☇ Infos complémentaires ; Neville a eu une poussée de croissance plutôt impressionnante alors que la plupart de son entourage avait déjà quasiment fini de grandir. Il domine désormais d'une tête la plupart de ses amis et son corps et son visage se sont affinés à la vitesse de l'éclair, sans doute aidés par de nombreuses privations au profit de plus jeunes Insurgés. • Il a toujours été gourmand. Incroyablement gourmand, même si il a toujours aussi été un picky eater, très particulier sur ce qu'il voulait manger et osait manger. En revanche, dès que ça parle de desserts et de bonbons, Neville n'a aucune sorte de self-control. • Il a toujours eu une relation compliquée avec sa grand-mère, mais jamais dénuée d'amour. C'est la femme la plus importante de la vie de Neville et il sait qu'il se serait effondré à de nombreuses sans elle. • Neville travaille très mal sous la pression, et il a besoin de beaucoup d'espace quand il doit travailler sur quelque chose d'important et de complexe. • Il a toujours été passionné par les plantes, comme sa mère avant lui. Dans la maison des Longbottom où il a grandi, il y a un jardin sur le toit dont il s'occupait pendant les vacances et quand il était petit, commencé par sa mère quand elle avait emménagé avec son époux des années auparavant. • Neville n'a jamais été un grand sportif, le Quidditch requérant quelque chose dont il manque cruellement: de l'équilibre. Ça s'est un peu arrangé avec les ans même si, encore aujourd'hui, il est incapable de tenir debout sur une seule jambe par exemple. • Neville ne mangeait pas beaucoup de viande avant, encore moins saignante; c'est pourquoi c'est difficile maintenant qu'il a des envies à cause de sa nouvelle condition. • L'autre problème d'être un jeune semi-loup, c'est la colère. La colère qu'il a du mal à réprimer, les coups de san qui ne sont pas habituels pour lui. • Même si les Longbottom sont très ouverts d'esprit et qu'il a passé de nombreuses années à survivre en volant des supermarchés moldus, Neville est très néophyte de la culture moldue en général. Il a tendance à s'émerveiller d'un rien quand il y est confronté. • Neville est complètement fleur bleue, c'est un hopeless romantic pour lequel on ne peut rien faire. • Une fois, une fois, il a eu un début de barbe. Horrible. Depuis, il se rase de près tous les jours. • Neville peut aller de 0% à 100% en quelques secondes. Il a des humeurs plutôt stables et calmes sauf quand on touche à ses proches ou à quelque chose auquel il tient. • Il est un peu claustrophobe sur les bords, ayant surtout peur de se retrouver dans un endroit fermé et de manquer d'oxygène. • Avant d'être griffé, suite à un violent combat, il avait perdu la moitié de son audition, côté gauche. La griffure a rétabli la chose, et a même un peu améliorer son équilibre et la précision de ses sens. • Neville n'est pas un grand lecteur, il n'aime pas faire des choses qu'il considère chronophages. Il aime être efficace, aller directement au point et ne pas s'arrêter en chemin. Prendre des bains, passer par quatre chemins, lire un livre pour le divertissement, bref, prendre son temps, il n'aime pas trop.

❝ Nothing compares to you ❞Deux mots sur l'IRL
Appelez-moi lola, rolf, astoria, theodore, édouard, sasha, greywaren. J'ai 19 ans, je viens d'écosse et j'ai connu le forum via ... . Si tout va bien vous me verrez connecté(e) 6 jours sur 7. Pour les scénarii uniquement : j'ai l'aval du créateur concernant ma fiche [X] oui / [] non. Un dernier mot ?  non c'est pas moi j'étais au cinéma.

there is no shade
in the shadow of the crossthe longbottoms', 1979
La maison actuelle des Longbottom est une jolie petite maison, pas loin du bord de mer, dans un quartier résidentiel britannique comme il en existe mille: architecture rigoureusement identique, pelouses bien taillées, voiture dans l'allée de graviers, fenêtres impeccables. Évidemment, comme toutes les anciennes familles de sang-pur respectables, les Longbottom possèdent un imposant manoir quelque part dans le Wiltshire ainsi que d'autres résidences, dont le vieil appartement de Frank et Alice à Londres, et  le cottage vacancier en Cornouailles; mais la maison de Blackpool, en bord de mer, est là où habitent la plupart des derniers membres de cette famille, dans un bordel sans nom qui ne plait que très moyennement à la propriétaire des lieux, Augusta Longbottom, grand-mère extraordinaire, matriarche formidable et femme exemplaire sous toutes les coutures.

Il y a l'oncle Algie et sa femme Enid, évidemment, qui ont investi tout le dernier étage de la maison moldue en apparence, sorcière en architecture farfelue: parfois la nuit, Neville entend des bang et des crac, des bruits d'explosion et des rires maniaques, provenant de là-haut. Il n'y est jamais allé, ça lui fait un peu peur. L'étage d'en-dessous, il y a le frère de la formidable Augusta, Antony, qui a pris ses quartiers, à sa retraite, et qui lit ses livres sans rien demander à personne en en envoyant parfois un exemplaire au visage de sa femme Georgia, sauf quand les enfants et les petits-enfants investissent aussi les lieux et alors là, ils essaient de se tenir à carreau pour bien leur montrer qu'ils ne vont pas encore clamser et leur filer tout l'héritage. L'étage d'en dessous, c'était l'étage de Frank, Alice et Neville mais maintenant, il est un peu désert et Neville vit au rez-de-chaussée avec sa grand-mère, c'est plus simple pour accéder à la cuisine et en plus, il fait moins froid. Il y a d'autres pièces, certaines auxquelles on ne peut accéder qu'aux heures pleines, d'autres qui se cachent timidement derrière du papier peint, certaines qui sont perdues à jamais; il y a des tableaux qui hurlent, des objets qui rient, des figurines qui font la guerre sur les étagères, des tapis qui vous mordent les doigts de pied si vous oubliez d'enlever vos chaussures et des casseroles qui frétillent d'impatience à l'idée d'être remplies; bref. C'est un beau et joyeux bordel, sauf à l'heure du repas.

L'heure du repas, c'est sacré. Tout le monde s'assied sur sa chaise, avec sa serviette, ses coussins et son sourire, et personne n'est en retard sinon l'elfe de maison — Monplaiz, surnommé Momo — fait la tête et personne n'aime quand Momo fait la tête. Il y a toujours trop de nourriture, trop de jus de citrouille et d'eau et de vin et les repas finissent un peu en beau et joyeux bordel, mais pas trop.
Ce soir-là, c'est la fin de la journée où Neville a enfin fait preuve des pouvoirs magiques officiellement.
Ce soir-là, il se tient un peu plus droit. Il a coiffé ses cheveux blonds, encore un peu bouclés même si ça disparaît avec les ans, sur le côté, il essaie de ne pas trop sourire et de ne pas trop jouer avec sa nourriture comme il en a l'habitude.

Pourtant, personne ne fait attention à lui.

Antony envoie des boulettes de pain à Augusta de l'autre côté de la table en essayant de viser son verre d'eau, Georgia et un tableau posé sur une des chaises autour de la table sont en pleine discussion philosophique dans la langue des êtres de l'eau, tonton Algie dévore les trois plats qu'il s'est servi tandis que tata Enid est interrompue à chaque fois qu'elle veut avaler une bouchée par un hibou qui se précipite par la fenêtre ouverte de la salle à manger.

Neville essaie de parler trois fois, quand il y a un silence. Mais une fois, Momo transplane et ramène les plats; une fois, Augusta élève la voix pour parler d'une affaire en cours et une fois, tonton Algie éclate de rire tellement fort qu'il manque de tomber de sa chaise et tout le monde rigole sauf Neville, qui joue toujours avec ses petits pois, parce que son assiette ne disparaîtra pas avant qu'il ait fini.

Enid quitte la table en premier, puis Georgia avec son tableau, puis Antony avec Algie qui a du mal à tenir debout après son verre de cognac, si bien qu'il ne reste plus qu'Augusta et son petit-fils, comme à chaque fois. Neville est resté silencieux pendant tout le dîner, mais ce n'est pas pour ça que sa grand-mère ne quitte pas la table. Sa grand-mère ne quitte pas la table parce qu'elle veut le voir finir son assiette, et c'est tout.
Alors Neville mange les petits pois un par un, même si ils sont froids. Il n'a pas le droit de parler avant de finir son assiette. Quand il a fini, il repose sa fourchette. “ Est-ce que tonton Algie t'a dit-- — Que tu étais tombé dans le jardin en rebondissant? Oui. Et alors? ” Et alors... il est un sorcier, c'est une bonne nouvelle, non? Il n'a pas le droit à un sourire, une tape sur l'épaule, une main ébouriffant ses cheveux? “ Tu crois que je vais te féliciter de ne pas être un Cracmol? ” Et la voix d'Augusta n'est pas dure, ni froide, ni cruelle; juste fatiguée, juste triste, et Neville voit pour la première fois ce qu'elle voit en lui: un incapable.

“ Au moins, aucun moldu ne t'a vu. Tu m'imagines expliquer au Ministère que la montgolfière que nos voisins ont vu hurler dans le ciel était en fait mon petit-fils? Le fils de tes parents? ” Le fils de tes parents. Augusta aime bien dire ça en parlant de lui. Neville déteste. Il a l'impression qu'elle ne parle pas de lui. Dans un soupir, sa grand-mère penche son imposant nez d'aigle en avant, vérifie que l'assiette est vide et récurée, avant de repousser sa chaise pour se lever. En passant derrière lui, elle lui effleure le crâne. “ Au moins tu n'es pas un Cracmol, marmonne-t-elle tout de même. Viens. ” Et sans se faire prier, même si il est déçu de ne pas avoir eu de la mousse au chocolat que tonton Algie a dévoré en trois bouchées, Neville emboîte le pas de sa grand-mère.

Ils montent un escalier, en redescendent un autre, entrent dans une pièce par une porte qu'Augusta verrouille avant de les faire passer par le battant sur le mur opposé, pour finir dans le bureau privé de la matriarche Longbottom. C'est une pièce austère, dont les murs sont remplis de carnets, vieux livrets et classeurs plus modernes, fidèles au poste. Augusta Longbottom n'a pas été notaire pour rien. Elle lui fait signe de s'asseoir d'un claquement de doigt sur le fauteuil en face du bureau et le meuble se précipite pour rentrer dans les genoux de Neville jusqu'à ce qu'il soit assis; en attendant, sa grand-mère s'approche d'un pas prudent de l'imposant buffet au fond de la pièce qui, comme tout le vieux mobilier sorcier, a développé un sale caractère avec les années.

