❝ Sometimes beautiful, sometimes insane ❞Dante A. Ehrensvärd & A-J. Eshmé Sternberg
Poudlard. Est-ce que le château était vraiment comment il l’avait imaginé ? Dante ne le savait pas vraiment. Se l’était-il un jour visualisé ? Peut-être bien. Lorsqu’il était encore tout petit, alors qu’il voyait tous les autres enfants faire leurs achats sur le chemin de Traverse. Il avait demandé : « Pourquoi je ne vais pas à Poudlard, moi aussi ? » et on ne lui avait jamais répondu. Jamais vraiment en tout cas. On ne lui avait jamais donné la véritable raison. Parce qu’il posait la question à sa mère, et pas à son ivrogne de père. Peut-être que lui aurait répondu avec franchise. Il n’en savait rien. Il n’en saurait jamais rien. Mais il avait la réponse à sa question d’antan : parce qu’il leur était trop utile pour leurs larcins. Trop utile pour distraire les foules pendant les poches se faisaient vider. Trop utile pour les vider, ces poches, et fuir, se cacher, petit qu’il était. Petit, mais rapide, souple et habile. Alors, Poudlard, c’était comment ? Il n’aurait su le dire. Ils avaient investi les lieux alors que le soleil était déjà couché. L’école ne transpirait pas de toute l’activité dont elle pouvait faire preuve en journée, surtout avec le couvre-feu. Et, nul doute que les élèves n’avaient pas à combattre une armée d’armures animées, n’est-ce pas ? Peut-être que si en fait. Il ne savait pas. Il ne connaissait rien du quotidien de ces jeunes, si ce n’est qu’il devait être assez tragique pour que les Insurgés débarquent en masse pour reprendre l’école aux mangemorts. Tout s’était passé si vite, presque comme dans un songe. Ou un cauchemar. Un mois et demi à craindre que les protections qu’ils avaient mises en place ne tiendraient pas, que les mangemorts trouvent les failles et les exploitent pour renverser la situation. Mais il était rentré maintenant.

Rentré. Rentré où ? Il avait appris que le repère des insurgés de la forêt avait été détruit, pris d’assaut par les mangemorts alors qu’ils reprenaient Poudlard. Comme les autres repères, sa nouvelle « maison » avait été laissée sans défense. Plus que de potentiellement affronter les mangemorts à Poudlard s’ils trouvaient les failles dans les protections, Dante avait craint pour sa sœur. Ça avait été une première, vraiment, lui qui ne s’était jamais vraiment soucié de sa sécurité et de son bien-être, tout le contraire même. Mais il y avait Joshua maintenant. Il avait eu peur pour son neveu. Il avait tremblé, frissonné, jour après jour, nuit après nuit, craignant que sa cachette dans la forêt ait été découverte elle aussi. Alors dès qu’on avait donné le feu vert pour quitter l’école qui était devenue une prison à ses yeux, Dante avait transplané avec un elfe de maison. Dans cette forêt sombre. Il espérait retrouver l’endroit où il avait vu sa sœur pour la dernière fois, avant de partir en mission. Il avait eu le temps de réfléchir, pendant ce mois et demi d’inquiétude et d’angoisse. Il savait ce qu’il voulait faire. Il avait pris sa décision. Restait à savoir si le choix qu’il avait pris était encore possible. Si Eshmé et Joshua étaient encore vivants.

Il était tard. Ou peut-être très tôt. Dante ne savait pas très bien, si ce n’est que le soleil devait se lever dans à peine 3 ou 4 heures. L’elfe l’avait déposé, était reparti. Le sorcier reprenait son souffle, non pas agité par le voyage, mais par la peur qui l’enserrait. C’était étrange, comme il avait voulu couvrir son corps de ses poings, ravager sa chair pour sentir la douleur… et que, maintenant, il ne parvenait plus à dormir sans craindre le cauchemar de sa mort… et celle de son neveu. Oh, il le jurait sur la tête de Merlin, s’ils avaient fait quoi que ce soit à Joshua, il mettrait le ministère à feu et à sang, quitte à y laisser sa vie. Prenant une grande goulée d’air frais, le regard affolé balayant les environs, scrutant les ombres, les troncs, les mouvements, Dante hurla le nom de sa sœur. – Eshmé ! Eshmé ! Où es-tu ? Où êtes-vous ?! Eshmé ! – Par Merlin, faites qu’ils soient toujours en vie.

