‹ baguette : en bois d'aubépine, mesure 30 cm et a en son cœur un crin de licorne (anciennement à Draco Malfoy) ; je suis également le maître de la baguette de Sureau.
‹ gallions (ʛ) : 8300
‹ réputation : je suis un dude très cool maintenant que j'ai tué Voldemort (rip).
‹ particularité : Fourchelang.
‹ faits : j'ai beaucoup changé, je suis devenu froid et maîtrisé, prudent et confiant ; les foutues répercussions de la guerre qui m'ont fracassé la gueule. Parmi les Insurgés, je suis Specs, anciennement parmi l'un des leaders des Audacieux. Membre du conseil de la RDP – les seuls étant au courant que je suis en vie. J'ai passé un marché avec Drow : 80 années de ma vie en échange d'un talisman prévu pour détruire l'horcruxe en moi.
‹ résidence : au 12 Grimmauld Place (Sirius m'a désigné comme étant son héritier pour reprendre la demeure familiale des Black).
‹ patronus : un cerf
‹ épouvantard : un détraqueur (la peur elle-même).
‹ risèd : mes parents, une femme et des enfants - une famille complète.
i wanna be the clot inside your heart, wanna bring you to your knees and make you feel
She was desperate, she was deathless. I’d have followed her anywhere she asked of me. I’d have thrown myself to the wild for her.
1512 – SAUMUR. Presque deux décades qu’il erre dans les ateliers aux effluves et couleurs étranges dont il ne connaît la provenance. Deux décades qu’il vogue sur les houles de sa jeunesse imparfaite, comptant les années riches en rebondissements et les chagrins de quelque chose manquant. Camille Harivel a la curiosité tenace, jamais assouvie, qu’il comble auprès de ses tableaux et nombreux pinceaux, dans son atelier de fortune, au service d’un peintre azimuté qui lui met plus de bâtons dans les roues que des leçons dans le cerveau. Peintre lui-même, Camille n’est âgé que de vingt-sept ans, né dans une famille de meuniers mais n’ayant jamais vécu parmi ses proches à cause d’une tragédie ayant consumé le village. Recueilli par Amaury à l’âge de sept ans, simple larbin vivant de ses larcins, transformé en apprenti docile et talentueux. De par l’absence de sa famille, il était livré à lui-même, sans valeurs ni attaches. Comme un creux au fond de lui, qu’il comble comme il peut, à proximité de son maître excentrique. Auprès d’Amaury, il n’a pas seulement accompli un apprentissage artistique mais de la vie dans son entièreté ; il s’est forgé son caractère en côtoyant du beau monde de loin, les esquissant de près, s’enivrant des senteurs du monde, gravant sur ses cornées les fabuleux horizons.
« Camille, sale pourriture, viens par ici », beugle le vieux cracheur d’insultes à tout-va, hérissant les poils de Camille malgré l’habitude tenace. Ce dernier roule des yeux, dépose son crayon fétiche et rejoint son maître dans les cuisines. Avachi sur une chaise, un énorme bol de riz devant son visage rougi par les décennies à s’imbiber d’alcool étranger. Du riz sur sa moustache, ses vibrisses frémissent même lorsqu’il avale une autre bouchée de riz gélatineux. « J’ai du travail pour toi, sale gosse, dit-il en toisant Camille, une grosse cuillère de riz près de sa bouche, tu pars dès demain pour peindre la donzelle de j’ne sais quel gougnafier dont je m’en bats l’œil. Il m’paye une grosse somme et m’a réclamé mon meilleur poulain, donc tu t’y colles, même pas j’suis désolé de t’infliger ça. » « Et pourquoi n'enverrais-tu pas Gaspard ? Je n’ai pas encore terminé le portrait de Madame Moreau. » Amaury semble prendre le temps de considérer la requête, ayant même interrompu son gavage intensif de riz avant de lui répondre en haussant les épaules. « Gaspard m’a déçu avec la dernière merde qu’il a pondu. Sachant qu’il a paumé son cerveau entre Jean et Flavien, j’ai pas envie qu’il pourrisse ma réputation juste parce qu’il n’sait pas ce que sa bite veut. » La grimace, Camille ne la masque pas, non parce que la situation sentimentale de son ami Gaspard le rebute mais parce que les mots d’Amaury sont beaucoup trop crus et inacceptables. Mais depuis vingt qu’ils se connaissent, le vieux peintre n’a jamais mâché ses mots devant qui que ce soit ; il traite bien Camille de pleurnichard et de pourriture. « Ne parle pas de mes amis comme ça, vieux pignouf, tu pourris ta réputation très bien tout seul, claque-t-il malgré tout. Tu as tout prévu pour ce contrat, on dirait. » « Pratiquement, oui. Tu pars à Londres, si tu arrives dans les temps, un connard sera là pour te chercher. Va faire tes bagages, j’ai plus envie de voir ta sale gueule. » Sans faire de mouvement pour se lever, Camille fixe le bol de riz curieusement. « Ça m’intrigue. Pourquoi te gaves-tu de riz ? » « Parce que Joséphine me trouvait trop gringalet et m’a planifié un