Elle le caresse doucement et insère une clef de son porte-clef dans un tiroir, dont elle retire une petite boîte. Elle revient vers Neville et l'ouvre devant lui. C'est une longue boîte ornementée en bois, et l'intérieur est de velours bleu sombre. Et au milieu... “ une baguette? ” Augusta Longbottom sourit constamment, un petit rictus pincé qui paradoxalement, lui donne l'air encore plus sévère. Mais cette fois, c'est un vrai sourire, tendre, généreux et sincère, qui s'écarte sur ses lèvres. “ Prends-la. Elle appartenait à ton père. ”

Neville la prend. “ Tu ressens quelque chose? ” Ou-oui... quelque chose... un tout petit peu... comme une impression lointaine. Comme l'impression de se souvenir de son rêve, au réveil, mais pas tout à fait... sauf que cette impression est constante, alors qu'il tient la baguette, agitant inutilement le poignet, s'habituant à la texture du bois sur sa paume, sur ses doigts. “ Neville? — Ou-oui, un peu. ” Augusta est déçue, Neville le sent tout de suite. Il ne sait pas pourquoi, ou comment. Il ne sait pas à quoi elle s'attendait, et pourquoi elle claque la boîte en la refermant dans un soupir, ou pourquoi elle a soudain l'air très fatiguée et très vieille. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il est déçu lui aussi.

“ Tu es fatigué? — Non, je-- — Tu devrais aller te coucher. Grosse journée demain. Tes cousins viennent à la maison. ”

Et juste comme ça, il est remis de côté, comme une jolie boîte dans le tiroir grinçant d'un buffet grognon, et oublié.

i hope you'll find a friendhogwarts, 1994
" Hey, Longbottom! ” Neville essaie de se faufiler entre les gens, marmonnant des “ pardon, excusez-moi, désolé, ” de plus en plus perçants, rentrant la tête dans les épaules en essayant de passer inaperçu mais “ Longbottom! Oh, arrête de courir, je vais pas te faire de mal, voyons... ” la voix se rapproche, Malfoy se rapproche, il va-- une main se pose brutalement sur son épaule et il fait volte-face machinalement, se sentant trembler de tous les membres de son corps alors qu'il fait face à l'imposant Vincent Crabbe, de la même année que lui à Serpentard, plus épais que haut et sans doute le garçon de quatorze ans le plus terrifiant de la planète d'après les standards de Neville.

Il le plaque brusquement contre un mur de l'école, Neville sent le regard de quelques élèves mais la plupart se hâtent d'aller en cours après avoir chuchoté à leur niveau, d'autres détournent le regard et enfin, la grosse majorité est trop jeune pour se mesurer à Draco Malfoy et ses deux sbires... surtout pour sauver un être aussi insignifiant que Neville Longbottom. Neville voit avec horreur le couloir se vider alors que le sourire de Draco Malfoy s'agrandit de seconde en seconde. “ Bah alors, Longbottom, tu portes pas de badge? Trop occupé à sucer Potter? ” dit-il finalement, alors que la tension est à son comble, tapotant avec sa baguette l'horrible badge Diggory-Potter qu'il porte.

Neville essaie de se débattre, mais Crabbe lui fout une petite claque pour le calmer. “ Je me disais que peut-être on pourrait t'écrire POTTER STINKS sur le front... quoique ça se verrait sûrement pas trop, avec tous tes boutons. ” Goyle éclate d'un petit rire satisfait, Crabbe ricane d'un son horrible et même Malfoy s'esclaffe de sa propre blague. “ Ou alors on pourrait juste-- — Le lâcher, peut-être? ” Les quatre garçons s'immobilisent et d'un même mouvement, tournent brusquement la tête pour regarder l'origine de la voix... Ginny Weasley, la petite soeur de Ron, accompagnée de... d'une... autre fille habillée bizarrement. “ Qu'est-ce que c'est que ça? ” demande Malfoy en arquant un sourcil, l'air soudain maussade. Neville essaie encore une fois de se dégager mais Crabbe resserre sa pince autour de son col.

Ginny croise les bras sur sa poitrine. Ils se sont parlés une ou deux fois, Neville et elle, et il est toujours gêné en sa présence parce qu'elle lui fait un peu peur. Surtout quand elle croise les bras sur sa poitrine. Malfoy doit se faire la même réflexion parce que Neville le voit un peu... hésiter? “ Si j'étais toi, Malfoy, reprend-t-elle avec aplomb, j'irais plutôt retourner baiser les doigts de pied de Krum, t'es en train de les laisser dessécher là. — Espèce de sale petite-- — Oui, monsieur Malfoy? ” Tout le monde s'est donné rendez-vous dans ce couloir pour humilier Neville, c'est obligé.

“ J'ai l'impression d'avoir interrompu quelque chose mais je vous en prie, continuez, vous étiez en train de dire...? ” Le professeur McGonagall se rapproche d'eux à grands pas, sa longue robe verte au motif écossais sombre flottant derrière elle comme une cape, jusqu'à arriver à leur hauteur. Le temps qu'elle soit en face d'eux, Crabbe a lâché le col de Neville, Goyle a ramassé son sac et le lui a mis dans les bras et Malfoy s'est passé une main dans les cheveux et a hissé un petit sourire presque aimable sur ses lèvres, même si personne n'est dupe. “ Rien du tout, professeur McGonagall. — Tant mieux, j'aurais presque pu croire que vous étiez en train de gaspiller de l'air. Quant à vous, Longbottom, Weasley et Lovegood, j'imagine que vous aviez aussi une très bonne raison pour expliquer votre présence dans mon couloir? — On cherchait la salle de Divination, professeur... — ... et on s'est perdues! — Hm-hm. Et vous, Longbottom? — Euh... j'ai pas cours... j'allais juste à la bibliothèque... — J'imagine que vous aussi, monsieur Malfoy. — Oui, professeur. On allait étudier nos devoirs de Métamorphoses. — Tant mieux, parce que votre dernier exercice était horrifiant au pire et médiocre au mieux, Crabbe. ” Le professeur renifle, l'air exaspéré. “ Allez donc en Divination et à la bibliothèque, maintenant, vous avez assez perdu de temps comme ça. Et Malfoy, l'interpelle-t-elle quand il renifle à son tour, vous me ferez le plaisir de retirer ce badge stupide, il n'est pas réglementaire au code vestimentaire. ”

Ils repartent chacun de leur côté jusqu'à ce que “ Longbottom? Je croyais que vous alliez à la bibliothèque? ” Et effectivement, Crabbe, Goyle et Malfoy se dirigent dans la bonne direction, le regardant par-dessus leurs épaules pour jauger s'il va les suivre ou non et éventuellement continuer leur petit séance hebdomadaire de bullying, sauf qu'il a préféré rester avec Ginny... instinct de survie. “ Euh... j'ai oublié quelque chose dans mon dortoir... une plume... ” Les yeux d'aigle de McGonagall le clouent sur place. Elle soupire. “ Vous direz à votre grand-mère de ne pas oublier de vous offrir un énième Rapeltout pour Noël alors... — Oui, professeur. ” Elle fait un signe de la main pour le congédier, et Neville rattrape en courant Ginny et son amie qui ont commencé à marcher sans lui.

Une fois qu'ils tournent dans un autre couloir, ils se mettent à sprinter comme des fous jusqu'à estimer être assez loin de Malfoy et ses deux chiens et là ils se laissent aller contre les murs en respirant difficilement, Ginny riant à moitié tandis que son amie est limite en train de se rouler parterre en maudissant la petitesse de ses poumons. “ Vous avez- vu- comment je lui ai- cloué- le bec! ” dit Ginny entre deux respirations douloureuses et deux rires et Neville ne peut s'empêcher de s'esclaffer, et l'autre fille de rire un peu aussi. “ Quel nul, ” finit par dire Ginny en se redressant, aidant son amie à faire de même. “ Neville je te présente Luna Lovegood. Luna, voici Neville. — Euh... enchanté. Il sait que son surnom est Loufoca. — Salut! On t'a déjà dit que tes cheveux bouclés étaient la preuve que t'as la tête pleine de Nargoles? — Nar- mais- je- j'ai plus les cheveux... bouclés... — Donc tu les avais avant!? — Quand j'étais petit... — Mais où vont vivre tes Nargoles, maintenant? — Quoi, mais, je-- — Je suis sûre qu'ils ont trouvé un habitat très respectable sur la tête d'Hermione, Luna. — Si tu le dis... je pense quand même que la relocalisation de Nargoles, c'est mauvais pour leur santé. ” Neville a l'impression d'être tombé dans un asile de fous.

Non, il n'aime pas trop cette comparaison. Luna le fait parler et Ginny le fait rire. Ils passent l'après-midi ensemble, parce qu'ils n'ont pas cours de toutes manières, Ginny et Luna ont juste dit le premier cours qui leur passait à l'esprit pour échapper aux questions embêtantes de McGonagall. Luna est très étrange, Ginny est pleine de vie et Neville rit beaucoup, vraiment beaucoup, cet après-midi-là. Et puis il faut qu'il aille à la bibliothèque pour finir son devoir de Botanique, et elles doivent préparer leur matériel d'Astronomie pour cette nuit et alors qu'ils cheminent vers le château en quittant le parc pour retrouver la chaleur des murs de l'école, Ginny lui envoie un coup d'épaule. “ Tu devrais pas te laisser marcher sur les pieds comme ça, Neville. Tu vaux autant que lui, si ce n'est plus. ” Il ne répond pas, évidemment. Il lui sourit doucement, presque tendrement, parce qu'on le lui a déjà dit un million de fois... mais ça ne veut rien dire, il n'y arrive jamais. “ En parlant de marcher sur les pieds... tu vas avec quelqu'un au bal de Yule? ”

in this moment
we are infiniteroom of requirement, 1995
“ Ça va, Harry? — Hm? Oh, oui, ça va. ” Il a l'air pensif, pourtant, Harry, mais Neville n'ose pas insister alors il ne dit rien. Il reste silencieux, continue de ranger les coussins dans un coin de la Salle sur Demande. Ils les ont utilisés aujourd'hui pour s'entraîner au sortilège du Stupéfix. Neville a enfin réussi à Stupéfixier Harry! Hermione est encore trop rapide pour lui mais Ron aussi a failli succomber au moins une fois. Il est fier de lui, même si il sait que c'est encore très médiocre et que sa grand-mère aurait beaucoup de choses à redire sur comment il doit tenir sa baguette, comment il doit agir, prononcer les syllabes qui composent la formule, faire ceci, faire cela... rien n'a jamais été assez bon, chez Neville, pour Augusta Longbottom. Neville ne la blâme pas, il comprend. Ce doit être assez horrible d'avoir un génie pour fils et un incapable pour petit-fils.

