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sujet; « ces monstres que nous sommes. » —— DANTE&ESHMÉ

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Ses boucles flamboyantes virevoltaient dans l’air alors que son regard se perdait dans l’horizon. Les pieds dans le vide, se balançant au gré de la brise printanière, elle semblait rêver à des lieux étrangers, lointains. Elle entendait derrière son dos les plus grands parler, de choses et d’autres. De choses qu’elle ne pouvait pas comprendre encore, à son âge. Bien trop chétive, bien trop petite, bien trop innocente pour saisir l’importance de ces mots dont elle n’avait pas encore conscience. « Eh, la rouquine ! » Elle soupire, levant les yeux au ciel, agacée, irritée même. « Je t’ai déjà dit que je m’appelais Eshmé. T’es bête ou quoi ? —— Ouais s’tu veux. Si ça te fait plaisir. —— Non, pas si ça me fait plaisir ! C’est comme ça que je m’appelle Dante, alors appelle-moi par mon prénom ! » Elle se rebiffe, elle a peur. Oui, elle a peur de ce frère qu’elle ne connait pas, qu’elle ne côtoie jamais, qu’elle ne fait qu’observer de loin depuis quelques mois. Ils sont des étrangers, l’un l’autre. Ils ont les mêmes traits, les mêmes grimaces, les mêmes expressions. Et pourtant, chaque fois qu’il vient la voir, il lui sort le même cinéma. La rouquine, comme s’il oubliait, comme s’il faisait exprès pour l’énerver. Mais du haut de ses neuf ans, elle pouvait entendre dans sa voix l’innocence brisée, anéantie par l’oubli transparent de sa mémoire. Elle ne savait pas qu’il s’agissait de sorts magiques, elle qui vivait dans une cage dorée, elle qui ne pouvait faire semblant de ne pas se souvenir. « Dante, on est jumeaux, tu as oublié ? —— Elle se pointe devant lui, téméraire, ses yeux ancrés dans les siens, comme pour l’obnubiler. —— Je n’ai jamais eu de jumelle ! Je suis fils unique moi ! —— L’affirmation manquerait presque de l’étouffer, elle qui connait si bien la vérité. —— Dante, je suis ta sœur ! Tu ne dois jamais oublier. JA-MAIS ! —— Elle voit les iris orages se teinter de bleu, si enfantins, si dévastés. Et elle ne dit rien, elle le prend simplement dans ses bras, pour calmer la même tempête qui fait rage en elle. —— Un jour, j’espère que tu comprendras. Un jour, tu verras. On se retrouvera et ils ne seront plus là pour nous séparer. » Une promesse faite à la volée, une promesse emportée par le vent. Une promesse, comme il en existait déjà des milliers qui sont brisées.

—————— ͼҨͽ ——————

Ses songes lui rappelaient combien elle avait échoué. En tout. Son mariage. Son fils. Son mari. Et surtout son frère. Même ça, elle réussissait à le saboter. Pourtant, elle tentait de se convaincre de ne pas s’en vouloir. D’essayer de ne pas s’en vouloir d’avoir échoué. Ce n’était pas sa faute, on ne lui a jamais arrangé les choses. Tout ce que ses parents – vrais parents s’entend – lui avaient pris, c’était cette moitié, née le même jour qu’elle, à une demi-heure d’intervalle. Ils lui ont même volé les souvenirs, aussi simples étaient-ils lorsqu’ils lui rendaient visite. Elle se souvenait pourtant, de cette arrogance dont il faisait preuve chaque fois qu’il observait sa tignasse de feu. Comme il se moquait ouvertement de ses tâches de rousseurs qui disparurent avec le temps. Comme il piétinait ses partitions de violon juste pour la déconcentrer. Et en y repensant, elle souriait, bêtement, maintenant avec le recul. Parce qu’elle ne s’était jamais réellement sentie seule, même si… même s’ils finissaient toujours par recommencer. Les présentations. La discussion. L’agressivité. L’arrogance. Cela devenait un jeu au final de devoir deviner ce qu’il savait ou non. Jusqu’à qu’ils ne viennent plus. Jusqu’à que la cour derrière soit vide de rires et de promesses. Jusqu’à se retrouve seule dans sa tour d’ivoire avec qui partager même le plus banal des gestes.

« Rejoins-moi à Daeva, à minuit. Quand les étoiles seront au plus haut dans le ciel. Quand tu seras prêt, je t’attendrai. Autant de temps qu’il le faudra. Nous devons mettre fin à cette haine sans importance, inacceptable. »

Les mots étaient griffonnés à la va-vite et elle avait perdu depuis bien longtemps l’habitude d’écrire. Elle voulait faire simple, elle qui n’avait aucun talent de poétesse. Elle ne pouvait pas retourner chez les Belliqueux, Alan l’y avait congédié, avec pertes et fracas. Et même si elle le voulait, elle ne supportait plus de voir son visage d’abruti dégénéré. Elle repensait à ses mains sur elle, son haleine fétide contre ses lèvres ; à cette sueur poisseuse, à cette peau crasseuse. Et elle voulait toujours autant en vomir. Mais c’était un luxe qu’elle ne pouvait s’offrir. Plus maintenant. « N’oublie jamais Joshua que je fais ça pour toi. J’espère que toi non plus tu n’oublieras pas. » Elle le berçait contre elle, contre sa poitrine, pour qu’il s’endorme. La nuit devenait noire, ténébreuse et un petit vent venait lui donner un frisson parcourant son échine. Elle le reposa dans son berceau de fortune, dans un abri qu’elle avait réussi à trouver pour la nuit. Et la louve sentit quelqu’un approcher non loin. Elle ne connaissait que trop bien cette odeur, celle de Dante. « Tu es quand même venu… Je suis étonnée. C’est l’heure à laquelle nous sommes nés il y a vingt-six ans… Quelle ironie. Ironie fratricide. » Elle jouait sur les mots, sur les faits passés, pour le déstabiliser. Mais il n’était pas dupe, pas stupide non plus. Il restait impassible, imperturbable. Maman t’a bien appris. Papa t’a démoli. Qu’elle se retient de lui dire. Elle aurait pourtant tant de choses à lui dévoiler, à lui faire comprendre. Tout se bousculait dans son esprit… Mais elle devait aller par étape. Ne pas provoquer de maladresse comme la dernière fois. « Ce soir, tu ne me blesseras pas. Sauf si je te l’autorise. Nous devons d’abord parler. Comme deux adultes. Nous en avons autant besoin l’un de l’autre. » J’en crève tu sais, de ces non-dits, j’en crève que tu ne saches toujours pas. Le malaise en elle s’installait à petit feu et elle voyait les flammes dansées sous ses yeux dans un ballet infernal. Le crépitement du bois qui se consumait était une douce mélodie, mais le silence pesant ne pouvait continuer. Tic tac, tic tac, le temps file et défile. « Je te pardonne ce qui a pu se passer la dernière fois. Après tout, je l’avais sûrement cherché. Tu m’envies pour ce qu’ils ont pu me donner. Mais tu ne sais rien sur ce qui s’est réellement passé. Je t’envie de ne pas le savoir. Je dois vivre avec le fait que tu me vois comme une étrangère alors que l’on se connait très bien. » Elle aurait voulu pleurer, mais elle ravalait la bile d’acide qui se trouvait au fond de sa gorge. Pour une fois, elle ne devait pas flancher. Elle n’en avait pas le droit, pas cette fois. Elle ne le laisserait pas la piétiner comme il le faisait si bien à chacune de leur rencontre. « Tu as le droit à trois questions. Celles que tu veux pour savoir la vérité qui t’échappe. Et je sais que ça te travaille. Je sais que tu essaies de te souvenir parfois. Je peux le comprendre. Je suis aussi passée par là. » Elle s’asseyait au coin du feu face à lui, à l’entrée de l’abri pour ne pas qu’il sache l’existence de son enfant. Joshua était innocent, il n’avait rien demandé et elle le protégeait suffisamment pour ne pas qu’il devienne un dommage collatéral à son tour. Elle ne ferait pas les mêmes erreurs que sa mère, elle se l’était promis. Et Eshmé ne s’attendait pas à qu’ils fassent la paix. Après tout, ils sont jumeaux, ils s’opposeront toujours l’un à l’autre. Parce que c’est inscrit dans leurs gènes.

