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Resituons le contexte. Tu rentrais à peine de la mission dans la forêt de Daeva. Mission périlleuse, pendant laquelle t’avais plusieurs fois contenu, comme un goût amer au fond de ta gorge, le fait que tu puisses y frôler la mort. L’idée étant de garder son sang-froid tout du long, quitte à avoir la main lourde sur les coups portés à vos ennemis.
Taper, ça, tu savais faire. Mais c’était également la seule chose que tu savais faire. C’est ce que t’avais fait remarquer ta chère et tendre mère, par beuglante interposée, quand elle avait appris que t’avais été encore bien amoché au retour d’une mission. Et qu’il fallait peut-être qu’en parallèle tu commences à penser au précieux héritage de ta famille, et à toutes ces occasions de rencontre qui se présentaient dans la capitale et que tu saluais comme on ferait signe au camion-poubelle chaque matin.
Du coup, après la beuglante, un paquet avait suivi, un peu lourd, un peu mou, contenant une tenue de soirée qui puait le grenier. Autant dire que tu l’as sentie passer. Et bien entendu, comme tu sais pas mentir, t’as même pas pu prétexter être trop occupé pour ne pas piger le message qu’il y avait derrière.

C’est donc pour cette triste raison qu’on te retrouve en cette douce soirée de mai, quand le fond de l’air est tiède, et presque lourd à voir comment tu te sens mal. Le ventre encore tapissé de compresses, engoncé dans un smoking qui n’était clairement pas à ta taille, et encore décoré d’une fine pellicule de poussière sur les épaules, tu restais immobile dans un coin de l’immense salle de réception. D’un autre côté, la veste aux épaules trop étroites était bien le cadet de tes soucis en comparaison du magnifique kilt ancestral bleu et émeraude qui n’avait pas vraiment le don de garder tes jambes aux frais. Parce que oui, si la robe était l’habit de prédilection du sorcier, écossais et irlandais avaient fait en sorte de personnaliser leur version, puisque cet habit –de guerrier à la base- faisait partie du folklore, si ce n’était des stéréotypes.
Autant dire que tu n’avais déjà pas beaucoup de dignité. Mais que ce soir-là, cette dignité venait d’être jetée à la mer. Et tu l’y aurais bien suivi.

D’habitude, quand t’accompagnais quelque Mangemort à ce genre d’événements, se déroulant çà et là dans les manoirs de Herpo Creek, tu faisais davantage partie de la troupe de gorilles qui restaient devant les portes à monter la garde, à zyeuter de temps à autre par les fenêtres pour regarder les jolies robes des dames, ou à faire peur aux serveurs pour qu’ils vous ramènent du champagne très cher.
Mais cette fois-ci, tu te situais de l’autre côté de la fenêtre, et avais pris soin qu’aucun de tes collègues ne puissent te voir. Même si, de toutes manières, t’étais pas plus à l’abri dehors que dedans.
Tu crois reconnaître entre deux pans de tissus de luxe la démarche de la petite Rowle. Et juste là, le chignon soigné de Zaïtseva. Ou peut-être que tu t’obstines à chercher un visage qui te serait familier, au risque d’être moqué pour les siècles à venir, juste pour t’y accrocher et avoir quelque chose à faire, quand bien même ce quelque chose serait d’être la risée de ladite connaissance.
Parce que plus encore que le costume qui gratte et qui te donne l’impression d’être un ours dans un cirque, c’est d’être lâché et tout seul au milieu de tous ces visages, peut-être pas si inconnus, mais qui ne te connaissaient pas, toi, sans qu’on te dise quoi faire.

Et ‘faut croire qu’ils ne se laissent pas berner par ton habit, puisque tu sens quelques regards lourds de reproches et d’incompréhension, parce qu’on se demande d’où sort cet énergumène, plein de poils et de mauvaises manières. Parce que l’habit ne fait pas le Mangemort ; on avait beau t’avoir grimé en parfait futur gendre, y’avait des signes qui ne trompaient pas ; des cicatrices qu’on peut pas cacher, des regards farouches qu’on ne savaient pas où poser. De fait, les jeunes demoiselles, flanquées de leurs parents, avaient tôt fait de tourner les talons, au mieux par pitié, mais la plupart du temps par simple dégoût. Parce que déjà que c’était gonflant de venir avec papa et maman –bah ouais, c’est tout de suite moins facile de s’en jeter une- alors si en plus c’était pour qu’ils vous poussent dans les bras du premier jouvenceau, autant que ce dernier ressemble un minimum au parfait sang-pur comme dans les magazines. Et puis en plus, c’était toujours un peu vexant de remarquer que le type en question, tout rustre qu’il était, ne semblait même pas vous remarquer, vous.
T’avais beau avoir une allure de chasseur, tu faisais pas dans la chasse à la fiancée. Et surtout, on avait l’impression que c’était toi qui étais coincé dans un piège-à-loup-garou.
Alors, il ne serait peut-être même pas la peine de préciser que tu frôles visiblement l’arrêt cardiaque, manquant d’avaler ta langue, quand une inconnue, genre grande dame de haut standing, pose son regard sur toi, gonflant un peu la poitrine comme lorsqu’on va prendre la parole.
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Les soirées de l’Élite avait comme avantage qu’on y mangeait plutôt bien. Eithne n’était pas ce qu’on pouvait appeler une fine gastronome ; elle savait se contenter de peu lorsqu’il le fallait (et dans sa vie, il l’avait souvent fallu : il est difficile de trouver un restaurant cinq étoiles au beau milieu de la jungle amazonienne) mais elle savait également apprécier des œufs d’hyppogriffe farcis lorsqu’on lui en présentait. C’était une des raisons principale qui faisait que la matriarche Ollivander ne refusait pas systématiquement toutes les invitations qu’on lui donnait pour telle ou telle party, tel ou tel coktail etc. La deuxième et dernière raison qui poussait Eithne a ne pas clouer à sa porte un panneau indiquant : « Je n’y suis pour personne » était l’amusement certain que ces soirées pouvait lui procurer. Certes il fallait souvent essuyer de longues minutes, voire de longues heures d’ennuis profond (« Et votre fille madame ? Comme se porte-t-elle ? », « La dragoncelle ma chère, les guérisseurs sont confiants mais vous comprenez… » « Oh elle qui était une si belle jeune femme ! ») et parfois la soirée entière se poursuivait sur cette note, ne s’animantque très légèrement quand certains invités ayant trop abusé de champagne commençait à raconter quelques anecdotes un peu plus croustillantes que la moyenne… Mais parfois, ah ! parfois… Eithne vivait de véritables épiphanie. Ces salons tapissés de miel et d’hypocrisie, dégoulinant de faux sourires et de sous-entendus (domaine qu’elle, paradoxalement, maîtrisait à merveille) renfermait de temps en temps en leur sein, telle une huître somme toute banale, de vraie perles. Un joyau qui faisait tenir Eithne toute la soirée, un joyau qui lui donnait la force de retourner à la prochaine soirée, dans l’espoir de retrouver cette perle.

