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sujet; Throw me to the wolves (Kirill / Vayk)

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La neige était tombée cette nuit de janvier sur la ville de Londres. Elle avait silencieusement recouvert la cité d'un manteau crissant et étincelant.
Kirill était resté éveillé une bonne partie de la nuit à la regarder, assis en face de la fenêtre de son appartement, aussi calme qu'un chat, aussi stoïque d'une statue de marbre.
Le manque de sommeil ne l'avait pas dérangé, pas cette fois du moins, lui qui avait pourtant tant besoin de sommeil. Il avait tant attendu la neige, tant attendu que l'hiver vienne et balaie la grisaille automnale, cette douceur insupportable qui propageait la maladie et l'humeur maussade.
Alors il était resté éveillé, puisant dans ses réserves pour retrouver la paix d'esprit qui parfois au ministère avait tendance à le quitter brièvement.

La matin suivant, le soleil avait percé la couche nuageuse et illuminé Londres d'une lueur dorée et sanguine, promesse pour les plus chanceux d'un jour nouveau, symbole pour les condamnés d'un nouveau cycle de souffrance. La misère du monde importe peu à Kirill, on ne peut porter sur ses épaules le poids d'une douleur dont on ne peut que fugacement se figurer l'importance. Qu'y faire de toute manière? se protéger soi, protéger ses proches, ceux à qui notre coeur tient est tout ce que chacun peut et doit faire dans ce monde où certains pensent à tort devoir secourir l'humanité entière.
Cela ne crée que des héros stupides et des martyrs inutiles quand le pragmatisme devrait dominer. Les choses se porteraient bien mieux si chacun tentait de préserver efficacement son pré carré au lieu de tenter de labourer un champ trois fois trop grand pour lui.

Manque de logique, manque d'efficacité, manque d'intelligence, pour ainsi dire, c'est ce qui semble caractériser la majorité des gens dans ce pays et les autres. Kirill lui ne protège que ses êtres chers. Serguei, malgré ses erreurs. Son père. Sa mère.

Alors qu'il se dirige vers un des parcs du quartier sorcier à quelques pas de l'Allée des embrûmes, il remarque une silhouette haute et droite venant vers lui. Physionomiste, Kirill l'est, comme tous les artistes.Et il remarque bien vite à quel point la femme qui va croiser son chemin est belle. Les pommettes sont hautes, le nez droit, mais ce sont les yeux d'un brun piqueté de noisette et les sourcils épais, dessinés, qui attirent par dessus tout son attention. A femme déterminée, sourcils bien taillés, c'est ce que répète cette journaliste dont il oublié toujours le nom, à toutes les réceptions...
Elle est drapée dans un manteau noir, cintré, et perchée sur des talons élégants, assez pointus pour assassiner un importun. Ses gants de cuir fin cachent des mains serrées autour de son col et ses cheveux raides, bruns, épais, sont agités par la brise froide du petit matin.

Elle semble épuisée.
Éreintée même.
Ses yeux ont des cernes que même le maquillage ne peut cacher, mais c'est surtout l'éclat terne de ses yeux qui frappe.

Kirill connait cette expression. C'est l'expression d'une personne abattue par un combat quotidien, celui qu'implique la maladie, la dépression ou...d'autres maux propres au monde sorcier. Elle ne le voit pas. Elle avance. Où va-t-elle? le sait-elle seulement?

Visiblement non puisque Kirill, par provocation et amour du risque peut être, ne s'écarte pas de son chemin, et qu'elle le percute violemment, manquant de déraper sur le verglas et de se tordre la cheville. Kirill tend le bras, l'attrape par l'avant-bras, empêche la chute. Et la vrille du regard.

-Vous allez vous fairrre écrraser par un magicobus si vous ne rrregarrdez pas devant vous Madame.

Il la redresse, la jauge du regard.

-...Vous avez une mine affrrrreuse. Essayez de ne pas me décéder dans les brrrras et d'aller voirrr un médecin. J'ai horrrreurrr des constats de décès.

Et voilà qu'il la replante sur ses pieds, imperturbable. Bien une bonne chose de faîte. Espérons désormais que la donzelle n'aura pas l'extrême impolitesse de s'évanouir. La pleine lune provoque parfois de telles insomnies dans la population que nombre de personnes en pâtissent, la mine cadavérique de l'inconnue pourrait avoir à voir avec ce phénomène, qui sait. Ca ou une intoxication alimentaire, au choix.