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❝ Ces monstres que nous sommes ❞Dante A. Ehrensvärd & A-J. Eshmé Sternberg

« Rejoins-moi à Daeva, à minuit. Quand les étoiles seront au plus haut dans le ciel. Quand tu seras prêt, je t’attendrai. Autant de temps qu’il le faudra. Nous devons mettre fin à cette haine sans importance, inacceptable. »
[Soundtrack] Dante avait bien eu la missive. Il avait longuement douté. Devait-il la rejoindre… ou pas ? Il n’avait pas envie de la voir. Vraiment ? Qui essayait-il de duper ? Il l’avait toujours cherchée. Depuis des années, alors qu’il avait appris son existence. Il avait quitté la Suède, où il aurait pu conserver une place confortable auprès de sa délicieuse protectrice, pour aller se perdre dans une Angleterre en pleine déchéance. Pour la retrouver, elle. Car lui n’avait jamais eu aucune attache dans ce pays. Il y avait passé son enfance à faire le pitre et à voler pour que son père puisse se payer une nouvelle bouteille, rien d’autre. L’Angleterre lui était toujours apparue comme misérable et piteuse. Comme sa sœur. Cette cage dorée qui au final ne retenait qu’un pantin brisé et désarticulé. Parlait-il de lui ou d’elle ? Il ne savait même plus. Et puis, il avait voulu la retrouver, après qu’il se soit enfui. Parce qu’il avait mal lorsqu’elle souffrait. Cette délicieuse douleur qui lui avait été refusée depuis des années. Une souffrance qu’il avait oubliée. Cette brûlure dans la chair, ce tiraillement dans les nerfs, le hurlement des muscles qui se déchirent. Il ne connaissait rien de cela… sauf quand elle les subissait. Il s’était surpris aux plus sombres idées. Des pensées folles où il l’aurait enlevée de son univers douillet pour la jeter dans une cave et assouvir son désir masochiste de ressentir dans son corps la torture.

Quand il quitta le camp des Insurgés cette nuit-là, Dante se dit que c’était dans cette optique qu’il avait décidé de la rejoindre. Non pas pour mettre fin à cette haine, mais pour l’attiser… ou peut-être pas d’ailleurs. Il n’avait pas besoin de la haïr pour percer sa chair afin de sentir le mal dans son propre être. Il aspirait à cette douleur. En elle, il espérait calmer les tourments de son esprit, les oublis de sa mémoire. Qui ne souffrait pas n’était pas réellement vivant, n’est-ce pas ? Il espérait, vain désir, que la douleur remettrait tout en ordre. Comment pouvait-il seulement vivre s’il ne ressentait pas les affres du tourment charnel ? Il ne cherchait pas à dissimuler son arrivée. Les brindilles crissaient sous ses pas. Pourtant, il n’avait pas allumé l’extrémité de sa baguette. Il avançait au gré de la lumière lunaire qui passait entre les branches des arbres. Et puis, même s’il tombait, ce n’était pas comme s’il pouvait se faire mal… n’est-ce pas…? La lassitude menaçait pourtant de le submerger. Quelques temps qu’il avait quitté la rue pour rejoindre les rangs d’Alan. A cet endroit où on lui avait appris qu’il avait été raffleur. Un pan de sa vie effacé, oublié. Il savait pourtant qu’aucun Oubliettes ne lui avait été lancé. Ce n’était rien d’autre que son esprit défaillant, brisé par la métamorphomagie excessive, brisé par la vie. Il se demandait pourtant quelles avaient été ses actions pour que son subconscient estime préférable qu’il oublie tout de cette expérience. Des choses horribles, très certainement, vu certains des regards qu’on lui lançait parfois.

En vérité, il fuyait, encore une fois. Il fuyait cet endroit où on l’accusait d’un regard, où il ne pouvait se défendre, faute de preuves à apporter, faute de choses à se souvenir. Quelle ironie. Fuir pour retrouver sa sœur. Avait-il cherché à la retrouver pour la revoir ou pour s’éloigner plus encore d’elle ? Parfois, Dante ne savait plus trop bien. Un jour, il mourait d’envie de sentir sa chair s’ouvrir pour goûter au mal. Un autre, il voulait partir à l’autre bout du monde. Un autre encore, il voulait juste tout oublier, s’effondrer dans son étreinte et ne plus penser aux tourments qui assiégeaient son âme. Ça faisait trop de choses. Trop de choses pour lui. Avoir rejoint Alan aidait. Ça lui donnait un but, une direction dans laquelle aller. Un chemin à emprunter. Suivre les ordres, obéir, même si on lui confiait des tâches ménagères ingrates. C’était mieux que l’absence hébétée qui le paralysait dans la rue parfois. Tu es quand même venu… Je suis étonnée. C’est l’heure à laquelle nous sommes nés il y a vingt-six ans… Quelle ironie. Ironie fratricide. La voix de sa sœur le sortit de ses pensées. Il ne s’était même pas rendu compte qu’il était arrivé à destination, perdu qu’il était dans les méandres de son esprit. Il battit des paupières, les mots mettant un moment à atteindre son cerveau, et pourtant à cet instant-même ils manquaient toujours de sens. Comme si elle parlait un autre langage. Fratricide. De quel fratricide parlait-elle ? Ils étaient encore tous les deux vivants, n’est-ce pas ? Dante ne vivait pas vraiment, il survivait, mais était toujours vivant… tel un fantôme sans douleur, errant sur cette terre maudite.

Son regard se posa sur elle en silence, comme si son esprit était ailleurs et que son corps n’était qu’une coquille vide. Il était las de ne pas connaître la douleur dans sa chair alors qu’elle prenait un si malin plaisir à tourmenter ses pensées. Ce soir, tu ne me blesseras pas. Sauf si je te l’autorise. Nous devons d’abord parler. Comme deux adultes. Nous en avons autant besoin l’un de l’autre. Il battit encore des paupières, le feu agressant ses prunelles. Le silence s’étirait, martelé par le crépitement des braises. Je te pardonne ce qui a pu se passer la dernière fois. Après tout, je l’avais sûrement cherché. Tu m’envies pour ce qu’ils ont pu me donner. Mais tu ne sais rien sur ce qui s’est réellement passé. Je t’envie de ne pas le savoir. Je dois vivre avec le fait que tu me vois comme une étrangère alors que l’on se connait très bien. Elle continuait à parler. Il la laissait parler. Il n’avait rien à dire. Rien à lui dire. Que pourrait-il dire de toute façon ? Rien du tout. Aucun mot ne parviendrait à décrire la tempête qui régnait sous son crâne, sous ce masque absent et distant qui lissait ses traits. Imperturbable alors qu’un maelström jouait avec ses neurones.

Tu as le droit à trois questions. Celles que tu veux pour savoir la vérité qui t’échappe. Et je sais que ça te travaille. Je sais que tu essaies de te souvenir parfois. Je peux le comprendre. Je suis aussi passée par là. Un éclat de présence raviva ses iris. Il la regarda s’asseoir de son côté du feu. Devait-il faire de même ? Il était immobile depuis qu’il était arrivé, comme une statue de sel. Immobile et silencieux. Stoïque. Il finit par se mettre en mouvement. Ses articulations auraient pu lui faire mal, si seulement il avait été capable de ressentir la douleur. Il s’assit, lui aussi, abîmant ses prunelles dans les flammes dansantes. Elles l’éblouissaient, mais il préférait cela à la regarder elle. Trois questions. Un rire désabusé s’échappa d’entre ses lèvres. A croire qu’elle se prenait pour un génie. Comme les trois vœux d’un mauvais génie, c’est ça ? ne put-il s’empêcher de répondre, acide. Mais en vérité, il ne savait quelles questions seraient les plus pertinentes. Toutes lui semblaient inutiles, vaines et vides. Pourquoi toi et pourquoi pas moi ?, Pourquoi ai-je oublié ?, Pourquoi suis-je incapable de ressentir la douleur sauf quand tu l’éprouves ?. Des questions auxquelles elle ne saurait peut-être même pas répondre, en vérité.

Il contempla le feu dans un nouveau silence qui s’étirait plus que de raison. Il réfléchissait et pourtant il avait l’impression d’avoir l’esprit aussi vide qu’une feuille de parchemin vierge. Il ne se tourna pas vers elle alors qu’il se décida à parler de nouveau. Avons-nous seulement eu un instant de bonheur tous les deux ? Première question, sans un regard. As-tu un jour essayé de me retrouver, comme je n’ai eu de relâche de le faire depuis que je connais ton existence ? Deuxième question, sans un battement de cils. La voix, l’échine, peut-être un peu tendues. Pourquoi n’es-tu plus dans ton paradis douillet à parader au bras de ton mari dont tu m’as tant fait l’éloge la dernière fois ? Battement de cils, sa tête qui se tourne pour la regarder, enfin, sur ces derniers mots. Cette question. Un point d’importance autant que d’interrogation. Pourquoi s’est-elle jetée dans la rue alors qu’elle avait tout le confort dont elle pouvait rêver ?
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« Eshmé, tu ne dois rien lui dire ! —— Tu ne peux pas débarquer dans ma vie et me demander ça, pas après tout ce que vous avez fait… TU NE PEUX PAS ! —— C’est ton rôle de le protéger, d’accord ? C’est ton rôle de le préserver de lui ? Tu comprends ? Ton frère n’est qu’un dommage collatéral, mais il aura besoin de toi un jour. Tu comprends Eshmé, pas vrai ? —— Mais… —— Un jour, il comprendra. Et il saura. Mais tu devras l’y aider. » Nimue s’agitait, comme si elle était suivie, comme si elle fuyait un troupeau de Détraqueurs qui la pourchassaient. Elle semblait hagarde, le regard fou et Eshmé éprouvait de la peine pour cette femme qui fut pourtant sa génitrice. « Nimue, je t’en prie… ne m’inflige pas ce fardeau. Par pitié… —— On t’a choisi. Parce que tu es celle qui a les yeux d’une reine. Tu as du sang royal dans tes veines. On t’a choisi. Parce que c’était la seule façon de te préserver de cette misère qui fut la nôtre. Dante, lui, il doit l’affronter, il doit la subir, ça sera son purgatoire. Alors que toi… toi, tu es la raison de tout ça. Je t’en prie Eshmé. Promets-le. » Elle ne comprenait pas tout, mais elle savait qu’elle devait accepter. Peu importe les conséquences, peu importe ce qu’il adviendrait. Après tout, elle n’avait pas le choix. « D’a… d’accord. D’accord. » Qu’elle répéta, pour être sûre d’elle-même. Nimue lui donna une petite boîte avec une fiole, remplie de souvenirs. Ils semblaient s’agiter comme des fins fils au gré du vent. « Ceux sont les seules choses que vous avez en commun. Ce que ton père lui a ôté de sa mémoire, pour le façonner à son image. Il faudra que tu les lui rendes. Ils lui appartiennent. »

