« Tu te marieras avec lui un point c’est tout. » Décréta Monsieur Carrow sans même daigner jeter un regard à sa fille, assise bien droite dans un fauteuil du salon. Cette dernière, ahurie, eut du mal à répondre mais les mots ne tardèrent pas à arriver jusqu’à sa langue acerbe : « Pardon ? Mais tu as perdu la tête ! Je ne vais pas me marier avec un vulgaire fils à papa qui n’a rien fait de sa vie aussi dérangé que l’est, que dieu la garde, ma mère ! » Elle n’avait pas l’habitude de tutoyer son père, les discussions n’étaient déjà pas très fréquentes alors elle le considérait souvent comme un sang-pur respectable et à respecter comme les parents des enfants qu’elle fréquentait jadis à Poudlard, mais, la surprise et l’énervement eurent raison de sa politesse. « Ne parle pas de ta mère de cette manière ! » La pauvre femme n’avait, en effet, rien avoir dans cette histoire, internée depuis si longtemps il lui arrivait de ne même pas reconnaitre ses filles lorsqu’elles venaient, parfois ensemble, lui rendre visite. Alors choisir le fiancé de l’une d’entre elle ? Ce n’était même pas envisageable. Tout était donc la faute de son père, cet homme qu’elle croyait aimer, par qui elle croyait être aimée et qui ne la considérait que comme un morceau de viande à jeter aux chiens. « Parce que ce n’est pas la vérité peut-être ? Parce qu’elle est partie en voyage dans un pays lointain pour affaires depuis presque dix ans maintenant ? Peut-être as-tu réussi à t’en convaincre à force de refuser d’aller la voir ! » La haine, ou plutôt la rancœur emmagasinée depuis toutes ces années ressortait, peut-être trop violemment si bien que la peau diaphane de la jeune blonde se teinter légèrement, de même que celle de son père face à elle qui n’appréciait pas réellement de voir sa fille lui tenir tête et réfuter les décisions qu’il avait prises. « Je t’interdis de nous manquer de respect ainsi, à ta mère et à moi ! Tu vas te marier avec l’héritier d’Anjou et vous en serez très heureux comme ta mère et moi l’avons étés avant vous. » Interloquée, Hestia laissa échapper un léger rire de dédain, sois le pauvre homme perdait la tête, sois il ne savait vraiment plus quoi inventer la pousser à accepter ce mariage. Il était de notoriété publique que le mariage Carrow Shafiq n’était absolument lié à un amour sincère ou à un quelconque affection, c’était un mariage d’affaire, pour la notoriété et Hestia n’était pas contre, elle aurait seulement voulu faire de même avec un homme qui la mériterait, et pas un étranger qui ne saurait certainement pas l’apprécier à sa juste valeur. « Ah oui il est certain que cela lui a très bien réussi à elle. Tu veux que je finisse comme elle ? Avec un mari aussi fou que lui je vais tout droit à l’asile et tu le sais ! » S’exclama-t-elle au bord de la crise de nerfs. Elle savait qu’elle touchait la corde sensible, elle voulait pousser son père à bout, elle voulait le faire regretter. « Il suffit ! Tu n’en as pas marre de penser seulement à ta petite personne ? Il y a beaucoup plus qu’un simple mariage derrière tout cela, c’est une alliance ! C’est du sang nouveau dans la lignée tu n’imagines même pas qu’elle opportunité c’est pour notre famille ! » Il avait l’air totalement atteint lorsqu’il parlait de cette union, il avait les yeux qui brillaient et une voix digne des plus grands politiciens de ce monde, c’était affligeant. « Et tu sacrifie ta fille pour la gloire de la famille ? Tu me dégoutes. » Une claque s’abat brutalement sur sa joue déjà rougie par l’agacement et les cris. Surprise, décontenancée, elle reste quelques secondes muettes la main posée à la même place que celle de son paternel quelques instants plus tôt. Levant un regard noir sur ce dernier elle laissa échapper un sifflement énervé avant de se reculer précipitamment vers la porte du manoir, non sans s’exclamer, mauvaise : « Tu me dégoutes ! Tu ne méritais même pas son amour ! » Quelques secondes plus tard, elle était déjà loin. Loin des vociférations de son père et de cette maison qui ne lui apportait, décidément que des soucis.