« Madame Ollivander, une coupe de champagne ? » l’homme préposé au service tend vers elle, de sa main droite gantée de blanc une longue coupe à demi remplie d’un cru dont elle avait plusieurs fois entendu vanté les mérites. De sa main gauche il tient en équilibre un large plateau recouvert de plusieurs verres. Elle attrape la coupe qu’on lui sert si gentiment et rajoute, de son ton classique de femme qui, clairement, n’a pas que ça à faire : « Merci dear et tant que vous y êtes, allez donc me chercher quelques uns de ces petits fours. » Le serveur a l’air pendant une brève seconde de vouloir protester et mettre en avant le fait que son service pour le moment se limitait à servir des verres mais soit la réputation d’Eithne lui était connu soit changer d’activité l’enthousiasmait il acquiesça très professionnellement : « Lesquels souhaitez vous que je vous emmène Madame ? » Eithne agita sa main en fronçant le nez : « Les plus chers dear, les plus chers. » Souvent le prix était gage de qualité, et elle aimait bien l’idée de se savoir en train d’engloutir les richesses de ses Sang Purs britanniques. Elle sirotait son champagne, qui était en effet d’une très bonne cuvée, tout en se promenant parmi les invités de la réception ; il n’y avait pas absolument tout le gratin, mais une bonne partie, certaines personnes se faufilaient jusqu’à elle quand il l’apercevait pour tenter de lui parler de leur « fille, machin-chose » (ne pouvaient-ils donc pas articuler ?) « qui était la plus douce créature du monde et qui pourrait très certainement s’entendre avec un jeune homme intelligent comme Ardal ou bien blabla… » Bref, les pères et mères tentaient de caser leurs jeunes filles avec ses petits fils mais Eithne les renvoyait très rapidement à l’envoyeur. Pensaient-ils ces imbéciles qu’elle avait la moindre chose à dire quand à la personne avec qui ses petits fils se marieront ? Très franchement si elle avait eu son mot à dire, si sa parole avait vraiment compté elle n’aurait jamais laissé son si parfait Ascleus épouser cette pimbêche d’Esther. Et elle n’aurait pas non plus laisser Eudoxie se marier avec ce… Lestrange. Le mariage très très prochain toutefois (il ne restait à peine que quelques brèves journées avant le D-dat) s’annonçait amusant, Eithne aimait le challenge et la belle-famille d’Eudoxie s’avérait si pleine de tares qu’elle doutait de pouvoir toute les écluser de façon cynique en une seule journée.

« Madame Ollivander, vos petits fours. Je vous ai préparé une assiette. » Le serveur venait de revenir à ses cotés, comme s’il venait de transplaner pour lui tendre une petite assiette ornée qu’il avait remplie de petites bouchées. En effet, de visu elle pouvait constater que le prix d’une seule de ces parts devait être suffisant pour payer une semaine de loyer à la Bran Tower. Ces anglais décadents… Ils pleurnichaient quand on se moquait d’eux mais il tendait vraiment le fouet pour se faire battre. « Merci bien, dear. Au moins j’aurais quelque chose de bon à me mettre sous la dent, à défaut de trouver quelque chose d’intéressant… » Il s’inclina très brièvement pour ensuite repartir tandis qu’elle piochait dans son assiette pour avaler un premier petit four. Mmh, c’était bon oui. Meilleurs que ceux de la soirée de madame Nott, la semaine passée. Mais peut être un peu trop secs. Bon bon bon… on dirait bien que ce soir, il lui faudrait se contenter de bonne gastronomie. Tout en grignotant du bout des lèvres un deuxième petit four elle fit un tour sur elle-même pour observer le monde autour d’elle quand elle le vit.

Celui qui allait la sauver de l’ennui. Et d’une prise de poids certaine. La perle. Car c’en était une, à n’en pas douter. Peut être une des plus belles qui lui ai été donné de voir depuis ces quatre dernières années. Par Lug ! C’était presque comme si n’était venu que pour elle. Seul, rencogné dans un coin de l’immense salon, les autres invités semblaient l’éviter et Eithne comprenait pourquoi. Cet homme avait l’allure très certainement la moins approprié pour ce genre de coktail. Si tous les mâles de la pièce avaient l’aspect léché des braves petits aristocrates avec leur robes sombres et leurs cheveux plaqués en arrière, lui ressemblait plus à un fauve qu’à un gentil petit chien dressé et toiletté. Son visage déjà laissait penser qu’il appartenait plus à cette race d’homme qui cognent avant de penser (si d’aventure ils savaient penser) et son costume… son costume ! Eithne n’avait pas l’habitude de glousser, mais là il fallait admettre que c’était bien trop comique. Qu’est-ce qu’i lui était passé par la tête à ce petit de venir dans ce nid de vipère avec un kilt ? Cet accoutrement not so british ajouté à son air patibulaire ne l’aidait pas du tout : il était très clairement le pestiféré de la soirée tant et si bien qu’un gueux comme Avery par exemple aurait pu se faire passer pour un gentleman à coté de lui.

