esprit. Non, il a tout autant à perdre que moi, il ne fera rien, pense-t-il. Il a la sensation d’être un lion en cage, qui attend sa sentence avant de mourir. Puis, il trébuche, sur un pied, les souvenirs reviennent, en rafale. Ils déferlent sous ses paupières, tambour battant. La tête lui tourne alors qu’on l’aide à tenir debout. La douleur irradie ses tympans tant la violence nébuleuse de ces bribes de vie lui semblent si familiers. Il sent le froid du mur à sa gauche, il s’y tient pour ne pas chuter de nouveau. Ses doigts tapotent délicatement sa tempe pour que tout le vacarme dans son crâne cesse, et vite.
Et puis il ouvre les yeux, sur deux abysses d’un bleu profond, d’un bleu si cher à son cœ… « Lestr… » peine-t-il à dire, comme si terminer le mot lui brûlait les lèvres et la langue. Quel hasard. Trop de coïncidence. L'effort est insurmontable, trop lourd à porter. Lucius le jauge, avec difficulté. Il le scrute, de part et d’autre. Lui aussi est tout aussi déboussolé, si ce n’est encore plus… perturbé. Nous voilà bien avancer. Les mots ne veulent pas sortir, ils se heurtent à la barrière de ses lèvres qu’il pince pour ne pas qu’elles s’ouvrent. Elles doivent rester sceller, pour le bien de tous. Mais ses yeux le transpercent, le foudroient d’incompréhension. Il doit dire quelque chose. « Que m’as-tu fait avec Beltane Lestrange ? Me prendre Narcissa ne t’a pas suffi ? Il fallait que tu me rendes fou en plus de cela ? » qu’il crache, impunément, avec férocité. Son cœur a mal, il ne comprend pas. Il essaie mais il n’y arrive pas. Il se sent emporter par un courant qu’il ne contrôle pas et il se brise sur des roches avec les fracas de l’océan. Comme dans ses pires cauchemars.
Le coup part. C’est instantané, immédiat. Sa gueule avec cet air suffisant lui déplait, il veut la faire disparaître. Tout comme cette impression oppressante qui les lie tous les deux. Il le frappe, à même la chair, sur la pommette gauche. Rabastan s’effondre, sous le coup, interloqué. La douleur lui lance dans la main mais qu’importe, ça n’est qu’un infime échantillon de ce qu’il veut lui faire pour le punir de lui avoir pris la seule personne qu’il n’eut jamais aimé. Même le calvaire de Luna Lovegood n’est que Paradis à côté. Non, Lestrange doit souffrir, mourir. Même si ça prendra du temps. Même si ça sera long, ça n’avait aucune importance. Pourtant, le contact contre sa peau l’électrise, le déstabilise. Lucius ne sait que faire à part hurler, à l’agonie, de colère. « J’espère pour toi que tu l’as bien senti passer. Rien ne sera comparable à ce que tu as fait à Cissy, vermine. Mais que m’as-tu fait ? Depuis Beltane… Quelque chose de bizarre se passe ! QUE M’AS-TU FAIT LESTRANGE ? » Peu importe qu’on l’entende. Peu importe que les autres sachent. Lucius l’attrape par le col et le plaque avec une violence qu’il ne se connait pas contre le mur. Le voir sourire de manière si sardonique le dégoûte et lui donne envie de vomir. Mais à l’intérieur de lui, il sait que c’est là la plus belle image d’un souvenir d’une autre vie qu’il a un jour tant aimé et qui lui a manqué. |
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Rabastan Lestrange n’était pas un gros dormeur. Il détestait la nuit, il détestait le silence, il détestait être seul dans le noir, il détestait entendre sa propre respiration, il détestait sentir ses muscles se tendre à chaque légers bruits… Et quand après de longs moments à observer le plafond dans l’obscurité et dans le silence il parvenait enfin à s’endormir, c’était pour se réveiller en sursaut moins de deux heures plus tard. Alors parfois il renonçait, se levait et essayait vaguement de s’occuper jusqu’à l’aube, ou bien il s’acharnait. Dans les bons jours il se réendormait et parvenait à accumuler presque cinq heures de sommeil dans la nuit. Sincèrement, ce n’était pas une question de mauvaise volonté : il aimerait bien dormir mais il ne pouvait tout simplement pas. Et après l’épisode Beltane, ses cauchemars avaient brusquement changé de nature. Est-ce qu’on pouvait encore appeler ça des cauchemars ? Vu le rythme avec lequel son cœur battait quand il se réveillait et le tremblement de ses mains, il doutait qu’il puisse exister un autre mot pour qualifier ce genre de… rêves. Mais pourquoi par Merlin son subsconcient faisait remonter ces souvenirs à la surface ? Des souvenirs qu’il n’avait pas à avoir, qu’il ne pouvait pas avoir. Ce n’était pas les siens. Il avait tenté l’occlumancie, pour se fermer à ces intempestives réminescences, mais, déjà qu’il n’était pas un maître en la matière, la fatigue l’empêchait de se concentrer suffisamment. C’était un putain de cercle vicieux, la fatigue baissait ses défenses et les flash se multipliaient.