Et pourtant... il a fait des progrès, n'est-ce pas? Avant, il arrivait à peine à désarmer les autres, encore moins à les Stupéfixier et maintenant... Neville se rend seulement compte que Harry est en train de lui parler quand il lui tapote l'épaule. Il ne peut s'empêcher de rougir en se retournant vers son ami. Comme souvent, il est l'un des derniers à quitter la Salle sur Demande, parce qu'il veut toujours s'entraîner un peu plus, même tout seul quand Harry est las de se prendre des sortilèges à la figure, et pour aider à ranger aussi. Ça le calme, ça apaise l'adrénaline qui circule dans ses veines quand il réussit à faire de la magie. Neville se sent stupide, à la fin de chaque séance, parce qu'aucun adolescent de quinze ans ne se sent comme ça après avoir jeté un sortilège aussi simple qu'un Expelliarmus. Il doit être vraiment stupide... mais au moins il fait des progrès.

“ Il n'y a personne dans les couloirs, dit Harry avec la mystérieuse carte qui apparemment lui indique quand il y a du monde qui circule au septième étage. On y va? — Oui, j'ai bientôt fini. — Oh... t'en fais pas pour ça. ” Harry fronce légèrement du nez, l'air de se concentrer... avant d'agiter sa baguette une ou deux fois, prononçant deux formules de rangement que Neville connait mais qu'il a toujours du mal à appliquer. Les coussins restants s'élèvent un à un, maladroits et tremblotants, et rejoignent les piles dans le coin de la pièce. “ Tu dois m'apprendre ça, ma valise est toujours en vrac quand j'utilise ce sortilège. ” Harry rit légèrement. “ Peut-être pas aux réunions de l'AD, je crois pas que ce soit très utile contre un Mangemort. À moins si tu veux que sa robe retourne à la poubelle où elle appartient! ” Neville rit légèrement, à son tour. Il aime bien Harry.

Il admire Harry. Harry est tout ce qu'il aimerait être: vif, courageux, talentueux, sport et apprécié. Pas par tout le monde, mais apprécié tout court. La plupart du temps, Neville a l'impression qu'il est juste supporté. Supporté par Harry parce qu'il est l'ami d'Hermione. Supporté par Hermione parce qu'il est l'ami de Ron. Supporté par Ron parce qu'il est l'ami de Ginny. Supporté par Ginny parce qu'il est l'ami de Luna. Supporté par Luna parce que... eh bien, elle serait bien en mal de faire un tri parmi ses amis. C'est une boucle sans fin. Mais au moins, lui murmure une petite voix pernicieuse à l'oreille, ils te supportent, et tu mérites encore moins que ça.

Ils sont en train de se diriger vers la porte quand Harry l'arrête, posant à nouveau sa main sur son épaule avant de la laisser tomber. Neville se tourne vers lui, plein de questions dans les yeux, se demandant si il a fait quelque chose de mal. Peut-être qu'il va lui demander de ne plus revenir aux sessions de l'AD parce qu'il est trop nul... “ Désolé, je suis un peu dans mes pensées en ce moment mais Neville... c'était super, ce que tu as fait tout à l'heure. ” Le compliment le prend complètement de court. Neville ne sait pas quoi dire ou quoi faire. On ne lui a jamais dit ça. Il n'a jamais mérité qu'on lui dise ça. “ Tu fais beaucoup de progrès, c'est bien. ” Harry dit ça sur un ton complètement dégagé, en se remettant à marcher comme si de rien n'était et Neville lui emboîte le pas, en réfrénant à grand mal l'énorme sourire qui lui déchire les lèvres. C'est stupide, il est juste stupide, mais il n'arrive pas à s'en empêcher.

Il se doute qu'Harry veut juste être gentil et l'encourager. Il est très pédagogue, quand il veut. C'est un excellent sorcier et un très bon professeur: il ne le scrute pas comme le professeur McGonagall ou ne le ridiculise pas comme le professeur Snape. Il est juste... gentil, il essaie juste d'être gentil, il lui donne même des compliments qu'il n'est pas sûr de mériter mais au moins, il les donne. “ Merci, Harry, ” marmonne-t-il en retour, les joues rouges et la bouche toujours écartelée d'un sourire, alors qu'ils arrivent à la porte.

Ils sortent de la Salle sur Demande après qu'Harry ait éteint les lumières d'un sortilège. Ils rejoignent en catimini la salle commune de Gryffondor, où Hermione et Ron attendent Harry près du feu: Neville leur dit bonsoir et monte dans les dortoirs. Dean et Seamus étaient dans la salle commune, il leur a dit bonsoir aussi en passant devant eux; il est donc seul quand il rentre dans la chambre qu'il partage avec ses... amis, non, ses camarades. Il fait un peu froid, l'hiver approche, ce sera la fin du trimestre dans moins d'une semaine. Neville se met en pyjama et se glisse sous ses couvertures, observant le plafond de son lit à baldaquins, les bras croisés derrière la tête. Il y a des initiales gravées de gens qui sont passés là avant lui. Il se demande si lui aussi laissera une marque comme ça quand il partira de Poudlard, ou si il quittera l'école comme il a vécu toute sa vie: sans faire de vague, sans se faire remarquer, sans mériter qu'on se souvienne de lui.

dig up his bones
leave his soul alonest. mungo's, 1997
“ Je vais... je vais chercher quelque chose à boire. Neville? — Ça ira, merci. ” Augusta adresse un dernier regard à son petit-fils, oblique, avant de se lever pour quitter la chambre étouffante d'hôpital. Ses doigts touchent l'épaule de Neville en passant et celui-ci se demande si elle essaie de le réconforter ainsi, avant de rapidement conclure qu'elle l'a juste frôlé en passant trop près. Il attend que sa grand-mère ait quitté la chambre pour continuer à lire: “ (...) Il parlait bien, mais le langage du cœur, les tendres sentiments, n’étaient pas ceux qu’il savait le mieux exprimer, l’orgueil-- Maman? ” Alice s'est soudainement redressée dans son lit, comme prise d'une soudaine inspiration. Comme souvent, comme toujours, les yeux de Neville cherchent et fouillent et décryptent son visage.

Sa mère est jolie. Ça, il le sait. Elle est jolie et elle lui ressemble beaucoup: elle a les mêmes yeux bleus, le même visage anguleux qu'il aura un jour — les photos de famille lui ont toujours indiqué qu'ils avaient les mêmes joues enfantines —, le même profil au nez bien droit. Ses cheveux ont été blond foncé, comme les siens, par le passé. Ils sont désormais blancs, tellement blancs, et si fins... et ses yeux creusés, et ses joues émaciées, et son regard... son regard vide. “ Maman? ” répète Neville, se penchant en avant pour étudier son expression. Il y cherche quelque chose, n'importe quoi, comme à chaque fois qu'il vient, il ne perd jamais espoir. Un jour, elle le reconnaîtra, il le sait, elle le doit. Un jour, elle le reconnaîtra, il est son fils après tout.

Les yeux d'Alice roulent dans leurs orbites puis se posent sur le livre, que Neville a anxieusement fermé avec des doigts tremblants. Elle tend sa main aux longs doigts anguleux et osseux et la pose sur la couverture, avec délicatesse, la caressant pensivement. “ Maman, c'est- c'est ton livre, ” bafouille Neville, ouvrant l'ouvrage pour lui montrer l'inscription à l'intérieur, Alice Griffith, Gryffondor. NE PAS VOLER!, qu'elle a écrite des années plus tôt.

Les yeux d'Alice se posent sur les mots sans les lire puis elle les détourne, se laisse retomber contre l'imposant oreiller qui lui sert de dossier et laisse ses yeux balayer le plafond alors que ses lèvres se remettent à articuler des berceuses silencieuses.

Neville ferme définitivement le livre. Ses doigts tremblent tellement qu'il a peur de déchirer les pages en les tournant. Il veut simplement que sa grand-mère revienne pour qu'ils s'en aillent. Il veut quitter cet endroit. Il veut que sa mère lui donne son papier de confiserie du jour et il veut partir, partir jusqu'à dans trois semaines quand sa grand-mère voudra revenir. Il veut partir, oublier le regard vide de sa mère, oublier les paroles incohérentes de son père, il veut partir, oublier cet odeur horrible, la cacophonie constante des autres patients, il veut simplement partir.

“ Neville? ” Il doit se retenir pour ne pas gémir. Avec sa chance, ça va être... qui? Hermione Granger, encore? Elle l'a surpris ici, avec ses parents et sa grand-mère, il y a un peu moins d'un an maintenant, quand le père de Ron et Ginny était hospitalisé... le pire moment de sa vie. Il ne sait pas ce qui l'a embarrassé le plus, la compassion mêlée de pitié sur leur visage, ou le comportement de sa grand-mère. Il n'a pas... il n'a pas honte d'eux, pas vraiment. Pas du tout. Il est même très fier, ses parents étaient des gens bien, tout le monde le lui a toujours dit. C'était des sorciers talentueux, des Aurors appréciés par tout le monde, des gens formidables... bref, tout le contraire de lui-même.

