Alastar & Sinead

You don't need to blame yourself just because you've hurt someone, just like when you're walking you can't really blame yourself to crush some ants... that's what being stronger ones means.

(everybody wants to rule the world) ●●● Une fois, deux fois - c'était un hasard probablement, une coïncidence peut-être. Cambridge n'était pas une ville si grande que ça et croiser la même personne, une fois, deux fois, ce n'était pas tellement rare. La troisième fois, Vincianne s'était méfiée et sa paranoïa naturelle s'était réveillée, dérangée par l'intrusion de l'étranger à la silhouette trop familière désormais. A la quatrième, elle avait été convaincue et la probabilité, si mince soit-elle, était déjà de trop. Puis elle l'avait laissé faire, quelques fois encore, pour mieux l'observer et faire un peu d'intox. De proie à chasseur, elle avait alterné les rôles, se glissant dans une peau, puis dans une autre avec la facilité de l'habitude. Et elle l'avait capturé une fois qu'elle s'était lassée de laisser tourner autour d'elle un rapace avide d'informations.

A ce moment, ça avait commencé à devenir sérieusement contrariant.
Et Vincianne n'avait jamais beaucoup de patience pour ce genre de choses - celles en travers de ses objectifs, du plus petit grain de sable au rouage grippé, incapable de tourner sur son axe. Elle ne laissait jamais ces variables traîner bien longtemps dans ses calculs - question de garantie, ce n'était pas la politique de la maison de laisser quelques inconnues importunes plomber un résultat prometteur.

C'est pour toutes ces raisons, saupoudrées d'une curiosité certaine et d'une envie de rétablir l'équilibre entre eux, qu'il la trouve perchée en haut du perron de Wasteland House, plutôt qu'à son bureau, décor habituel de leurs rencontres. Aujourd'hui, la visiteuse se présente, inattendue et sans se faire annoncer - du moins, elle le suppose comme elle suppose la demeure vide de vie. Visage voilé de contre-jours et fine silhouette dont le trench noir corbeau tranche dans la grisaille anglaise, Sinead ne semble dérangée ni par le froid qui lui mord la peau, ni par l'humidité qui alourdit ses boucles alors qu'elle attend, négligemment adossée au mur, juste à côté de la porte. Au-dessus d'eux, comme dans probablement tout le reste du Royaume-Uni, une forte pluie d'Automne abreuve la terre, tache la pierre des briques et l'armoise des toits depuis plusieurs jours. « I don't have the gift I promised you last time, annonce-t-elle d'emblée, en enfant cruelle, quand il la rejoint, à l'abri sous le porche. Lentement, comme un chat s'étire, le corps aux attaches fines quitte son appui contre le mur et une main est tendue vers Alastar, amicale semble-t-il : But I have something else you'll be interested in. » Aujourd'hui, pourtant, le sourire taquin que dessinent ses lèvres pleines ne monte pas totalement jusqu'au regard fauve. Et les deux iris le fixent avec une intensité rare depuis qu'Alastar est arrivé - prédateurs, guetteurs, ils ne l'ont pas lâché, accrochés à ses moindres gestes, comme s'ils cherchaient à lire quelque chose dans la gestuelle du sorcier.

(Est-il sur le point de devenir une de ces inconnues traîtresses ou pas ?)