Eithne n’avait pas besoin de réfléchir trop longtemps pour prendre une décision : si tout le monde l’évitait il était la personne auprès de qui elle devait se rendre si elle voulait s’assurer d’être tranquille pour le reste de la soirée ; en outre elle était certaine qu’il dévait réserver moult hilarantes surprises. Et puis le kilt, par instinct Eithne soutenait ses frères irlandais, écossais ou gallois contre les Impérialistes anglais. Son assiette dans une main, la coupe de champagne dans l’autre elle s’avança vers lui : « Dear, dear, dear… » commence-t-elle en se posant juste à coté de lui « eh bien, le merlan n’est pas cher à la criée aujourd’hui. » Comme il n’avait pas l’air de quelqu’un de particulièrement prompt à la détente, elle explicita immédiatemment : « Vous avez l’air d’un poisson hors de l’eau avec votre bouche ouverte et vos yeux écarquillés. Allez, reprenez-vous dear personne ici ne va vous dévorer. » C’était déjà très amusant. Elle lui fourra sa coupe dans les mains pour pouvoir prendre sa baguette, passée à la ceinture de sa longue robe de soirée : « Tenez-moi ça un instant voulez-vous. Merci. » D’un sort elle suspend dans l’air l’assiette de petit four pour qu’elle n’ait plus à la tenir avant de ranger de nouveau sa baguette et de récupérer son champagne. « Voilà.  Bien bien, mon cher je ne sais pas ce que vous faites là mais vous avez l’air plus perdu qu’un nouveau né. Pauvre petit, vous avez perdu un pari ? Ou bien votre maman tient-elle très fort à ce que vous vous trouviez une fiancée ? » L’une des deux réponses devaient être nécessairement la bonne, à moins qu’il ne soit ici en mission d’inflitration pour le compte de quelqu’un : ce qui semblait plus qu’improbable cependant. « Enfin quoiqu’il en soit, vous avez fait un ou deux faux pas, mais rien d’irrattrapable, rassurez-vous. Vous vous appelez comment ? » Ce devait être un Sang Pur, mais pas un anglais, obviously et comme elle doutait qu’il prenne à un moment la parole si elle ne lui laissait pas une fenêtre suffisante, elle préférait tout bonnement lui poser cette simple question. Les gens autour d’eux continuaient de prendre soin à ne pas rencontrer le regard de l’étrange bonhomme tandis que d’autre scrutaient Eithne, comme intrigué par son choix de compagnon pour la soirée. C’était qu’ils ne la connaissaient pas suffisamment, le jour où Eithne s’acoquinera avec Monsieur Tout-le-Monde pour le temps d’un apéritif mondain, ce sera que l’apocalypse est en chemin.
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Alors là, non, madame, arrêtez d’m’regarder, j’sais que j’dois pas être là, pas la peine d’me le rappeler, madame, s’il-vous-plaît, c’est un peu gênant, on dirait que je vous fais très très rir- noooon, ne vous approchez pas, cette place n’est pas du tout libre, j’attends quelqu’un, j’vous assure, la sortie m’attend, j’vais y aller.
Elle tue dans l’œuf ta tentative de fuite en s’asseyant sur le bout de la chaise juste à côté de la tienne, avortant ton propre mouvement de te lever pour te carapater. On aurait presque dit que tu faisais le garçon poli dans le Magicobus qui laisse sa place à la p’tite vieille, à ceci près qu’il y avait cent milles chaises de libre autour de toi, et que t’as ce mouvement gênant de l’ado qui resserre les genoux, comme si madame allait le castrer.
Elle a les cheveux tout blancs, une robe très chère et des bijoux avec lesquels tu pourrais racheter tout ton immeuble. Elle a un beau visage, tendu et ferme par des années de mépris dans la haute cour ; à tous les coups, elle devait avoir une centaine d’années, genre, encore plus vieille que le Magister (parce que oui, tu avais appris y’a quelques jours qu’il était beaucoup plus vieux, à quelques résurrections près, de ce qu’on pouvait imaginer) mais grâce aux sortilèges et aux potions –voire même, grâce à un pacte avec le démon-, elle conservait une fraîcheur qui avait comme un parfum de champagne.
Mais surtout, plus encore que le luxe et le dédain, elle respirait un ennui profond. L’assiette en était le témoin le plus flagrant ; si bien que tu en viens à te demander si tu devais considérer tous les gens avec une assiette à la main comme des gens qui s’ennuient… Mouais, ça voudrait dire que toi, tu t’ennuies pas… il est par où le buffet ?

C’est de cette manière que tu cherchais à te dérober à ses yeux de braise, à laisser papillonner ton regard un peu partout dans la salle, lui conférant cette désagréable impression qu’elle parlait à une enveloppe corporelle vidée de son âme.
Néanmoins, tu refermes bouche et yeux lorsqu’elle te compare à de la poiscaille –voilà donc à quelle sauce elle allait te bouffer- parce que excusez-moi de vous contredire madame, mais si, effectivement, on va me dévorer, mille Sombrals, j’ai l’impression d’être à poil ! Par Merlin, comme ils disaient pour rester polis, t’aurais donné n’importe quoi pour te cacher derrière les capes de Rookwood, c’était lui, normalement, qui discutait avec les gens importants. La prochaine fois, promis, tu imprimes comment il fait.
Premièrement, il regarde le gens important dans les yeux. Allez promis, elle peut rien faire, à part lire dans ton esprit, et si c’était le cas, elle se retrouverait avec un avant-goût de ce qu’était un « error 404. Page not found » moldu.
Raté, c’est sur sa gorge que tu trébuches alors qu’elle extirpe sa baguette pour te l’enfoncer dans les yeux, parce que tu lui as piqué sa coupe de champagne –pourquoi t’as une coupe de champagne ?
Tu la regardes faire avec l’air béat d’un gamin de douze ans –ou d’un nouveau-né, au choix. Y’a pas à dire, elle se faisait bel et bien ch*er, avant de te tomber sur le coin du nez, parce qu’elle parle beaucoup, elle te parle même, ‘faudrait que tu songes à répondre.

« Murdock. Bacchus Murdock, de la province d’Ulster, comté d’Antrim, en Irlande… » elle avait un petit quelque chose dans son accent, mais t’étais pas encore sûr de si elle singeait l’accent irlandais ou si effectivement… « La Chaussée des géants ? » que tu l’interroges, le sourcil haussé, voir si ça lui parle –généralement, sorciers comme moldus affectionnaient ce site mythique, parce que ça y puait la magie à des kilomètres à la ronde.
T’étais pas le plus mal quand il s’agissait de te présenter, de un parce que tu avais fini par apprendre ce court discours par cœur, et ça s’entendait même clairement que tu le récitais ; deuxièmement parce que des quatre Clans, Ulster était celui qui présentement se rapprochait le plus de la politique puriste anglaise. De fait, si madame était d’ici, elle ne pouvait pas te reprocher de pouvoir mettre à mal les belles idées du Magister.
D’un autre côté, parfois, on se demandait si tu savais seulement de quoi il en retournait, hormis du fait que c’était à ces idées que Rookwood adhérait…