Il ne comprenait pas ce qui se produisait : comment pourrait-il ? Les sentiments qui venaient à lui après ces rêves, après ces cinglants moments de réminescence, il ne les avait jamais connu auparavant. Rabastan n’avait jamais aimé, aimé dans le sens le plus fort. Il avait aimé sa mère, bien sûr, il aimait son frère et ses enfants (un peu trop sans doute pour son propre bien d’ailleurs) mais il n’avait jamais aimé une femme (un homme ?). C’était à peine s’il avait partagé une froide amitié avec son épouse durant leurs premiers mois de mariage. Il ne pouvait donc même pas espérer comprendre le quart des sensations qui l’étreignaient lorsque ces souvenirs parasites envahissaient ses pensées. Ça ne me concerne pas. Il n’était pas cet Harvey. Et surtout il n’avait absolument, ABSOLUMENT rien à faire avec… Malfoy. C’était sans doute ça, le pire. Le pire… À travers tous ces restes d’une vie passée qui revenaient le hanter, une vie qui n’était pas la sienne, qui était loin d’être la sienne, il avait fallu que ce… mec revienne sur le tapis. Enfin Malfoy… Ce n’était pas vraiment lui. Ma tête, putain ! Il s’en donnerait des baffes tellement tout lui paraissait flou, embrouillé, sombre et particulièrement embarrassant. Plus il tentait d’y réfléchir, plus il se sentait mal et était pris d’une envie de vomir, moins il y pensait… Enfin, les flash ne cessaient pas, eux. Et dès que son esprit se tournait un tant soit peu sur Malfoy (et Merlin sait que Rabastan avait de quoi penser avec cette famille de lâche) la haine qu’il était censé ressentir et qu’il aimait ressentir était gâché par ces sentiments, par cette vague affection, par cette envie.
Une part de lui, ou plutôt une part de cet Harvey (qu’est-ce que tu viens foutre en moi ? Pourquoi ? Dégage !) voulait retrouver Lucius. Ou plutôt cet autre en Lucius. Lucius ? Est-ce qu’il commençait sincèrement à l’appeler Lucius ? Putain de Malfoy de merde, qu’est-ce que tu m’as fait bordel ? C’était déjà plus l’idée générale. Enfin, comme on le sait, Rabastan Lestrange, sans être un maître de l’occlumancie, était particulièrement doué dans l’art d’ignorer les signaux que pouvait lui lancer son corps, son esprit et dans la discipline ardue du refoulement. Ce n’est pas à un vieux hippogriffe qu’on apprend à faire des courbettes ; pour survivre à ses journées de travail et à ses soirées chez lui il avait appris à savamment trier tout ce qui pouvait relever de ce mic mac pour l’envoyer directement dans la case à jeter de son cerveau. Il n’y avait que la nuit que cela ne pouvait hélas pas fonctionner. Alors il dormait de moins en moins. Au grand maux les grands remèdes, plutôt mourir de fatigue plutôt que de revoir ne serait-ce qu’une seconde entière l’image de Lucius (de Malfoy, putaaain !) s’imposer dans son esprit accompagnée de ce genre de secousse dans son ventre. Je-le-hais ! Pourquoi ? Pourquoi lui ? Avait-il fait quelque chose pour mériter ça ? Tu as fais beaucoup de choses er tu mériterais sans doute pire…
Il était au QG. Rabastan oscillait toujours entre trois lieux, le Ministère, son logement et le QG en se permettant de temps en temps des crochets pour se changer les idées. Il y avait toujours plein de choses à faire, plein de problèmes à régler… C’était tant mieux, il fallait qu’il s’occupe l’esprit. Concentre-toi, concentre-toi, concentre-toi… Son cerveau se répétait la litanie sans qu’il ai même besoin d’y réfléchir, il était bien programmé. Et alors qu’il prenait un virage, droit, le visage sans expression, un sourcil vaguement haussé pour la