régime pour m’engraisser avec du riz à la mode turque. Maintenant, barre-toi. » En ricanant, l’apprenti retourne dans son espace aménagé derrière l’atelier, lui accordant isolement bien mérité et un jeu de lumières bien meilleur que les autres pièces. Il n’a jamais refusé une requête de son maître, surtout si celle-ci lui apporte quelques bourses d’or pour rendre ses pécules plus conséquents. S’il se débrouille bien, il pourra en tirer un gros lot et demander la main de Faustine à son père – après tout, avec une bonne réputation et un début de fortune, n’aurait-il pas plus de chance d’épouser un jour son amie d’enfance, elle qui n’a jamais montré une quelconque réticence à son égard, lui, le peintre sans famille et les trous plein les poches ? Il l’espère, en tout cas, que rien ne contrariera ses plans d’avenir ; persuadé que c’est en épousant Faustine qu’il ne sentira plus que ce creux dans son cœur.
1512 – LONDRES. Des picotements habituels roulent sur sa colonne vertébrale lorsque le Lord Richard Hard allume le feu dans la cheminée. Les yeux verts de Camille happent immédiatement le brasier, gravant dans sa mémoire les volutes de fumée pour les reproduire plus tard sur papier. Ça fait trois heures qu’il a mis les pieds en Grande-Bretagne, incertain sur son apparence et ses manières ; lui qui n’a jamais vraiment mis les pays hors de son pays. Son anglais n’est pas excellent, trempé dans un accent à couper au couteau, les erreurs de langage qu’il a du mal à éradiquer mais Camille comprend et tente de se faire comprendre autant qu’il peut. « J’espérais qu’Amaury m’envoie quelqu’un de plus… âgé et réputé. » La remarque le fait froncer les sourcils, incapable de masquer la contrariété qu’elle lui cause ; il a toujours fait bien plus jeune que son âge mais ça ne lui avait encore jamais causé un quelconque souci. « Sans vouloir vous offenser, Lord Hart, mon âge ne définit pas ma maturité, encore moins mon talent artistique. » Un sourcil arqué, le Lord Hart le toise, planifiant probablement un refus pour son insolence qui l’a poussé à répondre et à défendre son cas. Mais ce dernier fait quelques pas dans son bureau, que Camille a déjà mémorisé une dizaine de fois les milliers d’objets pour les esquisser avant de dormir. Sa mémoire et son sens d’observation, c’est ce qui rend son art un peu plus vivant. Les détails même minimes, il est capable de les voir et de s’en rappeler à vie. « Je préfère vous juger sur votre art, sir Harivel. Inutile de perdre du temps, mon épouse vous attend. » Camille acquiesce, prend son carnet à dessins dans lequel il a également inséré quelques peintures jamais achetées, pour montrer à son patron en guise de preuve de son talent. Mais avant de tourner les talons, Camille précise tout de même : « There's no need to call me sir, Lord Hart. I go by Camille. Just Camille. »
Dans une salle hypostyle, le drapé noir d’une robe attire son attention. Il a pourtant du mal à voir la silhouette féminine, bien cachée derrière ses hardes foncées virevoltant, à mesure qu’elle passe d’une colonne à une autre. Elle disparaît, rapide et agile, probablement pour tester ses réflexes mais il n’a d’yeux que pour la spirale provoquée par sa longue robe derrière la flopée de colonnes. Il ignore si c’est la curiosité ou l’agacement qui le fige sur place, incapable de jeter un coup d’œil derrière lui pour voir si l’un des gardes est resté dans la salle, par peur de la perdre des yeux. L’épouse du Lord. Daisy Hart. Dont il n’avait qu’une brève description crue de la part d’Amaury, et le caractère protecteur et possessif du Lord intrigue encore plus Camille. Il avance de quelques pas mais elle disparaît de nouveau, cette fois-ci aucune trace sombre de sa robe longue. Mais elle apparaît l’instant d’après derrière lui, un doigt tapotant son épaule. Camille se retourne brusquement, lâche un « oh » surpris mais se retient tout commentaire lorsque ses yeux tombent sur Daisy. Leurs regards se verrouillent et le rictus peint parfaitement sur son visage le laisse quelques secondes dérouté, incapable d’émettre des mots cohérents. Devant son silence, pourtant, elle croise les bras et le toise. Camille se racle la gorge et tente de gommer le trouble dans sa voix. « Je m’appelle Camille Harivel, je suis le peintre engagé par le Lord Hart. » Il incline légèrement la tête, en un signe respectueux et se passe une main dans ses cheveux noirs ébouriffés – les yeux noirs ont quelque chose de transcendant, comme chercheurs d’âme, cherchant son âme. Il y a quelque chose qui provoque les battements de son cœur, loin d’être stables, incroyablement irréguliers qui cognent jusque dans ses oreilles, comme un ouragan qui ravage son cœur.
