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sujet; Frienship is a weird concept. Not sure we nailed it. |
| Les doigts de sa main droite pianotaient sur le bois verni de la table comme s’il s’était agi d’un véritable clavier, laissant aux sons imaginaires le soin de se répondre les uns aux autres, opposant aux notes blanches quelques noires, plus vibrantes et terribles, à la mesure de son impatience. Ne vous y trompez pas : elle avait hâte de voir cet entretien terminé non pas de passer un agréable moment en compagnie de la Russe Vayk. Leur amitié s’était rapidement consumée pour ne laisser qu’un brasier fait de convenances et de mascarades mondaines auxquelles l’une et l’autre se pliaient avec plus ou moins de bonne volonté.
Les fêtes se profilaient à l’horizon, on le devinait aisément aux devantures des commerces et des maisons qui s’étaient parés de leurs plus beaux atours ou aux chuchotements presque joyeux qui se répandaient comme une trainée de poudre dans les rues, faisant presque oublier la morosité ambiante. De sa table, elle avait une vue privilégiée sur le flot continue des badauds, et son regard s’y perdait régulièrement pour y surprendre des moments d’intimité : une mère qui rajuste avec tendresse le bonnet de son petit garçon, un couple qui échange une hilarité, un vieux sorcier qui déambule dans la foule, offrant à qui veut des marrons chauds … C’était le genre de plaisir simple que Melusine ne pouvait plus s’accorder : elle avait bien trop de choses à faire pour regarder le temps passer. Aujourd’hui, cependant, elle attendait Vayk en sirotant un thé chaud. C’était à sa demande expresse, d’ailleurs, qu’elle se trouvait dans cet établissement charmant qui bordait le chemin de traverse. Le message était parvenu deux matins plus tôt par hibou, interrompant un déjeuner avec Louis. Elle s’était excusée puis avait pris le temps d’ouvrir le billet frappé aux armoiries des Esterházy pour découvrir une missive l’informant que Vayk souhaitait la rencontrer pour lui faire part de sa décision quant à cette fameuse dette qu’elle avait contractée plus tôt dans l’année. Ses doigts se plaquèrent contre la table, brisant les prémisses d’harmonie qu’elle avait formée presque sans le vouloir. Quelle idée avait-elle jamais eu de la solliciter pour ces foutus cours de violons ? Non seulement elle se retrouvait dans une situation fort délicate mais le comble était certainement qu’elle n’avait jamais osé se produire devant Louis, de crainte que ses tâtonnements ne l’agace plus qu’ils ne le séduise. La sorcière repoussa une mèche rousse derrière son oreille avec un agacement contenu. Alors que d’ordinaire elle se montrait avare en promesse, elle ne s’expliquait toujours pas comment Vayk était parvenue à la lui soutirer. Pour quelque chose d’aussi futile que des cours de violon, en plus ! C’était presque une double peine : non seulement Vayk pouvait exercer à loisir et en toute légitimité sa pédagogie douteuse à base de punition corporelle, mais en plus, elle était en droit d’exiger une contrepartie qui, elle le devinait aisément, n’aurait rien de plus plaisant. La rousse ne s’inquiétait pas de la teneur de la contrepartie en elle-même (les prétentions et ambitions de Vayk étaient sans commune mesure avec les siennes) mais elle redoutait davantage l’imagination fertile de la Russe. Le carillonnement enchanté annonça l’arrivé de Vayk. L’air glacé de décembre en profita pour s’engouffrer dans la boutique et arracher des frissons aux clients sur son passage. Un seul coup d’œil à la silhouette emmitouflée avait suffi pour qu’elle la reconnaisse : la jeune femme possédait, tout comme ses pairs, l’aura de ceux dont l’arbre généalogique n’a jamais été remis en cause. Les sang-pur avait la présomption propre de ceux qui n’ont jamais connu le doute, et cette grâce particulière leur permettait d’évoluer au quotidien comme si la terre entière leur été due. Melusine leur avait toujours envié cette sérénité qui lui échappait ; elle, qui avait toujours dû s’excuser d’une faute qu’elle n’avait pas commise et redoubler d’efforts pour faire oublier la nature traitresse de son sang. Aujourd’hui encore, pourtant lavée de ce péché qui ne lui appartenait pas, elle n’arrivait à se défaire de cet odieux sentiment qui la poussait à courber l’échine devant ceux qui n’avaient jamais été entaché d’un pareil affront.
Bien sûr, Vayk n’avait rien à voir avec ce qu’elle appelait, très sobrement, la grande tragédie de sa vie. En revanche, elle personnifiait à merveille cette obsession supérieure des sang-purs : jamais Vayk ne lui avait pardonné d’être sang-mêlé, tare ignoble à ses yeux. Elle ne manquait jamais une occasion de lui rappeler sa place : derrière elle, une marche plus bas. La réhabilitation des Rose n’avait rien changé à cet état de fait – peut-être même avait-elle empiré les choses. Alors que, par merlin ! Elles avaient quasiment le même âge et il suffisait de comparer les situations et réalisations pour comprendre ce qui, du sang ou du talent, avait le mieux fructifié ! L’injustice ne manquait pas de la révolter mais, comme à chaque fois, elle ravalait sa rancœur pour faire bonne figure. Ces pensées maussades ne l’empêchèrent pas de plaquer un sourire faussement ravi à ses lèvres pour accueillir son amie ? Son ancienne amie … ? … Sa rivale de cœur ? La personnification de son faible pour les sangs purs médiocres et méprisants ? La dénomination était floue dans son esprit mais elle la prit dans ses bras comme elle l’aurait pour n’importe quelle de ses amies.