Dernière édition par Kirill Moltchaline le Lun 23 Mai 2016 - 16:41, édité 1 fois
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❝ Friendly fires ❞ Décembre 2002

Elle s’est éveillée dans la neige, à son grand déplaisir, malgré l’euphorie encore latente de la Louve sous les flocons fraîchement tombés. La bête a joué toute la nuit plus que chassé, à poursuivre dans un galop effréné le premier lapin venu, oubliant la dernière lune et son issue sanglante. La neige a toujours plus à Vayk comme à sa contrepartie, les deux s’épanouissent dans le froid, question de nature profonde et de racines retrouvées, sans doute. Mais s’éveiller à la morsure du froid sur la peau dévoilée n’a rien de plaisant et la Hongroise peste, quelques secondes, comme ce manteau immaculé qui n’a pas daigné fondre, cette neige qui se fait trop rare en Angleterre et dont elle a littéralement perdu l’habitude. Elle en vient même à blâmer le pays tout entier, jetant au diable les efforts déployés pour s’intégrer. Des années à gommer le moindre accent, à se fondre dans la masse. Mais jamais elle n’a réellement pu se faire aux températures trop clémentes, à la boue humide, partout.
De grondements indignés en râles douloureux, elle décroche les vêtements soigneusement accrochés aux branches pour éviter le moindre accident, s’enveloppe dans un manteau discret mais épais et tâche vaguement de masquer les restes de la nuit sous une couche de maquillage. Ses lèvres s’ouvrent sur une bordée de jurons magyars lorsqu’elle constate les chaussures choisie pour le temps qui règne. Si elle ne se brise pas les deux chevilles en rentrant, Vayk pourra s’estimer heureuse. Elle ne se risquera pas à transplaner dans son état – ne se risquerait pas dans tous les cas mais cette fois plus que les autres. Elle se traîne plus qu’elle ne se déplace, les muscles qui hurlent, les os qui gémissent. Peu à peu, l’échine voutée se redresse et la sorcière exténuée repousse la Louve dans les tréfonds. Retourner au monde civilisé, à Ste Mangouste, à l’appartement silencieux. Elle aimerait encore avoir Hazel sous les phalanges, les scalpels qui démangent, comme toujours. Après chaque transformation, l’envie toujours plus dévorante de trouver un remède.
Le regard dans le vague, les mains nouées autour des hanches, elle percute un arbre. Un poteau. Un poteau avec des bras puissants qui empêchent la chute fatale. « Vous allez vous fairrre écrraser par un magicobus si vous ne rrregarrdez pas devant vous Madame. » Leurs regards se croisent, celui de l’homme est aussi clair que le sien est troublé. Pas de réponse, pas de commentaire, non plus, juste un faible couinement, chuintant entre les lèvres. « ...Vous avez une mine affrrrreuse. Essayez de ne pas me décéder dans les brrrras et d'aller voirrr un médecin. J'ai horrrreurrr des constats de décès. » Remise sur ses jambes, la Hongroise vacille, oscille doucement d’un pied sur l’autre et se retient à l’épaule de l’inconnu.
Reprendre sa respiration, remettre de l’ordre dans les pensées envolées. Elle note l’accent avant la chevelure d’un blond pâle. Les consonnes enroulées sur les mots un peu traînants, un goût d’exotisme dans le Londres trop gris. Et il paraît parfaitement à sa place, là, régnant sur le manteau neigeux. « Merci. » Elle exhale du bout des lèvres, sourire contrit qui s’étire longuement, le temps qu’elle prend pour croiser son regard un peu glacial, effacer les traces d’incertitude et de honte du sien. Elle n’est pas contre l’idée d’avoir un peu d’aide mais la fierté arrogante la dévore toute entière. « Je vous remercie pour votre sollicitude mais je pense pouvoir poser mon propre diagnostic. Je ne suis pas faible au point d’être au bord du gouffre. » Le menton haut, l’accent hongrois qui roule sur la langue agacée, elle se reprend, pourtant, s’adoucit un peu. « Pardonnez-moi, la nuit fut difficile, je suis toujours un peu irritable. » Haussement d’épaules qu’elle ne s’accorde que lorsque les manières sont encore trop animales, la bête toujours grattant sous la surface. « Loin de moi l’idée de vous froisser... »

