sorry never made it feel alright
Elijah ne parvient pas à fermer les yeux. Tout comme la nuit dernière, et celle d'avant, le sommeil le fuit et garde ses paupières grandes ouvertes jusqu'à l'aube. Autour de lui, dans les pièces et les lits attenants, il perçoit la respiration basse et lente de ses camarades qui profitent de leur nouveau confort. Depuis leur reprise du château, il est vrai que leurs conditions se sont largement améliorées et qu'ils dorment pour la première fois emmitoufflés dans des draps propres. Même les quelques courants d'air de Poudlard ne sont rien comparés à leurs anciennes conditions de vie. Leurs boucliers ne faiblissent pas et la promesse de leurs alliés étrangers redonnent à tous un peu de baume au coeur. Pourtant, malgré cela, le sorcier comptait encore et encore les briques qui composaient le mur d'en face. Trop de choses tournaient dans sa tête. Trop de souvenirs. Trop de visages perdus. Trop de batailles qu'il avait vu défiler sans pouvoir rien y faire. Et toujours la même rengaine... La douleur de ceux qui partaient et surtout de ceux qui restaient.
Parmi les réfugiés, quelques sanglots lui parvenaient parfois, étouffé par la honte et le creux des oreillers. Ils avaient tous beaucoup perdus dans cette guerre et Elijah se demandait parfois jusqu'où cela s'arrêtait - quelles extrémités seraient-ils prêt à prendre pour protéger leurs enfants, leurs frères, leurs mères... Combien de sorts encore devraient fuser avant que les corps ne cessent de tomber ?
L'homme grogna et se retourna à nouveau dans son lit. Il n'y avait rien à faire : les images étaient trop nombreuses pour lui permettre de se reposer. Et puis, il y avait autre chose... Il sentait le loup remuer en lui, grognant et crachant comme s'il tentait d'émerger ou, à défaut, de lui
dire quelque chose. Elijah se fichait bien de ce qu'il pouvait avoir à lui dire. Il se retourna une nouvelle fois. Puis il abandonna et se leva, repoussant les draps avec agacement. Il n'y parviendrait pas ce soir.
L'air frais de la nuit le frappa de plein fouet lorsqu'il mit le nez dehors. Ses mains se resserrèrent autour de sa veste. Il avait laissé ses jambes le guider et la vue du parc, familier, l'avait rasséréné. Pourtant, au fond de lui, le loup s'agitait toujours.
Ferme-la, pensa--il d'un ton amer. Il n'avait vraiment pas besoin de ça. Pas besoin de son acharnement et de sa colère qu'il sentait gronder, bouillonner de plus en plus au creux de ses veines. Comme si quelque chose l'avait mis en rogne. Non, pas quelque chose...
Quelqu'un. Comment avait-il pu ignorer sa présence jusque là ? Maintenant qu'il l'avait repéré, Elijah pouvait la sentir partout. Le chemin qu'elle avait emprunté pour descendre dans les ténèbres du parc, l'éclat de ses cheveux trop roux dans la nuit et, surtout, l'odeur d'alcool qui empestait sur sa peau. Le loup grogna, Elijah aussi. Ses pas font le reste du chemin jusqu'à ce que les images se superposent à ses sens. Elle est là. Elle détourne la tête, ses joues rougissent. Il la trouverait presque jolie s'il n'était pas autant en colère. Ses yeux dérivent sur la bouteille d'alcool qui gît à côté, déjà presque vide. Puis ils se fixent à nouveau sur ses lèvres qui tremblotent, incertaine, lorsqu'elle lui jette quelques mots. «
Qu’est-ce que tu veux ? » Il serre les dents et ravale les mots qu'il voudrait lui cracher. Il sait que son loup déteste qu'elle joue ainsi avec ses limites, mais c'est lui aussi - lui qui ne supporte pas de la voir dans un tel état, de la savoir suffisamment sotte pour s'infliger ça. Il voudrait la prendre par les épaules et la secouer, lui hurler que ça ne sert à rien et qu'elle lui fait mal autant qu'elle se fait mal. Mais il ne peut pas lui dire ça. «
Qu'est-ce que tu fous ? » lâcha-t-il comme réponse, ou plutôt comme une autre question pour éviter la sienne. Il sait ce qu'il veut : qu'elle ne prenne jamais cette bouteille. D'un coup de botte, Elijah écarta la bouteille qui partit se renverser un peu plus loin dans l'herbe. Il cherche le regard de June, mais celle-ci l'évite et ça l’agace encore plus. «
Regarde-moi. » Son ton est dur, presque froid. Presque, parce qu'il ne peut pas se permettre d'être aussi distant avec elle, il ne
peut pas. Son regard ne cache pourtant pas la déception qu'il ressent à son égard. «
A moins que tu ne sois déjà trop bourrée pour en être capable ? » L'homme se baissa à sa hauteur, les genoux fléchis et les bras sur ses cuisses ; il la regarde comme on regarderait un chiot pris en faute. Il sait que June n'est probablement plus capable de se tenir seule sur ses deux jambes et cette seule pensée lui donne envie de gronder. Pourquoi ? Pourquoi se mettre dans un tel état ? «
T'as eu ce que tu voulais ? » grogne-t-il à nouveau, mais cette fois cela sonne plus comme une question qu'une accusation. Que voulait-elle au juste ? La sensation de l'ivresse ? La solitude ? L'oubli ?