—————— ͼҨͽ ——————

Elle se retrouvait face à son inquisiteur, ce frère si longtemps éloigné, si longtemps craint, si longtemps… Trop de temps à dire vrai. Comme à chaque fois, elle ne pouvait s’empêcher de le détailler, de voir ses traits si semblables aux siens. Et pourtant, pourtant ils demeuraient tous deux si différents, si opposés. Comment lui expliquer alors ce secret que leur mère a voulu emporter dans la tombe avec elle ? Comment lui expliquer qu’elle est l’espoir d’une royauté brisée ? Comment lui faire comprendre que comme lui, elle n’a jamais eu la chance de choisir ? Comment lui dire qu’elle a essayé de le retenir, toutes ces fois où ils se sont vus, enfants, pour qu’il reste avec elle – connaissant parfaitement l’Enfer dans lequel il partirait de nouveau, loin d’elle ? Elle n’avait pas les mots. Elle ne le pouvait pas, dans son crâne s’entrechoquaient les bribes d’une pitoyable explication, mais elle se mourrait rapidement au fond de sa gorge. Coincée par la culpabilité de n’avoir rien fait si ce n’était l’avoir ignoré. Mais l’admettrait-elle seulement face à lui ? « Comme les trois vœux d’un mauvais génie, c’est ça ? » Elle fut piquer au vif, prise au dépourvue. En effet, trois, c’était assez révélateur de l’idée qui germait dans son esprit. Mais une ce n’était pas assez. Deux, pas assez partiale et trois semblait être un juste milieu. « Avons-nous seulement eu un instant de bonheur tous les deux ? » Son cœur manqua quelques battements tant la question la scia sur place. Il avait encore oublié. Tout. Il fallait alors recommencer. Dans les règles de l’art. Les présentations, les devinettes, l’arrogance. Au final, rien ne semblait avoir réellement changé. Et quelque part, ça la rassurait un peu. « As-tu un jour essayé de me retrouver, comme je n’ai eu de relâche de le faire depuis que je connais ton existence ? » Elle hoqueta sous la surprise. Mais ses yeux écarquillés ne pouvaient trahir ce qu’il en était réellement. «Pourquoi n’es-tu plus dans ton paradis douillet à parader au bras de ton pari dont tu m’as tant fait l’éloge la dernière fois ? » Elle savait que cela serait dur, mais là, elle venait d’être lapidée sur la place publique. Et elle voulait presque en finir. Immédiatement. Elle se racla la gorge, en déglutissant avec difficulté. Elle prit une profonde inspiration en fermant les yeux, craquant les articulations de sa nuque. Elle avait beaucoup de mal. Mais elle l’avait cherché, c’était sa faute. « Tu n’as qu’à t’en prendre à toi-même Ginger, toujours à faire la maligne. Tu en paies les pots cassés. » Eshmé lui jeta un regard en coin pour lui montrer sa désapprobation. Ça n’est pas le moment Jane, vraiment pas. « Le fait que tu ne te souviennes pas ne m’étonne à dire vrai, pas vraiment. Tu es venu me voir en Angleterre, avec eux. Plusieurs fois même. Maman refusait de ne pas me voir grandir. Elle aimait tellement mes cheveux, une fois, j’ai fini par lui en donner une mèche en secret pour qu’elle sache que je ne lui en voulais pas de m’avoir laissé. —— Elle marque une pause, le regard perdu dans le vague. L’absence fait si mal, la trahison aussi. —— Tu étais arrogant. Tu n’avais pas conscience de ce qui se passait réellement autour de toi. Je me souviens que tu disais ne pas avoir de sœur. Tu me rendais dingue à jeter dans les airs mes partitions de violon, juste pour que je fasse attention à toi. Tu me trouvais tellement… coincée, que tu disais. —— Les souvenirs lui tailladaient la peau… pourquoi il n’y avait qu’elle qui devait se souvenir ? —— Je n’ai compris que trop tard ce qui t’arrivait. Papa te lançait des oubliettes pour que tu oublies. Pour ne pas t’affaiblir en sachant mon existence. Il voulait que tu ignores qui j’étais, parce que t’emmener jusqu’à moi était un caprice de maman. Elle n’a jamais voulu nous séparer, mais elle n’a pas eu le choix. Il lui fallait choisir. Elle t’a préféré à moi. Elle t’a toujours préféré à moi de toute façon. —— Son regard s’assombrissait, comme si une colère sourde et indicible parcourait ses veines. —— Nous n’étions pas en âge de combattre. Qu’est-ce qu’on aurait pu faire dis-moi contre eux, à peine âgé de neuf ans ? Notre magie ne s’était même pas encore manifesté… On n’aurait rien pu faire. Et nous n’en avions même pas envie. On avait… d’autres préoccupations. J’avais un frère, jumeau qui plus est. N’était-ce pas là déjà un beau cadeau ? —— Son rire se fait amer, presque cinglant. Elle a mal Eshmé. —— J’ai essayé de te chercher. Mais j’ai promis à maman que je ne devais pas. Il fallait que tu comprennes de toi-même pourquoi toi et pas moi. Il fallait que tu endures ce qu’ils ont enduré. Il fallait que tu traverses ça comme eux l’ont fait. Tu ne sais rien de notre famille à ce que je vois. —— La louve se fait acide, meurtrière. —— Notre mère était reine, éphémère d’une grande dynastie. Quelle douce ironie quand on y pense. C’était un mariage de convenance, comme on en faisait beaucoup, au jeu des alliances. Elle n’a fait que subir un choix qui n’était pas le sien. Et elle l’a payé cruellement. C’est lui qui nous a vendu, c’était son idée. Tu te doutes bien qu’elle n’a pas pu penser ça toute seule mh ? —— Elle se désarticule, la position assise lui parait inconfortable soudainement. Elle se lève, pour lui faire face. —— Cillian et moi, c’est bien trop compliqué pour toi. Mais sache juste… que j’ai découvert durant Beltane un fait assez cruel. Le destin est très farceur. On aurait eu une vie antérieure, tous les deux. Cette vie antérieure est morte à cause de lui et de son ambition. Et ils allaient avoir un enfant. Mais ils n’ont pas survécu à l’accouchement. —— Ses mains se posent sur son ventre, ainsi que son regard, comme pour se remémorer la sensation que c’était d’avoir porté un être en elle, dans ses entrailles. De l’aimer au profit de sa propre vie, parce que rien d’autre ne compte. —— Je n’ai pas voulu reproduire la même erreur. » Elle ignore s’il a compris la subtilité de sa phrase, le sous-entendu presque interdit de l’existence de Joshua. Mais qu’importe, après tout, il aurait fini par le savoir d’une manière ou d’une autre. « Avant que tu ne me touches la dernière fois, je ne ressentais pas non plus la douleur. En vérité, j’ignorais ce que c’était. Je connaissais celle morale, celle affective. Mais celle physique… Même me couper ne me faisait rien ressentir. Alors j’ose imaginer que cela vient du fait que l’on est jumeaux. Forcément. Comment peut-il en être autrement après tout. Ne trouves-tu pas ça ironique à souhait ? Moi si. » Elle se rasseyait en face de lui, bougeant les bûches et les morceaux de bois pour qu’ils se consument un peu mieux à travers les flammes. « Nous sommes ici en terrain neutre. Tu as droit à trois autres questions, si tu le désires. » C’était un jeu. Un jeu bien cruel, pernicieux. Mais que leur restait-il si ce n’était des jeux d’enfants pour réapprendre à se connaître, à se découvrir ?