Il n'a pas honte d'eux, vraiment pas. Il a juste honte de qui il est par rapport à eux. “ Oh... Hannah. ” Il se lève, franchement surpris, essayant machinalement de se mettre en sa mère qui continue de chanter sans le moindre son et sa camarade de classe qui s'est approchée machinalement, deux petits yeux bleus curieux essayant de comprendre la situation. Ça fait presque un an qu'ils ne se sont pas vus. Hannah a quitté l'école en novembre en apprenant que sa mère avait été tuée par des Mangemorts chez elle... “ Est-Est-ce que tout va bien? Rien de grave? — Non... je visitais simplement mon grand-père. Elle grimace en faisant un mouvement vers le fond de la pièce. Il vient d'être interné... éclabouille cérébrume. ” Neville grimace avec compassion. “ Je suis désolé. — Non, non, c'est pas grave, je veux dire, tu- tu ne savais pas. ” Elle a une grimace à son tour, gênée. “ Ça te dit de sortir? J'ai vraiment besoin d'air. — Oui, bien sûr, ” fait Neville avec une hésitation. Il repose le livre sur la table de chevet de sa mère, qui observe Hannah longuement sans rien dire, ses lèvres ayant cessé leur musique silencieuse. Son père, assis sur son propre lit, est en train de commenter à mi-voix quelque chose dans une langue que Neville ne connait pas. Il sent le regard d'Hannah s'attarder sur eux et ça l'énerve et il a envie d'envoyer valser le livre. “ Je reviens, maman, dit-il à Alice qui ne l'écoute pas ni le regarde. Je reviens tout de suite. ”

Ils sortent dans le couloir. Il est étrangement silencieux, désert. Il semble pourtant exigu, obscur et machinalement, ils s'approchent tous les deux de la fenêtre la plus proche, à peine ouverte pour laisser passer un filet d'air frais. Neville observe d'un oeil trop concentré pour être honnête la vie londonienne moldue à travers le verre.

Hannah se met à parler. Ils sont amis, ils ont tous les deux fait partie de l'Armée de Dumbledore et Hannah était vraiment patiente avec lui, il s'en souvient. Toujours gentille, toujours prévenante. Douce. Il ne l'a pas revue depuis... depuis novembre, quand elle a été sortie du cours de Botanique et qu'on lui a annoncé que sa mère avait été assassinée... elle a changé. Elle est plus menue, moins avenante. Elle a pris deux-trois centimètres mais lui aussi. Neville s'en veut subitement de ne pas lui avoir écris, de ne pas lui avoir donné ses condoléances et son soutien mais il n'avait pas les mots, tout simplement. Il ne savait pas comment écrire ce qu'il ressentait, ce qu'il voulait qu'elle comprenne — qu'il était son ami, qu'il était là pour l'écouter, pour l'aider si elle le voulait. Il n'a jamais été doué avec les mots.

Hannah l'est. Elle parle doucement, posément, elle parle à mi-voix de Dumbledore, ses funérailles, elle regrette de ne pas avoir pu passer l'année précédente avec eux, de ne pas avoir pu se battre avec eux... elle lui raconte Vitmagic par correspondance mais aussi les lubies de son oncle, qui l'a adoptée avec ses deux frères suite à la mort de leur mère. Elle parle doucement, précisément, regardant elle aussi par la fenêtre, ses doigts tapotant la vitre avec un rythme stable et serein. Neville se laisse bercer par sa voix. Elle le calme. Il ne s'attendait pas à ça.

Elle s'arrête seulement quand l'ombre imposante d'Augusta Longbottom les enveloppe. Elle n'a pas de café à la main, mais une moue pincée hissée sur les lèvres qui se détend seulement pour saluer Hannah. “ Abbott? Oh dear, j'ai été désolée d'apprendre pour votre mère, quelle horreur... si il y a quoique ce soit dont vous avez besoin, n'hésitez pas, tu lui as dit, Neville, n'est-ce pas? — Euh, oui, bien sûr... ” Hannah lui adresse un petit sourire, un peu crispé depuis l'arrivée de sa grand-mère. “ Bon eh bien... c'était bien de te revoir, Neville. On se verra sur la Voie 9¾? — Euh... ” Il n'a jamais été un excellent menteur avec ses amis.

Sa grand-mère veut qu'ils quittent le pays. Avec Dumbledore de parti, les Weasley attaqués dans leurs jardins, Harry Potter introuvable et impossible à contacter, l'Ordre quasi-démantelé après la mort du vieux directeur... il semble impossible de rester, de faire quoique ce soit ici et de survivre, surtout. Neville, évidemment, veut rester. Il ne veut pas se cacher. Et ils ne peuvent pas laisser ses parents derrière mais sa grand-mère... est sa grand-mère. Elle a peur pour eux. Pour lui.

Les traits d'Hannah passent de la courtoisie à quelque chose de plus sinistre. “ Tu n'as pas reçu la lettre de cette année, Neville? ” lui demande-t-elle un peu gentiment, et il se surprend à rougir. Elle trône en évidence sur son bureau, il n'a pas pu se résoudre à l'ouvrir, surtout pas avec l'idée en tête qu'il n'allait peut-être jamais retourner à Poudlard. Hannah se mordille la lèvre inférieure, ses yeux passant d'Augusta à son petit-fils. “ Il y a un nouveau directeur... le professeur Snape. Il y avait aussi une lettre du nouveau professeur de Magie Noire, Amycus Carrow — tu connais leur réputation, évidemment — qui expliquait que cette année, c'était obligatoire de revenir à l'école. Ou sinon... ” Elle a un hoquet qui ressemble étrangement à un sanglot. “ Ou sinon on devenait des traîtres au Gouvernement et on serait exécutés. ”

you can take my life away
but for the love of god
please don't hurt herhogwart's dungeons, 1998
“ Tu sais ce qu'ils vont nous faire cette fois? — Non. — Je te protégerai. ” Ginny rigole un peu. C'est drôle, d'imaginer Neville en train de la protéger, mais c'est triste aussi, d'avoir besoin d'être protégée, alors il y a comme un sanglot dans sa gorge, qu'elle ravale rapidement. Lui aussi sent quelque chose lui piquer le nez, faire déborder ses yeux, enfoncer un trou dans sa poitrine. Mais il le ravale, parce qu'ils doivent être forts. Pour les autres, les plus faibles et les moins volontaires, à qui ils ont promis qu'ils s'en sortiraient. Pour Harry, qui est quelque part, en train de... de régler la situation, n'est-ce pas? Pour Luna, qui n'est pas là. Pour tout le monde. L'un pour l'autre, aussi, parce que Neville sait que sans Ginny, il s'effondrerait et que le contraire aussi est vrai.

Il laisse son front aller contre les barrières du cachot, regardant Ginny de l'autre côté du couloir. Ça le tue à chaque fois. Ils les mettent toujours l'un face à l'autre, comme ça ils peuvent voir les dommages sur le visage de l'autre, et aussi se regarder sans être capable de se sauver. C'est cruel mais c'est le genre de cruauté auxquels ils ont le droit depuis que les Carrow se sont emparés du château. Il tend la main entre les barreaux (quand est-ce que son poignet est devenu si fin?) mais il sait très bien qu'il ne parviendra jamais à la toucher. “ La pire torture. Go. ” C'est un jeu auxquels ils jouent pour faire passer le temps, pour ne pas dormir aussi. C'est toujours le pire, quand ils dorment, parce que les Carrow les prennent par surprise et les réveillent de la pire façon possible. Il n'a même pas envie d'y penser.

Alors même si ses yeux sont lourds et lui piquent, même si sa pommette le brûle là où il a été frappé par le revers d'un main lourdement baguée, même si tout son corps épuisé lui hurle de se reposer, il se force à se concentrer. “ Hm... se faire chatouiller la plante des pieds par une plume de canari. — De canari? — Oui... c'est jaune, c'est encore pire. ” Ginny étouffe un autre rire et se met un peu à tousser. “ T'es malade? — Non. À moi. Qu'ils te soumettent au sortilège de l'Imperium et te forcent à chanter devant moi. — Excuse you, je chante très bien. — Je t'en prie, Nev. — Je t'assure! Attends une seconde. — Nooon, pas ça. — Tu vas-- ”

Ils s'interrompent parce que quelqu'un vient d'ouvrir la porte des cachots.

Ginny retourne dans le fond de sa cellule, Neville retire sa main d'entre les barreaux et se redresse sur son séant: une chorégraphie bien minutée. Malgré l'obscurité, Neville peut voir le regard de Ginny sur lui, lourd et déterminé. Elle hoche légèrement la tête. Sois fort. Il lui répond de la même manière. Sois courageuse.
Amycus Carrow arrive en sifflotant, faisant tinter sa baguette contre les barreaux des cachots qu'il remonte jusqu'à eux.  “ Well well well, par qui allons-nous commencer, cette fois? — Moi, ” disent-ils tous les deux sans hésitation, comme d'habitude, et Carrow rit un peu, parce que c'est drôle et touchant, leurs désirs de se faire du mal pour ne pas que l'autre souffre. “ Ce sera le garçon, alors, ” dit-il après les avoir observés tous les deux. Neville voit Ginny se tendre, dire quelque chose, se jeter contre les barreaux pour attraper un pan de la cape de Carrow mais il n'entend, ni ne voit tout: n'existent que les yeux trop clairs de Carrow, son sourire sardonique et sa baguette dressée.

Crucio.
Il va devenir fou.
Crucio.
Tu n'es pas assez bon, Neville.
Crucio.
Sois fort.
Crucio.
Sois courageux.

C'est des larmes, chaudes et honnêtes, qui coulent sur ses joues quand Carrow a fini. Il n'arrête pas de trembler. Il n'arrête pas de penser aux longs, fins et pâles doigts de sa mère à chaque fois qu'elle dépose quelque chose dans le creux de sa main, avant qu'il ne parte. Il pense à ses yeux vides, aussi, à l'immensité de ces deux puits noirs sans fond qui l'aspirent, l'aspirent, l'aspirent... “  Neville! NEVILLE! ” ... et le recrachent. “ G-Ginny? ” Il se redresse difficilement. Il a pleuré, et il y a un peu de sang sur le sol là où il s'est brutalement cogné et s'est ouvert la tempe. Avec un grognement de douleur, il porte la main à son front en essayant vainement de se redresser, mais le monde tangue, c'est impossible. “  Neville! — Ginny, je- ça- ça va. ” Il se concentre sur sa respiration, pour arrêter qu'elle siffle, se concentre sur la douleur aussi, pour que le monde arrête de tourner si vite. “  J'ai cru qu'il t'avait tué. — Avec quatre petits Crucios? Je t'en prie. Il est... — Parti. Je ne sais pas. Il avait l'air paniqué... Tu peux te lever? — Non... ” Ils restent silencieux. Il cligne difficilement des yeux jusqu'à la regarder.