Le choix de l’Allée des Embrumes pouvait paraitre étrange pour quelqu’un qui cherchait la paix, mais Hestia savait bien que la réputation d’Alecto et Amycus, ainsi que de sa famille en général, suffisait à la préserver de quelconque mauvaise rencontre. Desserrant les poings, elle laisse échapper un grognement de douleur lorsque ses ongles se détachent de sa peau meurtrie laissant s’échapper quelques gouttes de sang qui se fracassèrent contre la pierre souillée des pavés de la ruelle dans laquelle elle se trouvait. Il y avait peu de monde, malgré l’heure tardive propice aux divers trafics qui prenaient place dans les coins et recoins de l’allée. Elle ne cherchait pas ces trafics, elle cherchait à se défouler, elle cherchait à s’évader et à ne plus penser à la discussion qu’elle venait d’avoir avec son père, car, au fond, elle savait bien qu’il avait raison, qu’elle devait s’atteler à la gloire de sa famille et faire passer son confort après celui des siens. « Cofringo ! » S’écria-t-elle en braquant sa baguette sur l’un des murs qui l’entourait. Les sorts pleuvaient tandis qu’elle évacuait l’ensemble de l’amertume qu’elle ressentait. Et peu à peu, la tempête passa, laissant derrière elle un cul de sac presque saccagé. Essoufflée et terriblement attristée elle se laissa glisser contre le mur abimé jusqu’à atterrir sur le sol froid et humide avant de se prendre la tête dans les mains, épuisée. Le temps semblait s’être arrêté et elle avait retrouvé son calme lorsqu’elle entendit des pas s’approcher d’elle. Agacée elle redressa la tête et découvrit, avec peu d’entrain Wayland D’Anjou face à elle. Son cher fiancé, Ô joie, il ne manquait plus que lui pour illuminer sa journée. « Toi. » Lâcha-t-elle en détaillant du regard le jeune homme face à elle. Jeune, tout était relatif, il avait cinq ans de plus qu’elle. Son père décidément n’avait pas pu lui trouver un fiancé de son âge et plus respectable ? Cela lui donnait presque la nausée à fore de le ruminer. « Tu ne penses pas que l’on va passer assez de temps ensemble durant les prochaines dizaines d’années ? » Reprit-elle le regard mauvais tout en rangeant sa baguette dans les pans de sa robe. « Est-il réellement nécessaire que tu me déranges aujourd’hui et maintenant ? » Il y avait plus agréable comme premier abord mais elle refusait de devenir faire valoir de cet homme. Elle n’avait rien de personnel contre lui, du moins pour le moment, mais rien que le fait qu’il doive lui mettre la bague au doigt la rendait folle de rage.