«Vayk, des mois que l’on ne s’est pas vues et pourtant c’est comme si c’était hier. » dit-elle d’un ton mielleux, un poil faux-jeton mais terriblement chaleureux. La politesse est une maîtresse exigeante, et Melusine s’employait à ne jamais lui manquer d’égard. Le manque de chaleur dans ses propos (à défaut de sa voix) s’expliquait simplement : elle n’était pas là de bon cœur. Vayk était habituée : les deux femmes étaient passées expertes dans l’art d’échanger des reproches de la façon la plus civilisée qu’il soit.
Melusine reprit place, croisant à nouveaux ses longues jambes sous la table. Elle bougea la main pour interpeler le serveur. Oh ! Elle ne la leva pas vraiment – juste un petit geste esquissé de deux doigts couverts de bagues mais le serveur accourra vers elles, toutes affaires cessantes. Elle n’était pas une habituée du café mais, la célébrité avait quelques avantages plaisant. Alors que le jeune homme se tenait à côté de la table, prêt à prendre la commande, Melusine poursuivit : « Je voulais t’éviter l’ennui de commander mais, après toutes ces années, je ne connais toujours pas ta boisson préférée. » Elle claqua la langue avec amusement pour ponctuer sa tirade «J’ai préféré t’attendre au lieu de t’offrir quelque chose qui te déplaise. » Nouveau reproche à peine formulé : j’ai préféré t’attendre comme dans tu aurais pu au moins faire l’effort de te présenter en même temps que moi et non pas comme dans j’ai préféré t’attendre pour que tu puisses choisir parce que je veux te faire plaisir.
Ses ongles ripèrent contre la table, à nouveau. Elle voulait l’interroger sur son travail et sa vie privée, savoir quelles étaient ses dernières avancées : un peu par intérêt mais aussi beaucoup pour pouvoir juger si Vayk avait – enfin - prit sa vie et sa carrière en main – selon ses termes à elle, bien évidemment. Elle se réfréna pour lui laisser l’opportunité de passer sa commande. Bien sûr, elle souhaitait également s’enquérir de l’objet de leur rencontre, mais ce sujet-là attendrait la fin des rondes et jeux mondains. |
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| ❝ Friendly fires ❞ Décembre 2002 Peut-être qu’au départ, Vayk avait l’intention véritable de nettoyer l’ardoise, effacer la dette gardée en épée de Damoclès, lasse de garder quelque chose dont elle ne savait pas vraiment que faire, boulet et chaine plus que réel atout à ces yeux. Cette promesse innocente qu’elle avait arraché à l’ultime leçon de violon, d’un simple « J’ose espérer que vous saurez apprécier et rendre tout ce temps consacré à vous apprendre des futilités une fois le moment venu » , innocent phrasé qu’elle n’avait eu de cesse de rappeler à l’écossaise comme s’il s’était agi d’une police d’assurance renouvelable à l’infini. Le besoin d’aide extérieure avait duré quelques minutes, forte et inarrêtable sous l’impulsion d’une louve en colère puis s’était tarie aussi vite qu’elle était arrivée sitôt la missive envoyée à Melusine Rose. C’était tout. Aussi simple que cela. Une envie, un caprice éveillé comme une vieille douleur et elle avait choisi la facilité, demandé une entrevue à la Rose avant de trouver une solution de son propre chef. La séance avec Bellatrix Lestrange a laissé cette longue cicatrice mentale sur l’esprit meurtri de la médicomage. Elle est plus réticente que jamais à l’idée de prendre des risques, des décisions, plier l’échine est toujours plus aisé que tenter de se relever. Une bête histoire de salle refusée pour accueillir la majorité de ses internes et l’univers s’était écroulé. Planning pensé au millimètre, emploi du temps calibré à la seconde, tout s’était déréglé sur une simple lettre de refus. La Hongroise avait cédé à la panique imprimée dans ses veines depuis Octobre, l’idée qu’une fois de plus, le contrôle puisse lui glisser entre les doigts revêtant une dimension insupportable. Faiblesse sans aucun doute, moquée par la Louve et les sourires railleurs du clan qu’elle imaginait aisément. La solution s’était profilée à une heure de l’entrevue demandée, alternative plus agréable que le Centuries et surtout moins décadente, si bien que les services de Rose n’étaient plus requis. Impossible, pourtant, de faire machine arrière. Connaissant Mélusine, elle est déjà dans le salon de thé, à siroter un thé sans intérêt en regardant platement les silhouettes passer. Prévisible Ecossaise. Malgré le manque d’amitié réelle entre elle et la rousse, Vayk connaît encore les manières de la purifiée. Elle les décortique avec une précision chirurgicale pour mieux appuyer qu’elles ne sont pas et ne seront jamais du même monde. Leurs âges presque proches n’y changeraient rien, la proximité paradoxalement née à travers les échanges épistolaires n’existerait jamais plus et avait fondu avec leur première rencontre, en plus de l’influence maudite de la lune. L’œil critique de la louve balaie la foule avant de tomber sur la chevelure flamboyante et de lui accorder un regard se voulant chaleureux. Un sourire fend son visage impassible et l’animal sauvage se faire créature sociale. Elles s’enlacent dans une fausse chaleur qui rassure la Hongroise. Plus les faux-semblants sont importants, mieux elle se porte. Melusine Rose est de ces fantômes hantant la machine bien rôdée, une réminiscence amère qu’elle rejette autant qu’elle s’y accroche, pour tout ce qu’elle rappelle et tout ce qu’elle évoque. Qu’il fait bon rappeler qu’elle est censée être de sang-pur, que son rang s’élève bien plus haut que tous ceux auxquels peut aspirer la purifiée. Le sang n’a rien en commun avec l’eau, il ne se purifie pas d’un coup de baguette, une source ne devient pas potable parce qu’on en change la pancarte.
