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sujet; devil may cry ✧ arsei |
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cersei & arsenius (arsei) Les méninges grincent, manquent cruellement d’huile et de repos, sont prises d’assaut par la migraine. Encore elle et son constant grattement à divers endroits, ça cogne, ça relâche les charognes – Arsenius sature, la migraine crée sur son crâne quelques coupures. C’est constant, en ce moment. Pris entre l’organisation de son exposition et le déluge quotidien d’informations, Arsenius s’est perdu. Et ce n’est même pas en se massant les tempes que l’attaque s’estompe. Préoccupé. Il l’est. Énormément. Toujours à se questionner sur ses faits et gestes, toujours à les mesurer pour se perfectionner. Même si ce n’est pas la première fois qu’il expose, même s’il a déjà étudié chaque détail des heures entières, sans trouver une seule faille, il sera préoccupé quand même. C’est maladif, c’est obsessionnel – ce besoin de perfection. D’appréhender chaque scène à l’avance, d’imaginer les futures conversations pour ne pas être pris au dépourvu et se ridiculiser. L’inattendu l’insupporte. Sa langue claque sur son palais, il ferme les yeux. Il n’y a personne à côté alors il se permet de souffler, de froncer les sourcils. Il a un mauvais pressentiment. Un oubli, un trou de mémoire, une faille. Il parcourt de nouveau les parchemins, relit le contrat qui le lie à la galerie d’art et tout semble en ordre, pas de bavure à noter. Sa tête tombe sur son bureau, écrase les parchemins, étouffe ses grognements. Il souffle. Se permet quelques secondes de répit puisqu’il est seul. Il n’y a personne à impressionner aux alentours. Il n’y a pas de mère à rendre fière. Il n’y a pas de public pour lequel faire de beaux sourires et se mettre dans la poche. Le cliquetis de l’horloge accompagne en rythme les battements de son cœur. Les flèches indiquent dix-neuf heures passées. C’est dans quelques heures, se dit-il. Il grogne encore. Au fond, il n’a pas envie de poursuivre cette exposition. Conscient qu’il y aura peu de monde. Peut-être même qu’il n’y aura personne. Il hurle, au-dedans. Qu’on méprise son art, qu’on médise sur lui. Et pourtant, il sait, il sait parfaitement qu’ils ont raison. Que son art n’est qu’une vaste blague – que ce n’est qu’un passe-temps de bourgeois en manque d’attention. Il y aura sans doute sa famille. C’est déjà ça. Et peut-être même Cersei. Cersei. Sa gueule s’écrase encore plus sur les parchemins, roule quelques secondes, cherche à creuser un trou dans le bois de son bureau pour s’y enterrer là, entre les rainures de bois. Cersei et les nombreuses emmerdes qu’elle a causées dans sa vie. Cersei et son incroyable sens pour l’inattendu. À chaque fois qu’elle apparaît dans sa vie, elle la balance hors-cadre et la met en désordre. Il n’aime pas se morfondre mais il aimerait bien se plaindre de cette fille à quelqu’un. Qu’on lui trouve une solution pour l’arracher à sa vie. …Ah, qu’il ment. Il ment à tout le monde, il se ment à lui-même. Et même avec toute la volonté du monde, il ne pourrait pas la rayer de sa mémoire – pas après qu’il lui ait sauvée la vie. Pas après l’avoir rattrapée de justesse, sur ce balcon maudit, l’avoir tenue dans ses bras et écouté ses sanglots. Première fois qu’il s’est senti utile, première fois qu’il a sauvée quelqu’un. Et même s’il peste, même s’il grogne pour chaque pet de travers, Arsenius ne peut pas lui tourner le dos. Parce qu’Arsenius