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Face à la lourde porte qui fermait le manoir Malfoy, Bonnie se sentait toute petite. Elle n’était encore jamais venue ici et ignorait quel sort lui serait réservé. Tout s’était passé très vite, du moins, de son point de vue, car en réalité, ce complot avait lieu depuis la mort de son frère, de puis que son père avait enfin réalisé qu’il avait un second enfant, et que même si ce n’était qu’une fille, elle était à présent la seule descendante de la lignée. D’abord ignorée et fiancée à un sang-mêlé uniquement pour l’argent, ce qui était un déshonneur pour elle, une humiliation, elle était enfin traitée à sa juste valeur. Enfin, à peu près. Car bien qu’elle fût à présent son seul enfant, elle ne bénéficiait pas de plus de cadeaux pour autant. Son père lui avait déniché le seul célibataire au sang-pur qui avait déjà été fiancé et avait même déjà un fils. Autant dire qu’elle n’aurait même pas le privilège d’être la première et d’engendrer l’héritier des Malfoy. Si l’on ajoutait à ça le fait qu’elle détestait ce fiancé potentiel, elle avait véritablement touché le gros lot.

Pour autant, elle ne se permettait pas de s’en plaindre. Outre la pureté de son sang, Draco était issu d’une noble famille et valait certainement mille fois mieux qu’un sang-mêlé, si riche fut-il, d'autant que la fortune des Malfoy n'était pas à contester. Ce n’était pas non plus un laideron, et il était plutôt courtisé. Elle devrait donc s’en contenter. Mieux, elle devrait tout faire pour que ces fiançailles aient effectivement lieu. Du côté de son père, c’était acté. Quand il avait décidé quelque chose, il était difficile de le faire changer d’avis. En revanche, c’était son éventuel futur beau-père, Luicus Malfoy, qu’il faudrait achever de convaincre. A priori, il n’avait rien contre l’idée. Si Bonnie avait déjà été fiancée, rien n’avait été consommé et elle était officiellement vierge – Bonnie s’était bien gardée de dévoiler quoi que ce fût à son père, évidemment. Il y avait tout de même un fond de vérité puisqu’en effet, elle n’avait jamais couché avec son fiancé. Par ailleurs la famille Rowle, même si elle avait comporté son lot de tares notamment en la personne de Diogène, le frère de Bonnie, immédiatement rayé de l’arbre généalogique, avait toujours été fidèle au Lord. Et ce n’était certainement pas les Malfoy qui pouvaient juger de son intégrité puisque la propre sœur de Narcissa, la mère de Draco, avait trahi son sang en épousant un né-moldu.

Bonnie elle-même s’était toujours montrée fidèle aux traditions familiales ainsi qu’au gouvernement, pour qui elle travaillait par ailleurs et montrait chaque jour son allégeance. Elle n’avait jamais manqué de rien, mais elle eût parfois aimé ne pas avoir de frère aîné. C’était évidemment lui le préféré, l’héritier, l’enfant prodigue, celui qui faisait la fierté de la famille, alors que Bonnie ne servait finalement pas à grand-chose. Hélas pour ses parents, leur fils adoré avait rejoint le clan des insurgés avant de mourir lors d’un affrontement contre le gouvernement. Ironie du sort, Diogène n’avait jamais été autant attaché à sa famille et à ses traditions que ne l’avait été Bonnie. Elle ressentait aujourd’hui encore un horrible sentiment d’injustice, comme si le sort s’était acharnée gratuitement contre elle. Et voilà qu’en tant que fille, elle n’était même pas destinée à faire un héritier, mais simplement à servir de faire-valoir, de potiche pour qu’un garçon un peu trop rebelle puisse conserver sa dignité.

Elle leva le bras pour s’emparer du heurtoir, et frappa distinctement trois coups. Au bout de quelques secondes à peine, la porte s'ouvrit lentement, laissant apparaître un elfe de maison qui semblait minuscule au milieu de l'immense encadrement. « Bonnie Rowle, pour M. Lucius Malfoy » se présenta la jeune femme d'un ton ferme et froid. L'elfe n'avait pas besoin d'en savoir plus. Il la fit entrer et elle le suivit jusqu'à son hôte. « Bonjour, monsieur Malfoy », le salua-t-elle avec une légère révérence et un sourire poli mais affable, à mille lieues du sort qu'elle avait réservé à l'elfe. Elle avait bien l'intention de montrer au père de Draco qu'elle ferait une épouse idéale pour son fils. Au fond, elle n'avait pas vraiment besoin de jouer la comédie, elle avait l'habitude d'obéir aux ordres, avec son père, son patron, et même parfois ses amants, souvent même par plaisir. Si froide fût-elle, elle était parfaitement capable de se soumettre quand il le fallait. Draco pouvait difficilement mieux tomber, et ce même si la tension était électrique entre eux. Elle savait prendre sur elle.