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❝ Ces  monstres que nous sommes ❞Dante A. Ehrensvärd & A-J. Eshmé Sternberg

[Soundtrack] Ses yeux posés sur elle la détaillaient. Les questions semblaient la déstabiliser. N’était-elle pas celle qui voulait qu’il les pose ? Il n’avait rien demandé. Il n’avait pas demandé à venir. Il n’avait pas demandé des réponses. Même s’il les cherchait, il n’aurait certainement jamais fait le premier pas. Pas alors qu’il avait encore tant de mal à se faire à sa nouvelle condition d’insurgés, à ce luxe exceptionnel d’un toit et d’un plat chaud tous les jours, à ces regards sur lui qu’il ne comprenait pas, faute de se souvenir de tout un pan de son passé. Il aurait aimé pouvoir accéder à cette mémoire perdue, à chaque bribe effacée de son esprit, que ce soit à cause d’un Oubliettes ou bien d’une dérive de son cerveau malmené par les métamorphoses. Par le vol répété d’identités. Si seulement il pouvait les atteindre, il n’aurait pas eu besoin d’accepter ce rendez-vous avec sa sœur. Il n’aurait pas besoin de baisser les yeux à chaque fois qu’on l’accusait de quelque chose dont il ne se souvenait pas, ainsi incapable de se défendre. L’aurait-il seulement pu s’il n’avait pas perdu la mémoire ? Avait-il quelque chose à défendre en lui ? Ses yeux sur Eshmé semblaient glacés et distants. Comme s’il n’assistait pas vraiment à la discussion. Elle se racla la gorge et déglutit avec mal. Une profonde inspiration, paupières fermées, vertèbres qui craquèrent. Il ne la quittait pas du regard. Au final, aussi étrange que cela pouvait être, elle avait été la seule à ne pas poser un regard implacable sur lui. Dans ses prunelles, il n’avait jamais pu lire un I’m judging you, pas comme avec beaucoup d’autres. Il avait du mal à comprendre leur méfiance envers lui, lui-même qui ne se souvenait pas de ce qui s’était passé dans sa vie pour mériter un tel traitement. Tout semblait lui revenir en pleine figure. Heurtant son âme comme un coup de poignard dans le ventre. Il faisait mine de ne pas être touché, mais en vérité, c’était tout autre chose. Maintenant qu’il avait choisi de faire quelque chose d’utile et de bien de sa vie, il était jugé pour des choix qu’il avait faits dans le passé. Des choses dont il ne possédait aucun souvenir. C’était étrange pour lui de se dire qu’Eshmé était la seule à ne pas se conduire ainsi avec lui. Elle cherchait à le rapprocher d’elle, et non pas l’inverse.

Le fait que tu ne te souviennes pas ne m’étonne à dire vrai, pas vraiment. Tu es venu me voir en Angleterre, avec eux. Plusieurs fois même. Maman refusait de ne pas me voir grandir. Elle aimait tellement mes cheveux, une fois, j’ai fini par lui en donner une mèche en secret pour qu’elle sache que je ne lui en voulais pas de m’avoir laissé. Dante fronça légèrement les sourcils, cherchant à savoir à quelle question elle répondait de la sorte. La première ? OK, ils étaient venus la voir dans son petit paradis, mais ça ne lui disait pas si ça s’était bien passé, ou pas. Le regard de sa sœur se perdit dans le vide. Au moins, en avait-elle, elle, des souvenirs. Tu étais arrogant. Tu n’avais pas conscience de ce qui se passait réellement autour de toi. Je me souviens que tu disais ne pas avoir de sœur. Tu me rendais dingue à jeter dans les airs mes partitions de violon, juste pour que je fasse attention à toi. Tu me trouvais tellement… coincée, que tu disais. Etrangement, ce comportement lui ressemblait bien. L’anecdote lui tira même un léger sourire. Ça aurait pu se produire. Il n’en avait aucun souvenir, mais ça aurait pu. Et il doutait qu’elle ait pu le cerner si bien qu’elle saurait comment il aurait réagi envers elle. Pas alors qu’ils ne s’étaient croisés qu’une seule fois. Il avait presque envie de se laisser convaincre. Bien évidemment, elle était sa sœur… mais est-ce que ce bonheur avait vraiment existé un jour ? Avait-il seulement pu connaitre la joie ? Il n’était pas si malheureux que cela dans la rue, au contraire même. Il bénéficiait alors d’une liberté enviable, qui, certains jours, contrebalançait les difficultés qu’il rencontrait. Mais il s’était toujours senti vide, incomplet. S’abandonnant entre les bras d’amants et d’amantes pour essayer de se sentir entier, sans jamais y parvenir.

Je n’ai compris que trop tard ce qui t’arrivait. Papa te lançait des oubliettes pour que tu oublies. Pour ne pas t’affaiblir en sachant mon existence. Il voulait que tu ignores qui j’étais, parce que t’emmener jusqu’à moi était un caprice de maman. Elle n’a jamais voulu nous séparer, mais elle n’a pas eu le choix. Il lui fallait choisir. Elle t’a préféré à moi. Elle t’a toujours préféré à moi de toute façon. A nouveau, il fronça les sourcils. Pourquoi n’avait-elle alors jamais rien fait quand son père le battait ? avait-il envie de lui demander. Pourquoi ne l’avait-elle jamais protégé ? N’était-ce pas le rôle d’une mère ? Elle ne m’a pas donné cette impression. se contenta-t-il cependant de dire. Nous n’étions pas en âge de combattre. Qu’est-ce qu’on aurait pu faire dis-moi contre eux, à peine âgé de neuf ans ? Notre magie ne s’était même pas encore manifesté… On n’aurait rien pu faire. Et nous n’en avions même pas envie. On avait… d’autres préoccupations. J’avais un frère, jumeau qui plus est. N’était-ce pas là déjà un beau cadeau ? Mais elle, elle aurait pu. Elle aurait pu fuir avec eux. Ne pas les séparer. Ne pas rester avec ce mari abject. Un rire amer lui échappa et Dante pencha la tête sur le côté. Leurs rencontres semblaient avoir été marquées par la tristesse et un sentiment pressant d’en profiter au plus avant que tout ne redevienne comme avant… Dante ne parvenait pas à percevoir un quelconque sentiment heureux dans les paroles et l’attitude de sa sœur.

J’ai essayé de te chercher. Mais j’ai promis à maman que je ne devais pas. Il fallait que tu comprennes de toi-même pourquoi toi et pas moi. Il fallait que tu endures ce qu’ils ont enduré. Il fallait que tu traverses ça comme eux l’ont fait. Tu ne sais rien de notre famille à ce que je vois. Lui et pas elle ? N’était-ce pas elle qui avait été privilégiée ? Elle avait une façon étrange de voir les choses.Elle avait eu son existence dorée. Il n’avait eu que de la ferraille et des cailloux. De mon point de vue, ça serait plutôt « pourquoi toi et pas moi ». lâcha-t-il, un peu acide. Il ne parvenait pas à comprendre pourquoi elle se pensait la victime de toute cette histoire. Elle n’avait jamais eu à subir la faim et le froid. Elle n’avait pas enduré les coups d’un père ivrogne. L’ignorance d’une mère si peu vivante. Tu dis que j’ai été son préféré… mais pourquoi m’a-t-elle traité ainsi alors ? Pourquoi me priver de son amour et de sa protection ? Des réponses qu’elle aurait pu me donner ? Si elle m’avait expliqué, j’aurais pu nous aider. Nous sortir de là. C’est l’ignorance qui nous a tués. Dante commençait à s’agiter. Ce qu’Eshmé lui racontait ne collait pas à ce qu’il savait. A ce dont il se souvenait. Même si, visiblement, son père avait effacé certains de ses souvenirs, il n’aurait pas pu passer ses jours à lui lancer le sortilège d’oubli. Il se serait forcément souvenu si sa mère avait été tendre et attentionnée, protectrice, envers lui.

Notre mère était reine, éphémère d’une grande dynastie. Quelle douce ironie quand on y pense. C’était un mariage de convenance, comme on en faisait beaucoup, au jeu des alliances. Elle n’a fait que subir un choix qui n’était pas le sien. Et elle l’a payé cruellement. C’est lui qui nous a vendu, c’était son idée. Tu te doutes bien qu’elle n’a pas pu penser ça toute seule mh ?Et pourquoi pas, hein ? Dante se leva et se mit à faire les cents pas près du feu. Ses poings se serraient et se desserraient. Ils n’étaient qu’un couple bien assorti de pourritures. Lui parce qu’il se servait de tout notre maigre argent pour se payer une nouvelle bouteille et m’ourdir de coups. Elle parce qu’elle n’a jamais rien fait pour me défendre. Ses poings restèrent serrés. Il avait envie de frapper quelque chose. D’envoyer un coup dans un arbre ou d’envoyer ses doigts dans les flammes… mais ça ne servirait à rien. Les gens faisaient cela pour que la douleur les distraie de leurs soucis. Et lui ne ressentait pas la douleur. C’était inutile. Sauf s’il frappait sa sœur. Mais il n’en avait pas envie. Elle se leva aussi, pour venir lui faire face. Ses bras le long de son corps, il s’empêchait de mettre à exécution le désir de souffrir via sa chair à elle. Cillian et moi, c’est bien trop compliqué pour toi. Mais sache juste… que j’ai découvert durant Beltane un fait assez cruel. Le destin est très farceur. On aurait eu une vie antérieure, tous les deux. Cette vie antérieure est morte à cause de lui et de son ambition. Et ils allaient avoir un enfant. Mais ils n’ont pas survécu à l’accouchement. Il s’éloigna, sa rage cette fois focalisée sur elle. Pourtant il ne voulait pas la blesser. Même si cela lui apporterait la distraction aux tourments de son âme. Ne me prends pas pour un idiot ! Ce n’est pas parce que je n’ai pas été à l’école et dans la prestigieuse Poudlard que je suis un abruti fini ! Je suis capable de comprendre les choses ! tonna-t-il, d’une voix pourtant plaintive. Finalement, elle aussi le jugeait. Elle était comme tous les autres. Ça avait été une erreur de venir jusqu’ici. Ça ne servait à rien. Rien du tout.