Elle a le visage contre les barreaux, l'air inquiète et défaite et fatiguée. Neville a envie de sourire pour la rassurer mais il n'en a pas la force, alors il reste immobile, lui rend son regard. “ Tu veux toujours m'entendre chanter? — J'aurais dû le laisser t'achever. ” Mais la rigolade n'atteint pas ses yeux, et à lui non plus.  

he did it for reasons
much older than silverempty classroom, 1998
“ Traître, traître, TRAÎTRE! ” Et Neville accuse chacun des coups, au coeur et au visage, essayant de se redresser même quand on lui maintient fermement les bras et les épaules pour éviter qu'il se dégage. Son nez, sa mâchoire, sa pommette... il a mal, tellement mal, tout son visage le brûle. Il aimerait juste que ça s'arrête, il est fatigué, il n'en peut plus, il veut juste voir la fin. “ TU NOUS AS TRAHIS, TU AS TRAHI HARRY, TU NOUS AS TOUS TRAHIS. ” Et Neville ne dit rien. Avec les Carrow, il a appris une astuce: se réfugier quelque part, loin des mots et loin du corps, pour tout laisser glisser à la surface, même les pires choses. Alors il pense à autre chose, enfin, il essaie, parce qu'il a vraiment très mal, et que c'est difficile d'entendre autre chose que Matthew qui hurle.

Il ne lui en veut pas, parce qu'il comprend. Lui aussi réagirait ainsi, quoique moins violemment, si Matthew se mettait à collaborer avec l'ennemi. Mais il essayerait de comprendre... toutefois, il comprend qu'on ne veuille pas essayer de comprendre. C'est plus simple de se faire aveugler par la rage. Ils ne sont qu'humains après tout.

Il doit collaborer. Il le doit. Pour Ginny, pour Luna, pour Harry, pour Hannah, pour survivre. Il le doit, même si on dit qu'il est un faux, même si on lui crache à la figure des collabo et des traître et des menaces, sincères et en l'air. Mais il fait ça pour le plus grand bien, d'accord? Il fait ça pour le plus grand bien, pour soutenir Ginny, pour aider les plus jeunes, les plus-- un coup dans l'estomac interrompt ses pensées et il est abandonné parterre, sur la pierre froide. Ses ongles essaient de s'enfoncer dans la pierre, en vain, et il tente de se redresser, mais un violent coup entre les omoplates l'aplatit un peu plus parterre. Il essaie, désespérément, de retrouver le coin solitaire loin de la douleur qui se trouve dans son coeur et son esprit... en vain. Maintenant n'existent que la douleur et le sentiment d'injustice.

Il fait ça pour EUX. Pour EUX TOUS. Pourquoi ne peuvent-ils pas voir? Il essaie une nouvelle fois de se relever, parce que Neville n'est pas connu pour son manque de détermination, mais cette fois on appuie deux genoux sur ses omoplates, on le force à rester immobilisé au sol alors que deux paires de main lui retournent le bras, repoussent la manche de la chemise pour exposer l'avant-bras pâle et tendre à la lumière du jour qui traverse l'une des fenêtres de la salle de classe. Il essaie de se dégager, ignorant complètement ce qu'ils vont lui infliger, en vain. “ Here, tu seras content de porter la marque de tes nouveaux copains, hein, Longbottom? Sale traître, tu mériterais qu'on te la foute sur le front. ” Et puis l'autre ouvre brusquement son sac pour en sortir une petite bouteille d'encre et appuie sa baguette brûlante sur son bras.

Neville hurle — mais il n'y a personne pour venir le sauver.

dying is easy, young man
living is harder2001, dauntless' camp
Luna a été capturée.
A fortiori, Ginny est morte.
Luna a été capturée, il n'a pas pu la sauver.
A fortiori, Ginny est morte, il n'a pas pu la sauver.
Il n'arrête pas d'y penser, ça le hante. Le regard de Ginny au moment où elle a laissé la gamine prendre sa place sur le balai. Le regard de Luna quand elle lui a dit qu'elle partait en mission, une énième mission, et qu'elle lui a souri et dit qu'ils allaient devoir préparer les ingrédients pour les conserver.

Il a essayé de détester la gamine, il a vraiment essayé. Il a essayé de détester Luna de l'avoir abandonné, il a vraiment essayé. Mais depuis que la nouvelle est tombée, Neville n'arrive à rien. Il arrive à peine à réfléchir. Il a l'impression qu'il va s'effondrer, exploser, tomber en mille morceaux sur le sol. Sa grand-mère a essayé de le réconforter jusqu'à ce qu'il arrête de pleurer, Hannah l'a serrée contre elle jusqu'à ce qu'il arrête de trembler, tout le monde le regarde d'un air inquiet parce que Ginny, quand elle ne s'est pas enfuie avec lui, il a failli se briser en deux mais il y avait Luna; et maintenant que Luna est partie...?

Il est sorti pour aller chercher les ingrédients qu'elle aurait dû ramener. Il est sorti, il est revenu, il s'est écroulé dans son coin de la planque et il a fermé les yeux, parce que mieux vaut dormir que souffrir, après tout.

Il sait qu'il doit être fort, pourtant. Courageux, fort, c'est ce que Luna aurait voulu, c'est ce que Ginny lui a appris à être. Courageux, fort, déterminé, volontaire. Il devrait se lever et demander une mission, faire quelque chose, n'importe quoi... mais pas ce soir. Demain sans doute, mais pas ce soir. Ce soir, il veut juste dormir, se reposer, ne rien dire, ne rien penser...
Oublier.

“ Neville? ” Il a l'impression d'avoir fermé les yeux deux secondes et pourtant, la lumière du matin perce à travers les grandes fenêtres de l'usine dans laquelle ils se sont réfugiés. Il n'a même pas entendu Hannah se glisser dans le sac de couchage à côté du sien; elle dort tranquillement pourtant, à côté de lui, le visage détendu et serein. “ Nev? ” C'est Harry. “ J'arrive, ” souffle-t-il en retour, enfilant un pantalon et sortant de son sac de couchage puis de la tente de fortune qu'ils ont dressé, faites de vieilles couvertures et vieux vêtements, avec précaution pour ne pas réveiller Hannah. Il y a plus de lumière qu'à l'accoutumée dans la vieille usine. Le monde devrait pleurer, être triste et douloureux, sans Luna. Il se demande ce qu'elle penserait de cette pensée, puis repousse cette idée. Elle n'est pas là pour lui dire, alors il refuse même d'y songer.

Neville se passe une main sur le visage, regrettant de ne pas avoir enfilé de pull par-dessus le t-shirt dans lequel il dort. Les Nocturnes s'éveilleront dans quelques heures: Harry est le seul debout, l'air réveillé... enfin, plutôt l'air comme s'il n'avait pas dormi. Neville se sent un peu coupable de s'être assoupi, mais Harry lui met une tasse de café bon marché dans les mains et il oublie complètement ses remords. “ Tout va bien? — Toi, tout va bien? ” Neville hausse les épaules. Non. Il n'a pas envie d'en parler. “ Tu sais... elle n'aurait pas voulu qu'on se morfonde trop sur sa disparition. — Ne parle pas d'elle comme si elle était morte. ” Il déteste sa voix, l'agression et l'amertume, ainsi que la légère hostilité qui en ressort. Il se déteste, parce que la colère dans ses veines, dans son esprit, dans son coeur pourrait trucider tous les Rafleurs, tous les Mangemorts, en cet instant précis. Il pourrait le faire. Il est à deux doigts de demander à Harry de le laisser faire.

Mais Harry le regarde avec la même flamme. C'est bizarre, mais ils se ressemblent de plus en plus, avec les ans. Ils ont tous les deux vieilli, ont grandi, se sont épaissis: ils ont laissé les garçons derrière eux, sont devenus des... hommes. Ça fait presque deux ans qu'ils partagent le même camp, les mêmes plans impossibles pour sauver Ginny, la même confiance et la même amitié, forte et insoumise. Il sait qu'Harry lui fait confiance, il sait qu'Harry le respecte et il sait, pour la première fois, qu'il le mérite. N'a-t-il pas bien changé, après tous ces mois de fuite, de combats et de pertes?
De pertes... non, Neville, ne pense pas à ça, s'il te plaît.

“ Est-ce que tu penses que tu serais prêt à partir en mission, Neville? ” lui demande Harry, ne passant pas par quatre chemins. De toutes manières, pas besoin de prendre des pincettes entre eux, plus maintenant. “ Où? — Chez les Belliqueux. Ils agissent de plus en plus bizarrement, ces derniers temps et-- — J'irai. — Neville, tu sais qu'ils peuvent se révéler dangereux, hein? Violents. Ils voudront que tu fasses tes preuves, t'es sûr que-- — J'irai, Harry. Ils ont besoin qu'on les surveille. Et puis, avec la... capture de Luna, je n'aurais qu'à dire que ça a réveillé des pulsions meurtrières en moi. ” Il dit ça d'un ton froid, distant et clinique, comme si des rages destructrices n'hurlaient pas dans ses veines. Il est mauvais menteur et bon acteur, alors il détourne les yeux, silencieux, pour ne pas se confronter à l'émeraude du regard d'Harry.

Après quelques gorgées de café, il sent la main d'Harry se poser sur son épaule. “ Hey mate. Tu veux en parler? — Pas vraiment, ” lui répond-t-il avec honnêteté, et il entend le léger soupir de soulagement d'Harry sans le voir, ce qui le fait un peu sourire. “ D'accord. Ça va aller, Nev, je te le promets. ” Il sait qu'il ne le pense pas, ils savent tous les deux qu'ils ne le pensent pas, mais bizarrement, ça le rassure, qu'Harry lui dise que ça va aller. Il se retourne vers lui et lui sourit légèrement.
Ils vont y arriver.

in the darkness
two shadows
reaching through
the hopeless, heavy duskdauntless' camp, aug 2002
Il a envie de la serrer contre lui. Il a envie de prendre son visage entre ses mains, de l'observer sous toutes ses coutures. Il a envie de compter ses cicatrices, et de les apaiser avec ses mains. Il a envie de lui dire combien elle lui a manqué, affreusement, pendant toutes ces années, pendant plus de trois ans. Il a envie de lui montrer combien il est devenu fort, courageux, comme elle lui a avait dit. Il a envie de pleurer, aussi, parce que trois ans ont passé, parce que Luna est morte, parce que tout, tout a disparu.