Tu lisses pensivement le tartan de ton kilt, les jambes ramassées sous ta chaise, là où on t’aurait habituellement vu affalé dans ton siège, quitte à occuper trois places ; pourquoi est-ce que ça devait être si court ? Tu déglutis un peu, en retenant avec peine un rictus penaud.
« Disons qu’j’ai perdu un pari avec ma mère » qu’elle aille au diable, ta vieille, beaucoup moins bien conservée que celle-ci « vu qu’ch’uis l’aîné » qui l’eut cru ; ton adorable ordure de benjamin t’aurait bien ri au nez « d’ailleurs, j’risque d’perdre encore plus » tu mimes une lame qui te tranche la gorge « si j’me dégote pas une fiancée, ouais » que c’est poétique, on dirait que tu en parles comme d’une pièce de viande. D’un autre côté, depuis le début de la soirée, c’était comme ça qu’on te dévisageait, comme une pièce du boucher, mais genre, passée depuis quelques mois, et pourtant toujours suspendue là, comme un gros saucisson. « Et à qui ai-je l’honneur ? Une habituée d’la criée ? » on remercie le patron pour la formule, plus efficace qu’un sortilège, y’a pas à dire ; chez toi, l’art de la mondanité s’assimilait sans peine aux cours de Défense contre les forces du mal. Pour pas dire que ta langue avait failli fourcher genre « à qui ai-je l’horreur » et la dame t’aurait foutu une trempe dont seule maman avait le secret.
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Cet homme était l’exact opposé des petits fours qu’elle enfournait : là où la nourriture devait coûter les yeux de la tête il avait cette petite odeur de cheap qu’on ne rencontrait pas beaucoup dans ce genre de soirées tant les invités se donnaient du mal pour impressionner leurs semblables. Les petites bouchées étaient délicieuses mais inintéressantes et ce jeune homme n’avait pas l’air délicieux mais tout à fait intéressant. Et elle avait les deux à portée de main : noël, pâques et toussaint comme disent les moldus, on ne pouvait pas rêver mieux. Elle le regardait s’agiter un peu à la manière d’une mouche qui aurait ses ailes collées dans du miel, il aurait bien aimé pouvoir s’envoler et foncer vers la sortie visiblement mais soit il était trop poli soit trop fier pour fuir dans tous les cas il resta les fesses vissées à sa chaise. Il n’était toutefois pas encore assez stressé pour ne pas répondre : « Murdock. Bacchus Murdock, de la province d’Ulster, comté d’Antrim, en Irlande… » Et voilà, un irlandais : elle savait les reconnaître. Enfin il fallait admettre que là elle n’avait absolument aucun mérite, un britannique fini qui n’aurait jamais quitté sa banlieue londonnienne s’en serait aperçu lui aussi. Bon en tout cas il fallait lui reconnaitre quelque chose, il ne bégayait pas ; c’était déjà beaucoup. « La Chaussée des géants ? » Voilà les irlandais du nord qui arrivaient avec leurs sites magiques, elle venait du sud : bien évidemment en soixante quinze ans de vie elle avait eu plusieurs fois l’occasion de mettre les pieds dans le nord de son île et plus particulièrement à Clochán na bhFómharach. Il fallait bien dire que ce n’était pas laid comme endroit, sensible à la magie comme elle l’était Eithne appréciait bien sûr ce genre d’endroit hors de tout, qui paraissait ancré dans une sorte de monde parallèle uniquement magique. « Disons qu’j’ai perdu un pari avec ma mère vu qu’ch’uis l’aîné. » Ah, d’un seul coup son ton était un peu différent… Ou plus que son ton, son élocution : son identité il l’avait décliné sans une petite faute sans doute parce que c’était un discours qu’il connaissait par cœur mais dès qu’il s’agissait de faire des phrases correctes au débottée, c’était autre chose visiblement. Elle cligna plusieurs fois des yeux comme pour s’assurer que cette merveille était bel et bien là et qu’elle n’avait pas halluciné sa présence. Oui, elle ne devenait pas folle, et pour en rajouter une couche il continua sur sa lancée. Splendide ! « D’ailleurs, j’risque d’perdre encore plus si j’me dégote pas une fiancée ouais. » et le voilà là-dessus qui fait mine de se trancher la gorge. Oh Lug et Dana mais il était juste à mourir ! Elle jeta un regard autour d’elle, à demi persuadé que si quelqu’un d’autre s’apercevait de sa présence on allait essayer de le lui voler. C’était son compagnon de soirée à elle. Et à personne d’autre ! Elle rapprocha sa chaise de lui, pour bien marquer son territoire. « Et à qui ai-je l’honneur ? Une habituée d’la criée ? » Elle en aurait presque manqué de s’étouffer avec son champagne, ce qui aurait été une cause de mort plutôt amusante. Elle n’avait en réalité pas l’habitude qu’on ne la connaisse pas, c’était extrêmement rafraichissant, vraiment c’était son Murdock à elle. « Eithne Ollivander, du Killarney. » Comme il se la ramenait avec son nord de l’Irlande, elle se la ramenait avec le sud, y avait pas de raison. « Et oui on peut dire que contrairement à vous dear je suis une habituée. » Elle tapota d’un air extrêmement maternel la jambe de Bacchus la plus proche d’elle en sachant très bien que ce geste le mettrait certainement très mal à l’aise. C’était ça qui était amusant. « Je suis vraiment navrée d’avoir à vous l’exposer dans ces termes mais ce n’est pas comme ça que vous vous trouverez une fiancée… Votre mère va devoir vous égorger je le crains. » Plus que de lui tapoter la jambe elle attrapa un pan du kilt entre son pouce et son index comme pour signifier que c’était bien ça qui focalisait toute son attention. « Une petite anglaise ne viendra jamais vers un homme qui porte ça. Et même si d’aventure ça arrivait les parents ne seraient pas d’accord pour un mariage. Règle numéro un mon chéri : leur faire croire que vous êtes comme eux. Sinon on les effraie, c’est comme les bêtes sauvages. Règle numéro deux : il faut absolument arrêter d’avaler les syllabes. Ça fait prolétaire. Est-ce que vous pensez que Monsieur Abbot va accepter de marier sa fille unique à un homme qui parle comme les voleurs de la rue ? » Et y avait beaucoup d’autres choses à régler s’il voulait se trouver quelqu’un de manière naturelle, c'est-à-dire sans forcer une pauvre femme au mariage par un quelconque arrangement. Mais ces deux points là étaient les plus importants. « Vous n’avez pas l’air de quelqu’un qui bosse dans les bureaux dear, et je ne vous avais encore jamais vu : qu’est-ce qu’un brave irlandais prêt à faire plaisir à sa maman fait à Londres ? »

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Tu connaissais le nom de la boutique de baguettes de quand vous étiez à Poudlard, sauf qu’à l’époque, c’était déjà trop cher pour toi, du coup, t’attendais toujours tes petits camarades à l’entrée de l’échoppe, tandis qu’ils prenaient un temps fou à choisir –même si c’était plutôt les baguettes qui étaient capricieuses, comme si elles pressentaient qu’il fallait y aller avec des baguettes –justement- avec ces garnements là. Tes parents avaient beau vouloir que tu flambes, ils auraient certainement dû hypothéquer le manoir pour t’en payer une. De fait, maman t’avait discrètement conduit dans une boutique encore plus étriquée et moins recommandable bien que tenue aussi par un Irlandais. Là-bas, pas de crin de licorne ou de plume de phénix, mais des cœurs de baguette moins nobles et plus douteux.
De fait, t’ouvres de grands yeux ronds comme des billes quand elle se présente, comme si t’avais à faire à une star du showbiz sorcier –quand bien même, t’étais plus content de savoir qu’elle était irlandaise que l’épouse de cet Ollivander. Et au final, c’était un peu ça. Si tu n’avais pas déjà eu l’occasion de jouer les gardes du corps pour quelques enfants terribles de la haute, tu lui aurais tendu une serviette en papier pour qu’elle y signe un autographe.