Il se détourna d’elle, détourna son visage des flammes, pour le lui dissimuler alors qu’il passait ses doigts dans ses mèches folles, cherchant à tirer sur son cuir chevelu. Mais il aurait pu se rendre chauve sans qu’il ne sente rien. Je n’ai pas voulu reproduire la même erreur. Dante se figea, puis se tourna lentement vers elle. Il le lui avait dit : il n’était pas stupide. Le rapprochement s’était fait dans son esprit tourmenté. Il allait ouvrir la bouche pour lui demander s’il avait bien compris ce qu’elle insinuait, mais elle ne lui en laissa pas le temps. Avant que tu ne me touches la dernière fois, je ne ressentais pas non plus la douleur. En vérité, j’ignorais ce que c’était. Je connaissais celle morale, celle affective. Mais celle physique… Même me couper ne me faisait rien ressentir. Alors j’ose imaginer que cela vient du fait que l’on est jumeaux. Forcément. Comment peut-il en être autrement après tout. Ne trouves-tu pas ça ironique à souhait ? Moi si. Il battit des paupières. Leur ressemblance physique allait donc jusque dans cette particularité. Et alors ? Ils n’étaient pas pareils. Leurs chairs étaient peut-être jumelles, mais il n’avait rien de commun avec cette petite poupée de porcelaine. Rien du tout. Elle retourna s’assoir, mais il était incapable de faire de même. Nous sommes ici en terrain neutre. Tu as droit à trois autres questions, si tu le désires. Il poussa un soupir et leva les yeux vers la cime des arbres au-dessus de leurs têtes. Puis son regard retomba sur l’abri. Il prit une inspiration tremblante. Il en avait assez. Assez de ce petit jeu. Assez des secrets. Tout son petit manège ne m’a pas rendu plus fort. Ça n’a servi qu’à me briser un peu plus. La preuve était là : il oubliait des bouts de son existence. Il avait été raffleur, bordel ! Il avait sûrement commis des actes plus atroces les uns que les autres, allant à l’encontre de ses valeurs profondes, pour quelques piécettes à mettre dans sa poche. Il avait certainement tué… peut-être même des enfants. Il frémit et se détourna d’elle encore une fois. Il avait envie de retourner au campement… mais il n’y trouverait que des gens qui le jugeaient. Encore et toujours. Il prit une autre inspiration, cherchant à ravaler les larmes qui montaient à ses yeux.

Sans se tourner vers elle, Dante s’accroupit, les mains toujours dans les cheveux. Est-ce qu’il est là ? Mon… neveu. Est-ce qu’il est ici avec toi…? demanda-t-il d’une voix tremblante. Une nouvelle inspiration et il leva les yeux vers les éclats de Lune qu’il apercevait entre les branches. Il finit par se lever et revenir vers elle. Il hésita un instant, avant de se rasseoir près du feu. Est-ce que je… peux le voir ? continua-t-il. Il était toujours un peu agité, mais sa colère était retombée, laissant place à de la tristesse et à de l’abattement. Il lui restait une question à poser. Il réfléchit un moment à laquelle il pourrait formuler, les yeux perdus dans la lumière des flammes. Sais-tu pourquoi Alan a décidé de me recruter ? Justicier qu’il m’a appelé. Il marqua une pause avant de reprendre. Il espérait convaincre sa sœur qu’il ne ferait rien à son enfant. Sur le marché, un enfant avait volé une pomme sur un étal… Le marchand voulait lui faire payer à coups de poings son vol… et je me suis interposé. Puis, voyant que je ne ripostais pas, Alan est intervenu. Et m’a proposé de rejoindre les Insurgés.
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ces monstres que nous sommes



Elle se rebiffe. Tellement stupide la petite, qu’elle aimerait ravaler sa langue. « Pourquoi tu lui as dit Ginger ? Pourquoi tu lui as fait comprendre ? Tu sais qu’il est dans son camp, tu sais qu’il le croise sans le savoir, tu sens son odeur sur lui, tu sens le loup, les bribes d’amour brisé qu’il emporte avec lui. Tu as peur Ginger, tu es incapable de le repousser. » Elle baisse la tête, derechef. La valse des flammes semble lui brûler les rétines, mais qu’importe. Elle aurait été presque capable de se crever elle-même les yeux pour ne pas voir l’atrocité de ses actes. L’atrocité de l’instant. Elle réfléchit. Les mots fusent à vive allure, ils se heurtent dans un fracas incessant mais… mais qu’importe. « Non, tu ne peux pas. » Et puis, le couperet tombe. Ils sont tous pareils à ses yeux, tous les mêmes, qui la manipulent, comme un pauvre pantin qui ne sait pas où il va. C’est vrai ça, où allait-elle ? Où emmenait-elle son fils ? Elle l’ignorait. Elle ne s’était jamais posée la question. Jamais vraiment du moins. « Jusqu’à maintenant, j’ai fait en sorte que personne ne sache. Et je continuerais de dire qu’il n’existe pas. À ton avis, pourquoi j’ai fui les insurgés ? Mon fameux luxe que tu m’envies tant ? À ton avis, pourquoi je suis là, dans un coin perdu de cette forêt ? Personne ne s’est réellement posée la question. » Pas même moi. « Je sais l’effet que ça fait de se sentir abandonner par des parents. Toi tu ne sais pas. T’as eu la chance de connaître leur monstruosité, moi j’ai eu la malchance de ne connaître que leur ignorance. Je ne voulais pas qu’il vive la même chose que nous. Je ne voulais pas qu’il vive ce mépris. Ça n’est qu’un bébé… un petit être faible qui n’a rien demandé. J’ai préféré fuir, m’en aller. Merlin sait à quel point les gens peuvent me mépriser chez les insurgés. Certains me trouvent folles. Mais il est tout ce qu’il me reste. La seule raison pour laquelle je me bats encore. Tu le comprends ? » Elle plongea sa main dans sa poche et sa tête suivit le cheminement. Elle avait la fiole que sa mère lui avait donné, ces souvenirs qui n’étaient pas les siens mais qu’elle devait rendre à son frère. Le dilemme s’imposa à elle. Devait-elle les lui rendre, même s’il ne comprendrait pas ? Devait-elle lui infliger cette souffrance, une de plus, alors qu’il semblait en avoir déjà subi des milliers incommensurables ? « Elle est venue me voir de temps en temps. Et la dernière fois que je l’ai vu, elle m’a donné ça. —— Elle sort de sa poche la fiole, avec ces fins fils lumineux qui semblent s’entrelacer sans répit. —— J’ai appris à Poudlard que c’était une pensine. Tu peux en trouver facilement sur le marché noir je suppose, mais j’en ai une si tu veux. Ceux sont… les souvenirs qu’il t’a enlevés. Ceux qu’ils t’ont arraché. C’est la vérité que tu recherches tant. Je ne pense pas que tu te sentiras mieux après ça. Et je ne te demande pas de me croire. Juste… de l’accepter. Prends ça comme un signe de paix. Je ne t’ai jamais voulu du mal. Et je n’ai jamais riposté à tes coups parce que je savais que tu ignorais tout, au contraire de moi. » Elle changeait de sujet après tout, pour éviter qu’il ne voit son fils. Pour éviter d’exposer la seule raison qu’elle a de se battre. Et puis après tout, lui-même devait savoir ce qu’il en était, ce qu’on lui a caché, pourquoi. Pourquoi ce vide dans sa mémoire. Pourquoi ce vide dans sa vie. Pourquoi ce manque dans son existence. Cette absence qui le ronge, à chaque fois un peu plus. Il méritait mieux ; mieux que ce qu’ils lui ont promis. Elle ne savait rien de ces années sans elle, mais elle se doutait bien que ça n’a pas été facile de (sur)vivre seul dans ce monde qui lui était inconnu. Eshmé aurait voulu être là, sans doute ce soutien qu’elle n’a pas eu. Après tout, c’était sa sœur, sa jumelle, mais elle avait manqué à ce devoir. Elle essayait de se rattraper sans doute en la lui donnant, mais on ne peut pas effacer vingt-six ans en un claquement de doigts. Il leur faudra du temps. Du temps. « Quant à Alan… c’est qu’un pauvre type. À ta place, je ne lui ferai pas confiance. Ce mec n’est qu’un pervers et un minable. » Eshmé ne le portait toujours pas dans son cœur et même si c’était la faute de Jane, le problème existait toujours, là, au fond d’elle. Elle ne supportait toujours pas le contact avec les autres, même avec son fils, sentir sa peau contre la sienne devenait… douloureux. Mais la louve ne pouvait pas rester sans le prendre dans ses bras, de se sentir mère et protectrice. Alors elle l’aidait par moment à vaincre cette peur. « Tu n’as pas besoin de lui pour comprendre qui tu es. Tu es loin d’être stupide. Ne le laisse pas te gangréner le cerveau, il ne le mérite pas. » Qui était-elle pour juger ? Personne. Elle ne valait pas mieux que lui, encore moins que lui-même.