Cela aurait pu être n’importe qui. N’importe qui sauf lui. Elle ne se sentait pas encore capable d’être avenante et souriante comme n’importe qu’elle fiancée devrait l’être face à l’élu de son cœur, face à l’homme de sa vie. Foutaises, il n’était rien de tout ça et il ne le serait surement jamais. Il n’en avait, de plus, certainement pas envie, il suffisait de voir le dédain qu’il avait dans les yeux, ou du moins, le désintérêt certain. Elle s’était souvent imaginée la première rencontre avec son fiancé, dans les moindre détails, peut-être un peu trop fleur bleue à ses heures elle s’était imaginée un homme tout autre, droit, travailleur, ambitieux, protecteur, colérique mais d’un certain côté fragile, un homme qui l’aurait respectée et estimée à sa juste valeur : un homme comme Draco en somme, il aurait été parfait. Non, elle n’avait aucun autre sentiment que fraternel pour son cousin mais il était clair qu’un homme tel que lui aurait été parfait. Wayland d’Anjou était bien loin de ce portrait idéaliste. Elle ne le connaissait guère mais il n’était pas difficile de le cerner, peut-être était-ce grâce à sa capacité de clairvoyance mais Hestia ne se trompait que très rarement sur les gens qu’elle côtoyait. « Tu vas faire comme moi, te taire et sourire, en dehors de ça, tu ne m’approcheras pas, ne me parleras pas et tu ne t’occuperas pas de ce que je fais de ma vie. Je pense que c’est un bon arrangement. Enfin, si on peut oublier qu’on sera… » Elle soupire, lasse et par avance ennuyée : « Mariés. » Secouant la tête, bien décidée à mettre les choses au clair dès le début, autant éviter les désagréments par avance : « Nous aurons une vie parfaite, et, que tu le veuilles ou non, des enfants, au moins un, et tu le protègeras comme la prunelle de tes yeux, ou quoi que ce soit qui puisse te tenir à cœur. » C’était ridicule de parler déjà de ça, elle n’avait que 19 ans, pas encore l’âge d’enfanter mais elle savait très bien que c’était quelque chose qu’elle devait faire, offrir une nouvelle génération de sangs purs à l’Angleterre. « Et surtout, tu me respecteras comme un homme doit respecter sa femme, et je ne parle pas de tous ces chiens qui estiment qu’ils ont pouvoir de vie ou de mort sur leur épouse, sache que je pourrais, autant que toi te faire rejoindre la tombe. » Elle savait très bien qu’il n’hésitera à tenter de la remettre à sa place avec plus ou moins de délicatesse. Enfin, à sa place était un bien grand mot. Plutôt à la place qu’il estimait lui revenir, certainement une place de potiche soumise et discrète. S’il tentait de la faire taire, elle n’hésiterait pas, elle avait déjà arraché la vie, ce n’était pas un problème pour elle.

Suite à ses paroles, elle se releva, époussetant les pans de sa robe avant de jauger l’homme : « Tu es charmant. » Ricana-t-elle, « Parlons un peu de toi plutôt, es-tu aussi fou que les gens le disent ? » Elle marque une pause un sourire mauvais au coin des lèvres « Ou alors es-tu juste un pitoyable flemmard ? » Qu’il s’énerve, elle n’en avait que faire, s’il pensait pouvoir la maitriser, la soumettre, faire d’elle son objet, dévoué à sa cause, il se trompait lourdement. « Je crois savoir, un subtile mélange des deux n’est-ce pas ? » Question rhétorique, elle n’attendait aucune réponse de sa part. Elle n’attendait rien de sa part, cela n’était pas utile. « Je ne compte pas être de celles qui entretiennent leur mari, tu feras en sorte de trouver un travail, de bon ton, il va sans dire. » Si leur histoire devait paraitre parfaite et leur couple respectable, il fallait qu’ils fassent tous deux des efforts, elle était déjà tout à fait à son aise dans la vie active et dans son rôle de rejeton de sang pur mais, d’après ce qu’il se disait, son cher fiancé, lui, n’avait pas de travail, c’était ridicule. Et sa présence dans l’allée des embrumes n’était pas un point positif quant aux intentions qui l’habitaient. Elle était pourtant bien hypocrite de juger l’homme sur sa présence en ces lieux, elle s’y était bien réfugiée pour oublier la vie extérieure. Mais elle n’avait pas l’envie d’être rationnelle, d’être calme et complaisante, il ne l’était pas avec elle, il ne le serait jamais et elle ne voyait pas un quelconque intérêt à se faire prendre au jeu.  « Et puisque tu le demandes, ma famille se complait à la provocation, mais ne te méprends pas, je suis certainement plus saine d’esprit que tu l’es. » La guerre était lancée, il était certain qu’ils n’en sortiraient pas indemnes. Dans ce cas, soit, elle l'accepterai.