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sujet; MORGANA † ALL THIS BAD BLOOD, WON'T YOU LET IT DRY.

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The taste of betrayal is most bitter because it never comes from your enemies


Jemma s'octroyait avec parcimonie ses jours de congé. Elle considérait que son travail était un travail de tous les instants et que le Ministère, même s'il n'était pas explicite à ce propos, avait besoin d'elle la plupart du temps. Elle faisait partie de ces personnes suffisantes persuadées que leur utilité, non, leur existence même, était indispensable au bon fonctionnement de la vie quotidienne. Ou du gouvernement, en l’occurrence. Mais les jours où elle décrétait qu'elle était lasse et qu'elle voulait se reposer, il était de conscience commune qu'il fallait la laisser tranquille à tout prix et ne la déranger, de quelque manière que ce soit, pour aucune raison. Elle traînait dans son lit jusqu'à une heure indécente de l'après-midi, prenait un malin plaisir à se cuisiner un plat trop riche en sucres et en féculents, s'immergeait pendant une heure entière dans un bain aux huiles aussi exotiques qu'agréables, s'occupait avec une déférence proche de la vénération de chaque animal qui peuplait sa maison perdue au fin fond des Highlands. C'était durant ces journées là que Jemma aimait vivre loin de tout, loin de la folie de Londres; la campagne écossaise lui procurait la sensation exquise d'habiter dans un monde étranger à celui qu'elle côtoyait presque tous les jours au Ministère.

Toutefois, aujourd'hui n'était pas la journée où le monde qu'elle côtoyait presque tous les jours au Ministère allait la laisser entièrement tranquille. Il fallait toujours que quelque chose dérape quand elle n'était pas là, contraste énorme avec certains jours de boulot qui étaient d'un ennui profond pour elle. Il était sur les coups de cinq heures de l'après-midi, elle se prélassait sur son canapé en écoutant de la musique et en répondant à une énième missive de ses parents quand le patronus se matérialisa au milieu de son salon. C'était un renard, d'après sa forme, aux couleurs blanchâtres si ternes que Jemma aurait très bien pu ne pas le voir si elle n'était pas en train d'observer le vide à la recherche d'inspiration. Sans surprise, l'animal céleste ouvrit la bouche et ce fut une voix d'homme mûr qui en sortit. Elle était si basse que Jemma faillit ne pas comprendre son propos: “ Ives -- mystères -- Mort -- urgence. ” Entendre le nom de famille de celle qui fut autrefois son amie (celle qui l'était encore, espérait-elle parfois) envoya sur l'échine de la blonde une longue et doucereuse sueur froide. À peine cinq minutes après la disparition du frêle patronus, Jemma avait sauté dans ses vêtements puis dans sa cheminée éteinte, direction le Ministère.

Heureusement pour elle, celui-ci était moins bondé que d'habitude; la plupart des employés se trouvaient encore dans leurs départements respectifs, derrière leur bureau, à compter les heures jusqu'à la fin de la journée. Accordant une dernière pensée amère pour sa journée gâchée, Jemma courut presque dans les couloirs menant de l'ascenseur à la première porte du Département des Mystères, ralentissant à peine en reconnaissant un visage connu et en lui adressant une oeillade amicale. Elle s'engouffra dans la salle tournante avec habitude, prit le chemin de la salle de la Mort sans même y penser tant ce trajet lui semblait habituel. Elle évoluait désormais dans son élément, et rien ne saurait l'arrêter. Morgana Ives se tenait là, un peu en deçà d'elle, baguette à la main, ayant déjà mis au tapis l'employé qui avait eu la force d'envoyer son patronus porter son funeste message à Jemma; celle-ci s'empara de sa baguette sans hésitation, gardant son bras le long du corps pour ne pas brusquer son ancienne collègue.