« Vous avez demandé à me voir, j'espère que je ne vous ai pas trop fait attendre », s'excusa-t-elle, même si elle n'était pas du tout en retard, histoire de lui montrer qu'elle savait se mettre en retrait. Elle ne savait pas encore ce qu'il attendait d'elle, mais elle préférait prendre les devants. Cependant, il n'était pas exclu qu'il cherchât au contraire une jeune femme capable d'avoir l'ascendant sur Draco pour le tenir. Si tel était le cas, elle ne manquait pas d'arguments non plus. Elle pouvait évoquer leur relation, par exemple. Après tout, il avait demandé à faire une trêve avec elle, ce qui n'était pas anecdotique. Dans tous les cas, elle avait plus d'un tour dans son sac, et si malgré tout Lucius refusait ces fiançailles, ce serait certainement pour une toute autre raison.
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La politique des sang-purs demeurait dans leur capacité à pouvoir maintenir la pureté de leur lignée. Des choix plus ou moins audacieux s’étaient présentés aux Malfoy lorsque la décision de la préserver se montra à eux. Beaucoup de prétendantes, si peu de personnes capables de remplir le critère le plus primordial. Lucius refusait d’imposer à son fils une femme aux allures enfantins, ou encore très peu digne de leur rang. Non, le choix fut murement réfléchi, mais il restait encore à voir ce que valait la futur madame Malfoy. Draco ne lui avait pourtant pas fait de cadeaux – tant ses choix furent éclectiques et tellement différents des uns des autres. Mais un choix s’imposait et au plus vite. Il avait fini par choisir la fille des Rowle. Neutre et approprié. Même si quelque peu étrange. « Maî… Maître. Miss Rowle est arrivé. Miss Rowle est là pour vous Maître. » Un rictus agacé apparut sur le visage de Lucius qui en avait plus qu’assez qu’on le dérange. Un peu de calme et de paix par Merlin, était-ce trop demandé ? « Faites-là entrer. Son arrivée était prévue. » Il ne daigna pas accorder le moindre regard à la jeune fille pour l’instant. Un masque de dureté pour mesurer ce qu’elle valait sans doute vraiment. « Bonjour monsieur Malfoy. » La fausseté dans le ton de sa voix, l’impression affable que la révérence était obligatoire et non voulue lui réprima une remarque des plus désobligeantes. Lucius ne supportait pas cette jeunesse sans respect et sans conviction, simples moutons de leurs parents. Purs produits préfabriqués. Il espérait que Draco lui, était totalement différent. Au moins un tant soit peu. « Vous avez demandé à me voir, j’espère que je ne vous ai pas trop fait attendre. » Bien, elle savait au moins faire la lèche-botte. Lucius ne pouvait pas le lui enlevé, même si c’était un peu insupportable et irritant. Il ne voulait pas d’une femme pour Draco qui était soumise à ce qu’on lui disait. Un minimum d’amour propre et d’objectif, au moins. Elle n’en possédait pas.