Tu passes de l’émerveillement à l’effroi lorsque tu sens le contact un peu tiède de l’une de ses bagues contre ta cuisse. A tous les coups, elle a pu sentir tous les muscles de ta jambe se tendre, comme dans le reste de ton corps, contenant pour sa part une bonne tranche de rire. C’eût été malappris de te défiler, alors tu préfères rester vissé à ta chaise, rouge comme une pucelle à qui on aurait fait du pied sous la table.
Et comme ça aurait été trop facile si elle s’était arrêtée là, voilà que la dame te triture le kilt, que tu trouvais déjà suffisamment court pour qu’en plus elle s’amuse à le soulever. On pourrait presque voir ton âme s’échapper par tes trous de nez, alors que dans un grognement un peu sourd, tu feignes croiser les jambes –grossière erreur quand on n’est pas en pantalon, mon joli- pour échapper à sa main baladeuse.
« Ouais mais bon, il est dans not’ famille depuis la nuit des temps, c’kilt » que tu bougonnes sans grande conviction comme un môme. Toutefois, tu notes l’excuse, la prochaine fois, quand maman enverra une beuglante pour te signaler le prochain bal costumé.

Tu tombes sur le regard effaré d’une dame qui observait dans ta direction et le temps de réaction que tu as est magistral, avant que tu ne comprennes qu’il fallait que tu décroises les jambes avant de faire d’autres victimes. Espérant naïvement que ta compagne ne remarque rien, tu réponds promptement pour détourner son attention de tes pitreries, sans même penser un seul instant qu’elle puisse être refroidie par ton job ou ton bord idéologique.
« J’bosse au Ministère, ch’uis rafleur et… adjoint ? …’fin genre homme à tout faire… bref, j’travaille pour m’sieur Rookwood aussi. » ouh t’avais eu du mal mon grand –c’est vrai ça, t’es quoi au final, pour lui ? t’es même pas payé pour les heures sup’ que tu fais avec lui ; et tu saurais même pas dire pourquoi t’avais jugé bon de parler de lui, comme si t’espérais qu’elle sache de qui il s’agissait –ou même qu’elle soit impressionnée parce qu’il est quand même stylé Rookwood, hein ??? Parce que oui, pour toi, c’était impensable qu’on puisse cracher sur ton bien-aimé patron, surtout quand, comme madame Ollivander, on avait un minimum de classe. Qui sait, ça vous aurait fait un point commun en plus du fait que vous vous teniez compagnie mutuellement.

Un haussement d’épaule « Après, on peut aussi dire qu’je bosse dans les bureaux, hein, j’en ai presque un, et ça f’ra sûrement moins peur aux parents » tu vois, quand tu veux, tu sais ret’nir quelques trucs, même si l’articulation, c’était pas encore ça, malgré la musique qui commençait à s’élever, pompeuse et pesante comme un air lourd d’orage.
Le centre de la salle s’était peu à peu dégagé et à présent, des couples s’avançaient bras dessus bras dessous, prenant leurs marques avant de s’élancer dans des valses tendues comme si leur nimbus 2000 était planté dans leur c…
Bon au moins, ils avaient autre chose à foutre que de dévisager tes jambes poilues.
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Une fois, en 1985, Garrick et elle avait fait la rencontre d’un certain Eudes Philibert Howard : un homme… mais savoureux, savoureux ! Eithne avait tellement rit qu’elle avait insisté pour se rendre à une autre soirée juste parce qu’elle avait appris qu’il y serait aussi. Garrick lui-même (qui était pourtant plus bienveillant qu’Eithne) avait trouvé le personnage à se tordre. Il fallait imaginer le petit noblion anglais, pas sang pur pour un sous mais aristocrate selon la mode moldue britannique, qui tentait d’imiter avec force mimique l’élite sorcière. À mourir. Garrick et elle avait d’ailleurs décrété qu’on ne pourrait jamais trouver une meilleure perle. Et quand son nom fut rajouter au nombre des victimes de cette sale guerre, en 1998, Eithne en aurait presque versée une larme. D’abord son époux puis lui ? Eudes Philibert Howard ? Ce monde n’avait vraiment aucune pitié.

Aujourd’hui toutefois elle avait trouvé son nouveau Eudes. Et même mieux sans doute. Désolé Garrick mais E.P. Howard venait de se faire détrôné (il conserverait tout de même une part de son titre, honneur post-mortem oblige) ; est-ce que ce garçon venait de croiser les jambes ? Elle dut grignoter un nouveau petit four pour qu’il ne puisse pas remarquer son hilarité. « Ouais mais bon, il est dans not’ famille depuis la nuit des temps, c’kilt. » Elle avale rapidement la dernière bouchée de mini-toast à la crevette pour lui répondre, avec l’air de celle qui savait : « Oui enfin Miss Bulstrode que vous voyez là bas dit la même chose de sa robe mais vous êtes d’accord que ce n’est pas une excuse. » Elle reprend un nouveau petit four avant de rajouter : « On en a condamné pour moins que ça. » Et le voilà qui décroise les jambes, enthousiaste Eithne lève la tête pour voir qui est l’heureuse victime et plaque sa main contre la bouche pour étouffer son rire en constatant l’air profondément choqué de Madame Flint. C’est certain que ça doit la changer de Monsieur Flint. Elle tique quand finalement Murdock répond à sa question : « J’bosse au Ministère, ch’uis rafleur et… adjoint ? » Elle plisse un peu des yeux, les Rafleurs n’étaient pas spécialement le genre de personne avec qui elle entretenait des liens chaleureux mais surtout ce qui la faisait tiquer dans sa réponse c’était le manque flagrant d’assurance. Est-ce que c’était une interrogation ? Que pouvait-elle savoir s’il était adjoint ou non ? D’expérience si le statut n’était pas clair, c’est qu’il ne l’était pas. Adjoint de quoi en plus, il n’y avait pas grand-chose à adjoindre dans ce bazar sans nom qu’était devenu la Justice Magique. Elle hausse les sourcils, fait claquer sa langue contre ses dents avant de boire une nouvelle gorgée de champagne. « … ‘fin genre homme à tout faire. » C’était presque trop beau de l’imaginer en train de passer le balai dans les couloirs étroits du niveau deux. Une nouvelle gorgée de champagne. Mais c’est qu’elle allait bientôt avoir fini sa coupe… « … bref, j’travaille pour m’sieur Rookwood aussi. » Elle n’aurait pas l’audace de dire qu’elle s’y connaissait un peu sur commet fonctionnait le gouvernement, mais elle avait la vague impression que Rookwood était le directeur du département des Mystère et que les Rafleurs dépendaient de la Justice. Après c’était fort possible que Rookwood ait réquisitionné ce garçon, qui était vraiment un Mystère au niveau de l’évolution. Elle vida son verre d’un geste sec avant de le reposer en lévitation à coté d’elle. « Après, on peut aussi dire qu’je bosse dans les bureaux, hein, j’en ai presque un, et ça f’ra sûrement moins peur aux parents. » Sur la piste, les invités commençaient à se mettre en couple pour danser, Eithne en observait certain du coin de l’œil, histoire de pouvoir suivre qui était avec qui. « Oui enfin pour vous laisser sortir comme ça vos parents n’ont certainement peur de rien. » fait-elle avec un petit sourire. Elle claque des doigts pour attirer l’attention d’un serveur : « Dear une nouvelle coupe de champagne, et une autre pour Monsieur. Allons dépêche toi. » « Oui Madame Ollivander. » Eithne le regarde partir puis s’installe encore plus confortablement sur sa chaise.