n’est pas mauvais. Il a seulement une vision du monde altérée. Des principes, une ligne de conduite. Un perfectionnisme presque extrême qui le laboure et des migraines qui l’attaquent sans détour. Mais il n’est pas mauvais, non, juste constitué d’une autre façon, avec quelques qualités mêlées intimement à d’énormes défauts. Et puis, une information valdingue, à l’intérieur de son crâne. Il se rappelle, maintenant. Le mauvais pressentiment. La sensation d'avoir oublié quelque chose. Les paupières ouvertes, la tête relevée, il lâche une injure et se lève d’un bond. Un pas après l’autre, il se dirige vers sa cheminée et regarde le parchemin accroché à la ciselure précieuse du bandeau pour recueillir des messages vocaux en son absence. Aussitôt, ses doigts s’accrochent au parchemin, laissé, là, oublié, délaissé. Il l'active et la voix un peu faible de Cersei résonne dans ses oreilles. « Huh, salut. Je sais, t’es pas là mais… Hm, non, rien. Oublie. Laisse tomber. C’est pas grave. À plus. » « Merde. » Le ton hésitant, il l’a entendu. Le parchemin redevient vierge et prend sa position initiale sur le bandeau, même si Arsenius continue à le fixer, là où quelques secondes plus tôt, l’animation avait laissé filtrer quelques mots d’une voix faussement tranquille. La promesse qu’il serait là, à tout moment, vient de mourir dans les braises de la cheminée. Ça l’insupporte, d’avoir oublié leur discussion. D’avoir négligé son rôle, d’avoir mis trop d’énergie et de temps sur des futilités liées à son exposition de photos. Il lui a tourné le dos et le constat acidifie ses tripes et les retourne. Il serait capable de s’arracher les cheveux pour cet oubli – l’oubli tant honni. Et si elle avait besoin de lui pour… ? Et si elle était déjà passée à l’acte… ? Même en se parant d’indifférence, il a la trouille d’avoir la mort de quelqu’un sur la conscience. Il n’a l’habitude que de l’abandon, pas de la culpabilité. Il n’est pas un héros mais ne pourrait jamais se pardonner de n’avoir rien fait pour l’aider. En quelques enjambées, il s’empare d’une cape en velours noir et quitte son appartement. Il transplane jusqu'à la zone de transplanage près du quartier résidentiel de Moriarty, jette des coups d’œil aux alentours pour se remémorer les lieux – n’ayant été qu’une seule fois dans son quartier, après avoir raccompagné Cersei chez elle. Il retrouve rapidement le chemin jusqu’à son appartement. Sans aucune hésitation, il sonne à la porte, bruyamment, répétitivement. « Cersei ? Cersei ? Ouvre ! » beugle-t-il en commençant à tambouriner la porte, sans aucune réponse de la part de la Moriarty. Prêt à lancer un sort pour démolir la porte – merci ses cours forcés d’architecture – il est rapidement arrêté dans son geste par une Cersei en forme, prête à sortir. Il suspend son poing dans l’air, qu’il avait préparé pour donner un dernier coup de tonnerre. « Cersei ? Désolé. Je viens de voir ton message à l’instant. » Sa main retombe le long de son corps, il s’humecte les lèvres, la fixe dans les yeux, son image tressaute sur ses rétines bleues. « J’étais occupé avec l’exposition. » Jolie façon d’aborder le sujet, de ne parler que de lui et d’éviter la question fatidique « tu vas bien ? » uniquement parce qu’il n’est pas habitué à se soucier des autres. Uniquement parce qu’on ne lui a jamais appris comment faire. Annihilée, l'inquiétude. Son visage se recompose, jette en pâture les traits presque de panique qui s'étaient dessinés sur son faciès.