Elle s’était levée pour aller chercher son fils dans la clairière. Il avait tout de Cillian, jusqu’à l’odeur. Cette grimace quand il dormait, ses lèvres, son nez, ses fossettes. Et elle ne pouvait pas s’empêcher de s’en vouloir de l’arracher à son père, chaque fois que ses yeux se posaient sur lui, chaque fois qu’elle se maudissait d’avoir pu croire que Beltane était la fin de leur existence. Mais elle l’aimait, cet enfant. Elle l’aimait tellement, qu’elle aurait pu s’arracher le cœur pour le sauver s’il le fallait. Qu’elle n’hésiterait pas à recommencer autant de fois qu’il le fallait pour lui épargner une vie de misère. Eshmé le prit dans ses bras, face à Dante, en le berçant légèrement pour ne pas qu’il se réveille. Il était la plus belle chose au monde qu’elle possédait désormais, la plus précieuse. Et rien ne pouvait le lui enlever. « Il s’appelle Joshua. Je voulais un prénom suédois, mais Cillian n’a pas voulu. Il ne connait pas son existence. Il ignore même que j’ai eu un enfant. J’ai cru à un moment donné que j’allais donner naissance à des jumeaux. Mais quand il est né, il est devenu mon monde. Ma raison de tout. Alors il s’appelle Joshua. Il ne doit pas savoir Dante… Jamais. S’il le sait… il fera tout pour me l’enlever et je ne le veux pas. Je ne veux pas qu’il finisse comme nous. Je le refuse. » Dans ses yeux brillaient une détermination inébranlable. Mais elle savait qu’un jour, il finirait par venir la chercher. Qu’un jour, il le lui arrachera des bras. Et ce jour-là, elle fera tout pour l’en empêcher, même si ça sera la dernière chose qu’elle devra faire.


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❝ Ces  monstres que nous sommes ❞Dante A. Ehrensvärd & A-J. Eshmé Sternberg
Non, tu ne peux pas. Dante détourna les yeux de sa sœur, pour cacher la douleur et la tristesse qui ne manqueraient pas de transparaitre dans ses prunelles. Pourtant, quelque part au fond de lui, il pouvait la comprendre. La dernière fois qu’elle l’avait vu, il ne lui avait donné aucune raison de lui faire confiance. Mais… d’un autre côté, c’était aussi elle qui ne cessait de revenir vers lui, d’essayer d’apaiser les choses entre eux d’eux. Il n’avait rien demandé. Il n’avait pas voulu de ces réponses qu’elle semblait tant convaincue qu’il désire. Peut-être que si, en vérité, mais il n’avait jamais cherché à les lui tirer du nez. Il n’avait pas posé les questions. Il voulait simplement… Que voulait-il au juste ? Qu’avait-il désiré en partant à sa cherche ? La vengeance. Il voulait lui faire payer cette vie parfaite qu’elle avait eue alors qu’il avait été condamné à la déchéance de la rue. Mais aujourd’hui, alors qu’elle vivait dans un coin de forêt, pourquoi n’était-il pas dans un palace ? Il aurait pu, s’il était resté en Suède. Pourquoi le Destin ne rétablissait-il pas les choses alors qu’ils avaient toujours été opposés en tout, tant et si bien qu’ils ne ressentaient la douleur qu’en l’autre ?

Jusqu’à maintenant, j’ai fait en sorte que personne ne sache. Et je continuerais de dire qu’il n’existe pas. À ton avis, pourquoi j’ai fui les insurgés ? Mon fameux luxe que tu m’envies tant ? À ton avis, pourquoi je suis là, dans un coin perdu de cette forêt ? Personne ne s’est réellement posée la question. Je sais l’effet que ça fait de se sentir abandonner par des parents. Toi tu ne sais pas. T’as eu la chance de connaître leur monstruosité, moi j’ai eu la malchance de ne connaître que leur ignorance. Je ne voulais pas qu’il vive la même chose que nous. Je ne voulais pas qu’il vive ce mépris. Ça n’est qu’un bébé… un petit être faible qui n’a rien demandé. J’ai préféré fuir, m’en aller. Merlin sait à quel point les gens peuvent me mépriser chez les insurgés. Certains me trouvent folles. Mais il est tout ce qu’il me reste. La seule raison pour laquelle je me bats encore. Tu le comprends ?Non. lâcha-t-il. J’ai connu leur ignorance aussi. Ce regard qu’elle n’osait jamais poser sur moi de peur de voir mes prunelles implorantes. Cette identité oubliée dans les affres de l’alcool qui lui embrumaient l’esprit. Il refusait toujours de la regarder. Elle avait gonflé son cœur d’espoir en lui agitant son neveu sous le nez pour lui refuser simplement de le voir. Il n’avait rien demandé de plus. Il n’avait pas demandé d’être une partie intégrante de sa vie. Il voulait juste le voir. Il finit cependant par poser ses iris sur elle. Tu dis que tu ne veux pas de notre enfance pour lui… pourtant, tu sembles désirer que, comme toi, il grandisse sans moi. C’était à son tour de baisser les yeux, mais plus pour farfouiller dans sa poche, semblait-il. Dante poussa un soupir et secoua la tête, ses yeux s’abimant dans les braises.

Elle est venue me voir de temps en temps. Et la dernière fois que je l’ai vu, elle m’a donné ça. J’ai appris à Poudlard que c’était une pensine. Tu peux en trouver facilement sur le marché noir je suppose, mais j’en ai une si tu veux. Ceux sont… les souvenirs qu’il t’a enlevés. Ceux qu’ils t’ont arraché. C’est la vérité que tu recherches tant. Je ne pense pas que tu te sentiras mieux après ça. Et je ne te demande pas de me croire. Juste… de l’accepter. Prends ça comme un signe de paix. Je ne t’ai jamais voulu du mal. Et je n’ai jamais riposté à tes coups parce que je savais que tu ignorais tout, au contraire de moi. Dante refusait de se tourner vers elle à nouveau. Il pouvait parfaitement l’imaginer agiter la fiole de filaments argentés pour le détourner de son fils. Poudlard. Encore un coup qu’elle lui assénait, elle la fille parfaite qui avait eu droit à tout le confort d’une éducation dans la plus prestigieuse des écoles de magie.

Quant à Alan… c’est qu’un pauvre type. À ta place, je ne lui ferai pas confiance. Ce mec n’est qu’un pervers et un minable. Cette fois-ci, il releva la tête et la fusilla du regard. Tu n’as pas besoin de lui pour comprendre qui tu es. Tu es loin d’être stupide. Ne le laisse pas te gangréner le cerveau, il ne le mérite pas.Il m’a sorti de la rue, c’est plus que ce que tu as fait. Il m’a fait confiance pour rejoindre les siens alors que j’aurais très bien pu les vendre aux plus offrants. Il m’a offert un but dans cette existence misérable. Un moyen de me racheter d’actes dont je ne me souviens même pas alors que tous posent un regard méprisant sur moi, là-bas. Alors ne t’avises pas de le juger hâtivement, ni de me dire comment je devrais le traiter. Je me fiche de ce qu’il a bien pu te faire. Lui, au moins, m’a réellement tendu la main. Il ne se cache pas derrière des promesses faites à des morts. Il se leva et fit mine de partir. Je ne sais même pas pourquoi j’ai accepté de venir. Je pensais, naïvement, que j’aurais un peu de répit face à tout ce dédain qu’on me porte au camp, mais je me trompais, visiblement. Tu n’es pas mieux qu’eux. Pire même peut-être. Avec eux au moins, je peux être cet altruiste qui est en moi, ce justicier, ce protecteur que Alan a décelé. Toi, tu voudrais que je te fasses confiance, qu’on efface le passé pour tout recommencer, mais tu n’es même pas prête à me faire suffisamment confiance pour que simplement je vois ton fils. Il secoua la tête à nouveau et se détourna vers l’obscurité de la forêt pour aller rejoindre le camp.