« Alors un Rafleur… C’est fou on ne s’en serait absolument pas douté vu votre allure générale. » Est-ce qu’il était capable de relever l’ironie quand on lui la versait sur la tête sans préavis ? Oui tout de même, elle avait la vague espoir que Lestrange n’engageait pas que des imbéciles dans son département. « Et qui travaille pour Rookwood. » Comme elle n’avait plus de champagne à siroter elle continua de grignoter des petits fours d’un air très flegmatique. « Le mêlé. Alors dites moi, est-ce qu’il est aussi coincé qu’on le dit ? » Elle lance un regard à l’assiette qui commençait à se vider, un regard de tristesse avant de continuer : « Qu’est ce qu’il essaye de faire dans son département ? Trouver une méthode pour purifier son sang sans risquer de trop perdre de neurones ? » Le serveur reparait avec deux coupes de champagne, Eithne les prend et en tend une à Bacchus avant de lever la sienne, comme pour trinquer : « À votre patron Monsieur Murdock. » fait-elle avec un petit rire.

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Avant de faire d’autres victimes – ou d’autres heureuses, tout dépend du point de vue-, tu optes pour ancrer tes grosses pattes au sol, allant jusqu’à calculer la distance séparant tes deux pieds, le plus consciencieusement possible pour un être limité comme toi, et d’appuyer coudes et avant-bras sur tes cuisses, les poings entrelacés, le regard bas, comme ça, t’as personne à regarder que les chaussures brillantes des gens qui tournent lentement dans des bruissements d’étoffes encore plus brillantes, sans doute à grands renforts de sortilèges.
Bon, t’as quand même vaguement jeté un regard à cette miss Bulstrode, sans vraiment relever la faute de goût, au vu de l’intérêt limité que tu pouvais porter aux garde-robes féminines –non, y’a rien de sous-entendu là-dedans, juste que t’étais trop habitué aux tenues sobres de Zaïtseva et d’Imogene, et plus encore aux complets impeccables de Rookwood. C’est tout.
Après mûres réflexions, tu finis par marmonner « J’crains cependant d’pas avoir grand-chose d’autre » Mais ça, c’était juste avant que l’atmosphère déployé juste au-dessus de vos têtes ne change légèrement, imperceptible, comme une petite décharge d’électricité dans l’air.

Parce que t’avais tendance à oublier que dans l’histoire, grossièrement, c’était vous les méchants. Et que toi, dans ce camp des méchants, tu faisais partie de la lie, des sous-fifres, ceux qui, dans les contes pour enfant, ont une bosse ou un rire bizarre, se font marcher dessus ou donner des coups de pieds dans le derrière. Ceux qui meurent même pas à la fin parce que trop cons pour mourir.
Et disons que, sur ce coup-là, tes parents étaient pas derrière toi pour t’aider à discerner le bien du mal. Vous faisiez pas dans la nuance dans votre famille –si bien que, quelques décennies plus tôt, un ancêtre avait pas discerné sa sœur de sa femme. Et pour ta part, tu les aidais pas à y voir plus clair, puisque lorsque tu en venais à devoir parler de ton boulot, tu restais évasif ; preuve que t’avais une cervelle quand ça s’avérait nécessaire, vu que tu te contentais d’insister sur les points qui leur feraient plaisir, à savoir : travail pour le Ministère, Rabastan Lestrange, Augustus Rookwood. Tes parents avaient peu de scrupules à s’interroger sur le bien-pensant des bras droits tentaculaires du Magister. De fait, ils te pardonnaient jusqu’à la prochaine lettre ta dévotion pour ton travail, et ton manquement à passer la bague au doigt d’une demoiselle. Jusqu’à la prochaine lettre qui se faisait attendre, et maman s’arrachait les cheveux à l’idée de ne toujours pas avoir de petits enfants dont elle pourrait tirer les joues dodues dans tous les sens.

En attendant, c’était des vers que la madame te tirait des trous de nez. Et encore, tu ne soupçonnais pas une seconde qu’elle puisse s’amuser à te faire rager sur ce gueux de sang-mêlé de Rookwood.
Statut dont tu n’avais pas tout de suite pris connaissance, parce que maman avait essayé de te faire apprendre par cœur les grandes familles de sang-pur anglais, mais ça n'avait pas été une mince affaire ; et puis, jusqu'à une certaine période fatidique, les Rookwood en avaient fait partie. Et puis, par la suite, quand l'information s'était imposée à toi, t'étais déjà trop endoctriné, trop à sa botte pour oser revenir sur ta décision. Un esprit plus tordu aurait pensé que Rookwood avait justement jeté son dévolu sur toi, un sang-pur tellement impeccable que pas net, comme une petite revanche prise sur cette pureté qu'il avait pas été foutu de conserver.
Habituellement, ils étaient déjà pas nombreux à revenir sur ses ancêtres, du coup, tu te contentais de faire la sourde oreille auprès de ceux qui avaient le culot de le lui rappeler. Disons que c'était l'exception qui confirmait la règle.

De fait, t’es resté complètement interdit quand madame Ollivander l'a appelé simplement "le mêlé" - comme si c'était la seule chose qu'on retenait de lui, comme une tache de foutre sur un costume noir (oui, je tenais à cette comparaison). C'était sans doute la première fois que tu expérimentais ce genre de sentiment; c'était pas totalement de l'agacement, ni de la jalousie, mais disons que tu étais outré par la manière dont elle parlait de lui, avec cette désinvolture, pour ne pas dire avec cette pointe de mépris. C'EST MOI OU ELLE SE FOUTAIT DE TON PATRON ?? Non, tu refusais de croire que cette dame de bonne éducation s'en prenait à l'un de ses comparses de bonne éducation... Ou disons que tu te voyais mal la chopper par le col (déjà, parce qu'elle n'en portait pas), ou la plaquer au sol pour lui demander de répéter, avant de la finir à coups de poing.

On voit clairement ta mâchoire qui se crispe et les ailes de tes narines qui palpitent, alors que le serveur revient avec vos coupes de champagne qu’il est obligé de te glisser dans la main à grands renforts de serviette en papier, comme s’il avait peur que t’en foutes partout parce que t’aurais lapé l’intérieur de ta coupe. Et pourquoi pas une paille tant qu’on y est, non mais, ‘fallait pas exagérer non pl… ah bah si, parce que tu t’étouffes avant même d’avoir bu et tu plaques la serviette contre tes crocs que tu la boufferais presque.

