“ Est-ce que vous pouvez être plus précise? Grand et maigre, d'accord, mais si vous avez seulement l'idée de combien de personnes rentrent dans cette catégorie... — Il ressemblait... il ressemblait à un cadavre! Un Inferi avec une baguette! ” Je me fige, puis hoche la tête. “ Oui madame,  d'accord madame, nous allons envoyer une équipe de Rafleurs dès que possible, je mens avec aise en cherchant déjà du coin de l'oeil une carte de la région que la femme a mentionné. — Le plus vite possible, s'il vous plaît, j'ai une petite fille-- ” D'un sortilège, je renvoie la tête de la sorcière dans les braises de la cheminée.
En tant qu'Adhérent, j'ai été réquisitionné pour travailler au Ministère, parmi les Rafleurs où j'ai fait mon stage il y a quelques mois. Doherty m'a laissé y aller avec un grand sourire — n'importe quoi pour le Gouvernement — même si je sais que ça l'aurait plus arrangé que je reste auprès de lui. J'ai passé les deux dernières semaines à Saint-Mangouste puis à la maison, suite à l'attaque d'Herpo Creek qui a manqué de m'assommer pour l'éternité. La Bataille fait rage à Pré-au-Lard et je sais que tôt ou tard, j'y serai envoyé; mais aujourd'hui.
Je quitte le minuscule bureau qu'on m'a assigné et épaule mon manteau. “ Tu vas où Moriarty? intervient un Rafleur titulaire, peu décidé à me laisser parler. — Intervention chez l'habitant. Je connais les protocoles. — On reçoit trois milles hiboux tous les jours pour des interventions chez l'habitant-- — Vous voulez contrarier un membre des Huit Sacrées, Jeffers? Ça prendra une heure ou deux, je reviens vite. — Moriarty-- ” Je m'échappe derrière un groupe de Rafleurs rentrant blessé de Pré-au-Lard, et court jusqu'à l'atrium pour sauter dans la première cheminée disponible.

Reaghan Phillips.
Un maudit, comme moi. Il pourra peut-être m'aider... surtout que je suspecte que nos deux malédictions soient liées, d'une manière ou d'une autre. Je transplane dans la zone indiquée par la dame — petit village moldu du nord de l'Angleterre – et aussitôt, incante un homenum revelio. Deux présences magiques dans une maison du village — sans doute la dame et son enfant — et une autre, plus lointaine, dans la forêt. Je vais dans cette direction en incantant d'autre homenum revelio pour ne pas me perdre; en attendant, mon ombre s'allonge sur le sol, en même temps que le soleil se lève. Quand, enfin, j'entends une onde émotionnelle humaine, je sais que je suis proche de la position de Reaghan. Interférence. Surprise. Il ne m'a pas entendu arriver. Il m'a bien appris. “ Phillips? ” Un sortilège fuse dans ma direction; j'ai à peine le temps de me jeter ventre à terre pour l'esquiver que l'arbre derrière moi explose. “ Je veux juste parler! ” je dis un peu pathétiquement en roulant sur moi-même pour me réfugier derrière un tronc, glissant un coup d'oeil dans la direction de la provenance du sortilège... “ Expelliarmus! ” je fais vers la silhouette imposante humaine entre les arbres... en vain, le sortilège ne sort même pas de ma baguette. Je jure en me remettant à couvert. “ Je ne vous veux aucun mal! ” j'essaie une nouvelle fois.