‹ maison : le choixpeau s'est a peine attardé sur sa tignasse brune avant de l'envoyer à Serpentard, dont elle est devenue préfète en 5ème année.
‹ scolarité : de 1991 à 1998.
‹ baguette : Elle faisait 19 centimètres, en merisier et cheveux de vélane, capricieuse et imprévisible, sensible aux sentiments négatifs. Cette baguette a cependant été volée par le Limier et aujourd'hui, elle en utilise une autre, bien moins adaptée à sa main.
‹ gallions (ʛ) : 9020
‹ réputation : Rien qu'une sorcière de salon, une bonne à pas grand-chose en dehors des ragots et commérages, une peste se régalant du malheur des autres, une idiote aveuglée par ses sentiments, moralisatrice en dépit de son propre penchant pour les écarts et les erreurs. Le roquet de Malfoy, puis celle que Blaise Zabini a cocufié, abandonné puis engrossé avant de partir à nouveau. Une garce qui mérite tout ce qui lui arrive. Une enfant gâtée, malgré l’aide donnée aux insurgés dans l’infirmerie de fortune de Poudlard.
‹ particularité : Complètement à la dérive depuis la fin de la guerre, on la croise souvent alcoolisée et cruelle, prête à se greffer à la moindre rixe, au moindre esclandre.
‹ faits : Elle a perdu la garde de ses filles, les jumelles Violet et Briar-Rose (née en Aout 2002) à la fin des combats, car on a jugé son sang pur comme inapte à les élever et ce même si leur père, Blaise Zabini, est considéré comme un héros de guerre. Elle a également perdu sa fortune et son statut et n’a plus aucune influence. Personne n'est tendre avec elle car les anciens rebelles la voient comme une garce à abattre et les sorciers lambda n'ont l'image que d'une gamine pourrie gâtée qui vivait dans une tour d'ivoire alors qu'ils crevaient de faim. Condamnée à vivre dans une demeure autrefois grandiose mais maintenant totalement insalubre, elle ère coincée entre sa mère tyrannique et sa tante furieuse, désœuvrée et désabusée.
‹ résidence : Dans l'hôtel particulier Parkinson, situé dans le quartier de Barkwith, sur le Chemin de Traverse. Ancien symbole d'une grandeur aujourd'hui étiolée, la demeure tombe en ruine et menace de s'écrouler depuis les émeutes de janvier 2002. Ses parents possédaient un manoir à Herpo Creek, il n'en reste qu'un tas de cendres et elle n'a plus accès à son bel appartement de la Bran Tower depuis la désertion de Draco durant laquelle elle a également pris la fuite.
‹ patronus : Une hirondelle à peine corporelle
‹ épouvantard : Les corps inanimés de Briar-Rose et de Violet.
‹ risèd : Simplement un matin ordinaire, des draps clairs et propres, une chambre lumineuse, des rires d'enfant emplissant le couloir avant que les deux têtes brunes ne sautent sur l'épais duvet. Un avenir pour elles, aussi, surtout.