Dernière édition par Arsenius Lestrange le Jeu 29 Oct 2015 - 13:35, édité 1 fois |
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| I'm sick, and I'm tired too, I can admit, I am not fireproof. I feel it burning me, I feel it burning you. I hope I don't murder me, I hope I don't burden you
Ce n’est pas son chez elle, son cocon au bout du monde. Ce ne sont pas son décor apaisant et sa verdure à perte de vue, vide de son, de gens, d’émotions, de vie. Ce n’est pas son habituel lieu de repli, de répit, c’est autre chose. Pour certains, c’est un simple hôtel, autrefois privé, dont les portes gravées de dorures ont été ouvertes au public après qu’il ait été saccagé et retapé. Pour d’autres, c’est un lieu de faste et de festins, ultime gâterie, pied-de-nez aux rebelles qui ont voulu tout égruger, rêvé de tout piétiner sous leurs semelles boueuses incrustées de sueur et de labeur, d’espoirs déçus. Pour elle, c’est un enfer qui s’étire sur plusieurs étages. Et tout à la fois, c’est un bout de paradis, porte ouverte sur des ressentis étrangers qui l’animent. Paradoxe déchirant qui semble la laisser de marbre lorsqu’elle franchit la porte de sa chambre attitrée – celle qu’on lui livre à sa demande, lorsque sa présence est requise en ville –, les lèvres peintes d’un rouge sanglant qui fait pétiller son sourire pourtant fade sous la façade. Mais qui la travaille sans cesse, au fond. Pommettes figées en une moue apprise par cœur : son état neutre est fait de commissures étirées avec la délicatesse et la fragilité de la porcelaine. Simple décorum pour masquer la misère, combler le gouffre qui se creuse, béant, bête affamée menaçant constamment de l’abîmer, de la consumer au creux de son antre ardente. C’est la chambre. Elle est morte sur ce balcon, environ 150 jours plus tôt. La hauteur tapisse son front de ridules anxieux, mais elle se force à l’immobilisme. Masochiste ; ou peut-être se refuse-t-elle tout simplement à continuer d’avoir peur. Les doigts enroulés autour du métal glacé dans lequel se découpent des arabesques délicats, elle regarde sans ciller la vie qui suit son cours en contre-bas ; passants qui dérapent sur les dalles humides du Chemin, boutiques qui s’éveillent, gamins en bas âge qui s’émerveillent. Elle perçoit leurs effluves d’ici, Lilith ; pas en termes d’odeurs mais d’émotions, portées par une brise automnale glaciale. Il n’y pas une once de la bonhomie qu’ils s’efforcent d’afficher, pas une trace de tranquillité paisible : elles ne sont que leurre, masque de quiétude sur fond d’angoisse endémique. Ça crépite entre leurs doigts crispés, qui s’accrochent les uns aux autres avec la fureur du désespoir. Ça grésille en suppliques acides qui virevoltent jusqu’à elle, qui les mire du haut de son perchoir en soupesant leur intensité, les valorise au degré de leur désarroi. Non, pas assez de douleur dans ce palpitant-là, et la remarque suffit à écarter l’individu de ses pensées. Vampire d’émotions, elle ne peut se contenter de simples vagues à l’âme qui érodent sur des siècles ; elle veut des tempêtes à faire chavirer, basculer le plus solide des rocs. Elle veut les larmes qui creusent des sillons impitoyables dans les joues exsangues frémissant d’effroi, les cernes violacés et les cornées rougies. Ou au contraire, un bonheur qui éclate, tranche sans pitié le bal des victimes meurtries. C’est ce qui nourrit l’inspiration. Lilith se détache de la balustrade, retrouve la vaste chambre dont le sol est tapissé de parchemins sur lesquels s’étire son griffonnage incliné ; un doigt trempe dans chacun des mets délicats apparus sur le chevet au réveil, tandis qu’elle slalome jusqu’à la cheminée où quelques privilégiés savent pouvoir la contacter pour les jours à venir. Accroché au manteau de pierre, le parchemin classique s’agite pour signaler les voix enregistrées au cours des dernières heures ; elle a été là, tout au long de la nuit, mais les a étouffées sous un sort de silence, peu désireuse de répondre à des appels. Elle est encore un peu stone (rechute, hier soir. Rails de Navitas sur les surfaces planes – ça lui chatouille encore le bout du nez, elle chasse négligemment la sensation de la pulpe de son index – pour étouffer le mal être. Voix