Amusée, Bonnie tenait dans ses mains le message de son amie qui lui proposait de déjeuner ensemble. C’était tout elle ce genre de décision prise à la dernière minute, avec sa spontanéité habituelle. Anita et Bonnie n’avaient au premier abord pas grand-chose en commun, quand l’une était joyeuse et enthousiaste l’autre était calme et taciturne. Pourtant, elles s’entendaient bien. Bonnie n’avait pas beaucoup d’amies, tout simplement parce qu’elle se montrait extrêmement antipathique et qu’elle avait peut-être la fâcheuse tendance d’avoir certains hommes qui lui tournaient autour. La jalousie féminine était sans limite. Mais Anita ne la jugeait pas, elle. Elle s’était toujours montrée agréable avec elle. Au début, la mangemort trouvait ça assez agaçant . C’était exatcment le genre de fille qu’elle prenait plaisir à maltraiter à Poudlard. Mais finalement, elle s’était découvert quelques points communs avec elle, et la jeune fille savait bien s’entourer de surcroît. Elle avait donc estimé intéressant de lui laisser une chance. Au final, Anita lui apportait un vent de fraîcheur et était l’une des rares personnes à lui arracher un sourire sincère. Elle se retenait même parfois de rire devant ses facéties.

Et d’ailleurs, elle en avait bien besoin à ce moment-là, car Rabastan était en proie à l’une de ses sempiternelles colères, à en faire trembler le bureau. Comme d’habitude, Bonnie faisait profil bas, endurant en silence. Elle n’était pas la cause de cette colère, il était bien rare qu’elle le fût en réalité, et heureusement. Mais elle en faisait tout de même un peu les frais. Il ne se montrait pas agressif avec elle, mais son ton était bien loin d’être agréable dans ses moments. Alors elle se taisait, attendant que ça passe, sachant très bien que si elle essayait de l’apaiser c’était pire encore. Ce jour-là, elle se contenta d’observer le mot d’Anita en priant pour que son patron se calme vite afin qu’elle puisse prendre congé. Il dut sans doute se rendre compte de l’heure puisqu’il sortit subitement du bureau non sans lui donner au passage ses ordres pour l’après-midi, d’un ton péremptoire. Elle se contenta d’acquiescer d’un signe de tête puis poussa un soupir de soulagement quand il disparut, laissant place à une Anita décontenancée. « Disons qu’il l’est très souvent », répondit-elle, « mais j’ai l’habitude. »

La dernière remarque de son amie lui arracha un sourire amusé. La jeune fille s’était en effet entichée d’Aramis Lestrange, le fils du patron de Bonnie, ce que cette dernière avait par ailleurs bien du mal à comprendre. Il était certes très beau, mais elle ne lui trouvait rien d’autre d’intéressant, d’autant que leur relation était plutôt glaciale et qu’il possédait un insupportable clébard. Autant dire qu’elle l’évitait presque comme la peste. Mais le cœur avait ses raisons, et pas que le cœur, car Anita s’intéressait également à Aramis pour son statut, et ça au moins c’était quelque chose que Bonnie pouvait admettre. « Il vaudrait mieux éviter ce genre de vengeance avec lui si tu veux mon avis, ça ne ferait qu’aggraver les choses. C’était en effet la meilleure chose à faire pour le faire entrer dans une rage encore plus folle. Autant se tirer une balle dans le pied.

Elle suivit la jeune fille pour aller déjeuner, écoutant au passage son discours rocambolesque sur les signes astrologiques. Elle ne s’intéressait absolument pas à tout ça quant à elle, mais ne demandait qu’à la croire. Toutefois, elle ne répondit pas, soudain plongée dans ses pensées. Parler d’Aramis lui rappelait ce qu’elle avait découvert récemment en fouillant dans le dossier de Lucrezia. Il y manquait des éléments extrêmement importants, et en fouinant un peu, elle s’était rendu compte qu’ils se trouvaient en la possession du fils Lestrange. Depuis quand s’intéressait-il à sa cousine ? Elle n’en savait rien, mais ça l’intriguait au plus haut point. Hélas, pour le moment, elle n’avait pas spécialement envie de l’aborder pour discuter de tout ça avec lui. Elle savait par ailleurs qu’il ne serait certainement pas ouvert à la négociation, ni à quoi que ce soit d’autre.