― i wanna be the clot inside your heart ―
“ Be with me always - take any form - drive me mad ! Only do not leave me in this abyss, where I cannot find you ! Oh, God! it is unutterable ! I can not live without my life ! I can not live without my soul ! ” • “ He's more myself than I am. Whatever our souls are made of, his and mine are the same. ”
Il est à l’autre bout de la table, les yeux rivés sur une note qu’on vient de lui apporter. Elle est silencieuse et l’appétit lui manque. « Il m’importe guère que vous ne trouviez aucun intérêt à la démarche » lance Lord Hart à sa jeune épouse, ne prêtant pas réellement attention à elle. Courtois avant les noces, il s’est montré désintéressé une fois les vœux prononcés, la délaissant comme on abandonne un jouet. Sur ses genoux, elle tient Fox, ses doigts se perdant dans la fourrure rousse du petit chien qui presse son visage au creux du coude de sa maîtresse, capable sans doute de sentir à quel point elle est malheureuse. « Par tous les saints pouvez-vous chasser cet animal, nous sommes à table » rage Richard Hart, son poing heurtant la table. Il déteste celui qu’il surnomme ‘l’hideuse créature’ et ne se prive pas pour le dire, avançant qu’elle ressemble à une enfant s’attachant à une poupée lorsqu’elle garde le canidé trop près d’elle. Si elle a besoin de compagnie, elle n’a qu’à lui offrir un héritier, c’est ce qu’il a décrété quelques mois plus tôt avant de réaliser qu’elle restait une gamine gâtée pas prête à se séparer de l’animal. Elle le laisse pourtant descendre de ses jambes et Lord Hard se détend un peu, reprenant la discussion – le monologue plutôt, elle ne parle que peu face à lui, fatiguée d'être ridiculisée à chaque mot prononcé – « Comme je le disais, il m’importe guère ne vous ne saisissiez pas la nécessité d’un portrait, je me doute bien qu’en tant que femme, votre intellect ne vous permet pas de comprendre pourquoi ce faste est nécessaire. L’important, c’est que vous restiez tranquille assez longtemps pour qu’on puisse mettre en avant votre seul talent» et un faible sourire retrousse les lèvres de Daisy Hart tandis qu’elle ravale sa fierté. Elle pensait pouvoir apprendre à l’aimer, quelque mois plus tôt, mais elle se fourvoyait et elle le réalise chaque jour un peu plus. La dernière lubie est de faire peindre un tableau d’elle. Avant qu’elle ne vieillisse et s’empâte, dit-il. Elle n’avait déjà pas faim, elle a à présent un haut-le-cœur et murmure « Je ne me sens pas très bien, mon cher, puis-je être excusée ? » et aussitôt, lui jetant à peine un regard, bref mais cruel, il rétorque un « Non, hors de question. » catégorique, la laissant agoniser à l’autre bout de la table sans remarquer sa détresse.
Elle déambule, comme une ombre glissant sur la pierre, ses doigts effleurant les colonnes, les murs. Elle déambule, parce qu’elle n’aime pas être enfermée mais que c’est son sort, celui acheté par sa dote. C’est probablement cette même dote qui finance la fantaisie artistique de son époux, cette lubie dont il a décidé sans qu’elle ne puisse rien dire. La simple perspective d’être confinée ici pendant des heures et des heures au lieu de grappiller quelques instants de liberté la chagrine. Avait-il confiance, en passant commande à un artiste, qu’il fermait un peu plus la cage maintenant Daisy tranquille ? Assurément. Il n’aime pas la voir courir, l’entendre rire, il a fait renvoyer chaque compagne un peu trop jeune, un peu trop frivole, toutes celles qui laissaient transparaître la jeunesse de son épouse et entachait le sérieux qu’elle se doit d’avoir pour représenter la maison Hart. Elle se demande si le tableau ira couvrir la tâche d’humidité des appartements qu’ils occupent à la cour, de quoi cacher le manque de prestance dont ils font preuve. Richard Hart est ambitieux, il en veut plus, elle n’était qu’une marche supplémentaire dans son ascension, un bon parti, la fille d’un lord apprécié, important, de quoi peut-être faire oublier sa propre réputation. L’homme n’est pas juste dédaigneux, il sait aussi être violent, terrifiant. Du bout des doigts, elle vient piquer à ses mains, abimant un peu sa peau, réflexe nerveux.