chevrotante ne s’élevant pas plus qu’un murmure dans l’âtre ; fredonnant un prénom telle une litanie : Arsenius, Arsenius, Arsy. Et le silence. L’étau qui se resserre, il n’est pas venu). Ce matin, tout semble n’être qu’un rêve un peu flou, un cauchemar lointain. Le sol sous ses pieds est inconsistant, elle tangue tel un bateau ivre, elle en rit. Active le parchemin, pour qu’il dégueule son lot d’exigences, tandis qu’elle-même se bouscule pour entamer la journée. « Lilith, mon cœur. » Apolline. Maman. Celle qui l’a baptisée Cersei, pour être finalement la première à reléguer ces six lettres aux oubliettes et adopter celles symbolisant sa renaissance. Sa voix résonne à travers les clapotis de l’eau qui remplit peu à peu le bain, elle déraisonne. « Je sais que tu ne dors pas, on rediscutera plus tard de ta fâcheuse tendance à négliger mes appels. Anyway, d’où te vient cette robe blanche que tu portais pour l’interview d’hier ? Je n’arrive pas à croire qu’Alastar t’ait laissée mettre un pied devant les journalistes ainsi attifée. Elle te fait des cuisses de Dirico, est-ce que tu aurais pris du poids ? Dès aujourd’hui, je te mets au régime. Repose-moi cette fraise dans son plateau si elle est, comme je le pense, plus couverte de crème que d’akènes. » Prise sur le fait, elle s’exécute, mine coupable. Laisse chuter de ses bras la soie de sa robe de chambre, s’examine d’un œil critique dans le miroir à pied qui orne la pièce. Sert les lèvres, rejoint la salle de bain, ferme les robinets d’un coup de baguette avant de nouer ses cheveux sur sa nuque à l’aide dudit objet. « J’ai trouvé la solution pour ces affreuses valises sous tes yeux : des écailles de kappa. A mettre au froid quelques heures avant de les poser sur les paupières pour la nuit, je t’en ai hibouté un premier paquet. » Comme de fait, timing parfait, des coups de bec sont tapés contre la porte vitrée du balcon qu’elle a laissé ouvert. Bruissement d’ailes, paquet qui chute sans bruit sur le matelas ; a-t-elle tout programmé à la seconde près ? « Tu étais adorable, ceci dit. Mais tu sais bien que ce n’est pas ce qu’on te demande, fais l’effort de refouler tes airs enfantins la prochaine fois. Le public de Rotten Apple est sous le charme d’une femme fatale, pas d’une gamine un peu gauche et potelé. » Ça gémit, quelque part au creux de sa cage thoracique, mais ses lèvres ne laissent rien filtrer et à la place, elle glisse un peu plus au fond de la baignoire, pour être submergée jusqu’à ses paupières closes et bloquer toute autre sensation. L'eau glacée engloutit, détruit les émotions négatives qui enflent en elle... l'eau a toujours été le refuge parfait pour tout épurer, de son empathie à son agonie. « Oh, et tes cheveux ressemblent à de la paille, je t’ai déjà dit que ces sorts que tu utilises les dessèchent affreusement. Tu n’as toujours pas sorti les huiles de Musard colorantes que je t’ai achetées il y a deux jours, je suppose. » Ton pincé accusateur. Lilith s’arrache à son refuge aqueux, s’enveloppe dans une serviette épaisse, exécute son rituel matinal avec l’efficacité que confère l’habitude. Le message s’allonge encore et encore en fond sonore, elle enfile l’une de ces paires de lunettes fumées qui font ravage – inspirées de celles ornant la nouvelle carte de Chocogrenouille de Heath Barbary, guitariste de BS et frère d’Absolem – pour masquer le valises qui lui alourdissent effectivement les yeux. Il lui faut quitter ces murs avant l’implosion et elle sait précisément où se rendre pour s’apaiser. Qui voir pour se changer les idées. La voix d’Apolline Moriarty est remplacée par une autre, masculine : Aspen. « Cutie, je t’ai presque reconnue à travers les clichés et les lignes de l’interview d’hier. 5 gallions que ta harpie de mère a ragé ? » (il ricane) « Mais la musique, hm. » Elle se tend. « C’est pas ce que tu m’avais fait écouter. Le solo de guitare de Dahl a sauté ? Bon, le rendu final est un peu merdique si tu veux mon avis. Mais c’est entraînant, ça devrait plaire au public, dans l’ensemble. On en reparle quand tu émerges. Te flingue pas trop. » Ils n’en reparleront sans doute pas de si tôt, être injoignable est le sport favori d’Aspen et elle n’aura probablement de nouvelles