Il avait laissé la fiole près du feu. Il entendit le bruit de ses mouvements mais il continuait à avancer. Il en avait assez qu’elle joue sans arrêt avec lui au chat et à la souris. Il s’appelle Joshua. Je voulais un prénom suédois, mais Cillian n’a pas voulu. Il ne connait pas son existence. Il ignore même que j’ai eu un enfant. J’ai cru à un moment donné que j’allais donner naissance à des jumeaux. Mais quand il est né, il est devenu mon monde. Ma raison de tout. Alors il s’appelle Joshua. Il ne doit pas savoir Dante… Jamais. S’il le sait… il fera tout pour me l’enlever et je ne le veux pas. Je ne veux pas qu’il finisse comme nous. Je le refuse. Il s’arrêta dans un bruissement de feuilles mortes sous ses pas. Elle avait du aller chercher l’enfant dans l’abri. Elle semblait lui demander de ne pas avouer son secret à son mari. Mais il n’avait cure de la chose. Elle l’avait pris pour un idiot, bien décidée qu’elle était à ne rien révéler de son « histoire compliquée ». Il pouvait lui rendre la pareille. Il ne se retourna toujours pas. Tu le condamnes pourtant à une vie dans la rue et à une fuite éternelle. Tu lui évites peut-être ta vie trop compliquée pour moi, mais tu lui assures la même misère que celle que j’ai vécue. Il ne connaissait rien de son mari, il ne connaissait rien de ce qu’elle fuyait… mais comment pourrait-il ? Elle ne voulait rien lui dire. C’était sa faute. Comme toujours. Mais je ne ferais rien pour lui nuire, ça je te le promets. Il n’y avait rien de plus précieux aux yeux de Dante que les enfants.

Il poussa un soupir, cherchant à évacuer la tension qui avait serré ses poings sans qu’il ne s’en rende compte, puis il se retourna enfin. Un peu plus loin, Eshmé se tenait avec Joshua entre les bras. C’était à peine s’il pouvait discerner les traits du nourrisson dans le jeu d’ombre et de lumière causé par le feu. Rigide, Dante s’approcha, vacillant légèrement, comme s’il craignait que sa sœur ne s’enfuie en courant, revenant sur son idée de lui montrer Joshua malgré tout. Finalement, à quelques centimètres d’elle, il s’arrêta, incapable d’aller plus loin. Il ne la regarda pas, se contentant de poser les yeux sur son fils. Il est adorable.
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Elle y songe. Péniblement, douloureusement. Mais elle y songe. À lui dire qu’elle a accepté depuis longtemps sa haine. Qu’elle a acquiescé la rancœur. Qu’elle a compris pourquoi c’était ainsi et pas autrement. Elle le regardait, à chaque fois, non pas avec pitié, non pas avec mépris, mais avec de la peine. Oui, de la peine qu’il ait eu à subir tout ça, sans doute. Elle ne comprend pas tout, mais elle saisit l’essentiel, enfin. Tu es responsable, Ginger, que ça tonne dans son crâne. Alors elle baisse les yeux vers son enfant, elle l’admire. L’instant est éphémère, mais… elle arrive quand même à graver cet image d’eux, ensembles, dans cette nuit froide, sous la Lune si blanche, le ciel sans nuage. Ce bruit du crépitement du bois qui se consume. Et puis… De nouveau, elle regarde son frère, entre-ouvre les lèvres, se mord la lippe inférieure et hésite. « Je le sais. Je sais que tu ne lui feras rien, pas toi. » Eshmé le lui tend, délicatement, pour le déposer dans ses bras en l’aidant maladroitement. Elle l’observe, ses traits changent. C’est étrange, il semble presque tétaniser à l’idée d’avoir son neveu entre ses mains. Alors, elle esquisse un sourire, timide, en penchant la tête sur le côté. Et puis, elle espère, peut-être. « Je ne t’interdirais pas de le voir, si c’est ce que tu souhaites. Un peu de ton sang coule aussi dans ses veines. Il aura sûrement besoin de son oncle un jour. » Alors elle lui dit, implicitement, qu’elle le veut dans sa vie, pour eux deux. Qu’elle le veut, parce que c’est là qu’aurait dû être sa place depuis tout ce temps. « J’ai été lâche de ne pas venir t’aider, de ne pas venir te chercher. J’aurais dû… mais j’ai préféré la promesse d’une morte plutôt qu’à celle du sang. » Son regard se détourne, honteuse, pour ne pas croiser celui inquisiteur de Dante. Je suis si désolée tu sais… Tellement désolée de ne pas avoir été là, de n’avoir jamais rien fait, jamais rien pu changer, jamais n’avoir su essayer. Revenir en arrière serait impossible et malgré tout, elle n’échangerait leurs vies pour rien au monde. Non, elle ne les changerait pas. À quoi bon ? Rien n’aurait pu être différent. Rien n’aurait pu être… aussi catastrophique que ce qu’il s’était déjà passé. « Je sais qu’il te disait souvent que c’était ma faute… Mais je n’ai rien demandé. Elle me disait que tu serais mieux sans moi, que tu l’étais, mieux sans moi. Elle est venue me voir assez souvent, sans doute pour garder ce lien maternel. Tu ne dois pas lui en vouloir. Elle non plus n’a jamais eu la vie qu’elle voulait. » Comme nous, qu’elle ravala aussitôt, brûlant son larynx. Elle ne devait pas aller trop loin dans ses propos et dans ses idées. Rester légèrement vague. Dante semblait obnubiler par son neveu et c’était touchant de le voir si tranquille… si apaisé, pour une fois. Aucune tempête ne se jouait sur son visage, aucun vide infini n’était dans ses yeux. Non, il demeurait en paix, comme si le reste n’avait que peu d’importance. Comme si plus rien autour de comptait vraiment. « Comment ça se passe chez les Insurgés au fait ? J’ai oublié de te demander. » Eshmé tente les banalités, sans pour essayer de combler le silence pernicieux dont il fait preuve. Elle voit un rictus au coin de ses lèvres et elle comprend. Sujet sans doute sensible, mais qu’importe, il fallait bien commencer quelque part. « Je vois que ça ne semble pas te convenir non plus là-bas. Mais je suppose qu’au moins, tu t’y sens utile. » L’utilité n’était qu’un concept abstrait qu’elle ne saisissait pas. Du moins, pas comme quand Alan lui en avait parlé. Elle pensait déraisonnablement que l’entraide était une chose gratuite, qu’on ne devait pas payer. Quelque chose d’humain, qu’on n’échangeait pas contre un service rendu. C’était pour ça qu’elle était partie. Alan, au fond, ne valait pas mieux que ces gens contre qui ils se battaient tous. Profiter des autres, au détriment de véritables qualités humaines… Ça lui donnait la nausée. « Je ne veux pas faire l’avocat du diable – et Merlin sait que cela n’est pas mon genre – mais tu devrais rester sur tes gardes, même là-bas. Tu te méfies de moi – je peux l’encaisser. Mais eux, il faut que tu fasses bien plus attention encore. Alan sait très bien manipuler les esprits et sa place de chef, il ne la doit absolument pas au hasard, encore moins à la chance. » Le goût amer de la colère rappait sur sa langue et elle la claque sur son palet comme pour montrer son dédain. Elle n’avait rien à lui prouver, elle avait déjà tant essayé de minimiser leur bataille depuis la première rencontre, qu’elle abdiquait désormais. Elle abandonnait la guerre, la lutte, épuisée. « Je déclare forfait Dante. Tu as… gagné. J’ignore ce que tu attends de moi, de nous. Mais je baisse les armes. Je les dépose à terre. Je suis fatiguée d’essayer. Donc… je te laisse gagner. Je te demanderais juste de l’épargner Lui. » Elle se donnait en offrande, comme on donnerait une Reine durant une guerre pour cesser un conflit royal. Elle se donnait pour en finir, pour qu’il cesse de croire que c’était sa faute, la leur. Pour qu’il ne se pose plus de questions, pour qu’il soit… en paix. Il la méritait amplement. Les coups, les mots, les visages qu’il avait emprunté sans pouvoir s’en défaire, perdre le fil de sa vie entre ses doigts… Ses si fins doigts, si froids, si absents de toute chaleur affective, qu’on lui a enlevé, arraché au détriment de ce chaos et de ce calvaire. Alors s’il fallait qu’elle se donne, qu’elle s’offre à lui comme unique récompense à n’avoir pas subi ça en vain, alors elle le ferait, les yeux fermés. Pourvu qu’il épargne Joshua. La seule condition. « Je ne t’interdis pas de me tuer. Tu peux même me briser chaque os de mon corps si cela te fera plaisir. Tu pourras te délecter de chaque craquement, de chaque bruit que fera mon corps sous ta détermination à me briser. Je t’en donne même l’ordre si c’est ce que tu cherches et que tu souhaites. Mais… laisse-le en dehors de ce conflit qui ne concerne que nous. » Sa mère, son père, les autres, Cillian, Dante… Aucun des obstacles qu’elle avait franchi jusqu’à maintenant ne lui était insurmontable. Son fils demeurait sa raison de tout. Elle ne baisserait jamais les bras pour lui. Il ne sera jamais un dommage collatéral comme eux l’ont été. Jamais.
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❝ Ces  monstres que nous sommes ❞Dante A. Ehrensvärd & A-J. Eshmé Sternberg