Ses yeux balayèrent les fameux gradins de la salle de la Mort, à la recherche du but précis de Morgana mais rien ne lui vint et elle fut bien obligée de pincer des lèvres et de lui adresser la parole en essayant de garder une voix égale: “ tu t'es finalement décidée à revenir parmi nous? ” Elle avait presque un ton joueur, une légère esclaffe sur le bout de la lèvre, car elle savait bien que ce n'était pas le cas et que le corps inerte de Robinson sur les marches parlait pour lui-même. Jemma fit un pas en avant, avec précaution, sans lâcher le regard couleur ciel d'Ives. Elle se demandait si d'autres personnes s'étaient rendues compte de la scène qui se déroulait dans la salle de la Mort. Elle l'espérait, car elle savait qu'elle ne serait pas suffisante pour retenir mademoiselle Ives si celle-ci décidait tout d'un coup d'utiliser la manière forte pour s'échapper avec le diable qu'elle était venue chercher. Morgana ne pouvait pas s'enfuir, pas cette fois. “ C'est une bonne décision, Morgana (le nom roula bizarrement sur sa langue, comme si il lui était étranger). On t'accueille évidemment à bras ouverts. ” continua-t-elle, en faisant deux pas en avant cette fois, un sourire affable se hissant sur ses lèvres alors que ses doigts se resserraient toujours un peu plus sur sa baguette, jusqu'à faire blanchir ses phalanges et trembler son bras pudiquement recouvert d'un pull noir. Une part d'elle, gonflée d'espoir, croyait encore que Morgana était retournée sur sa décision de fuir ce gouvernement. Puis ses yeux tombèrent sur le corps de Robinson, et elle se demanda sérieusement si ce n'était pas une pâleur mortelle qui colorait ses joues. Et quand ses yeux se relevèrent sur Morgana Ives, qui fut un jour son amie, une autre fois sa collègue et une dernière fois son amie, elle n'y vit plus qu'une étrangère.
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❝“The fear of death follows from the fear of life. A man who lives fully is prepared to die at any time.❞
Jemma & Morgana

Morgana avait toujours respecté le silence. En ces lieux, il se présentait comme le doux tempo du souffle qui heurte les pierres ancestrales. Elle ne pouvait dire combien de temps elle a passé ici, à réfléchir seule, assise sur les gradins marmoréens. La vie, la mort, l’univers. Austère comme une nécropole, elle en connaissait jadis chaque fissure, chaque teinte amère, chaque aspérité du granit. Plus qu’un choix, la Salle l’avait appelée à elle lorsqu’elle n’était qu’une jeune archéomage pleine de fougue. Peut-être est-ce le destin. Une marque ancienne. Peut-être qu’au-delà de la lande et de Fort Augustus,  avait-elle été touchée par la main de quelques divinités psychopompes  malicieuses ? Peut-être.  Alors qu’elle se tenait depuis plusieurs minutes devant l’arche brisée, la porte claqua. Elle ne daigna pas se retourner, sa baguette déjà serrée dans sa main, un informulé au bout des doigts. Pour l’importun, cela serait la mort. La magie affluait déjà et virtuellement, il avait déjà passé la porte. Son corps n’en était pas encore conscient, voilà tout.  « Ne faites pas un geste ! ». La voix de l’homme tremblait. Peut-être avait-il une famille ? Des enfants ? Un chien ? Elle regretta, un instant, pour le canidé puis se retourna fixant dans les yeux la vie qu’elle allait prendre. Cela ne lui procurait aucun plaisir mise à part cette petite montée d’une adrénaline coupable. La mécanique du meurtre. Un acte devenu absolument banal comme manger ou respirer.  « A vaincre sans peine, on triomphe sans gloire. », n’était-ce pas ce que Vincianne ne cessait de répéter ?  « Robinson. Ravie de te revoir ». Sa voix était claire, son regard franc. « NE BOUGEZ PAS ! ».  Il lui sembla pathétique. De la sueur coulait de son front déjà dégarni par l’âge alors qu’il envoyait un Patronus quérir quelqu’un.   Avait-il compris ? « Tu n’aurais pas du faire cela, pauvre fou. »  La magie afflua dans sa main. Un dernier regard et l’Informulé jaillit de sa baguette en un éclat rouge. L’homme s’abattit lourdement sur le sol alors qu’un courant invisible et froid fit trembler les voiles ourlant les bords effondrés de l’arche.  Elle resta un instant à surplomber son cadavre.  A fixer les traits de la mort. Quelle différence entre cet avant et maintenant. Aucune si ce n’est la fixité du regard, leur vacuité.  Une baguette de plus pour sa collection personnelle.  Une âme de plus que qu’elle collectait. Peut-être que la Grande Faucheuse avait fait d’elle l’un de ses sordides ouvriers. Meutrière. Parricide. Monstre. Paria. Profondément humaine pourtant. Elle pria un instant, les lèvres du bourreau sur le front de sa victime, pour son salut.  Avait-elle trouvée ce qu’elle était venue chercher ? Probablement.