de lui que d’ici un mois ou deux. Elle se sert une coupe de cet alcool pétillant trop sucré – tout ce qu’elle a sur l’estomac, au final – et récupère la robe blanche incriminée plus tôt pour la faire disparaître d’un Evanesco catégorique. Déballe les huiles et les aligne sur l’édredon pour en étudier la notice à son retour. Se met à genoux pour chercher sous le lit les chaussures (échasses) éjectés d’un coup de talon négligeant la veille au soir. Suspend son mouvement, un pied surélevé sur la seule chaussure déjà enfilée – l’autre dansant encore au bout de son index : quelqu’un tambourine à la porte avec acharnement. « Cersei ? Cersei ? Ouvre ! » C’est Arsenius. Arsenius qui s’emballe. Elle achève de se chausser, la porte s’écarte juste avant qu’il n’y assène d’autres coups. « Cersei ? Désolé. Je viens de voir ton message à l’instant. J’étais occupé avec l’exposition. » L’air incertain, il la dévisage, comme s’il tentait de décrypter un message caché sous son épiderme fardé. Elle se contient un instant à peine. Puis éclate d'un rire cristallin, léger, et enroule ses bras autour de son cou. « Tu devrais voir ta tête, on croirait que quelqu’un est mort. » Elle se détache, récupère son sac à main pour le rejoindre sur le pas de la porte. « Mon message ? » Air curieux, ingénu. Elle prétend ne pas se souvenir. Prétend, prétend, prétend. Fais mine de se rappeler, tout à coup. « Oh, ça. » Haussement d’épaules. « Peu importe. L’expo, donc. J’y allais justement. » C’est un peu décousu. Elle a la tête légère comme après un abus de fizwizbiz. De son index, elle réajuste ses verres. Il dégage des ondes presque toxiques ; passées en un instant d’inquiétude dévorante à colère mordante. Bien que parlant de lui, elle dessine une ligne horizontale sur son propre front pour illustrer son propos : « Tu sais, je crois que cette ride, juste là, est plus marquée qu'avant. » Elle le précède en direction des ascenseurs, ceux où ils se sont croisés le soir où – peu importe. Et par-dessus son épaule, elle lance en croisant l'index et le majeur dans sa direction, comme pour lui porter chance : « Ne stresse pas tant, je suis sûre que tu auras un succès fou. » Elle y a veillé, mais ne le dira pas. Comme si elle ne savait pas que cette vague de négativité qu’il déverse est tout sauf dû aux photographies, pour l'heure.
Dernière édition par Lilith Moriarty le Ven 25 Mar 2016 - 14:19, édité 1 fois |
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cersei & arsenius (arsei) L’absurde a pendu leurs âmes par les pieds sur cette même balustrade qui les a rapprochés. Elle, l’artiste surfaite adepte de la non-liberté, lui le rentier pédant avare de toute émotion. L’humain en lui a voulu se manifester, imposant leurs chemins à se croiser, quelques fois au tout début, très souvent à présent. Il y a des choses chez Cersei qui le dérangent. Son constant besoin de se parer de faux et d’être ce qu’elle n’est pas. Mais l’hypocrisie dans laquelle se baigne Arsenius l’empêche de se considérer lui-même comme étant quelqu’un de faux, persuadé que la dissimulation du vrai ne cause pas de mal à autrui. C’est l’élite spécialisée en refoulement de vices pour devenir quelqu’un d’autre, pour rêver d’une autre vie. Elle en est la digne héritière, héritière du paraître qu’on étouffe dans le mal-être. Ils se parent d’attributs fades et sans saveur, s’enlisent dans l’angoisse qu’un jour fatidique leur supercherie sera découverte. Les poignets liés, les chaînes renforcées, la société sorcière les plonge tous, tous ces jeunes, dans une léthargie programmée pour en faire des moutons. Et Cersei, ainsi que les autres artistes de son groupe, est à la tête de cette jeunesse soumise et idiote. Cette même jeunesse dont il fait lui-même partie, lui, membre séculaire du paraître, lui qui se complait dans sa fortune et son statut d’héritier, lui qui dissimule sa médiocrité. Arsenius est médiocre, Mockingbird est meilleur. Il a vu ces traits médiocres sur Lilith, il sait que les qualités se terrent, là, quelque part, cachées par des mensonges infâmes qu’elle sert au reste du monde sur un plateau d’argent. Elle est douée pour cacher ses vraies intentions. Mais il a l’audace de croire qu’il est un très bon