À la place, il articule simplement un “ hey ” auquel elle répond par un “ hey ” même si il lit le même orage de sentiments et d'émotions dans son regard. Il la regarde longuement, Ginny. Petite Ginny qui lui a demandé de l'accompagner au bal de Yule, en quatrième année, petite Ginny qui a à peine grimacé à chaque fois qu'il lui marchait sur les pieds, petite Ginny qui le faisait rire quand elle s'énervait, et frémir aussi, petite Ginny qui l'envoyait valser d'un sortilège dans la Salle sur Demande, et puis Ginny, juste Ginny, avec ses rires, sa crinière en flammes et sa détermination à toutes épreuves, leurs jeux, leurs tortures, leur détermination, leur force, leur courage. Ginny qu'il n'a pas réussi à sauver.

Ginny qui est là devant lui.

“ Je peux entrer? ” Il la voit clairement hésiter mais finalement, se détendre. Elle ne répond pas mais il sait qu'elle accepte, alors il entre, sans trop vouloir s'approcher. Pendant des jours, il a essayé de la voir, de rester à son chevet, de l'aider... mais elle a toujours refusé de le voir et pendant longtemps, Neville a cru qu'elle lui en voulait. Qu'elle lui en voulait de ne pas être venu la chercher, de ne pas l'avoir sauvée, de ne pas l'avoir retenue... mais non, ce n'est pas ça, comprend-t-il désormais. Elle ne voulait pas qu'il la voit dans cet état.

Il a envie de lui demander de lui montrer son dos mais elle refusera alors il se tait, il s'assied simplement à côté de son lit de fortune. “ Ginny... ” Mais il y a tellement de choses à dire qu'il ne sait pas par quoi commencer. Elle aussi, alors ils restent silencieux. Il cherche sa main à la surface du drap et pendant un instant, il pense qu'elle va le repousser; mais ses doigts se referment autour des siens, s'entremêlent et se mélangent, et elle serre, il serre aussi jusqu'à ce que leurs mains et leurs bras tremblent.

Il ne sait pas quoi dire. Il a envie de lui promettre ce que tout le monde se promet depuis des mois, des années: ça va bientôt finir, ils pourront reprendre leurs vies, reconstruire quelque chose sur les ruines fumantes de ce pays détruit. Il a envie de lui dire qu'ils oublieront la douleur, le sang et la mort. Il a envie qu'elle lui parle de ce qu'elle a vécu, mais il a peur aussi, alors il ne lui demande pas. Il a envie de lui parler de ce qu'il a survécu, mais il a peur encore plus, alors il ne lui dit rien.

Ils restent silencieux, et Neville garde les yeux enfoncés dans les siens jusqu'à ce que les larmes s'accumulent à la lisière de ses paupières, jusqu'à ce qu'elles dévalent sur ses joues et qu'il doive lâcher sa main pour en plaquer le talon sur ses yeux, écrasant les larmes et la faiblesse mais ne pouvant rien faire pour sa poitrine qui se soulève sporadiquement aux rythmes de ses sanglots silencieux.

Il sent les bras de Ginny se refermer autour de lui et il ne sait pas quoi dire, pas quoi faire, parce qu'il devrait être celui en train de la serrer, en train de prendre soin d'elle. Il devrait la serrer, l'aider, s'assurer qu'elle ne se brise pas, jamais, s'assurer qu'elle est bien là, pour toujours; mais il n'en a pas la force et la carapace qu'il a construit ces trois dernières années s'effondre à grands fracas. Il ne peut que la tenir contre lui, enfoncer ses doigts dans la chair de ses bras pour s'assurer qu'elle ne le laisse pas partir, il ne peut que pleurer silencieusement parce qu'hier encore, ils passaient la journée dans les jardins de Poudlard et elle lui demandait d'aller au bale de Yule avec elle.

kill the boy
let the man be borndauntless camp, dec 2002
“ Neville... ” Les doigts d'Hannah parcourent le sac de couchage et finalement, trouvent le bas du dos de Neville, qu'ils remontent lentement, suivant le contour d'une cicatrice qu'il a récolté parmi les Aliénés. “ Neville, je t'en prie... — Je dois y aller. — Neville. ” Il se tourne un peu brusquement vers elle, la contemple dans la semi-obscurité de la tente. Ils sont en mission, ils n'ont pas le temps de penser à ça, à la prudence, à la sécurité: ils doivent gagner, ils doivent vaincre, pourquoi ne veut-elle pas voir ça? Il fait partie des Nocturnes depuis le début, puis a rejoint les Aliénés; elle n'a pas pu le rejoindre là-bas et elle a plutôt rejoint les Pacifistes et... autant dire que ça a été un peu compliqué, pour tous les deux, jusqu'à ce que Nocturnes, Pacifistes, Métamorphes et Silencieux se regroupent chez Madame Guipure. Mais même là, quand ils sont envoyés en mission, quand ils se sont enfin retrouvés... tout est dur. Différent.

Neville n'a pas le temps d'y penser. La rumeur est qu'un Insurgé a été capturé et gardé en captivité dans les environs et ils sont là pour le sauver; les quelques Pacifistes qui les accompagnent soigneront les blessés et récupéreront des ingrédients dont ils ont besoin dans le coin. “ Ginny m'attend, je dois y aller, ” dit-il parce qu'il sait que l'évocation de la jeune femme refroidira Hannah d'embrayer sur une dispute. Il voit la blessure dans son regard, ses sourcils se froncer et sa main retomber alors qu'il enfile rapidement un t-shirt et un pull, met son sac sur son épaule; il est en train de se diriger vers la sortie de la tente quand elle reprend la parole: “ tu sais que tu ne peux pas sauver tout le monde, Neville. ”

Il le sait, d'accord? Et ça le tue, parce qu'il fait de son mieux, il fait vraiment de son mieux, mais non, il ne peut pas sauver tout le monde, Luna est morte, Ginny a failli mourir et ils ont perdu tellement, tellement de gens. Donc non, il ne peut pas sauver tout le monde, mais il préférerait mourir en essayant plutôt que d'abandonner les bras croisés.

“ Qu'est-ce que c'est sensé vouloir dire, ça? ” Il ne sait pas d'où vient cette frustration, toute cette colère à son encontre. Il n'a jamais eu que beaucoup de tendresse et d'affection pour elle — et de l'amour, évidemment. Il sait qu'elle ressent la même chose pour lui. Ils se sont trouvés comme une évidence, tous les deux, et ce qui aurait dû être une histoire d'amour finale et parfaite a tourné au cauchemar en même temps que la guerre s'est étirée dans le temps, en même temps que les mains de Neville se sont recouvertes de sang, peu à peu... mais quelqu'un doit le faire. C'est un sale boulot mais quelqu'un doit le faire. Et il y a cette colère qui grandit aussi en son sein, cette colère parce que Luna est morte, Ginny a failli mourir, ses parents feraient mieux d'être morts et Hannah ne veut pas comprendre, ou alors elle ne le peut pas, et ça le bouffe de l'intérieur. “ Elle peut à peine tenir debout et tu l'amènes en mission qui va sûrement se finir en combat. Elle parle de Ginny. T'es complètement aveugle à chaque fois que ça a rapport avec elle. — Arrête, Hannah. — Neville, je sais pas ce qui se passe dans ta tête mais je ne supporte plus de te voir comme ça! Tu as- tu as changé. — Heureusement que j'ai changé. — T'es devenu... violent, impulsif, colérique. Tu n'as rien à voir avec-- ” Le garçon dont je suis tombée amoureuse.

Neville reste silencieux. Il tourne le bras et tire sa manche pour observer la fausse Marque qu'on lui a tatoué de force. Il a essayé de gratter la plaie, en vain: le crâne et le serpent ont des contours toujours un peu incertains, le tatouage mal cicatrisé a du relief qui ne devrait pas être là et l'encre s'est un peu effacée avec le temps. Il essaie de se souvenir de la douleur, de la colère et du sentiment d'injustice, avant de comprendre que c'est ce qu'il ressent exactement en cet instant précis. “ Neville... ” Une nouvelle fois, les doigts qui se faufilent dans le bas de son dos, sous le t-shirt et le pull. “ On ne va pas avoir cette conversation maintenant. Ginny m'attend. ” Les doigts se retirent, comme brûlés. “ Ginny, toujours Ginny... — Hannah, je t'en prie. — Elle te siffle comme un chien et t'accours en courant. ” Il serre les dents et remet sa manche sur son avant-bras d'un mouvement brusque.

Non, définitivement, il n'est plus le garçon qu'il était, petit Neville, une chose effrayée et si simple à manipuler, une machine à aimer et à admirer. Il est devenu un vrai sorcier, un vrai homme, quelqu'un de fort et de courageux. Pourquoi Hannah refuse de voir que c'est une bonne chose? “ Peut-être qu'il n'y a plus rien que tu puisses aimer chez moi, Hannah, dit-il rageusement en ouvrant la fermeture Éclair de la tente. Mais j'en suis ravi parce que ça veut dire que, enfin, je ne suis plus le petit gamin incapable de lancer un sortilège, couard et faible. — Neville! ” Elle se précipite à sa suite hors de la tente, si bien qu'ils se retrouvent au milieu du campement sous le regard des autres et en temps normal, Neville si privé et timide, serait du genre soit à l'emmener à l'écart, soit à lui tourner le dos jusqu'à ce qu'elle abandonne.