Ce fut sans doute pourquoi, elle ne daigna pas se redresser immédiatement lorsqu’elle entendit le tintement des escarpins sur le sol dur et auguste. Un frisson parcourut sa nuque, hérissant les fins cheveux qui s’y trouvaient.  " Tu t'es finalement décidée à revenir parmi nous? ”. Leur avait-elle jamais appartenue ? Morgana se pose la question en plantant son regard d’aigues dans ceux de Jemma. Des lacs d’eaux mortes d’un bleu-vert étranges, toujours changeant.  Peut-être avait-elle sourit froidement en réponse. « Il n’y a jamais eu de nous. » Rejoindre les rangs des mangemorts, se soumettre, il n’en avait jamais été question.  Elle observa son ancienne amie, la détaillant avec circonspection avant d’observer la main qui tenait la baguette. Ses lèvres se plissèrent en un sourire malsain et prédateur. La sorcière renifla subtilement, étudiant les courants entre elles-deux.  « Ou du moins, la trahison à eu raison de lui ». Elle poursuivit nonchalamment en enjambant le cadavre de sa victime. Elle savait ou tout du moins espérait que son ancienne condisciple avait été trop occupée à vouloir la ramener dans son camp pour rameuter la troupe des chiens sanguinaires qui ne manqueraient pas de la déchiqueter. Trois solutions pour sortir : Négocier. Neutraliser. Tuer. Elle hésita encore une fois, étudiant méthodiquement les moyens de s’enfuir. Jemma était sacrifiable mais en vertu de leurs liens de jadis et de la bonne intelligence dont devait faire preuve une jeune femme bien élevée, l’ancienne serpentarde écarta pour l’instant cette idée.   «  C'est une bonne décision, Morgana ». Une montée soudaine de ravage brûla ses veines. Qui était-elle pour lui dire ce qui était bien ou mal ? Qui était-elle pour la traiter comme une enfant ? Où était-elle lorsque le camp de réfugiés avait brûlé au cœur de la forêt. Où était-elle quand ces garçons de septième année  l’avaient entraînée dans les bois pour la molester avant de l’attacher à un arbre, nue ? Où était-elle lorsqu’elle était revenue à l’aurore glacée et blessée  ?  Le masque d’impassibilité  qu’elle s’était forgée se fissura alors qu’un incendie s’alluma dans ses prunelles.  « On t'accueille évidemment à bras ouverts. » L’ancienne langue-de-plomb ne put retenir un rire sinistre. Elle se tenait maintenant à un mètre à peine de son ancienne consoeur. Vendue. Traître.  Elle ouvrit les bras de manière obséquieuse avant de lâcher d’une voix douceureuse qui claqua tout de meme comme un coup de fouet sur le sol en granit de la Salle de la Mort : “Evidemment, Jemma Mine, évidemment. » Comment seraient ces bras ? Elle les imagina brûlants et glacés, mordants, piquants. On ne laisserait pas tomber dans l’oubli de la Mort. « Me prends-tu pour une imbécile ou es-tu aussi stupidement crédule que dans notre enfance ? ». Juste un filet rauque, dangereux, comme un fil prêt à se rompre pour déclencher une cascade de violence. Morgana n’était plus la jeune femme instruite aux abords rigoristes et austères qu’elle avait été. Sous sa peau, le pelage du loup prenait de plus en plus de place et l’animalité perçait parfois dans sa lumière brute et sanglante. « Il n’y a pas de place pour moi ici. Pas depuis que l’on veut m’imposer un maître, une façon de penser. Je ne suis pas du genre que l’on attache, Jemma. Je ne suis pas comme toi !  Je ne peux tolérer l’asservissement d’un humain par un autre être humain. Alors de vos bras, non merci. Je préfère rester seule.» La slave avait été brutale. Morgana la contempla les mâchoires serrées, cette femme-enfant adorable, cette traîtresse. «  Crois-tu pouvoir contrer mes futurs bourreaux ? De ton bras tremblant ? Nous sommes de part et d’autres d’une ligne et tu ne me la feras pas traverser. Et l’histoire m’a racontée que tu n’es pas de celle aime les risques. Alors laisse moi partir. Au nom de notre amitié, s’il ne doit demeurer que cela entre nous. Je ne reviendrais pas.  »





Morgemma # 1

© Pando
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