Elle fut soudain tirée de sa torpeur par Anita qui la considérait d’un air curieux. Elle se demanda comment la jeune fille avait pu lire dans ses pensées, mais il ne pouvait que s’agir d’une coïncidence étrange. Elle lui sourit pour la rassurer. « Oui oui, tout va bien. Enfin à peu près. Tu as raison en fait, je pensais à Luce. Ça fait un moment qu’elle ne donne plus signe de vie et je commence réellement à me faire du souci. » Les deux jeunes femmes n’avaient jamais été en bons termes, mais il s’agissait tout de même de sa cousine, elle représentait fidèlement sa famille et sa disparition était une tragédie. Bonnie se demanda si elle devait parler à son amie de ce qu’elle avait découvert. C’était peut-être un peu trop tôt. « Pourquoi tu me demandes ça au fait ? » s’enquit-elle soudain. « Tu as quelque chose à me dire à ce propos ? » Elle connaissait Anita et savait pertinemment qu’elle n’était pas la reine de la subtilité, si elle avait employé précisément ces termes, c’était qu’elle avait envie de lancer le sujet.

Bonnie se demandait pour ce sujet venait si brusquement sur le tapis. Anita et elle n’avait encore jamais parlé de ça. En vérité, les conversations avec Anita tournaient la plupart du temps autour d’Aramis, ce qui n’était certainement pas le thème préféré de Bonnie, mais dans la bouche de son amie, c’était assez drôle. La pauvre semblait à mille lieues d’imaginer qu’il n’y avait aucune chance pour qu’elle le séduise un jour, mais elle était persuadée du contraire et l’on ne pouvait l’en faire démordre. Bonnie espérait qu’elle trouverait quelqu’un qui lui correspondrait mieux. Elle savait que Felix lui tournait autour, mais Felix était bien trop volage pour une fille sensible et fragile – sous ses airs enthousiastes – comme Anita. Ni ni Aramis n’étaient hélas des hommes pour elle. La mangemort se demanda alors si ce n’était pas justement Aramis qui avait amené Anita sur ce sujet. Mais cela aurait été assez étonnant dans la mesure où il ne parlait jamais avec elle.

La jeune femme répondit alors à sa question, et Bonnie tiqua quand elle évoqua les autres mangemorts. En effet, l’alerte n’avait jamais été donnée officiellement. Les hautes instances étaient-elles au courant de ce qui se tramait ? Si tel était le cas, Bonnie serait furieuse de ne pas avoir été mise au courant, il s’agissait tout de même de sa cousine. Or, même ses propres parents ne savaient rien. Serait-il possible qu’il s’agisse d’un complot ? Bien que son amie se rattrapa maladroitement sur le terme qu’elle allait employer, Bonnie comprit immédiatement ce qu’elle avait failli dire. Certains en effet suggéraient qu’elle ait pu se suicider, mais sa cousine n’en croyait rien. Ce n’était pas du tout le genre de Lucrezia. En revanche, il se pouvait qu’elle ait été assassinée ou victime d’un accident et que l’affaire ait été étouffée… Il allait réellement falloir qu’elle mène sa petite enquête. Elle aurait voulu parler à Aramis de ce qu’elle avait découvert, mais leurs rapports étant ce qu’ils étaient, c’était perdu d’avance… Et passer par Felix ne donnerait pas forcément de meilleurs résultats.

Elle arqua un sourcil quand Anita parla de la PM. À croire qu’elle était décidément au courant de quelque chose… La connaissant toutefois, ce ne devait être qu’un simple hasard. Elle ne répondit pas tout de suite cependant, observant la jeune femme d’un air suspicieux. Elle était tout de même assez bien placée pour savoir que le hasard n’existait pas. D’ailleurs, Anita changea subitement de sujet, ce qui rendait les choses encore plus louches. « Très mal », répondit-elle de façon abrupte, une lueur de défi dans le regard, comme si elle voulait lui intimer de ne jamais suivre son chemin. « Je ne te souhaite pas de la prendre un jour », insista-t-elle. Elle essayait de lui dire à demi-mot qu’épouser Aramis n’était pas la meilleure chose à faire, mais elle savait d’avance qu’Anita ne comprendrait pas.

« J’ai déjà fouillé dans les dossiers de la PM », avoua-t-elle soudain à brûle-pourpoint, même si elle avait prévu l’inverse au départ. Il lui sembla que c’était le moment idéal pour évoquer cet épineux sujet. « Et figure-toi que, comme par hasard, dans le dossier de Luce, il manquait des éléments importants. Or il se trouve qu’après avoir mené ma petite enquête j’ai découvert que c’était ton cher Aramis qui les avait pris, mais ça, je ne sais toujours pas pourquoi. » Elle lui envoya un regard méfiant, comme si c’était elle la coupable. « Est-ce que tu es au courant de quelque chose Anita ? Je trouve ça étrange que tu me parles de ça alors que ton idole est justement sur le coup. » Elle savait qu’elle se montrait désagréable, mais Anita en avait sans doute l’habitude depuis qu’elles se connaissaient. Bonnie était plutôt du genre acerbe et rarement d’excellente humeur. Elle s’en voulait toutefois de lui infliger régulièrement ça, mais si elles étaient toujours amies, c’était que ça ne la dérangeait sans doute pas tant que ça. Un peu comme elle-même supportait très bien les colères de Rabastan.