Finalement, tu optes pour vaguement protester, parce que sinon tu aboierais très fort mais c'est pas vraiment le moment, ni l’endroit, ni la tenue vestimentaire, t’es trop vulnérable là.
Coincé, coincé, parfois, t'aimerais bien qu'il soit un peu plus coincé, justement, quand il piétinait ton espace personnel sans vergogne, le sourire aux lèvres, alors qu'il fout ses chaussures toutes vernies dans ta boue à toi. T'aimerais bien qu'il soit un peu plus coincé quand il souffle dans ton oreille pour dire des choses que t'arrives même pas à écouter tellement il les dit de près. Et puis elle pouvait parler, elle, à bouffer ses gâteaux tellement du bout des lèvres que ça relevait du miracle qu’il y en ait pas encore un qui soit tombé dans son décolleté. Et mon poing, il va se coincer entre vos rides, si j’vous tape, madame ?

T’es même trop agacé pour relever l’allusion qu’elle fait aux tarés congénitaux que pouvaient être les sangs-pur (hashtag toi-même), parce que tu réalises (oui, après cinq ans de vie quasi-commune), que tu n’avais pas la moindre idée de ce qu’il manigançait dans son département.  
Il ne t'en parlait jamais, tu y grimpais régulièrement mais jamais très longtemps, ou du moins, jamais au-delà de son bureau dans lequel tu pouvais mariner indéfiniment, attendant que monsieur se décide à bouger. Et le reste du temps, quand t’essayais de te renseigner auprès des autres départements, on te riait au nez ou on te répondait d'une manière aussi vague que ce que tu savais déjà.

De fait, quand elle fait mine de lever son verre à ce très cher Rookwood, t’as pas le temps de l’imiter que ta coupe se fissure entre tes gros doigts, trahissant une fois encore ton énervement contenu avec peine.
Tu finis ton champagne en moins de temps qu’il ne faut pour dire « homo », imbibant par la même le bout de serviette coincé entre tes crocs.
« J’fais pas gaffe à c’qu’on dit sur lui » tu parles, tu ne vis que pour ça, à rôder partout dans la ruche, à l’affût des rumeurs « coincé ou pas, c’est un bon patron » hun hun, sacrément bon alors « qui travaille… sur des trucs importants » mais encore ? « on a pas l’droit d’en parler aux autres » au risque de choquer l’éthique « alors j’peux rien vous dire » à part que je transpire d’admiration si ce n’est d’autre chose pour le monsieur sur qui vous venez de cracher.

Comme si ça pouvait lui faire peur qu’un chiot lui montre les crocs.
Toutefois, malgré cette animosité naissante, tu te voyais mal la planter là, parce que c’était tout de même la seule à être venue te faire la causette. De fait, persuadé que tous tes états excédés étaient passés inaperçus, tu feignes une certaine curiosité désintéressée, ce qui donne un air passablement hilarant sur ta face burinée. « Et du coup, heu… vous l’connaissez comment, m’sieur Rookwood ? »


Dernière édition par Bacchus A. Murdock le Dim 24 Juil 2016 - 1:19, édité 1 fois
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Elle ne pensait pas tomber aussi juste du premier coup. Lorsqu’elle leva sa coupe de champagne, c’était plutôt à elle qu’elle portait ce toast. À elle et à son nez qui continuait de flérer les bon cas ainsi qu’à son cerveau qui l’aiguillait sur les bons sujets. Elle ne perdait pas la main, à croire même qu’elle gagnait en coup critique. Une histoire de karma certainement, quelque part, il devait y avoir une personne qui souffrait terriblement pour ce coup de chance que venait d’avoir Eithne et appuyant juste sur le point sensible du brave Murdock. Mais alors souffrir… bien quoi, vu comment elle-même était satisfaite. Elle espérait que c’était un Mangemort. C’était un spectacle pour le moins comique, que de voir ce garçon manquer de briser son verre de rage et manger sa serviette de frustration. Elle de son coté sirotait gaiement son champagne et grignotait ses petits fours. Elle allait peut être assister à une sorte d’éruption. Elle avait été non loin de l’Etna lors d’une de ses éruption volcanique et c’était un spectacle intéressant (en plus d’être esthétique). Elle se demandait si Murdock était plutôt du style explosif — nul besoin de dessin, ou effusif (du genre à se liquifier dans une grande flaque de frustration et d’indignation). Visiblement il jouait des pieds et des mains pour tâcher de se contrôler, ce qui faisait qu’en lieu et place d’un évènement volcanique on avait plus affaire à de l’eau bouillante qui déborderait un peu de la casserole.

Elle avait fini les petits fours, c’était bien triste.
« J’fais pas gaffe à c’qu’on dit sur lui. » Ah tiens ? Pourtant sa superbe réaction digne d’un sous-fiffre de conte pour enfant lui murmurait le contraire. « coincé ou pas, c’est un bon patron qui travaille… sur des trucs importants on a pas l’droit d’en parler aux autres alors j’peux rien vous dire. » Eithne rit et lui tapote l’épaule avec d’un geste paternaliste « Un vrai champion de la rhétorique, c’est lui qui vous a appris à parler aussi bien ? Entre deux ou trois travaux dont vous n’avez pas l’droit de me parler ? » Elle baisse un peu le ton et rajoute avec un air bienveillant et supérieur « Rhétorique, c’est l’art de bien savoir parler. » Au cas où le jeune homme ne serait pas vraiment au courant de la définition du mot. C’était amusant de l’entendre parler des expériences du niveau 9, Eithne doutait très fortement que ce gaillard ait le droit d’approcher de près ou de loin les choses secrètes que les langues-de-plomb fabriquaient là bas. Mais lui poser la question pour le regarder se dépêtrer était trop divertissant pour songer à faire l’impasse. « De toute manière vous ne devez pas être au courant de grand-chose, rassurez-vous dear vous n’avez pas de secret à divulguer. Je doute que des personnes comme Rookwood fasse confiance à des hommes comme vous. Qui ne sont pas directement ses subordonnés je veux dire. » Ce n’était pas ce qu’elle avait voulut dire, elle avait voulu dire à des hommes comme vous, des imbéciles je veux dire. Elle aurait même rajouté imbécile heureux. Ou imbécile indigné en cet instant. Il était mignon allez. Elle lui adressa un large sourire tout en continuant de siroter son champagne.