« Vayk, des mois que l’on ne s’est pas vues et pourtant c’est comme si c’était hier. » Alors c’est que ça ne fait pas assez longtemps rétorque mentalement la louve. Elle ne lui fera pas l’honneur de poursuivre les hostilités alors qu’elles ne sont même pas installées. La voix de Melusine écoule les tons sucrés et les mots doucereux, Vayk s’en serait sentie flattée si quelqu’un d’autre les avait prononcés, elle sait trop bien le poids qui pèse par la promesse faite à contrecoeur pour passer outre le fiel qui s’entremêle. Elle déteste la mélodie que la Rose applique à chaque mot, comme si elle voulait appuyer son statut de chanteuse, d’artiste incomparable. La grimace qui pince les lèvres de la Hongroise s’efface sous un sourire poli alors qu’elle s’assoit à son tour, non sans désapprouver d’un claquement de langue les jambes croisées sous la table de Melusine, et que le serveur accourt au premier battement de cils. Les yeux roulent brièvement dans leurs orbites. Comme pour Gregory Goyle, certains seraient prêt à se damner pour les beaux yeux de la personnalité qu’ils admirent. Foutu culte de l’Homme. « Je voulais t’éviter l’ennui de commander mais, après toutes ces années, je ne connais toujours pas ta boisson préférée. » La Hongroise fronce imperceptiblement le nez à cette basse attaque, refusant de s’en montrer vexée sans vraiment de succès. Ne pas connaître la boisson de son hôte, ne pas l’attendre… Le regard de Vayk descend sur la tasse déjà consommée, un sourcil se levant dans une expression circonspecte. Melusine Rose entonnait donc ce registre particulier. Bien, la Louve n’attend que la première impulsion pour siffler son venin. « J’ai préféré t’attendre au lieu de t’offrir quelque chose qui te déplaise. » « Préféré », Vayk en doute fortement. Les phalanges de la Hongroise s’agrippent brièvement sur les bords de la table, agitées de spasmes agacés à peine calmés par l’inspiration profonde qu’elle prend.
« Je suis heureuse que l’une d’entre nous ait encore le luxe de pouvoir gâcher du temps en attendant. C’est que tu n’es pas aussi occupée qu’on le dit. » La réplique fuse, habillée d’un ton léger et conventionnel sur la pure base de la conversation. Elle n’a jamais considéré Melusine comme une travailleuse à part entière, encore moins une épouse digne, quoi qu’en disent ses fiançailles avec Louis Werner. Elle est et restera la petite écossaise aux rêves trop grands. « J’étais sur le point te présenter mes excuses pour le dérangement mais visiblement, tes affairres peuvent attendrre. » L’accent slave écorche les lèvres sous l’agacement pointant sur sa langue. La Hongroise croise ses doigts fins sur la table, glissant le long de la pâle cicatrice offerte par la Lestrange avant de s’adresser au serveur. « Je prendrais votre meilleur Russian Earl grey. » La commande est sobre et elle ne quitte pas la purifiée du regard.
L’expérimage sait parfaitement qu’elle est responsable de cette situation et qu’elle est en tort pour avoir convoqué la rousse sans motif valable – du moins sans motif valable depuis le matin même. Il ne tient qu’à elle de trouver une parade, un chemin détourné pour conserver le privilège, la haute position et les vents favorables sans perdre de sa superbe. « Mais je manque à toutes les règles élémentaires… Bonjour, Melusine, comment vas-tu ? » L’air de rien, elle appuie encore une fois sur les différences, les reproches se heurtent sans mal à ceux de Melusine, chacune ayant ses torts mais aucune ne souhaitant céder une once de terrain. Et Vayk ne serait pas la première à poser le genou à terre.
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