Pas cette fois. Il se retourne brusquement quand elle lui attrape le coude. “  Tu ne peux pas sauver tout le monde. Tu ne peux pas sauver le garçon que j'étais, il est mort dans les flammes qui ont ravagé Ginny, il est mort avec Luna, il est mort avec tous les gens qu'on a perdu. Il est mort, Hannah, et c'est pour le mieux. ” Elle recule, comme frappée par la foudre et lentement, croise les bras sur sa poitrine. “ Tu es injuste. — Je fais ce qu'il faut. Pour le plus grand bien. — Ne dis pas ça, oh, pour l'amour de Dieu, Neville, tu ne peux pas penser ça. — Neville? ” Ils s'immobilisent tous les deux, l'un face à l'autre. Toute la silhouette de Neville est tendue, un muscle jouant sur sa mâchoire, alors que le visage d'Hannah s'assombrit et qu'elle dénoue lentement ses bras. Neville voit une remarque cinglante se former sur ses lèvres mais finalement, sans un regard pour Ginny, elle lui tourne le dos et retourne dans le camp.

Ginny pose la main sur son bras pour attirer son attention et Neville tourne les yeux vers elle. “ Tout va bien? — Parfait. Tout le monde est prêt? ” dit-il simplement, évitant le regard de tout le monde en sortant une potion fortifiante de son sac pour démarrer la journée et la mission.

just stay alive
that would be enoughhogwarts, june 2003
Quand elle a fini d'expliquer, elle s'effondre un peu. Neville ne sait pas quoi dire, pendant un long moment, et la regarde. Il ressent pour elle tout ce qu'il a ressenti quand Ginny est revenue. Sauf que là... Luna est revenue d'entre les morts. Luna est... là, devant lui.
Luna est en vie.

“ Marie... ” C'était elle, Marie. Elle avait besoin de la protection, du temps, de... de tout. “ Oh, Luna, ” murmure-t-il, se levant simplement pour lui foncer dessus, la prenant dans ses bras et la serrant avec force jusqu'à ce qu'elle réponde à son étreinte, hésitant d'abord, puis avec presque autant de force. “ Tu m'as tellement manqué. — Tu... ” Mais elle ne finit pas sa phrase, son nez enfoncé dans le cou de Neville, qui ne la relâche qu'après de longues minutes.

Ils sont dans l'infirmerie de Poudlard. Luna est morte depuis un peu plus d'un an mais elle est là, sous ses yeux... en vie, quoique un peu pâle et faible. Elle a les mêmes yeux trop bleus, les mêmes longs cheveux blonds quoiqu'un peu plus ternes, le même visage... il prend son visage entre ses mains, l'observe de près et oui, c'est elle, évidemment que c'est elle. “ Je suis désolé. — Quoi... mais de quoi, Neville? — Je sais pas... j'aurais dû te reconnaître, je suis trop nul, j'aurais dû savoir que c'était toi. Marie... — Non, dis pas ça... et puis, c'était pour le mieux. ” Il hoche la tête, difficilement, pince des lèvres. “ Qu'est-ce que tu fais à l'infirmerie? — Je... eh bien, on vérifiait si j'étais enceinte. ”

D'accord.

On?

“ Euh... salut, Neville, ” fait Hermione en arrivant précipitamment dans l'infirmerie, un... sac en plastique... dans les mains...

D'accord.

Enceinte?

Elle sort des... tests de grossesse... du sac... Pourquoi en a-t-elle acheté dix?

D'accord.

Attends. Luna. Enceinte? Mais... “ Luna? ” demande-t-il d'une petite voix. Il s'est assis sur le rebord du lit et Luna lui tapote gentiment le bras tandis qu'Hermione s'approche, l'air gêné, apparemment pas satisfaite de retrouver Luna en compagnie de quelqu'un avant qu'elle ait vraiment eu le temps d'introduire son grand retour au reste des Insurgés. Luna a l'air parfaitement heureuse d'avoir retrouvé son meilleur ami et de voir sa grande amie lui apporter des tests de grossesse. “ Je t'ai pas tout raconté, s'excuse-t-elle en s'emparant du premier test d'un air curieux. J'ai rencontré... enfin, j'ai revu quelqu'un, et on a-- — Oh je t'en prie, gémit Neville. Épargne-moi. ” Luna hausse les épaules, et se relève pour aller aux toilettes avec le reste des tests tandis que Neville reste assis sur le lit, se sentant un peu bête, faisant face à Hermione qui a l'air à la fois suspicieuse et gênée.

“ Tu lui as sauvé la vie. ” Sur ça il peut se concentrer, pas sur le... reste... enceinte... Luna... “ Merci. ” Il pense à Ginny, qui aurait pu être sauvée et puis... aux autres, à tous les Rebuts, tous les Insurgés, à tous ces gens qui ont été abandonnés aux griffes des Mangemorts et leurs collaborateurs. Mais Luna a été sauvée. À quel prix? Il l'ignore encore, même si il lit dans son regard qu'elle a souffert, beaucoup souffert, et beaucoup changé. Comme eux tous, pense-t-il avec un pincement au coeur. Il a presque envie de blâmer Hermione de ne pas lui avoir dit: il aurait pu l'aider, ils auraient pu sauver plus de gens, en épargner d'autres... mais il reste silencieux, parce qu'ils savent tous les deux qu'ils ont fait de leur mieux. Il sait que Ginny sera ravie de retrouver Luna mais... “ Tu sais comment elle est tombée enceinte? ”

Il pourrait presque jurer qu'Hermione est en train de rougir. “ Hm, Neville, t'es sûr que-- — Non, je sais comment les filles tombent enceintes... mais Luna... ” Ils échangent le même regard, avant de tourner les yeux vers la porte des toilettes. “ Merci de lui avoir sauvé la vie. — Ça ne mérite pas de remerciement... ” Il hausse les épaules. Finalement, il lui sourit — très légèrement, très doucement, se détendant enfin.

Jusqu'à ce que Luna ouvre en grand la porte des toilettes. “ JE SUIS ENCEINTE! ” Et il ne sait pas si elle est heureuse, inquiète ou simplement excitée à cette perspective; en tout cas, lui se sent heureux et nauséeux à la fois, et il se demande pourquoi et comment, mais il aime bien. Il a retrouvé Luna.

oceans rise
empires fall
we have seen each other
through it allhogwarts, aug 2003
Harry Potter est mort.
La nouvelle se répand comme une traînée de poudre. Harry Potter, Specs, Harry, l'Élu, est mort. Son âme a été aspirée par des Détraqueurs. Draco Malfoy a retourné sa baguette contre lui. Ils se sont mesurés à une sphinge trop maligne pour eux. Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom lui-même l'a débusqué, torturé et tué. Personne ne sait. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il est mort. Il est mort. Il est mort.

Harry ne peut pas mourir. Il n'a pas le droit. Pas maintenant, non, jamais, pas comme ça, surtout pas comme ça. Ça devrait être lui à sa place. Il devrait être celui qui est mort. Il devrait donner sa vie pour la sienne, non, il devrait avoir fait quelque chose, n'importe quoi, l'avoir retenu de partir, l'avoir empêché de partir avec Malfoy, avoir fait quelque chose, n'importe quoi, pour le sauver, sauf que maintenant il est mort, Harry Potter est mort.

Il devrait aller voir Ginny. Il devrait aller voir Ginny, Ron, Hermione, Luna, il devrait aller voir Ginny, Ron, Hermione, Luna, Emily, George, June, Kingsley, Bill, il devrait aller les voir, leur dire: Harry Potter est mort, mais pas ce pour quoi il se battait, il devrait aller les voir et être fort pour eux, s'assurer qu'ils ne soient pas démoralisés, leur promettre qu'ils se vengeront, pour Harry, pour Dumbledore, pour tout le monde tous ceux qu'ils ont perdu, et les autres, il devrait faire quelque chose, n'importe quoi, n'importe quoi, mais il y a comme un bourdonnement dans ses oreilles et des frissons qui lui agitent constamment les bras et il n'arrive pas à respirer et Harry Potter est mort.

Il ne sait pas comment il est arrivé là. C'est la serre numéro un, celle avec les plantes inoffensives, qui se contentent de changer de couleur avec les saisons, les températures ou les humeurs des gens les plus proches. C'est la serre préférée de Neville. Oh, évidemment, il adore aussi les plantes qui vous donnent du fil à retordre mais celle-là, la serre numéro un, c'est la meilleure parce qu'elle est calme et que personne ne vient jamais vous déranger sauf que Harry Potter est mort.

Il n'y a rien de calme dans ce monde. Son coeur bat trop vite, il a du mal à respirer alors il ferme les yeux et il compte jusqu'à cent à l'envers, il se concentre sur la sensation du sol sous ses mains et quand est-ce qu'il est tombé parterre? Il se concentre sur l'une des plantes qui joue une pompe funèbre non loin et il a envie de la déchirer, de lui arracher ses feuilles et de brûler ses racines, il a envie de lui hurler de se taire, sauf que Harry Potter est mort.

Ses joues sont humides, ses yeux lui font mal, ses doigts tremblent et il a l'impression que quelqu'un lui a défoncé les côtes à coups de pied pendant des heures quand un mince filet de voix l'arrache à sa crise de panique. “ Neville? ” Il reconnaitrait sa voix entre toutes. Il n'essaie même pas de répondre, au contraire: il baisse les yeux, regarde le sol, ramène ses jambes contre lui, il veut rester seul, il veut qu'on le laisse, il veut que personne ne le touche, que rien ne l'approche, il veut s'enterrer ici parmi les plantes et laisser leurs racines le guider jusqu'à la fin du monde paisiblement. Harry Potter est mort et rien ne pourra jamais changer la tristesse qui vit désormais en lui.

Luna s'assied à côté de lui et pose sa tête sur son épaule. Il n'a pas envie qu'elle parle. Il a juste envie de silence. Il a aussi envie que toute la tristesse s'en aille et il sait que Luna est très forte pour faire partir la tristesse mais il n'a pas non plus envie qu'elle parle, parce qu'elle parle toujours de Mort et de Voile et d'Au-Delà et de toutes ces choses auxquelles Neville ne croit pas.

Neville sait à quoi ressemble la Mort. Il a vu ses parents danser sur le fil de la Vie et de la Mort pendant des années. La Mort est soudaine, froide et cruelle. Il n'y a rien après la mort, pas le moindre bruit, pas la moindre chanson, rien, rien et l'idée qu'Harry s'y trouve le rend malade.

Ça aurait dû être moi.