touche hautaine : Rabastan Lestrange dans toute son habituelle splendeur, il croisa la personne qu’il avait littéralement le moins envie de rencontrer en cet instant. « Malf… » Putain, est-ce que cet idiot était en train de se casser le tronche ? Le con… Mais rattrape-le ! Il n’eut même pas le temps de discuter du bien fondé de cette impulsion que déjà il avait tendu ses bras et avait retenu Malfoy de tomber à terre. Ce crétin. Pourquoi est-ce qu’il ne l’avait pas laissé se vautrer ? On se demandait qui était le plus crétin des deux. Quand Lucius (Lucius ? Nan mais il devait se contrôler !) remarqua sa présence, Rabastan put immédiatement sentir qu’il n’avait pas été le seul à mal dormir ces derniers temps. Et la suite des évènements ne le démentirent pas. Déjà cet idiot n’était même pas capable d’articulier son nom en entier… Puis il se lâcha direct avec les accusations : « Que m’as-tu fait avec Beltane Lestrange ? Me prendre Narcissa ne t’a pas suffi ? Il fallait que tu me rendes fou en plus de cela ? » Alors ça c’était trop fort ! Rabastan estimait avoir fait assez de choses conséquentes dans sa vie pour qu’on ne vienne pas en plus l’accuser de choses dont il était proprement innocent. Et si Lu… Malfoy rencontrait les mêmes problèmes que lui, il devait bien se douter que ce n’était pas lui qui en était la cause ! Pour quelle bon dieu de stupide raison Rabastan voudrait faire subir ça à quelqu’un. Même à son pire ennemi ! Surtout à son pire ennemi en fait… Et en plus il venait pleurer sur Narcissa. Evidemment… La bonne vieille et traditionnelle haine le submergea de nouveau et cette fois la vague fut si intense qu’elle effaça sur son passage toute trace parasite d’une vieille affection (est-ce qu’il refusait de dire le mot ? De le penser ?) qui n’avait guère lieu d’être d’ici.
Trop occupé à cultiver cette haine qu’il retrouvait avec une joie satisfaite, il ne vit pas le coup venir, ce ne fut que lorsqu’il sentit les jointures de Malfoy sur sa pomette qu’il prit conscience que ce sale petit… Sa main droite se serra, prête à lui rendre con coup et à lui en refiler un autre tant qu’il y était tandis que dans sa tête, tout s’emmêlait. Un nœud dans la gorge, dans le ventre et un étau autour du cœur. Il détestait cette sensation. Non tu aimes ça. Toi tu aimes ça ! Sale parasite ! Rabastan haïssait chaque milli-seconde où il ressentait cette… chose. Il n’aimait pas ça, ce n’était pas naturel, ce n’était pas… lui. « J’espère pour toi que tu l’as bien senti passer. Rien ne sera comparable à ce que tu as fait à Cissy, vermine. Mais que m’as-tu fait ? Depuis Beltane… Quelque chose de bizarre se passe ! QUE M’AS-TU FAIT LESTRANGE ? » Va donc crever sale petit connard… Tu crois que tu fais mal ? Et tu crois être le seul à vivre ça ? Lucius (il renonçait) l’attrapa par le col de sa chemise pour le plaquer contre un mur, Rabastan sentit son dos claquer contre la paroi et il se permit une grimace. Il ne s’était pas douté que Lucius puisse avoir une telle force. « Qu’est-ce que tu crois Malfoy ? Que c’est de ma faute ? ‘Tain c’est vrai que t’es habitué à tout le temps rejeter la faute sur les autres, hein ? » Il lui aurait volontiers cracher à la figure, sur sa petite gueule de blondinet, mais la force qui serrait son ventre l’en empêchait. « Désolé mais pour cette fois tu ne vas pas pouvoir tout me foutre sur le dos. Je n’ai rien fait. Strictement rien fait. Je suis dans le même cas que toi putain ! » Mû par un réflexe qui tenait à la fois du Rabastan Lestrange ordinaire et du parasite il posa sa