Depuis qu’il est parti de Pré-au-Lard, il est pris en chasse. Il a réussi à prévenir Ariane sans trop savoir comment qu’il ne pourrait pas revenir dans leur camp initial au risque de la mettre en danger. Et il ne veut pas la mettre en danger. Reaghan espère qu’elle va bien et que rien ne lui est arrivé. Il croise vraiment les doigts. Ariane est sous sa responsabilité, il n’a pas le droit à l’erreur. Alors Reaghan erre pour le bien de la jeune femme. Il essaie de ne pas trop penser à elle, mais c’est difficile parce qu’elle est livrée à elle-même. Même s’il a confiance en ses capacités, il n’aime pas la savoir toute seule alors que la guerre vient officiellement d’entrer dans sa phase finale. Il l’a compris en voyant le regard déterminé des Mangemorts et des Insurgés. Ils veulent en finir. Il est temps d’en finir de toute façon. Ça a beaucoup trop duré au goût de Reaghan. Le soleil vient de se coucher et la nuit commence à tomber. Son autre vient de pointer le bout de son nez. Reaghan met sa capuche sur la tête et sort sa baguette. Il espère croiser personne sur la route. Il a trouvé un endroit où il pourra passer la nuit, ça reste à proximité des maisons, mais c’est aussi une forêt, il pourra être tranquille. Personne ne vient se promener en forêt la nuit par les temps qui courent. Reaghan se faufile et avant d’entrer finalement dans les bois, il sent un objet lui rentrant dedans puis retomber au sol. Baguette en main, l’homme se retourne et baisse les yeux : un ballon. Un foutu gamin venait de lui balancer son foutu ballon à la figure. Reaghan guette les alentours avant d’entendre un hurlement strident à quelques mètres de lui. « Y a un monstre ! MAMANMAMANMAMAN » Saleté de mioche. Reaghan prend le ballon dans sa main et juste avant qu’il ne le renvoie, il s’aperçoit que la mère du môme s’approche paniquée. Reaghan a juste le temps de lancer le ballon et de s’enfuir dans les bois sans savoir si 1) il a réussi son objectif de renvoi, à savoir : dans la tête du gamin et 2) s’il a réussi à ne pas se faire voir de la mère.

Il déambule dans la forêt et s’est suffisamment éloigné de l’orée des bois pour qu’on ne puisse pas le retrouver facilement. Il a réussi à apaiser son esprit et trouver un coin pas trop désagréable pour dormir un peu. Juste le temps que le soleil se lève pour qu’il reprenne son apparence humaine et puisse passer inaperçu parmi la foule. Finalement vers cinq heures du matin, il se réveille et se prépare à repartir. Il ne sait pas vraiment s’il est loin ou non des maisons, il utilise un sort pour se repérer et se met en mouvement.

“ Phillips? ” Par réflexe, Reaghan balance un expelliarmus par-dessus son épaule avant de se planquer derrière une souche d’arbre. Il ne s’était pas attendu à ce qu’il y ait quelqu’un. Il entend le bruit d’une explosion et des oiseaux qui s’envolent loin. Le sort a raté sa cible. “ Je veux juste parler! Expelliarmus! Je ne vous veux aucun mal! ” Reaghan s’étonne, le sortilège n’est pas parti ? « Aucun mal hein ? L’expelliarmus raté c’était quoi ? Pour m’impressionner ? » Beugle-t-il à travers les arbres. Super, le Ministère l’a retrouvé. Combien sont-ils à présent ? Est-ce que c’est bien le Ministère d’ailleurs ? « C’est le chauve sans nez qui vous envoie ? » Tente-t-il quand même. Sait-on jamais, il a peut-être un chasseur de primes sur le dos et si c’est le cas, il peut très bien le corrompre. « Confringo ! » Fait-il en visant un arbre non loin de là où se trouve le sorcier. Celui-ci explose et il espère que ça va forcer l’autre à sortir de sa cachette.