La tête de Luna bouge sur son épaule et il passe un bras autour de ses épaules, la serrant légèrement contre lui. “ Ce n'est pas fini, parvient-il simplement à dire, la gorge serrée, à bout de souffle. — Je sais, ” répond-t-elle simplement. Elle détache sa tête, pose son menton sur son épaule jusqu'à ce qu'il tourne les yeux vers elle. Elle est si proche. Malgré lui, il sent son coeur s'emballer et se mord l'intérieur de la joue et seulement se rend-t-il compte à ce moment-là qu'il a cessé de trembler, qu'il a cessé de pleurer, qu'il a cessé d'avoir l'impression que l'air qu'il inspirait se transformait en cendre dans ses poumons. Grâce à elle. Toujours grâce à elle.

Une nouvelle silhouette se dessine dans l'encadrement de la porte de la serre numéro un. Ginny a la tête de quelqu'un qui a l'impression d'interrompre quelque chose. Elle a les yeux rouges, gonflés, les cheveux en désordre, l'air perdu, l'air fragile, l'air triste et surtout, l'air si douloureux que Neville a envie de glisser ses doigts dans ses cheveux jusqu'à ce qu'elle se calme et s'endort et soit enfin sereine. Elle fait un mouvement mal à l'aise et Neville n'hésite pas à détendre et ouvrir le bras qui n'est pas passé autour des épaules de Luna; Ginny avale la distance qui les sépare en deux enjambées et vient se réfugier contre lui en gardant un sanglot coincé dans sa gorge. En temps normal, il serait gêné, mal à l'aise, l'aurait tenu contre lui le temps d'un battement de coeur avant de la repousser d'un air vraiment maladroit et elle ne s'en serait pas formalisée, comme toujours.

Sauf que cette fois il la serre contre lui, et Luna aussi, parce qu'il a tellement, tellement peur de les perdre aussi et Harry Potter est mort et une partie de sa peur et de son espoir avec et le monde est en train de mourir et les larmes dévalent ses joues et les brûlent et il s'en veut de paniquer ainsi, d'être si triste, incompétent, fragile et stupide, et puis ça aurait dû être lui et il donnerait sans hésiter sa vie contre celle d'Harry si il le pouvait, il ferait tout, tout, tout pour le ramener ici, pour le ramener à Ginny, pour ramener l'espoir et pour raviver la flamme et il ferait tout, tout pour que cette souffrance s'arrête. “ Je suis désolé, ” s'excuse-t-il, inlassablement, le nez perdu dans les cheveux roux de Ginny qui sanglote contre lui, leurs corps maladroitement enchevêtrés alors que la tête de Luna est revenue se poser sur son épaule, support maladroit mais stable. “ Je suis tellement désolé. ”

nobody said it was easy
no one ever said
it would be this hard
oh take me back to the startstorm's end, sept 2003
“ Dites-moi où- — Rallonge-toi, bon sang- — -est Ginny! — -t'as perdu trop de sang, à ce rythme, tu vas te tuer, fiston. — Je ne suis pas votre fils. ” La femme lève les yeux au ciel, marmonne quelque chose que Neville ne cherche même pas à comprendre et appuie un peu plus fort sur ses épaules jusqu'à le faire céder et le rallonger sur le lit. Les draps sont tachés de sang. Il pue le sang. Il a mal partout, partout. Il a l'impression qu'il a des traînées de flammes brûlantes sur le torse. Il a mal, il est fiévreux, il est fatigué et il doit voir Ginny, il doit la voir. Il fait un nouveau mouvement pour se relever et la femme, dont il n'a pas entendu ni compris le nom, grogne en finissant par l'aider à se mettre sur pied, marmonnant autre chose d'incompréhensible en calant son épaule sous la sienne pour l'aider à bouger.

Le premier pas est un supplice, le second lui donne l'impression qu'il va perdre connaissance, le troisième creuse des trous noirs dans sa vision alors il ferme les yeux, il serre les dents, il s'accroche à l'épaule de la femme et il progresse, lentement, difficilement, repoussant les nausées et les vertiges et la douleur, parce que ne compte que Ginny, promis, rien d'autre, pas même cette attraction étrange, cette envie de sortir de là où il est et de partir en courant. Il a des flashs de la nuit passée, des images sans queue ni tête qui s'enchaînent sans faire de sens. Les balais, les Sombraux, les araignées géantes, Hagrid et puis... et puis... “ Tu vas le regretter, ” le prévient la femme une fois devant la porte close de la chambre où doit se reposer Ginny.

Il ne répond pas. Avec un soupir, la femme se penche en avant et ouvre la porte, et l'odeur du sang l'agresse, quand est-ce que le sang est devenu si présent, si vibrant, si terrible dans ses narines? Ce n'est pas une odeur ferreuse qui l'assaille, c'est une odeur de Mort.

Il y a Ginny qui dans son lit, ressemble à une petite fille. Il ne voit que ses cheveux roux, ses longs, beaux cheveux roux, qui se confondent presque avec son dos couturés de cicatrices et de plaies et de sang et de-- Neville a envie de vomir alors il détourne les yeux.
Il y a plein de gens. Beaucoup qu'il ne connait pas, ou alors seulement de vue. Il y a Emily et Luna, qui se sont à moitié relevées en le voyant, ainsi que Elijah Buckley, et le reste il ne les connait pas. Pourquoi n'ont-ils pas fait à tous les soigneurs de la planète? Pourquoi n'est-elle pas entre les mains des meilleurs médicomages, Dillinger, Hughes, les tout le monde? Pourquoi ça sent la Mort?

“ Neville, tu devrais retourner t'allonger, ” murmure Luna en s'approchant, le repoussant hors de la chambre en faisant mine de fermer la porte derrière elle. “ N-Non, laissez-moi- — Neville, sois raisonnable, appuie Emily, les traits tirés comme si elle n'avait pas dormi depuis deux jours, depuis l'attaque. — -la voir, laissez-moi la voir, je dois la voir. — Neville, s'il te plaît, elle a besoin de repos. — S-S'il vous plaît. ” Elles le laissent entrer.

Il a l'impression qu'il va trébucher et perdre conscience et s'étaler parterre et il parvient à faire trois pas avant qu'on l'arrête de nouveau. C'est quelqu'un qu'il ne connait pas, il ne doit pas être plus âgé que lui. Il est blond, il a des petits yeux bleus fatigués et tourmentés, le bras en écharpe et instinctivement, Neville sait que c'est un loup-garou.
D'où lui vient cet instinct?

“ Elle a besoin de repos. — Laisse-moi passer. ” D'où lui vient cette colère? Il essaie de contourner et bousculer le gars mais il a du mal, avec cette douleur qui rayonne de son torse et la présence pesante de la femme dont il ne connait pas le nom dans son dos, et les regards de Luna et Emily vissés sur sa nuque. Le gars en face lui lui attrape le bras et Neville enfonce à son tour ses doigts dans sa peau sans douceur, et même avec cruauté, en retour. “ Laisse-moi passer, ” répète-t-il, furieux, animé d'une rage qui ne lui est pas familière. Envers les Mangemorts, le Lord, son Gouvernement, oui. Envers ses alliés, jamais, jamais.

Le gars le regarde longuement. L'évalue, comprend Neville. Puis il le lâche, lentement, doigt par doigt, et se décale. Neville a l'impression qu'il va tomber, maintenant que l'autre n'est plus là pour le soutenir, maintenant que la femme n'a plus son épaule sous la sienne et maintenant qu'i la froid, terriblement froid, après la chaleur nauséeuse de la fièvre. Ses jambes tremblent, puis cèdent quand il est prêt du lit, et il sent les regards de toutes les personnes présentes vissés sur lui.

Ginny a le nez enfoncé dans l'oreiller, est à moitié dénuée, allongée sur le ventre, elle sent la Mort et le sang, Neville devine confusément que son coeur a des ratés et sa respiration est hasardeuse, difficile, elle a mal, quand il prend sa main et glisse ses doigts entre les siens, ils sont chauds, brûlants et trempés de sueur. Il les apporte à son front. Il aimerait prier mais il ne saurait même pas à qui s'adresser. Il n'y a rien, il n'y a personne pour eux, pas ici. Harry Potter est mort, Ginny n'a pas le droit de mourir. C'est sa seule prière et sa seule demande et sa seule pensée. Tu ne peux pas mourir. Tu n'as pas le droit.

Il sent les larmes revenir et il apporte ses doigts à ses lèvres et il marmonne des mots que lui-même ne comprend pas, des paroles sans queue ni tête alors que le monde tangue autour de lui, alors qu'il sent des mains se poser sur son corps et c'est insupportable ça empire tout, il est trop sensible, sa peau s'hérisse de frissons douloureux, il veut les tuer, un à un, pour lui infliger ça, et puis Ginny commence à gémir de douleur alors qu'on l'éloigne, il veut leur dire qu'elle le veut près de lui sauf que c'est sa faute.

C'est sa faute. Ça aurait dû être lui à la place. Il aurait dû la sauver, la retenir, faire quelque chose, n'importe quoi, c'est sa faute, c'est sa faute...

Quand il rouvre les yeux, la fièvre est retombée et il y a Luna qui le veille silencieusement, tout son corps se tendant comme la corde d'un arc quand il remue en s'asseyant un peu sur son séant. “ Tu n'as pas l'air à l'aise, ” parvient-il à formuler, ses lèvres sèches et rêches comme du vieux parchemin. Elle a un sourire oblige sur le visage, se glissant sur le matelas en même temps qu'il roule sur le côté pour lui laisser de la place. Ils agissent sans mot ni arrière-pensée, naturellement. Neville a mal à la tête, au torse, au coeur. Il pense à trop de choses en même temps et le bourdonnement est de retour dans ses oreilles. “ Elle va s'en sortir, hein? — On s'en sort toujours, Neville, ” murmure-t-elle aussitôt en réponse. Elle se penche en avant, sur son ventre arrondi, et Neville a la gorge nouée alors qu'elle tend les doigts vers son visage et souligne une blessure sur sa pommette, qui le brûle et le tourmente un peu. Elle lit la question dans ses yeux et se tait un long moment, semble pondérer sa réponse pendant un temps qui semble interminable à Neville. Et puis, lentement, doucement, de cette manière délicate que Luna a de sortir les mots et de les lier en phrases: “ oui, Nev. Ginny a été mordue. Rien ne sera comme avant... ”