Elle avait fui, tellement de fois, tellement loin, tellement plus vite à chaque nouvelle lune. Elle savait qu’elle ne pouvait pas revenir en arrière, ou encore moins, revenir sur ses pas. Mais cette clairière, là où elle avait tenté d’affronter son frère, possédait une symbolique. Il l’avait surpris, ce soir-là. Elle lui donnait l’occasion de la briser, une bonne fois pour toute, d’en finir. Mais… quelque chose avait changé dans son regard. Quelque chose était différent et ça, elle le devait à son propre fils. Quelle ironie en soi que ça soit lui qui la sauve d’une mort certaine, sans le savoir, à ce moment-là.

Eshmé dormait peu, si peu. Elle avait pris la peine, une fois de lire les nouvelles provenant de Londres. Elle devait fuir. Fuir et ne jamais revenir. Sauf qu’elle ne pouvait si résoudre, sans son frère. Elle ne pouvait pas le laisser ici, maintenant qu’elle voulait de lui dans sa vie, qu’elle envisageait une relation fraternelle normale à ses côtés.  C’était plus fort qu’elle, l’appel du sang et de son jumeau n’attendrait pas. Alors elle savait qu’il reviendrait, pour eux. Qu’il viendrait la chercher au moment fatidique, quoi qu’il lui en coûte. Parce qu’il ne laisserait pas Joshua sans sa mère. Et il ne se fit pas attendre. « Eshmé ! Eshmé ! Où es-tu ? Où êtes-vous ? Eshmé ! » Il ne pouvait pas les voir, elle avait protégé les lieux avec un milliers de sorts pour se rendre invisible à l’œil nu. Même pour un sorcier expérimenté. Elle ne voulait pas être découverte. Eshmé se releva avec difficulté, tant les transformations en louve devenait de plus en plus douloureuses. Ses articulations craquaient à chaque mouvement et chaque geste était un calvaire qui l’achevaient un peu plus à chaque fois. Mais elle devait se lever pour éviter que Joshua ne se réveille en entendant les cris de Dante. D’ailleurs, que faisait-il ici ? « Je suis là, Dante. Parle plus doucement, il dort et j’ai eu du mal à l’endormir. » Elle mentait. Elle découvrait nuit après nuit à quel point Cillian n’avait pas fini de la poursuivre. Joshua possédait le gène lycan de son père et à chaque pleine Lune, l’instinct l’obligeait à appeler son père. Elle ne pouvait pas lutter, de toute façon. Elle savait que l’appartenance à une meute était bien plus importante et bien plus fort que l’amour d’une mère – à son grand regret. « Que fais-tu ici ? Tu as été clair la dernière fois pourtant… À moins que Joshua… À moins que tu sois venu me le prendre ? Il en est hors de question. Il est la seule chose qui me reste et je ne laisserais personne me l’enlever. Comment tu nous as trouvé d’ailleurs ? » Elle se doutait que ce fut bien plus simple que ce qu’elle croyait et qu’il avait besoin de la voir, de les voir, parce qu’ils étaient sa famille. La seule chose qu’il lui restait encore. Ce qu’elle fuyait toujours, tout le temps, en dépit de son besoin irrépressible à tenter de rester. « Excuse-moi… J’ai un peu de mal en ce moment… »

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– Je suis là, Dante. Parle plus doucement, il dort et j’ai eu du mal à l’endormir. – Ca voit semblait venir de nulle part. Puis, finalement, il la vit, dans la pénombre des bois. Elle avait du lancer un sortilège pour dissimuler l’endroit où elle se cachait. Et elle avait bien fait. Il avait eu tellement peur que les mangemorts les aient trouvés tous les deux alors qu’ils attaquaient le repère des insurgés. Son cœur se gonfla de soulagement, tant de la voir en vie, qu’aux mots qu’elle prononça, preuve que Joshua était toujours bien là lui aussi. Sans réfléchir plus loin, il accourut vers sa sœur. Il allait la prendre dans ses bras quand ses paroles l’arrêtèrent. – Que fais-tu ici ? Tu as été clair la dernière fois pourtant… À moins que Joshua… À moins que tu sois venu me le prendre ? Il en est hors de question. Il est la seule chose qui me reste et je ne laisserais personne me l’enlever. Comment tu nous as trouvé d’ailleurs ? – Lui prendre ? Non non non. Il avait réfléchi, il avait fait son choix. Il voulait aller mieux. Pour pouvoir les défendre, pour pouvoir être là pour eux. Pour que s’ils devaient fuir, il soit avec eux. Il connaissait la survie dans la rue. Il… Il ne voulait plus être séparé de sa famille. Il entrouvrit la bouche pour parler, mais elle le devança de nouveau. – Excuse-moi… J’ai un peu de mal en ce moment… –