[Soundtrack] Je le sais. Je sais que tu ne lui feras rien, pas toi. Contre toute attente, Eshmé lui tendit l’enfant. Elle lui proposait, là, de le prendre dans ses bras. Oserait-il ? En avait-il seulement le droit ? Il tendit les bras, pour qu’elle puisse y déposer Joshua, mais il craignait, à chaque seconde qui passait, de le faire tomber. Il ramena ses bras contre lui, serrant le bébé contre son torse. Il était si petit, si frêle et si fragile. Il ne pouvait le quitter des yeux. Il était adorable. Magnifique. Depuis toujours, les enfants avaient été sa priorité. Il aurait pu se prendre maints coups, il aurait pu mourir pour en sauver un de la misère de la rue ou juste pour lui éviter d’être battu presque à mort par un marchand énervé d’un larcin. C’était la raison pour laquelle il était là aujourd’hui. Parce qu’Alan, cet Alan que sa sœur semblait tant mépriser, avait vu cela en lui, avait été témoin de sa volonté sans faille à protéger un enfant. Jamais il ne ressentait la douleur, il pouvait bien l’encaisser pour un autre. Je ne t’interdirais pas de le voir, si c’est ce que tu souhaites. Un peu de ton sang coule aussi dans ses veines. Il aura sûrement besoin de son oncle un jour. Toujours perdu dans la contemplation de son neveu, Dante entendait à peine les mots de sa sœur, même s’ils se frayaient un chemin jusqu’à son cerveau. Un jour, oui, peut-être… s’il en était capable. Il avait peur. Même s’il savait qu’il ne pourrait jamais faire mal à l’enfant… il craignait l’un de ces moments où il perdrait le contrôle. L’un de ces blacks outs qui laissaient des trous dans sa mémoire sans qu’il ne parvienne à retrouver les souvenirs manquants. Il avait commis des actes si atroces que son propre esprit l’en avait protégé en les enfouissant tout au fond de son inconscient… et si ça se produisait encore ?

J’ai été lâche de ne pas venir t’aider, de ne pas venir te chercher. J’aurais dû… mais j’ai préféré la promesse d’une morte plutôt qu’à celle du sang. Elle avouait finalement sa part de fautes. Comme ses parents, elle n’était pas innocente du tourment qui avait ravagé sa vie. Même si elle n’avait pas demandé à être séparée de lui, lorsqu’elle avait été suffisamment âgée, elle n’était pas venue le chercher non plus. Il leva les yeux vers elle, incertain. Il craignait de faire tomber Joshua s’il n’avait plus ses prunelles sur son étreinte. Mais elle ne le regardait plus, alors il décida de rapporter son attention à son neveu. Je sais qu’il te disait souvent que c’était ma faute… Mais je n’ai rien demandé. Elle me disait que tu serais mieux sans moi, que tu l’étais, mieux sans moi. Elle est venue me voir assez souvent, sans doute pour garder ce lien maternel. Tu ne dois pas lui en vouloir. Elle non plus n’a jamais eu la vie qu’elle voulait. Il écoutait en silence, berçant doucement l’enfant entre ses bras. Il aurait aimé qu’il s’éveille, pour contempler la couleur de ses iris, mais il ne voulait pas troubler son sommeil non plus. Rien d’autre ne comptait que le bonheur et la sécurité de ce petit être. Il défierait le monde si ça pouvait lui offrir une vie meilleure. N’était-ce pas pour cela qu’il avait suivi Alan ? Pour changer le monde ? Pour que des enfants comme Joshua puissent avoir une meilleure existence ? Qu’ils n’aient pas à battre le pavé des rues en quête d’un morceau de pain pour combler un ventre vide. Qu’ils n’aient pas à mettre leur vie en danger dans l’espoir de voler une pièce ou un bijou pour s’acheter à manger ou des mitaines pour l’hiver.

Comment ça se passe chez les Insurgés au fait ? J’ai oublié de te demander. Sa bouche se tordit légèrement face à la question. Ça aurait pu se passer merveilleusement bien, s’il n’y avait pas l’épée de Damoclès de ses souvenirs manquants au dessus de son crâne. Je vois que ça ne semble pas te convenir non plus là-bas. Mais je suppose qu’au moins, tu t’y sens utile.Oui. commença-t-il, ouvrant la bouche pour la première fois depuis de nombreuses minutes, relevant les yeux vers sa soeur. Je pourrais peut-être les aider à changer le monde. Pour qu’il soit meilleur. Pour nous. Pour Joshua. Il en avait vraiment envie. Il ne savait quelles horreurs il avait commises par le passé, mais il voulait aussi essayer d’effacer cela de son ardoise. Je ne veux pas faire l’avocat du diable – et Merlin sait que cela n’est pas mon genre – mais tu devrais rester sur tes gardes, même là-bas. Tu te méfies de moi – je peux l’encaisser. Mais eux, il faut que tu fasses bien plus attention encore. Alan sait très bien manipuler les esprits et sa place de chef, il ne la doit absolument pas au hasard, encore moins à la chance. Dante la regarda un instant sans rien dire, puis décida que le silence était la meilleure des réponses. Il se contenta de secouer la tête et de baisser à nouveau les yeux vers son neveu. Il bougea légèrement ses bras pour pouvoir repousser son début de chevelure de son front, effleurer la douceur de ses petites mèches. Il ne voulait pas encore s’engager sur cette voie avec sa sœur… pas alors qu’il avait Joshua entre les bras.

Je déclare forfait Dante. Tu as… gagné. J’ignore ce que tu attends de moi, de nous. Mais je baisse les armes. Je les dépose à terre. Je suis fatiguée d’essayer. Donc… je te laisse gagner. Je te demanderais juste de l’épargner Lui. Dante ne voulut pas réagir, mais il se demandait quoi dans sa réaction à son discours avait bien pu la faire réagir ainsi. Etait-ce simplement son silence ? Son hochement de tête las ? Oui, il était las. Las de cette existence, de ce monde qu’il devait combattre jour après jour pour survivre, las de se battre contre lui-même pour essayer de vivre selon les valeurs qui l’habitaient. Il releva pourtant les yeux vers elle, cherchant sur son visage ses réelles intentions. Lui avait-elle mis Joshua dans les bras pour s’assurer qu’il reste calme ? Je ne t’interdis pas de me tuer. Tu peux même me briser chaque os de mon corps si cela te fera plaisir. Tu pourras te délecter de chaque craquement, de chaque bruit que fera mon corps sous ta détermination à me briser. Je t’en donne même l’ordre si c’est ce que tu cherches et que tu souhaites. Mais… laisse-le en dehors de ce conflit qui ne concerne que nous. Il poussa un soupir et tendit les bras pour rendre l’enfant à sa mère. Oui, il voulait la voir souffrir pour la vie qu’il avait vécue. Oui, il avait soif de cette violence, de cette souffrance qu’il ne pouvait ressentir dans sa chair que si c’était celle d’Eshmé qui était meurtrie… Il secoua la tête, une nouvelle fois. Je ne le priverais pas de sa mère. Je… Il y en a moi cette part d’ombre qui aspire à la douleur. Une douleur que seul ton corps peut m’offrir. Je le sais. On ne peut rien y changer. Mais… Il déglutit avec difficulté et détourna les yeux, le corps. Il voulait de nouveau se fondre dans ces ombres qui l’avaient toujours si bien accueillies, toujours plus douces que la cruauté du monde. Mais je ne veux pas devenir comme lui. Je ne veux pas que Joshua grandisse avec sa mère marquée par les coups de son oncle. Je ne veux pas qu’il me voit ainsi. Il serra les points. Les mots étaient difficiles à prononcer, luttant contre cette envie profonde et venimeuse qui lui hurlait de la battre, encore et encore, juste pour sentir la meurtrissure dans sa chair, l’intimait de prendre sa baguette, d’user de l’impardonnable pour une fois sentir l’inflammation de ses nerfs face à la douleur intense.

Dante s’éloigna encore. Il fallait qu’il rejoigne le camp. Une mission se préparait. Il devait partir. Partir avant que l’ombre n’envahisse son cœur, qu’il intime à sa sœur de remettre Joshua dans le cabanon pour pouvoir abattre ses poings sur elle dans l’intimité de la nuit. Ne t’avises pas de me faire une telle proposition une autre fois… Sinon, peut-être bien que ma réponse sera différente… Parce que je ne laisserais pas Joshua avec une mère qui est prête à se sacrifier, à le rendre orphelin, pour les caprices pervers d’un homme. lâcha-t-il d’un ton glacial sans la regarder, sans se retourner, avant de partir et prendre la direction du camp des insurgés.
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