Il y a ce sifflement qui traverse le calme de la nuit sans pudeur. Il ne dort pas. Il a essayé, pourtant. Mephistopheles n’abandonne pas facilement. C’est quelqu’un de sûr de lui. Mais quand il s’agit de dormir, il est de loin l’un des pires. Assis sur le toit de sa roulotte, il observe le ciel étoilé avec toute l’attention du monde. On lui a souvent conté des histoires comme quoi, les âmes perdues s’y retrouvaient, afin de veiller sur les vivants. Le forain n’est pas sûr de pouvoir croire une telle chose. Personne ne veille sur le monde depuis longtemps. Mais, il est vrai, que l’homme aime à imaginer le visage de sa mère paisible, gardant un œil sur son être. De père, il n'a jamais eu besoin. Tous les hommes du camp ont toujours été là pour son frêle petit être, au moment où il fallait. Il a grandi parmi les regards bienveillants de ses semblables. Mais lui, n'avait d'yeux que pour elle. Comme tous les enfants, sa mère était à ses yeux la plus belle d'entre toutes. Mais quand il tente de rattraper son souvenir, c'est une image floue qui s'immisce au fond de son esprit. Il cherche, avec le désespoir de tout un monde, la réminiscence fragile de la femme de toute son existence. Les contours sont abruptes, ils se mélangent, se brouillent sans plus jamais devenir nets. Les dessins et les photographies qu'il garde comme son plus précieux trésor au fond d'un carnet l'aident un peu dans sa quête mais cela ne lui semble jamais suffisant. Ce n'est pas elle qu'il revoit quand il se remémore son enfance. C'est elle, en quelque sorte, mais avec le poids des années sur les épaules. Sa grand-mère. Seule famille de sang parmi la foule de forains qui grouille autour de lui. Elle lui a appris tout ce qu'elle savait, s'est évertuée à le faire grandir. Mais il faut croire qu'elle a échoué. Mephistopheles a gardé une âme d'enfant, égaré dans un monde qu'il a du mal à gérer. Un monde qui l'a transformé, déformé. Son regard est celui de l'enfant du Diable. Parfois les lèvres déposent maladroitement la rumeur que c'est lui-même qui a enfanté cet étrange bonhomme qui erre parmi les roulottes. Ses quatre années d'existence ne lui avaient guère permis de comprendre l'incident en son entièreté. La mort n'était à cet âge que l'histoire d'un long voyage. Il avait naïvement compris qu'elle finirait par revenir. Une expérimentation, un nouveau tour ayant mal tourné. La plus agile des trapézistes avait fini tragiquement sa danse aérienne sur un sol meurtrier. C'est le souvenir qu'il en a. Gravées dans sa mémoire, il se remémore les images de la foule s'agiter et les bras forts de la protection l'ôter de cette scène tragique. Le dernier souvenir de sa très chère mère.

Mephistopheles soupire, faisant naître un nuage de vapeur au bord de ses lèvres. La nuit n’est pas calme. Elle ne l’est jamais. Il entend ses compères s’affairer au loin. Il est ici chez lui. Il se souvient des pires années de son existence, celles passées loin de son foyer. Oh, ce ne fut tout de même pas un calvaire. Notre homme apprit quelques petites choses utiles à Poudlard, c’est vrai et il vécut surtout de nombreuses aventures palpitantes. Un sourire se dessine sur ses traits, tandis qu’il ressasse les affaires du passé. Serpentard était sa maison. Combien de fois ne l’avait-on pas montré du doigt pour avoir fait perdre de précieux points ? Ses farces n’étaient guère du goût de tout le monde. Mais lui, quand il repense, ça le fait encore marrer. Il a fini par les quitter. Durant chaque période de vacances scolaires, il avait fui le château, retrouvant les siens dans l’euphorie. Et un jour, il n’était pas retourné là-bas. A sa sixième année, après les vacances de Noël, il était resté chez lui. Et jamais il n’a éprouvé un seul regret à cet égard.
Ses traits s’assombrissent soudainement. Il repense à ce compagnon l’ayant accompagné tout ce temps. Celui qui les a trahis. Qui l’a trahi. Si Keziah lui manque ? Oh, quelle stupide question. Bien sûr que oui. Mais Mephistopheles s’est promis de lui enfoncer une lame dans la chair à son retour. Parce qu’il sait qu’il reviendra. Les hommes finissent toujours par revenir chez eux.