Elle déambule et puis elle sursaute. Le peintre est là, elle l’observe à la dérobée mais ne peut pas discerner ses traits avant de sortir de sa cachette temporaire. « Oh ? » répond-t-elle avant de tomber dans son regard, sentant sa gorge s’assécher et ses mains se fermer en poings, avant qu’elle ne croise les bras pour se tenir en un seul morceau, sans comprendre pourquoi son souffle est soudain si court, ni pourquoi elle le fixe ainsi. « Je m’appelle Camille Harivel, je suis le peintre engagé par le Lord Hart. » annonce-t-il et elle répète à nouveau, écervelée entrainée comme un animal de foire. « Ca-mille, » le nom roule sur sa langue, entre ses lèvres, lui arrache un sourire. C’est un nom étrange, elle n’est pas certaine de l’avoir entendu avant, ou bien peut-être porté par une jeune fille de la cour. « Camille » répète-t-elle, un peu plus assurée, quand bien même ses sourcils se froncent. Elle laisse un sursaut de rire la secouer tandis que Fox mordille le bas de sa robe, voulant continuer à jouer, à lui courir autour, visiblement peu ravi de l’arrêt soudain de sa maîtresse. L’emmener était probablement une mauvaise idée, n’est-elle pas supposée restée immobile ? « Go sit » souffle-t-elle à l’animal qui couine d’un air boudeur mais s’éloigne et trouve un coin où tourner en rond avant de se coucher, regardant d’un mauvais œil le jeune homme. Elle fait pareil, presque, comme contrariée par ce qu’elle voit, par les taches de rousseurs et la fossette, les cheveux ébourrifés, le charme presque adolescent, l’impunité éclatante qui émane de lui. « Lord Hart n’est pas patient, vous devriez commencer » lance-t-elle finalement, sa voix se faisant aussi ferme que possible tandis qu’elle raidit sa nuque à la recherche d’un port digne, d’une allure élégante.
« Fox, stop it ! » Elle rit, elle rit aux éclats, bousculée par l’animal qui en avait vraisemblablement assez d’attendre la fin de cette énième séance de portrait. Jusqu’ici, il a été plutôt sage quand bien même elle l’a surpris plusieurs fois à grogner en direction de Camille, comme possessif vis-à-vis de sa jeune maîtresse. Impatient, il a sauté sur ses genoux pour venir lui lécher le visage et enfoncer son museaux contre l'élégante robe qu'elle porte. « Je crois qu’il veut être immortalisé aussi… » souffle-t-elle, et puis d’une voix moins amusée, elle ajoute « Une autre fois peut-être, Lord Hart le hait, il ne voudra pas que l’on gâche ainsi votre travail, Camille » et à contre-cœur, elle repose le chien qui à nouveau s’éloigne en boudant, retournant sur le coussin qu’elle a fait déplacer pour qu’il puisse dormir sans les déranger. La nuit précédente, il a pris un coup de pied alors qu’il venait ramasser une bouchée de nourriture tombée de la fourchette du Lord. La nuit précédente, Daisy a reçu une gifle alors qu’elle s’offusquait et défendait son chien. Aujourd’hui, une trace maladroitement couverte de poudre est visible sur sa pommette et à la seconde où elle laisse le chien s’éloigner, son expression se fige et mimique l’austérité de sa robe, de la pièce. Les ténèbres qui règnent ici ne semblent pourtant pas toucher Camille et encore et encore elle voit son regard échouer sur lui, son air concentré, ses manches remontées laissant voir ses avant-bras alors qu’il travaille, les taches de rousseurs contrastant avant le sérieux de ses gestes, le savoir-faire de son art. Elle se surprend à sourire en l’observant, avant qu’un poids ne tombe sur sa trachée, la ramenant à une mélancolie lugubre, parée de perles trop lourdes.
« Je veux voir » siffle-t-elle, enfant capricieuse devenue jeune fille exigeante, à présent à peine femme mais déjà fanée. Trop de solitude, trop de distance, trop de courant d’air dans cette demeure. Elle s’étiole. Pourtant alors qu’elle tente d’approcher du chevalet de Camille, elle a l’impression de baigner un peu dans l’insolente chaleur qui émane de lui, comme un rayon de soleil solitaire traversant un donjon abandonné pendant l’hiver. « Montrez-moi, laissez-moi voir ! » insiste-t-elle, se chamaillant pour passer sous son bras et enfin voir ce qu’il peint, comme il la peint. Elle peine, cependant et ses tentatives sont vaines alors subitement, tandis que Fox se joint à l’agitation en jappant joyeusement, elle attrape un pinceau appartenant au jeune homme et le brandit devant son nez. Consciente qu’une menace ne suffira pas, elle tend le bras et écrase l’arme de fortune sur sa joue, visant la fossette avant de reculer, surprise de sa propre audace.
A la seconde où elle s’éloigne de Camille, la lumière diminue, la chaleur disparaît et sa gorge se noue. Elle a l’impression qu’il fait le portrait d’une nature morte. Elle ne veut plus voir le tableau, peu certaine de désirer savoir comment il la perçoit.
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