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Il la regarde d'un oeil calme. Elle a l'air d'avoir passé la nuit à encaisser des coups, comme une combattante qui rejoindrait à la nuit tombée un cercle secret de combat.
Seulement elle ne porte aucune contusion. Et elle est bien trop élégante, il y a bien trop de profondeur dans ces yeux noirs pour que la personne en face de lui s'adonne aux plaisirs vulgaires dont se délecte désormais une partie de Londres lorsque la BPM tourne le dos ou ferme les yeux.
Il y a aussi l'accent, un accent lourd de "r" roulés à profusions, de voyelles appuyées, un accent chaud qui rappelle l'Est et qui lui fait passer outre sa réflexion fière et hautaine.
Alors qu'elle s'excuse, il continue de l'observer. Elle a des tics cette demoiselle. Elle a les doigts qui pianotent sur ses ses propres hanches alors qu'elle croise les bras pour se réchauffer, les jambes nerveuses, les pupilles en alerte, elle a le teint pâlot. Si ce n'est pas la fièvre qui la guette et si elle se sent apte à porter son propre diagnostic, Kirill ne devrait pas avoir à se mêler de ses affaires.
Mais la voilà qui hausse les épaules, plus une sorte d'ébrouement animal, qui fait lever un sourcil au médecin. Qu'est ce que c'est que cette attitude chez une femme pourtant drapée dans l'élégance comme les romains dans leur toge?
Ca sent le roussi, et les phalanges bleuie de la demoiselle, indiquant un long séjour dans le froid, commencent à l'intriguer. Kirill a un vilain défaut: la curiosité. Cette curiosité insolente qui a tendance à le coller dans de sales draps mais aussi à le faire avancer plus rapidement que la majorité de ses camarades d'âge ou de profession. Lentement, il croise les bras et sort une cigarette de son manteau et la lui offre avant d'en allumer une pour lui même.

-Oui la nuit derrrnièrrre a été durrre pourrr pas mal de gens...cerrrtains trrrravaillent trrrop comme moi. D'autrrres sont simplement mal lunés.


Il ne la regarde pas pour voir si elle tique, si elle réagit, ces choses là se sentent. C'est comme une tension dans l'air, comme un crépitement éléctrique. Il tire sur sa cigarette et crache une bouffée dans l'air froid du matin. Il n'a pas la moindre idée de ce que sa supposition totalement hasardeuse signifie pour l'inconnue. D'ailleurs pourquoi cette plaisanterie de mauvais goût? peut-être parce qu'il aime jouer avec le feu. Peut-être parce qu'il teste aussi, comme d'habitude, les limites de sa propre clairvoyance, cherchant comme Montaigne à connaître les hommes et les femmes "au delà des limites de leur similitude".
Après tout peut-être accomplit-elle simplement the walk of shame après une nuit d'amour, cette délicieuse femme slave à la voix assurée. Peut-être a-t-elle toujours des tics, peut-être tout cela n'est-il qu'un hasard. Mais dans le doute, il la toise de sa haute taille et propose:

-Bien que je rrrépugne à me rrrépéter, vous avez une mine à faire pâlirrr un détrrraqueurrr. Venez donc prendre un café. J'insiste.


Alors qu'il portait sa cigarette à ses lèvres fines, son manteau remonta légèrement le long de son gauche, révélant entre son gant de cuir et sa chemise, la marque des Ténèbres, tâche d'encre noire sur sa peau diaphane. Elle la vit. Et il vit qu'elle l'avait vue. Parfois, dans de rares moment d'égarement, il était satisfait de faire partie de la caste à qui personne ne refusait rien. On ne disait pas "non" à un Mangemort.

Désignant un café cossu de l'autre côté de la rue, il l'y invita de la main. Elle devait crever de trouille ou se préparer à lui servir un tissus de mots, de phrases cherchant à justifier des crimes dont elle croyait qu'il allait la soupçonner quand Kirill cherchait tout simplement à infirmer ou confirmer sa drôle de petite théorie. Et ensuite que ferait-il? ah les mystères du futur...seule l'attitude de l'étrangère dont la voix lui semblait pourtant si familière le déciderait à pencher dans un sens ou dans l'autre de ses inclinations naturelles.

-Allons y, si vous le voulez bien.

Elle le regarda et il ne baissa pas le regard. Il sentait dans son cou que Murano, la murène tatouée à même sa peau avait elle aussi dardé son regard perçant sur l'inconnue. Quatre yeux la fixaient désormais, les premiers froids et sérieux, les seconds presque moqueur. Des deux qui était le pire ? l'Homme ou l'entité d'encre qui connaissait ses plus intimes secrets? dur à dire. Mais si Murano avait eu son mot à dire, la donzelle aurait déjà été traînée dans une geôle pour être interrogée sur ses folles nuits londoniennes et leurs conséquences plus qu'étonnantes en cette période de pleine lune. Fort heureusement Kirill avait encore suffisamment de discernement pour ne pas agir avec autant de précipitation.
Il était plus prudent.
Il était plus patient.
Il était plus dangereux.

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