Déçu. Affable. Sur quel cheval avait-il encore misé pour être si peu prompt à concevoir qu’au final ça n’était pas elle qui serait la femme de son fils ? « Votre hypocrisie, miss Rowle, ne fera de vous qu’un pathétique pantin désarticulé face à ce que l’on attend de vous. Cela serait pourtant dommage de briser une si belle alliance. » Déjà morte née, qu’il pensa suffisamment fort, mais pas assez pour qu’elle soit audible. Il se tourna vers elle, cette fois, pour l’observer, la jauger de ce regard si peu confiant mais tellement déstabilisant. Sa beauté froide ne la sauverait pas, même si quelque part, il la lui enviait. On lui donnerait Merlin sans confession. Même si la diablesse masquée dans cette enveloppe charnelle était une tentation des plus impitoyables. Il n’était pas tenté – quant à lui – bien au contraire. Personne ne valait et ne pouvait dépasser Narcissa. Personne. Sauf Draco et Scorpius sur une échelle de un à dix. « Je vous ai convoqué car… il me semble que vous allez devoir épouser Draco. Bien sûr un mariage de convenance comme il en existe des milliers, je ne vous blâmerais pas de ne pas le faire par amour. Ils ne le sont pas tous la plupart du temps. C’est après qu’il vient. Parfois pas d’ailleurs. » L’amour, ce sentiment si factice, si peu rassurant, illusoire. C’était une impression, vivace et enflammée sur le moment, mais qui mourrait dans un souffle et se consumait en un claquement de doigts. Parfois il perdurait, survivant aux aléas de la vie, à ses combats incessants et incommensurables. Parfois il se détruisait, parce qu’il n’en pouvait plus, de vivre et de se sacrifier. L’amour s’use avec le temps, avec les mots, avec ses frasques. Et dans la haute société sorcière, il ne voulait parfois rien dire. On n’en parlait pas, parce que c’était un tabou, une pudeur innommable. « Je veux une mère digne de mon petit-fils. De Scorpius. Il a besoin d’une stabilité, d’une figure maternelle et d’un avenir concret. Si je vous choisis, sachez que cela n’est pas par pur hasard. Faites honneur à votre rang et votre nom. Être marié, ça n’est pas un simple contrat. C’est bien plus… Compliqué qu’il n’y parait. » C’est un don de soi, un don de l’autre, pour l’autre. C’était un arrangement à l’amiable, en s’offrant entièrement dans une relation pour la vie. Pour la vie. Qu’est-ce que la jeunesse dorée d’aujourd’hui pouvait bien y connaître à cet abandon total ? Draco, lui, savait. Rien que sa paternité lui prouvait sa maturité à s’en occuper comme il le fallait. C’était un père, si jeune, comme on en voyait peu. Un enfant qui n’était pourtant pas préparé à ce qui l’attendait. Mais il avait su traverser la tempête comme il se devait. Avec dignité et fierté. Un peu trop. Il n’en restait pas moins qu’il s’en sortait plutôt pas mal, sans doute mieux que lui, qui avait pourtant Narcissa à ses côtés. Draco demeurait seul dans la tourmente, avec l’éducation de Scorpius. Scorpius qui ne savait rien, encore trop jeune pour comprendre les obligations qu’exige son rang et sa future destinée. « Qu’en pensez-vous miss Rowle ? Pensez-vous donc être à la hauteur ? » À ses yeux, personne ne serait jamais suffisamment digne de son fils, et encore moins de son petit-fils. Personne. Seule une mère pouvait faire ce choix et l’approuver. Seule Narcissa pouvait comprendre et entreprendre un chemin si boueux. Mais en son absence, c’est à lui qu’incombait cette responsabilité, si lourde à porter. C’était lui le patriarche qui devait choisir. Il espérait vraiment ne pas se tromper, ni faire de mauvais choix. Car la pérennité de leur lignée était en jeu. Mais pas seulement. La Greengrass fut un fiasco total. Sans parler de Susanna Carrow qui furent des déceptions… Des échecs les uns après les autres. Tout reposait sur les épaules de Bonnie Rowle. Du moins, l’espérait-il. Pour le bien de tous.
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Au premier regard, elle sut déjà que cela allait être compliqué. Lucius Malfoy n’était pas de ces hommes que l’on pouvait aisément contenter, et elle en eut immédiatement la confirmation quand il lui reprocha son hypocrisie. Elle tiqua. Intérieurement bien sûr, ne laissant rien paraître. Cette réflexion annonçait la couleur, peu importe ce qu’elle choisirait d’utiliser, que ce soit l’hypocrisie ou la franchise, il n’en serait pas satisfait. Mais puisque d’ores-et-déjà il lui reprochait la première, elle pouvait toujours tenter d’employer la seconde, si cela ne lui convenait pas non plus c’était qu’il était tout simplement incapable d’être en accord avec lui-même. Elle ne répondit rien, pour le moment, se contentant de lui lancer un regard intrigué, curieuse de savoir quel sort il allait bien pouvoir lui réserver. Elle se laissa scruter de haut en bas, comme s’il cherchait déjà une faille dans sa simple apparence physique. Pour ça, elle se sentait plus ou moins sereine. Elle avait mis une tenue sobre, neutre, pour ne pas risquer d’être traitée de catin ou au contraire de fille trop coincée. Mais elle s’était tout de même légèrement apprêtée pour apparaître féminine et soignée.

