Rosalinde avait décidé de profiter de son jour de congé loin de Saint-Mangouste pour sortir au marché d’hiver. Elle s’était habillée chaudement après avoir pris un solide petit-déjeuner et avoir laissé de quoi se nourrir à Edgar et Whiskey en leur promettant d’être rapidement de retour. Une liste de parchemin dans une poche pour compléter ses stocks d’ingrédients de potion et d’autres choses qui lui manquait, l’autre poche contenant sa baguette pour se défendre au cas où. Son innocence d’antan s’était heurtée au contexte de guerre et même si elle essayait à sa manière d’apaiser la douleur des gens, tous sans réel distinction ou prudence, elle avait conscience que le danger rodait partout en Angleterre. Sortant de la Bran Tower, elle avança d’un pas rapide dans l’allée des embrumes pour se rendre au chemin de traverse et faire des courses rapidement avant de se rendre au marché d’hiver pour errer dans ce décor festif. Si elle logeait dans l’allée des embrumes, elle n’aimait pas vraiment y trainer et n’y habité que pour la sécurité que lui apportait son logement où se trouvait bon nombres de ses connaissances.

Le marché d’hiver était magnifique et Rosalinde ne put s’empêcher d’afficher un sourire en voyant des enfants s’échangeaient des boules de neiges avec de grands éclats rires. Retrouvant son insouciance d’enfant, elle se dirigea vers la patinoire et y resta un long moment à observer les innocents qui profitaient de leur enfance sans se soucier de la politique. Au fond d’elle, elle ressentie l’envie d’être mère et si ce n’était pas la première fois, cela lui fit étrange d’autant plus que ses enfants semblaient vraiment heureux. Or, si Rosalinde refusait d’envisager le mariage et par la suite des enfants, c’était justement à cause de la peur de les voir triste et marqués par cette guerre qui ne cessait pas. Accoudés à la patinoire, Rosalinde laissa ce bien-être la remplir profitant de ce moment rare s’en pensait au reste. Elle avait besoin d’assister à ce genre de choses pour retrouver foi en l’humanité et surtout garder son optimiste afin de continuer son travail et de continuer à avancer. C’était comme lorsqu’elle soignait un enfant à Saint-Mangouste et que celui-ci lui souriait tandis que les parents la remerciait avant de s’étonner du prix s’il avait décidée de le baisser au vu du peu de revenu qu’il semblait avoir. Rosalinde ne souhaitait pas se battre armées d’une baguette magique mais elle voulait à son niveau adoucir la vie des sorciers espérant ainsi préparer un lendemain meilleur.

La faim la gagnant, elle se rendit à un étal pour savourer un des bons mets en vente afin de calmer ses crampes et d’envisager les objets en vente pour ensuite rentrer chez elle. C’est en commandant qu’elle le vit et décida de prendre deux portions au lieu d’une avant de le rejoindre. Il semblait un peu perdu dans ce marché et Rosalinde était intriguée de le voir ici et non dans sa boutique à vendre des baguettes ou dans son atelier pour ses recherches. S’approchant de lui, elle lui tendit la portion supplémentaire qu’elle avait achetée avec un sourire. « Bonjour, Ardal. Comment vas-tu ? Tu me sembles un peu perdu. Tu viens faire quoi dans ce lieu ? » Rosalinde attaqua sa portion, posant en équilibre l’autre sur la barrière face à eux en attendant une réponse du garçon. Elle observait les alentours notant les allées et venues des gens autour d’eux sans remarquer que dans un coin, une fille fixait leur duo d’un regard noir.

Quand Lorcàn ne s’était pas montré pour exécuter la nouvelle tâche que leur avait donné leur père (réaliser une baguette à partir du bois qu’ils maîtrisaient le moins), Ardal avait immédiatement su qu’il lui faudrait une pause à un moment ou à un autre. Il avait tenu quelques temps, procédant avant de s’y mettre à quelques exercices respiratoires pour se vider l’esprit. Le jus de citrouille avait permis de prolonger leurs effets bénéfiques quelques temps, jusqu’à ce que ce ne soit plus efficace. Il avait donc fini par émerger de l’arrière-boutique, des poches sous les yeux et son père n’avait fait aucun commentaire. L’absence de son fils devait tout autant lui peser. Remontant les rues, Ardal se retrouva rapidement au Marché d’Hiver. Il aimait cet endroit, qui avait des allures de fête et de normalité qui avaient à la fois un goût amer et quelque chose d’étrangement réconfortant. Il pouvait tenter d’oublier tous les problèmes pendant quelques temps et c’était tout ce qu’il demandait pour l’instant. Il retournerait travailler après.

Aussi déambulait-il à l’heure du déjeuner, un peu perdu quand une barquette de nourriture à l’odeur absolument alléchante surgit devant ses yeux. « Bonjour, Ardal. Comment vas-tu ? Tu me sembles un peu perdu. Tu viens faire quoi dans ce lieu ? » Et une ravissante apparition l’accompagnait. Un sourire naquit sur les lèvres du jeune homme en reconnaissant Rosalinde. Un visage familier n’était pas de trop en ce moment et surtout le sien. Rosalinde ! Quelle charmante surprise ! Il relégua ses sombres pensées au fond de son esprit. Profiter du moment présent, c’était pour ça qu’il était venu. Je suis en plein exercice de style sur bois, il fallait juste que j’arrive à en sortir. Il glissa sa main sous la seconde barquette de nourriture avant que celle-ci ne s’écrase au sol : Vous tombez toutes les deux plus que bien. Il reposa la barquette en place, demandant stupidement : C’est pour moi ? Ou tu attends quelqu’un ? Après tout, si elle était là c’était qu’elle était sans doute de repos et peut-être voyait-elle quelqu’un … Il scruta la foule alentour, à la recherche d’un potentiel rendez-vous qui pouvait arriver…et croisa le regard d’une demoiselle qu’il n’avait pas franchement envie de voir. Décidant de passer outre, il détourna les yeux pour revenir à Rosalinde qu’il taquina : Je ne voudrais pas faire capoter un rendez-vous galant que tu aurais grandement mérité. Cela faisait quelques temps qu’ils ne s’étaient pas vus après tout, peut-être y avait-il eu du nouveau pour la jeune femme. Et elle aussi était une jeune femme de Sang Pur, peut-être avait-elle eu des propositions, voire un mariage arrangé. Comme celui auquel il avait échappé de peu, mais dont les fantômes le poursuivaient de temps en temps.