« Et du coup, heu… vous l’connaissez comment, m’sieur Rookwood ? » Son sourire se fit un peu plus bienveillant que moqueur « Une autre règle, mon enfant, pour s’en sortir en société tu dois toujours connaitre tout le monde. » Elle fit un large geste pour désigner toutes les personnes qui dansaient devant eux « Vous les voyez, tous ces gens, il n’y a pas un seul qui me soit inconnu — sauf vraiment les plus insignifiants. » Elle croise nonchalamment les jambes « Leur nom et prénom, ceux de leur enfants, ceux de leurs animaux… Hélas la mémoire n’est pas si selective et retient des choses bien ennuyante. Mais c’est comme ça que ça marche. » Elle ne perd pas une once de son sourire tout en répondant vaguement à un geste poli d’un homme de l’élite, posté à l’autre bout de la salle avant de se retourner vers Murdock. « Votre monsieur Rookwood je l’ai connu parce que contrairement à d’autres j’étais née et assez âgée pour me souvenir de son arrestation, il y a un peu plus de vingt ans de cela. » Elle penche légèrement la tête de coté, avec un regard d’indulgence vers celui qui n’avait pas l’honneur d’avoir vécu une telle période (enfin qui l’avait certes connu — il avait plus de vingt ans tout de même, mais qui ne devait plus s’en rappeler) « Je n’ai pas débouché le champagne mais le cœur y était. » Elle termine sa coupe (et il devrait faire des verres plus grand, c’était sincèrement honteux) « Ensuite j’ai malheureusement rencontré son chemin plusieurs fois de suite ces dernières années sans que nous ayons à vraiment nous parler, merci Lug ! » Elle soupire et tapote une nouvelle fois la main de Murdock très rapidement « Enfin, je ne doute pas un seul instant que ce soit un homme très intéressant et très cultivé. En tout cas c’est l’air qu’il donne. Bien dommage tout ça, bien dommage. »



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Jusqu’à présent, tu n’avais jamais douté de ton utilité, du simple fait que Rookwood continuait de t’envoyer par-ci, par-là, à des tâches plus ou moins ingrates – que ce soit pour aller chercher un paquet à l’herboristerie du coin, ou pour aller torturer la femme et le fils du susdit herboriste. C’est d’ailleurs grâce à cette certitude que tu lui servais que tu avais réussi jusque là à n’amocher qu’un peu l’un ou l’autre de ses autres petits protégés ; j’ai nommé Mayfair, Zaïtseva, Nott et compagnie. Parce qu’ils étaient bien jolis avec leur mise en pli et leurs lettres de recommandation de tous les professeurs de Poudlard, il était toujours plus embêtant de courser le fugitif en talons hauts, n’est-ce pas ? De fait, s’ils te surpassaient en théorie, tu étais certain que dans la pratique, c’est toi qui remportais la palme. Congrats, fuckboy. Mais qu’à cela ne tienne, t’avais pas pigé que du coup, eux, avaient une chance d’être un jour considérés comme les très chers –dans tous les sens du terme- collègues de Rookwood, quand toi, de ton côté, tu te cantonnerais éternellement au rôle de sous-fifre passionné.
La gueuse pouvait donc te rabaisser autant qu’elle le voulait, sous prétexte que Rookwood n’était pas ton supérieur direct (tu redoutais cependant le jour où ce ne serait plus elle, mais Lestrange en personne qui te le ferait remarquer), le Poudlard express de sa raillerie roulait sur les railles de ton indifférence… à ceci près que tu as le plus délicatement possible posé la coupe de champagne sur la chaise voisine au risque de la briser.

Tout comme les affaires qu’il dirigeait dans l’ombre de son département, tu étais bien peu au courant de ce qui s’était tramé il y a vingt ans de cela. Tu n’avais pas encore dix ans à l’époque –quoique, t’étais déjà aussi brillant qu’aujourd’hui, à trois poils près. Tes parents avaient très certainement suivi ce qui se disait sur les procès dans les journaux – à grands renforts de trouvailles de plume à papote. Tu visualisais de là le froncement de sourcils soucieux de ton père, appuyé par les soupirs décontenancés de ta mère entre deux commentaires désobligeants, quand quelques semaines auparavant, elle ne jurait que par les Lestrange.
Oui t’avais clairement tendance à oublier qu’auparavant, faute de t’avoir sous le coude pour accomplir le sale boulot, le jeune Rookwood –ouh, quelle douce image- se chargeait lui-même de se salir les mains.

« Ouais, bah il a beau être comme vous » et par là, tu voulais sûrement dire vieux, bien habillé et trop maniéré, « y’m’juge pas » que tu crois. « j’veux dire que… il veut bien qu’j’travaille pour lui alors qu’il aurait pu choisir quelqu’un d’autre de plus… » de plus beaucoup de choses, mon grand « qui parle mieux » mais encore.
Un peu plus, et on lui aurait donné le bon Dieu sans confession à ce Rookwood là.
Toutefois, il aurait été naïf de penser que tu ignorais ses défauts, pour ne pas dire que tu étais en première ligne pour les apprécier, puisque sous-fifre, ça allait avec sous-f-fre-douleur.
De fait, après un temps de silence à malmener le bord de ton kilt, tu ajoutes « J’dis pas qu’il est parfait » t’oses pas trop la regarder, mais le regard qu’elle a à affronter de temps à autre et trop farouche pour être celui d’un simple subalterne « il a dû vivre et faire des choses horribles » c’était pas peu dire « p’t’être même pas tout l’temps justifiées » disons que la team mangemorts avaient le don de pondre des justifications à tout bout de champ « mais c’est comme si malgré tout ça » un nouveau silence, sur fond vrombissant de violons « il reste très beau » et on ressent bien, à la manière que tu as eue d’extraire ce mot comme une douille d’une blessure par balle, que tu lui confies pas simplement qu’il avait fière allure et une parfaite mise en pli. C’était plus profond que ça ; et surtout, indéniable, même si pour les plus grands, cela relevait davantage de l’hypocrisie et de la superficialité que d’une véritable beauté intérieure.
Trop propre sur lui pour être honnête. Et c’était précisément parce que tu avais l’intime conviction que tout ce joli édifice était bâti sur des sables mouvants qui n’attendaient qu’une fenêtre pour s’ouvrir et tout engloutir que tu attendais, docilement, tapi dans son ombre comme un crocodile à l’ombre des arbres dans la mangrove.

En attendant, c’était tout mignon et dégoulinant de bon sentiment. D’un autre côté, tu te serais mal vu lui confier toutes les choses que tu aurais voulu faire à cet homme magnifique et son allure impeccable. Parce que ce qui est nickel ne demande qu’à être niqué…
Disons que ça pourrait fleurer bon le romantisme si t’avais pas la voix aussi rauque et les sourcils aussi froncés alors que tu dressais un éloge balbutiant de ton maître. Il ne faut pas se demander davantage pourquoi les chiens n’étaient habituellement pas doués de parole.
« Et puis, au final, sur certains points, z’êtes pareils, lui et vous ; vous êtes v’nue m’faire la discut’ alors que n’importe qui d’autres m’aurait fui comme la peste moldue. »
Ouais, ‘faut vraiment pas se demander pourquoi.

Et, puisque vous étiez désormais dans un petit jeu de « j’aime/j’aime pas Augustus Rookwood », tu te décidais à vous mettre mal à l’aise tous les deux.
Te voilà donc debout, une main tendue vers elle, massif qui attire les regards de ce simple mouvement, histoire qu’elle ne puisse pas refuser. « A vous d’me prouver qu’vous dansez mieux qu’lui »
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