Son discours sur le mariage arrangé la laissa indifférente. Elle savait déjà tout ça, et à vrai dire, elle n’était pas certaine d’être amoureuse de Draco un jour tant ils étaient incompatibles, mais elle n’excluait pas cette idée, tout étant possible. Elle n’avait de toute façon pas vraiment le choix. Elle acquiesça donc d’un signe de tête montrant qu’elle avait tout à fait saisi. Puis il parla ensuite de Scorpius, le fils de Draco. Bonnie tenta de garder une expression neutre, mais n’en pensa pas moins. Elle ne voulait pas être une mère pour Scorpius, elle n’avait rien à voir avec lui, ce qu’elle voulait, c’était engendrer un héritier. Un vrai, pas un bâtard comme le fils d’Astoria Greengrass. Cependant, s’il fallait en passer par là, par devoir s’occuper de l’enfant d’une autre, encore une fois elle serait obligée de le faire. Elle ne savait pas vraiment comment s’y prendre avec les enfants à dire vrai, mais elle n’aurait qu’à considérer cela comme un entraînement en vue d’élever son véritable enfant. Elle n’avait pas vraiment de doute quant à son futur instinct maternel. Bonnie, contrairement aux apparences, était une femme qui faisait passer ses sentiments avant sa raison et pour qui la famille et les proches avaient une importance prépondérante sur le reste. Nul doute qu’elle aimerait son enfant plus que tout au monde et le protègerait au péril de sa vie, à l’instar d’une Narcissa Malfoy, justement.

La question du mangemort la tira de ses réflexions. Elle constata au passage que l’homme ne lui avait rien proposé à boire, ni même de s’asseoir. C’était tout juste s’il lui avait accordé un regard à son arrivée. Pour lui, elle n’était pas une femme, elle était l’objet d’un arrangement, et ne pouvait que le constater. Elle eut un nouveau signe de tête signifiant son approbation, puis répondit. « Vous avez raison monsieur Malfoy. Les liens du mariage sont très complexes. Toutefois, j’ai reçu de la part de mes parents l’éducation nécessaire pour agir au mieux dans mon futur quotidien avec Draco. Je sais quelles tâches me seront incombées et saurai les remplir. » Ça, c’était pour la partie hypocrite. À présent, il lui fallait enchaîner sur la partie franche. « Votre fils et moi sommes souvent amenés à travailler ensemble, monsieur, j’ai donc l’habitude de le côtoyer. Nos rapports n’ont pas toujours été au beau fixe, mais au moins, je suis préparée au pire. Je commence à le connaître et à savoir comment le contenter. Il ne s’agit pas là d’hypocrisie, monsieur », insista-t-elle pour éviter de recevoir la même critique que précédemment, « il s’agit de faire au mieux pour que ce mariage se passe bien. Je ne déteste pas Draco, au contraire, je le trouve intéressant, très intelligent, drôle et bien sûr très séduisant. » Et une fois n’étant pas coutume, elle ne mentait pas. C’était effectivement des qualités qu’elle trouvait chez le jeune homme, et s’il n’avait pas été aussi arrogant, elle l’aurait certainement beaucoup apprécié. Mais elle disait également la vérité quand elle prétendait s’être habituée à lui. « Je suis une femme dévouée et attachée à sa famille, monsieur Malfoy », poursuivit-elle. « J’abandonnerais tout le reste s’il s’agissait de les protéger. » Et là encore, elle disait vrai.

Restait le cas Scorpius, pour lequel elle ne savait pas cette fois si elle devait être franche. C’était sans doute un sujet trop délicat pour l’être. Toutefois, il lui semblait important de bien recadrer les choses, au cas où elles n’auraient pas été assez claires. « Concernant votre petit-fils, il va sans dire que je le traiterai comme mon propre enfant et l’éduquerai et protègerai donc comme tel. Cependant, monsieur, je n’épouse pas votre fils uniquement pour faire office de mère à Scorpius. Je compte bien, évidemment, engendrer l’héritier de votre famille. » Par ces mots, elle sous-entendait évidemment que Scorpius ne l’était pas. Et pour cause, c’était un enfant né hors-mariage, et Lucius ne pouvait décemment pas le nier. Le véritable héritier serait donc son propre fils, si elle le mettait au monde dans le cadre des liens du mariage. Elle savait qu’elle mettait là les pieds en terrain miné, car Lucius semblait tenir à son petit-fils, mais au moins, cette fois, il ne pouvait pas lui reprocher son hypocrisie.
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