J'ai remarqué que ces derniers temps, j'ai de plus en plus de mal à utiliser la magie. J'aurais pu, et dû, consulter un Médicomage, mais c'est impossible pour moi de lui expliquer d'où vient mon problème: la malédiction, comme toujours. Cette putain de malédiction qui me ruine la vie, qui me paralyse le bras progressivement, qui me bouffe tout entier et qui parfois, dérègle tant et si bien ma magie que je suis tout bonnement incapable d'incanter un simple Expelliarmus, comme en cet instant précis, où je me sens stupide à brandir une baguette silencieuse et inutile, juste un morceau de bois chaud dans ma main, mais bon pour faire du feu en pratique. « Aucun mal hein ? L’expelliarmus raté c’était quoi ? Pour m’impressionner ? C’est le chauve sans nez qui vous envoie ?  » Je grince des dents, m'apprête à lui dire que c'était une diversion, d'accord?, mais me retient à temps dans un sifflement entre mes dents. En même temps que j'ai foiré le sortilège, j'ai senti l'horrible douleur me remonter le long des doigts, le long du bras, jusqu'à l'épaule, jusqu'au coeur. C'est toujours pire, la nuit, à l'extérieur.
Les Phillips s'y connaissent en malédiction, et ça fait des semaines que je veux lui tomber dessus pour lui tirer les vers du nez. Et je ne suis pas sans savoir que- « Confringo ! » L'arbre à côté de celui derrière lequel je me suis accroupi explose et, malgré moi, je pousse un bref cri de surprise en sortant de ma cachette, baguette brandie en direction de Phillips: “ Impedimenta! ” Le sortilège file droit, à mon grand soulagement, dans la direction de celui qui a été mon direct supérieur parmi les Rafleurs; toutefois, je ne m'attendais pas à ce qu'il contre le sortilège, et que ce dernier file droit dans ma direction en rebondissant sur son bouclier. Je n'ai pas le temps de me mettre à couvert ou d'éviter le sort de ma propre fabrication: le sortilège d'Entrave me cueille de plein fouet et alors que j'étais en train de courir dans la direction de Phillips pour additionner les sorts offensifs, je me retrouve au ralenti, comme coincé dans de la jelly, à patiner dans le vide, à entendre mon coeur battre à mille à l'heure alors que tout mon corps s'est ralenti, mou et insupportable, me faisant trébucher et rouler parterre dans une chute aussi gracieuse que fière. Je suis ravi, le nez dans les aiguilles de pin, alors que je roule sur moi-même pendant un temps qui me semble interminable, avant de parvenir à me rattraper à un tronc d'arbre qui fait l'amère rencontre avec ma colonne vertébrale. J'ai perdu Phillips du regard. J'ai mal au dos. Mon bras me fait mal. “ Je ne suis pas ici dans le cadre d'une mission du Ministère! ” Je lève les bras, y compris celui qui tient ma baguette, comme ça si il me voit il sait que je n'ai pas d'intentions hostiles. “ Je veux juste parler. ” Et puis pour faire bonne mesure: “ promis! ”

Et le lapin sort de son terrier. Reaghan le voit surgir de derrière un arbre. Presque celui qu’il a fait exploser. À un près. C’est là qu’il le reconnaît. Moriarty. Sa vie est entourée de Moriarty. “ Impedimenta! ” Le sortilège lui arrive droit dessus et il incante rapidement un bouclier pour le voir rebondir dessus et repartir en direction du lanceur. L’impedimenta le cueille gentiment alors qu’Ambroise se dirigeait vers lui. Reaghan le voit trébucher, avancer mollement et bien galérer à l’atteindre avant de se rappeler qu’il est à sa poursuite et que peut-être, possiblement, Moriarty n’est pas seul. Il n’a pas le temps de rester plus longtemps pour vérifier et il se remet à courir dans les bois pour le fuir et mettre le plus de distance entre eux avant que les effets du sortilège s’annule. « Sans rancune. » Glisse-t-il doucement alors qu’il fuit toujours sa baguette en main. Il prend garde à ne pas faire trop de bruit en marchant sur les feuilles mortes et guette pour voir si le rafleur qui le poursuit arrive à sa charge. Reaghan sait qu’il n’abandonnera pas aussi facilement. C’est comme ça qu’il leur a appris : on lâche rien. Parfois il regrette cette partie de sa vie. Celle où il donnait des conseils. “ Je ne suis pas ici dans le cadre d'une mission du Ministère! ” Reaghan s’arrête et tend l’oreille un peu plus. Comment ça il ne fait pas partie d’une mission ? C’est quoi ce nouveau moyen pour attraper les cibles ? L’ancien rafleur grimace. “ Je veux juste parler. Promis! ” Il se mord l’intérieur de la joue. Il a quoi comme choix à présent ?

Prendre le risque de revenir sur ses pas, se mettre en vue du Moriarty et lui demander ce qu’il veut ?
Fuir et ignorer ce qu’il a à lui dire ?

