DRESTIA ; xx septembre 2003 → ❝ the weight of us ❞
I have love in me the likes of which you can scarcely imagine and rage the likes of which you would not believe. If I cannot satisfy the one, I will indulge the other.

Vivre n'est pas simple. Mourir l'est encore moins malgré les apparences. Parce que depuis plusieurs semaines, Hestia se demande quand est-ce que la Faucheuse va se décider à venir la cueillir. Ca devrait être simple, pourtant - c'est ce qu'on apprend pendant ses années de médicomagie : la mort est simple - il suffit d'une rupture dans la cohérence des processus vitaux et, bientôt, tout le reste périclite, les autres processus s'effondrent et c'est fini. On apprend aussi que la survie et la vie sont plus compliquées parce que relancer la machine est un exercice délicat, subtile dont se gargarisent les guérisseurs et les autres médicomages.

Hestia trouve que c'est du bullshit.
La mort n'est pas simple - ça fait des jours qu'elle l'attend pendant que ses mécaniques la font bouger, marcher et respirer. Pourtant, il y a bien eu une rupture, il y a bien eu un rouage grippé dans les processus vitaux qui font avancer Hestia. Ce rouage, c'est Flora. Sa précieuse, son air, son évidence. Flora est le plus important de tous les rouages d'Hestia - le seul qui soit totalement, définitivement vital. Et sous le sceau d'une Marque qui dégueule ses Ténèbres sur leur peau, le rouage s'est même explosé, bousillé sous ses yeux, sur le sol aseptisé de leur appartement. Et cette sale peste à la Faux n'est toujours pas venue. Et Hestia continue de vivre en attendant l'instant où, privée de Flora, elle va s'éteindre. Elle est certaine que c'est le destin qui l'attend, tôt ou tard. Ca a même déjà commencé, elle a le coeur qui crève, asséché d'insensibilité et d'indifférence.

Elle espère juste qu'elle aura le temps de se venger avant, question de politesse.
Raven n'aime pas laisser des ardoises pleines derrière elle.

« Carrow, les urgences nous ont rapporté ça. Attaque terroriste. » Avec une attention maniaque, Hestia ne lève même pas les yeux de son origami qui se plie et se tort sous la direction d'une baguette impérieuse. Mais depuis quelques semaines, même le légiste en chef ne s'émeut plus des cadavres qui sont semés chaque jour par les deux camps. « les Mangemorts exigent que ce soit examiné tout de suite. » Le regard que la Carrow lève vers l'homme est glacé comme les vides spatiaux. Ce qui agace le seigneur de la morgue, surtout, ce sont les exigences du gouvernement : les Mangemorts exigent, les Mangemorts veulent, les Mangemorts prennent. Ca fait râler son chef, ses collègues, tout le monde. Forcément, les heures supplémentaires, ce sont des heures loin de la famille alors qu'on peut marcher par mégarde dans une embuscade ou dans un attentat jusque dans le coeur de Londres maintenant. « Tu t'y colles. » Annonce-t-il en allant rejoindre le vestiaire. Hestia, elle, reste imperturbable, retourne à ses pliages magiques. Il n'y a plus vraiment de famille à rejoindre dans les heures vides - il ne reste que ses business à mener, ses complots et ses vengeances à fomenter ; et tout ça, elle peut le faire d'ici, confortablement installée dans le froid de la morgue, dans le désert glacé de sa vie.

Sans presser, elle se lève, les pieds de la chaise râclent le sol, le font pleurer et les corbeaux de papier s'envolent, affolés, pour se percher plus haut. Puis les doigts caressent la tranche des dossiers qu'on lui a abandonnés. Quatre, et l'instinct est tout de suite attiré par le cinquième cadavre, un peu à l'écart des autres. Trois pas, peut-être quatre, sont claqués sur le carrelage alors qu'elle s'approche et, d'un geste du poignet trop sec et d'un sort trop fort, elle ouvre brutalement le sac noir de haut en bas. Le visage qui apparaît sous les yeux mordorés n'est pas familier, mais l'expression est trop familière pour qu'elle ne le reconnaisse pas. « Ce corps a encore besoin d'une petite heure en chambre froide avant l'autopsie. » Conclut-elle aussitôt d'une voix traînante, imperturbable. Ses mots oscillent entre la blague et le sérieux ; les doigts tirent déjà la fermeture dans l'autre sens. Mais un bras s'extirpe, empêche son poignet d'avancer plus loin dans la blague. Ou peut-être pas, d'ailleurs ? Son cousin mériterait qu'elle l'y colle pour la prochaine heure, il ne va pas en mourir, bien sûr, ou pas irrémédiablement. Ce serait une vengeance presque appropriée pour ce que Flora a subi. « Dragon, je t'ai connu plus doué à cache-sorcier. » Sur sa langue, le vieux surnom de l'enfance râpe, dérape, trop sec. Sa voix ne tremble pas, les mots se détachent les uns des autres dans l'air frais de la morgue. Elle est froide, Hestia - creepy little thing. Et ses colères sont glacées, mordantes comme des tempêtes de neige qui hurlent dans un souffle à peine audible. « Qu'est-ce que tu veux ? » Demande-t-elle, enfin, concédant son aide. Parce que c'est bien pour ça qu'il est venu, non ? Parce qu'il a besoin de quelque chose d'elle, tout comme Lucius a recueilli les jumelles pour obtenir un avantage.