main droite sur celle de Lucius, toujours agrippée à son col. Pour la lui virer d’un geste bien senti, lui péter le poignet aussi au passage s’il le pouvait. Mais dès qu’il senti le contact et la peau de son ennemi sous ses doigts il s’arrêta dans son geste. On se prenait souvent la main, tu t’en souviens ? Il ferma les yeux, les flashs revenaient même durant la journée maintenant ! Tu t’en souviens ? « Je ne me souviens de rien putain ! Ce n’est pas moi ça ! » Entendre sa propre voix le ramenait à la réalité, il serra ses doigts autour de ceux de Lucius et détacha sèchement sa main de sa chemise : « Parce que si tu crois que ça me plaît, tu te fourres ta putain de canne dans l’œil. Je vois ta sale tête assez souvent comme ça pour en plus la retrouver dans mes… » la phrase s’étouffa dans le fond de sa gorge. Il ne pouvait pas dire ça à voix haute. Ils n’étaient pas seuls ici, et si Lucius se moquait de sa réputation (avait-il seulement une réputation autre que celle d’un lâche raté ?) Rabastan lui y tenait un tant soit peu. Il baissa la voix, grinçant des dents : « Je-te-hais-Malfoy. Alors ne va pas t’imaginer que je t’ai lancé un charme ou quelque chose du genre pour que tu tombes dans mes bras. Parce que je peux t’assurer que c’est bien la dernière chose dont j’ai envie » C’est faux. Nouveaux flashs, nouveaux souvenirs. Ça ne te concerne pas, ne te laisse pas embarquer. Tu le hais, tu le hais tu le hais. « Je te déteste putain… » À voix haute ça marchait encore mieux. Il se trouvait assez convainquant. « Alors écarte-toi et laisse-moi un peu respirer ou je te promets que tu vas te prendre un sale coup… » Sa pomette lui faisait légèrement mal, mais c’était à peine s’il y prenait garde. Par contre si lui cognait, Lucius risquait d’y prendre garde, beaucoup plus… « Parce que je ne tape pas comme une fillette moi… » Ne dis pas ça… Je lui parle comme je veux putain ! Il ne le quittait pas des yeux, se plongeait dans son regard bleu, il aurait été tellement simple de s’introduire dans son esprit, tellement simple de simplement voir, vérifier… Qu’est-ce que lui voyait ? Qu’est-ce que lui ressentait ? Est-ce que son cœur menaçait d’exploser en cet instant précis ?
C’était tout simplement horrible de ressentir physiquement et mentalement toute la joie et l’attirance d’une âme qui retrouve sa sœur après un long temps de séparation, de ne pas pouvoir le comprendre, de ne pas le vouloir… Rabastan se serait arraché le cœur s’il l’avait pu pour que cela cesse. Il voulait haïr en paix. Haïr en paix…
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Close your eyes, Look deep in your soul Step outside yourself And let your mind go Frozen eyes stare deep in your mind as you die
Son parfum avait une odeur de tabac ; sa peau était rugueuse, comme un homme qui travaillait sur des chantiers. Sors de ma tête Clyde. Lucius ne comprenait pas. Il ne pouvait pas l’envisager. Pourtant, Rab… Lestrange commençait à l’attirer. Un profond malaise s’était mû en lui, un mal être indicible qui lui était d’une incompréhension assourdissante. C’était comme un souvenir d’enfant, avec tous les sens mis en émoi juste à un simple indice. Il m’a tant manqué. Il était déstabilisé, à la dérive. Il avait la sensation de se laisser entrechoquer contre les remparts de son esprit si fermé, si peu apte à accepter les évidences irrationnelles. Il se sentait calfeutrer, derrière un masque étouffant, acide qui n’était pas le sien. Laisse-moi le rejoindre, je t’en prie. Lucius secoua la tête, un instant, très bref, pour le