observateur, tant il a passé des heures à l’observer, des heures à penser à elle, arrivant à cette même conclusion absurde : Lilith est médiocre, Cersei est meilleure. Cachée derrière ses verres teintés, suspendus sur des talons tellement haut qu’elle le dépasse même légèrement. Il est habitué à ses excentricités, aux angoisses qu’elle lui donne lorsqu’elle trébuche sur ses monstrueuses chaussures avant de se rattraper de justesse – il ne comprendra jamais rien au mystère féminin. Il grimace d’insatisfaction lorsqu’elle lui rit au nez, la laissant malgré tout emprisonner son cou de ses bras maigrichons. Sa grimace s’intensifie encore plus lorsqu’il sent la faible odeur alcoolisée ; évidemment que c’est dilué au sucre mais il reconnaît l’éthanol tueur d’inhibitions et de stress. « Tu devrais voir ta tête, on croirait que quelqu’un est mort. » Un grognement et les bras croisés sur son torse, susceptible qu’on se moque de lui. Qu’on se moque de son inquiétude plutôt, lui il se targue d’être indifférent à tout ne l’est pas complètement lorsque Lilith est dans les parages. Il la dévisage pour la forme, la regardant prendre ses affaires et le rejoindre dans le hall. « Mon message ? » Et l’agacement déforme encore plus ses traits parce qu’elle le prend vraiment pour un idiot. Encore un peu et la veine dans son cou commencerait à palpiter tant ça l’insupporte qu’on le prenne pour un con. « Oh, ça. » Oui, ça, cette espèce de rechute, cet appel au secours. Il ne l’aurait pas rêvé… si ? Et si c’était son cerveau étriqué qui lui avait joué un tour, appréciant plus qu’il ne voudrait le croire cette parure d’héros qu’on lui a apposée sur les épaules ? Non, ce n’est pas possible, il a bien décelé son ton insistant. « Peu importe. L’expo, donc. J’y allais justement. » En se prenant l’arête du nez entre ses deux doigts, il laisse l’agacement disparaître avant de lui faire face de nouveau, l’expression faciale changée. Mais il a sincèrement beaucoup de mal à étouffer la pointe d’agacement puisqu’elle continue de toucher ses cordes sensibles. « Tu sais, je crois que cette ride, juste là, est plus marquée qu'avant. » En quelques minutes, elle s’est moquée de lui, l’a pris pour un con et l’a traité de vieux – il est sincèrement tenté de la planter, là, et ne plus jamais laisser l’inquiétude pour Cersei l’atteindre. As if. Ils se dirigent vers les ascenseurs, Arsenius gardant ses bras croisés et le regard dur – comme il en a l’habitude, en fait. « Ne stresse pas tant, je suis sûre que tu auras un succès fou. » Un sourcil arqué, il a toujours été surpris par son enthousiasme au sujet de son art. Soit elle est vraiment aveugle et n’y voit pas l’ironie dans son art, soit elle a grillé la supercherie mais la cautionne sans lui dire. Là, tout de suite, il a très envie de se frapper le crâne contre le mur tant elle nourrit son cerveau de mystères nouveaux. Lorsque l’ascenseur arrive, Arsenius souffle de soulagement quand personne d’autre ne s’interpose entre eux. Les portes fermées, il dénoue ses bras et se poste face à elle, envahissant son espace vital. D’une main, il lui enlève les lunettes teintées et de son autre main, il place le bout de ses doigts sous les yeux : là, des cernes. Maquillées, sans doute traitées mais Arsenius n’est pas dupe. « Cernes. » Dit-il dans une voix monotone, presque robotique, lâchant ce simple mot comme un constat sans appel. Et ses doigts glissent sur ses lèvres, lorsqu’il ajoute également sur le même ton : « Alcool. » Et puis la main quitte le visage de Lilith et glisse le long de son corps. « Tu as failli craquer, non ? » Peut-être qu’elle va encore esquiver le sujet et se parer d’un sourire factice ou peut-être qu’elle va avouer et s’ouvrir à lui pour se vider de ses maux. Peut-être, oui, mais en attendant elle n’a pas le temps de réagir à sa question, encore moins à répondre puisque les portes s’ouvrent dans un bruit sonore : ils sont arrivés dans le monde réel. Il soupire et lui tend le bras pour qu’ils quittent cet ascenseur trop étroit. Et avant de s’engouffrer dans la réalité, il lui remet ses lunettes en place pour cacher ses imperfections qu’il apprécie plus que sa perfection. |
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