Cette fois-ci, il ne s’arrêta pas, et l’entoura de ses bras pour l’attirer contre lui. Il glissa ses doigts dans ses mèches sombres et posa son menton sur le haut de son crâne. – Oh Eshmé… Non. Je ne suis pas venu te le prendre… Je… – Il prit une inspiration, renifla et s’écarta un peu d’elle, encadrant son visage de ses mains pour plonger son regard dans le sien, si similaire, son double. – Je… J’ai bien réfléchi pendant que j’étais coincé à Poudlard avec les autres… Je… Ecoute… Je… – Les mots qui venaient ensuite étaient dur à faire sortir. Ça n’était jamais facile d’avouer qu’on avait un problème. Mais c’était le premier pas pour l’affronter et pour guérir. – Je… Je sais que tout ne tourne pas rond dans ma tête… Je… J’ai des blacks outs, des crises de colère et… de violence… mais je… je… – Il rompit le contact visuel, sans pour autant délivrer son visage. – Eshmé… Je… je veux faire partie de ta vie… de celle de Joshua… Je ne veux plus être… tout seul… – Les mots se brisèrent dans sa gorge alors que ses yeux s’embuaient légèrement, joignant à nouveau ses prunelles aux siennes. – … mais… il… il faut que je… pour ça… je dois me faire aider… Je… – Son regard cherchait le sien, en quête d’une réponse, n’importe quoi. Il voulait juste… – Esh, je… –

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Ses mains se posèrent sur les siennes alors qu’il se reculait légèrement pour plonger son regard dans le sien. C’était étrange de se dire qu’en un mois, il avait finalement compris ce qu’il avait mis des années à chercher. Il avait finalement compris qu’il avait besoin de sa sœur pour être entier. Qu’il devait être là. Il n’avait pas eu besoin des souvenirs. Peut-être les prendrait-il cette fois. Un premier pas vers la sérénité de son esprit. Récupérer sa mémoire de ces instants volés pour mieux se soigner. Pour mieux construire les nouvelles bases de son existence. Des instants qui s’entrechoqueraient sous son crâne, comme incompatibles avec ceux dont il avait conscience, ceux qui avaient fait de lui l’être qu’il était aujourd’hui. Il lui faudrait recoller tout ça. Reconstruire le puzzle, assurer les fondations de son mental. Assurément, au-delà des souvenirs que pouvaient lui fournir Eshmé, il y avait ceux qu’il avait enfouis lui-même dans les tréfonds de son âme. Ceux qui lui attiraient les regards méfiants des insurgés. Ceux qui risquaient de faire éclater le moindre de ses efforts. Mais il devait le faire. Il devait les accepter tous, le bon comme le mauvais, pour être certain de pouvoir être avec Eshmé et Joshua.