chasser. Mais les assauts sur son psyché se firent plus insistants. Plus violents et Lucius ne contrôlait plus ses gestes ni ses paroles. « Qu’est-ce que tu crois Malfoy ? Que c’est de ma faute ? ‘Tain c’est vrai que t’es habitué à tout le temps rejeter la faute sur les autres, hein ? » Les mots l’accablent. Les mots lui cisaillent l’âme pour n’en faire que des lambeaux épars. Il a la sensation de partir en fumée, de se consumer de l’intérieur tant cela brûle ses entrailles. « Désolé mais pour cette fois, tu ne vas pas pouvoir tout me foutre sur le dos. Je n’ai rien fait. Strictement rien fait. Je suis dans le même cas que toi putain ! » Alors il ne fabulait pas ; ce malaise intérieur, lui aussi le ressentait. Cette présence envahissante, lui aussi tentait de la repousser. Avec véhémence, avec force, avec dextérité. Mais pas suffisamment, il fallait croire. « Je ne me souviens de rien putain ! Ce n’est pas moi ça ! » Il y a Harvey, je peux le sentir. « Harvey… QUI EST HARVEY BON SANG ? » Rabastan – il se rendait à l’évidence – ne bronchait pas. Sa question ne le fit même pas sourciller. « Parce que si tu crois que ça me plaît, tu te fourres ta putain de canne dans l’œil. Je vois ta sale tête assez souvent comme ça pour en plus la retrouver dans mes… » Les mots moururent au fond de sa gorge, comme si quelque chose le retenait. Lucius oubliait qu’ils n’étaient pas seuls, mais pour l’instant, la présence des autres n’avait que peu d’importance. « Je-te-hais-Malfoy. Alors ne va pas t’imaginer que je t’ai lancé un charme ou quelque chose du genre pour que tu tombes dans mes bras. Parce que je peux t’assurer que c’est bien la dernière chose dont j’ai envie. » Les souvenirs revenaient, en rafales. Des flashs de lumière explicites, un peu trop pour lui. Cela devenait bien plus qu’évident. « Je te déteste putain… » Lucius le dévisagea avec des yeux penauds, attristé. En vérité, c’était Clyde qui était touché, en plein cœur. Le myocarde ratait des battements à mesure que leur échange devenait houleux et il voulait retrouver Harvey, qu’importe le moyen. Qu’importe le sacrifice. « Alors écarte-toi et laisse-moi un peu respirer ou je te promets que tu vas prendre un sale coup… » Il ne bronchait pas. Il était pétrifié là, sur place, incapable de bouger. Comme tétaniser, comme un enfant qu’on aurait puni et blessé. « Parce que je ne tape pas comme une fillette moi… »
Déstabilisé, il recula de quelques pas et glissa le long du mur. Lucius ramena ses genoux à sa poitrine, devenant fou d’entendre ce Clyde hurlé dans son esprit pour retrouver sa tendre moitié. « la ferme… la ferme… LA FERME. » qu’il tente de crier, mais en vérité, ils ne dépassaient pas la barrière de ses lèvres. Il avait du mal à se défendre, du mal à lutter et cela l’épuisait plus qu’autre chose. Il cogna sa tête contre le mur, plusieurs fois pour tenter de l’effrayer et de le faire sortir mais le palpitant ne le suivait pas. Il s’arrêtait, chaque fois qu’il le maudissait pour être encore là. « Pourquoi toi Rabastan, fit-il d’une voix doucereuse, pourquoi a-t-il fallu que cela soit toi ? » Il pesait chaque syllabe, chaque éclat d’être qui s’évaporait de lui. Tout se dérobait sous ses pieds, le sol n’était que sable mouvant et il n’arrivait même pas à tenter de s’en défaire. « Un cauchemar… c’est un cauchemar… » Cela ne pouvait en être autrement. C’était forcément un rêve, dans un autre rêve. Mais la sensation bien trop réelle le ramenait à la réalité. Elle le ramenait au moment présent, face à un Lestrange interloqué. Harvey… Où es-tu ?