Il est hors de question qu’il sorte des bois et se plante devant le rafleur sans savoir si c’est un piège ou non. Ce serait bien stupide de sa part. « Silencio ! » Fait-il en tournant la baguette sur ses pieds avant de revenir sur ses pas. Ça va lui permettre d’approcher un maximum la zone où se trouve Ambroise Moriarty sans que ce dernier ne l’entende. Comme ça, à la moindre entourloupe il le refroidit définitivement. Il se cache derrière un arbre. « De quoi tu veux me parler ? » Il change de place en prenant garde à ne bousculer aucune branche sur sa route et se plaque contre un autre arbre se trouvant juste derrière le rafleur. « Y a quoi de si urgent ? » Questionne-t-il toujours. Qu’est-ce qui pousse un employé du ministère à déserter de son poste ? La guerre a éclaté. Le dernier round a commencé et Moriarty essaie de lui faire croire qu’il est là pour discuter ? « Parce que tu n’ignores pas qu’ils veulent ma tête chez ton chef. Donc tu vas pas me dire que tu as besoin de moi, juste de moi, par hasard. » La paranoïa parle pour lui. Il se persuaderait presque qu’il faut qu’il l’abatte maintenant sans le laisser discuter si le nom de famille qu’Ambroise ne l’en dissuadait pas.

Il ne l'entend pas mais il sent ses interférences, grâce à son empathie. Ses émotions sont étranges, ells ont une qualité très spécifique; mais après tout, chaque personne a son propre type d'émotions. Sauf qu'elles viennent de partout et de nulle part à la fois; Ambroise sait simplement qu'après s'être éloigné, Phillips est revenu vers lui et qu'il est dans les parages, plein de doute et de suspicion... impossible de trouver où il est, il a dû masquer le bruit de ses pas foulant le sol. « De quoi tu veux me parler ? » Il ne va pas l'attaquer... et de toutes façons, Ambroise ne le verra pas venir, alors il décide de fermer les yeux pour se concentrer, peut-être qu'il pourra le repérer, pinpointer où il se trouve... Il se lève lentement, centimètre par centimètre. Son bras lui fait l'impression d'être en feu, comme si la malédiction, normalement à la douleur chronique, se réveillait en flammes avec lui à proximité. Il repense aux runes sur la boîte qui m'a maudite, Ambroise devrait vraiment l'envoyer à un maître des runes, Azela a confessé en être une... mais l'idée d'expliquer ce qu'est la malédiction à quiconque le dégoûte, surtout depuis que Scamander l'a piégé... « Y a quoi de si urgent ? » Sur sa droite... en s'appuyant au tronc contre lequel il s'est fracassé, Ambroise se relève complètement, essayant d'ignorer la brûlure de son bras qui pend maladroitement le long de son corps maintenant qu'il a cessé de lever les mains. Il ne braque pas sa baguette en direction de la voix, pourtant, parce qu'il ne veut pas que Phillips se sente menacé... il serait bien capable de le bouffer tout cru.
« Parce que tu n’ignores pas qu’ils veulent ma tête chez ton chef. Donc tu vas pas me dire que tu as besoin de moi, juste de moi, par hasard. » Impossible de le repérer dans l'obscurité tirée par les arbres, c'est agaçant et stressant, mais Ambroise ne doit pas avoir l'air trop menaçant ou sur les nerfs ou alors les sorts vont se mettre à tomber. “ Ça-ça- il se reprend, s'éclaircit la gorge, se remet les idées en place pour cesser de bégayer -ça n'a rien à voir avec ça, j'ai besoin de vous voir... pour la malédiction. ” Et ça le dégoûte, l'idée de parler de ça à quiconque, à celui qui a un jour été un supérieur en plus... mais il le faut bien, et si il y a bien une personne sur cette planète qui sait quelque chose des malédictions c'est un Phillips. “ C'est de pire en pire et j'ai l'impression que mon bras est en train de mourir. ” De devenir comme le votre. “ Je ne comprends pas ce qui m'arrive et j'ai besoin de votre aide, ” rajoute-t-il en toute honnêteté, parce les temps des mensonges sont révolus, “ et je promets de ne rien tenter... je veux vraiment juste discuter. Je crois- je crois que je deviens un Inferi comme vous, ” rajoute-t-il, la peur informulée prenant enfin ses mots dans sa bouche, la dernière partie de la phrase comme un souffle dans le vent, plus adressé à lui-même qu'à Phillips.