— Je… je te soutiendrais, quoi que tu entreprennes pour prendre ta vie en main. Je t’aiderais Dante. On t’aidera tous les deux et nous serons une famille. Comme on l’a toujours voulu. — Il hocha la tête, incapable de prononcer le moindre mot après ses diatribes. — Dis-moi. Qu’attends-tu de moi ? Que veux-tu que je fasse ? Je ferais tout ce que tu me demandes. Je te le promets. — Son front contre le sien. Sa chaleur contre la sienne. Les yeux fermés. C’était plus simple de faire le tri dans ses pensées sans voir celles qui se bousculaient dans les prunelles de sa sœur. — Cette… cette pensine que tu avais… Je… je vais la prendre cette fois… — commença-t-il, les mots s’entrechoquant toujours au bord de ses lèvres comme s’il avait trop à dire et pas assez de temps. — Et puis… et puis… Il faudra que je trouve… Quelqu’un… pour m’aider… Peut… peut-être… un legilimens ou… un médicomage… Je… je ne sais pas… — Il secoua la tête, sans décoller son front du sien. — L’hôpital… Ste Mangouste ? Est-ce que c’est… sûr…? Les… les mangemorts ? — Son visage n’était pas forcément connu… mais était-il capable d’y suivre son traitement ? Est-ce que ça ne mettrait pas Eshmé en péril s’ils venaient à apprendre leur connexion ? Il rouvrit les yeux, cherchant ceux de sa sœur. — Est-ce que… est-ce que tu connais quelqu’un… peut-être ? —

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Il peut sentir la détresse de sa sœur. Il s’en veut de lui refuser ainsi sa présence si peu de temps après qu’ils se soient retrouvés, si peu de temps après qu’il soit rentré de la mission à Poudlard où il aurait pu y laisser la vie. S’il avait eu le temps de contempler la célèbre bâtisse, peu à peu, l’émerveillement s’était tari. Certes le château était magnifique… mais Dante savait, se doutait, que même s’il avait pu y mettre les pieds autrefois, il ne s’y serait jamais senti vraiment chez lui. Pas comme tout ces enfants pour qui l’école devenait une seconde maison. Malgré tout, la rue était sa demeure. Mais peut-être tout aurait-il été différent sans les griffes de son père plantées dans sa chair, le forçant plus bas que terre ? Dante n’en savait rien. Peut-être que oui. Peut-être que non. Peut-être n’aurait-il pas tant appelé la douleur dans sa chair. Peut-être n’aurait-il pas tant désiré punir Eshmé pour la vie qu’elle avait vécue. Peut-être aurait-il été différent malgré tout, marqué dans sa chair par le don qu’il possédait. – Tout… tout ce que tu voudras, tu le sais bien. – Il ne savait pas, non, car il n’avait pas encore cette mémoire qu’on lui avait volée. Il saurait une fois qu’il aurait plongé dans la pensine. Pas avant. Mais pas tout de suite. Il voulait encore passer un peu de temps avec sa sœur. – Je ne connais personne malheureusement… Mais des recherches que j’ai faites, ton véritable visage n’est pas connu des autorités. – Le regard de Dante s’éclaircit de curiosité. Elle avait fait des recherches pour lui ? Il était soulagé d’apprendre une telle nouvelle. Revêtir tellement de visages différents, incarner tellement de personnes différentes, ça avait au moins eu un point positif dans tout cela, au-delà de lui faire prendre la raison, de lui faire perdre sa véritable identité. Il n’était qu’un patchwork de tant d’autres. C’était pour cela qu’il devait se retrouver.

– Tu as très bien su te cacher et te défendre. J’applaudis l’effort et la ténacité tout de même. Ton vrai visage est connu par peu de personnes. Je pense que tu n’as rien à craindre à y aller. J’aurais aimé t’accompagner… mais je ne peux pas. Il… il a besoin de moi. – Il entrouvrit les lèvres, mais Eshmé l’attira contre lui dans une étreinte désespérée. Il glissa ses doigts dans ses cheveux, lui rendant son amour avec une délicatesse qu’on lui connaissait rarement. – Je sais Eshmé, je sais… Je ne te demanderais jamais une telle chose… – Il déposa un baiser sur le haut de son crâne, allant chercher ses mains dans son dos pour les prendre dans les siennes et plonger son regard dans le sien. – Rentrons nous mettre à l’abri. Je récupérerais les souvenirs que tu as gardé pour moi et ensuite… – Il prit une inspiration, à la fois incertaine et déterminée. – Ensuite, je passerais encore la nuit avec vous deux, si tu le veux bien… Je partirais au lever du jour. – Lui non plus n’avait pas envie de les quitter. Il aurait aimé que son esprit puisse être soigné d’un simple coup de baguette, mais ce n’était pas le cas. C’était un soin plus profond dont il avait besoin. Il ne voulait pas mettre en danger Eshmé et Joshua. Il devait partir, pour être enfin avec eux.