Une main vint se poser sur son épaule, invisible. Elle se voulait rassurante, réconfortante. Mais au lieu de ça, elle fut aussi brûlante que de la lave, aussi douloureuse qu’un coup de poignard. Son bras s’affaissa pour le laisser sombrer et il entendit un craquement qui résonna dans tout son corps. Clyde, ne fais pas ça. Désormais qu’il était proche – bien trop proche – de sa tendre moitié, Clyde se refusait à laisser tomber aussi facilement. Harvey est à moi et l’a toujours été. Il tenta tant bien que mal de rester au sol, cloué comme un pauvre épouvantail que les corbeaux auraient décharné. « Il veut Harvey… Il ne veut qu’Harvey. » Et Harvey me veut. De là où il était, il entendait les pulsations du Lestrange être identiques aux siennes, comme si leurs deux organes battaient à l’unisson. Comme cela a été toujours le cas dans le passé quand Clyde et Harvey se sont connus. Comme chaque fois que leur amour aussi étrange que malsain leur sautait aux yeux. Lucius n’en voulait pas, il se refusait à l’accepter, mais la bataille était courue d’avance. Il connaissait ce besoin de se battre pour ceux que l’on aime avec violence et que l’on pousse à nous haïr avec véhémence. Il savait de quoi une âme en peine était capable pour retrouver celle qui pouvait l’apaiser dans sa colère. Je veux qu’il me pardonne. Alors que lui était incapable de pardonner à Lestrange ce qu’il faisait à Narcissa. Tout ceci ne pouvait être une coïncidence. |
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| Rabastan n’était pas habitué à ressentir autre chose de la profonde amertume ainsi qu’une aristocratique et bien méritée haine lorsqu’il faisait face à Malfoy. Et jusqu’à maintenant il s’en était contenté avec joie : il aimait le goût de la bile au fond de ses tripes, il aimait le froid glacial de la hargne qui serrait sa gorge. Tout ça l’énervait, l’écoeurait. Et plus écoeurant encore, si c’était possible, était la réaction de Lucius. Dans un sens il ne pouvait pas trop s’étonner, pourquoi s’était-il attendu à une attitude un tant soit peu digne de la part de cet homme ? Il le regarda s’affaisser contre le mur comme un gosse : par Morgane comme il pouvait faire pitié dans cet état… « Mais redresse-toi pu… » Ça ne te rappelle rien ? ce n’était plus le parasite que cette vision de Lucius réveillait en lui, mais une part de son esprit qu’il connaissait depuis plus longtemps, une part de lui qui s’était développée et qui le suivait depuis environ cinq ans. N’as-tu pas rêvé pendant tout ce temps de pouvoir le voir ainsi ? Savoure. Tu le mérites. Il aurait bien aimé en effet profiter de cette scène : Malfoy affaissé devant lui, perdu et confus. Et loin, profondément dissimulé dans les recoins de son âme, comme une ombre derrière sa conscience un esprit bien plus ancien aurait aimé pouvoir profité de ces retrouvailles. Profite, putain… Clyde ?, mais putain ! Rabastan avait déjà parfois beaucoup de mal à gérer ses propres sentiments, même s’il estimait s’en sortir pas trop mal à coup de séance de refoulement, de Pensine et d’innatention volontaire mais si des sentiments étrangers venaient en plus se rajouter par-dessus tout cela, il ne pouvait pas gérer. Quand Lucius se cogna volontairement la tête contre le mur, le Mangemort sursauta. Empêche-le de se faire mal ! Sale parasi… Tu pensais aimer ça mais en fait ça te fais plus de mal qu’autre chose n’est-ce pas ? Il s’immobilisa. Inspira. Ce ne devait pas être difficile, il était tellement habitué à faire taire ses sentiments, à taire l’empathie à tel point qu’on pouvait parfois penser qu’il en était définitivement dénué. Expira. Détache-toi du moment. Oublie ce que tu ressens, ce que l’autre ressent. Ah ! Si seulement il pouvait s’exploser le crâne contre le mur, l’immonde vie qui s’était introduit en lui en crèverait certainement de chagrin. « Pourquoi toi Rabastan, pourquoi a-t-il fallu que cela soit toi ? » C’était dur de penser que, sur ce coup là, Lucius et lui était dans le même pétrin, vivait le même calvaire, et non pas d’un coté et de l’autre d’une barrière. Pour une fois… Pourquoi lui ? Il se posait la même question. Il aurait sans doute préféré n’importe quoi d’autre, plutôt que de vivre par procuration un amour qui n’était pas le sien, pour une personne qu’il n’avait pas à aimer. Plutôt que de vivre quelque chose qu’il ne comprenait pas, l’ombre d’un sentiment qui restait étonnamment fort. « Un cauchemar… c’est un cauchemar… » Plusieurs années d’hésitation entre rêves et réalité avaient fait de Rabastan un homme assez doué pour déterminer si oui ou non ce qu’il vivait était réel. Hélàs là il ne se rendait compte que trop bien qu’il n’y avait aucun moyen d’échapper à ce réel cauchemar si ce n’était en mourant. Ou en forçant cette vie qui se reveillait en lui à mourir. Il préférait cette option. Même s’il ne savait absolument pas si c’était possible. Il espérait… « Je ne veux pas vivre comme ça… » murmura-t-il, bas, très bas. Il voulait que ça cesse. Il ne pourrait pas vivre comme ça, écartelé entre les niaiseries d’un amant et ses propres problèmes. Sincèrement il ne pensait pas exagérer en pensant qu’il avait déjà bien assez à faire comme ça sans avoir à rajouter ce genre de questionnement par-dessus.