Spoiler:

Le Moriarty se redresse. Reaghan remarque qu’il a un bras raide. Il est bloqué le long de son corps et il ne le bouge pas. Les sourcils du rafleur se froncent. Il est blessé ? Est-ce que c’est grave ? Est-ce qu’Ariane le sait ? Est-ce qu’il doit la prévenir seulement ? “ Ça-ça-ça n'a rien à voir avec ça, j'ai besoin de vous voir... pour la malédiction. ” Reaghan se tend. La malédiction ? “ C'est de pire en pire et j'ai l'impression que mon bras est en train de mourir. Je ne comprends pas ce qui m'arrive et j'ai besoin de votre aide et je promets de ne rien tenter... je veux vraiment juste discuter. Je crois- je crois que je deviens un Inferi comme vous, ” L’ancien rafleur grimace. « Qu’est-ce que t’as fait pour l’avoir ? » Lui qui cherche depuis des années d’où ça peut provenir, il est peut-être tombé sur une piste concrète. S’il peut voir la chose, l’objet ou l’homme que sais-je qui a maudit le Moriarty, il pourra avancer et comprendre ce qu’elle est. « Je n’ai rien pour ralentir la malédiction. Personne avant moi n’a essayé de la lever parce que plus personne ne se souvient de l’origine du bordel. » Il hausse les épaules d’un air désolé. Va falloir que le gamin s’habitue à avoir une odeur de cadavre qui le suit de partout et qu’il s’habitue à changer la nuit aussi. « Je peux juste te conseiller d’utiliser un charme qui te permettra de masquer l’odeur de pourri, mais c’est tout ce que je peux faire. Tu penses bien que si j’avais la solution, je me baladerai plus avec cette gueule. » Fait-il en passant une main devant son visage. Il voit les épaules du Moriarty s’affaisser. Il lui fait penser à sa sœur en cet instant. Damn, cette famille est-elle obligée d’inspirer autant de sympathie ? Reaghan s’en veut un peu pour ce qu’il va suivre, mais il se dit qu’il reste le frère d’Ariane alors probablement qu’il est digne de confiance. Si jamais ce n’est pas le cas et qu’il essaie de lui faire à l’envers, il peut toujours l’achever avant l’arrivée des renforts. Un coup sec dans la nuque et ça règle le problème. « Écoute, j’ai quand même plusieurs pistes et si tu m’apportes l’origine de ta malédiction peut-être que ça me permettra de faire le lien avec quelque chose que j’ai déjà trouvé ? On peut s’aider dans cette histoire. T’as pas plus envie que moi de vivre avec cette horreur. » Il s’avance vers le jeune homme. « Tu me laisses partir et je t’aide. Est-ce qu’on a un deal ? » Fait-il en tendant sa main cadavérique. Reaghan ne sait pas trop comment prendre cette histoire. On lui a tellement fait de faux espoir par le passé qu’il ne sait pas vraiment si c’est une bonne chose qu’il accepte une alliance comme ça.

Mais il peut le faire pour Ariane.