« Il veut Harvey… Il ne veut qu’Harvey. » Harvey… C’était ça, le nom du parasite. Le nom de l’homme qui avait vécu il y a peut être longtemps et qui avait connu, aimé ce Clyde. Moi je ne veux que Clyde. « Je ne comprends pas… Quelle magie nous force à vivre ça ? Ces hommes là, qui… vivent (la voix de Rabastan articulait les mots avec difficultés, comme s’il ne croyait pas à ce qu’il disait ou ne voulait pas y croire) à travers nous… Ont-ils vraiment existé ? Putain ! D’où sortent-ils ? » Bien sûr qu’on a existé ! Et certainement mieux que toi… Parfait ! Non seulement cet homme venait pourrir sa vie, son intégrité mentale mais en plus se permettait de lui faire une simili morale. Le sang battait à ses oreilles, presqu’à l’en rendre sourd. Son cœur aussi, cognait. Il tâchait de l’ignorer mais c’était presqu’impossible. Est-ce que Malfoy lui faisait vraiment pitié, ainsi accablé ou bien était-ce simplement les sentiments d’Harvey ? « Relève-toi Lucius… » s’il te plaît. Une part de lui voulait le gifler, l’autre voulait juste le toucher. Il ne savait pas laquelle allait gagner. Quoique… c’était bien plus simple pour lui d’occulter l’affection que le mépris, question d’habitude : « Malfoy ! » il sifflait, ses dents étaient serrés. « Nous ne sommes pas dans ton putain de manoir, relève-toi… » Sa main se tend et vient l’attraper par l’épaule, il force, le redresse. Une vague de tristesse le recouvre. Putain… Pourquoi ? Hein ? Il n’allait pas le laisser faire, il n’allait pas laisser ce simulacre d’âme passée prendre entièrement possession de lui. Il avait passé des années à lutter et à apprendre à contrôler ses émotions, ce n’était certainement pas pour qu’une petite minette vienne tout foutre en l’air face à Malfoy. « Écoute, tu peux continuer à pleurnicher si tu en as envie, moi ce que je veux c’est que cela cesse. Alors je ne sais comme m’y prendre, mais… ça ne peut pas continuer. Ce Harvey, ce Clyde. Je ne sais pas ce qu’ils veulent, je ne sais pas ce qu’ils ont vécu mais par Merlin j’en ai rien à cirer. » Il était proche de Lucius et pouvait sentir son souffle, ses battements de paupières, ses battements de cœur. Quelque chose lui brûlait la gorge et lui brûlait les yeux. Rabastan n’avait jamais éprouvé ça. Ce genre d’affection. Et la vivre ainsi, par intermittence, par procuration était la chose la plus désagréable qui soit. « J’en ai rien à cirer, d’accord ? » Pourquoi tu te répètes ? Tu crois qu’on y croira plus si tu le dis en boucle ? Il respirait mal. Tu es juste jaloux de voir que d’autres ont vécu des choses qui ne te seront jamais accessible…. Il n’arrivait même plus à déterminer si c’était cet Harvey qu’il ressentait là, où était Harvey ? Partout… Juste partout. Il était lui ? « Mafoy… ça doit s’arrêter. »
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