Il ne le voit toujours pas mais la voix de Phillips résonne dans la forêt, Ambroise se tournant pour le chercher du regard, toujours en vain. Au moins ne semble-t-il pas prêt à l'attaquer, devine-t-il à ses interférences où se mêlent surprise et curiosité. « Qu’est-ce que t’as fait pour l’avoir ? — Je- j'ai touché un objet, une boîte ornementée, je pense qu'elle a appartenu à un membre de votre famille, sans doute il y a longtemps, ” répond-t-il aussitôt, sans cacher une seule seconde son soulagement quand l'Inferi ne lui fonce pas dessus pour lui faire la peau. « Je n’ai rien pour ralentir la malédiction. » Ambroise sent son sang se glacer dans ses veines. La progression de la malédiction est lente, insupportable. Il peut encore utiliser son bras, même si le bout de ses doigts est de plus en plus raide, surtout quand il fait nuit... Merlin, il se transforme véritablement en Inferi comme Phillips, et il n'y a rien qu'il puisse faire pour arrêter ça apparemment! « Personne avant moi n’a essayé de la lever parce que plus personne ne se souvient de l’origine du bordel. » Ambroise ferme un instant les yeux, qu'il a rouvert en entendant la voix de Phillips. Il ferme les yeux, se force à se calmer. Il peut trouver une solution. Il a... il a Azela, les Ollivanders... il peut trouver une solution, il le doit même, avant que la situation n'explose, il n'a fait que trop traîner avec tout ça. « Je peux juste te conseiller d’utiliser un charme qui te permettra de masquer l’odeur de pourri, mais c’est tout ce que je peux faire. Tu penses bien que si j’avais la solution, je me baladerai plus avec cette gueule. » Ambroise a déjà vu la tête de son ancien supérieur la nuit. C'est horrible. Il ne peut pas s'empêcher de s'affaisser comme un ballon de baudruche que l'on aurait drainé de son air. Il ne veut pas finir comme lui. C'est égoïste mais il ne veut pas, il ne peut pas, passer toutes ses nuits sous la forme d'un mort-vivant... et c'est sans compter l'odeur, un détail lugubre duquel Ambroise se serait bien passé. Fuck's sake. « Écoute, j’ai quand même plusieurs pistes et si tu m’apportes l’origine de ta malédiction peut-être que ça me permettra de faire le lien avec quelque chose que j’ai déjà trouvé ? On peut s’aider dans cette histoire. T’as pas plus envie que moi de vivre avec cette horreur. » Il s'avance enfin et Ambroise l'entend faire, se tourne pour lui faire face.
Phillips fait vraiment peur. Il fait abominablement peur, surtout dans l'obscurité ambiante, avec son cadavre à moitié décomposé, sa main décharnée qui se tend dans sa direction. « Tu me laisses partir et je t’aide. Est-ce qu’on a un deal ? » Ambroise se force à serrer et desserrer le poing à plusieurs reprises. Phillips a tendu la bonne main, cadavre contre futur cadavre, et quand il lui serre la patte, Ambroise ne sent presque rien. C'est la première fois qu'il se réjouit du manque de sensation progressif qu'il ressent au bout du membre. “ Vous êtes difficile à trouver, ” marmonne-t-il en serrant une seconde fois sa main, avant de la lâcher. “ Mais on a un deal. Quand tout cela sera fini, ou si y'a un autre rapport... j'essayerai de vous trouver. Ou de faire disparaître le rapport. ” Avec la panique ambiante, rien de bien difficile, n'est-ce pas? “ On va y arriver, hein? ” Il se sent si vulnérable et fragile, et se rattrape vite en ajoutant: “ on va y arriver, ” sa voix tremblant d'une confiance qu'il ne partage pas intérieurement.

Reaghan le voit hésiter, dans le fond, il espère qu’il va serrer sa main et qu’il lui apportera la boîte la prochaine fois qu’ils vont se voir. Il n’a presque rien venant de sa famille pour ne pas dire rien du tout au final. Comment se fait-il qu’un gamin ait quelque chose lui appartenant initialement ? Finalement le Moriarty se saisit de sa main tendue et Reaghan ne cache pas son sourire. Il voit bien qu’il a un vague air de dégoût sur le visage. Ça l’amuse toujours un peu. “ Vous êtes difficile à trouver. Mais on a un deal. Quand tout cela sera fini, ou si y'a un autre rapport... j'essayerai de vous trouver. Ou de faire disparaître le rapport. On va y arriver, hein? on va y arriver, ” Reaghan penche légèrement la tête sur le côté avant d’hausser les épaules et de retirer sa main. Ils ont un deal donc. « Faut pas t’en faire, Moriarty. Ça fait trente ans que je vis avec cette malédiction et j’suis toujours pas mort. Bon l’apparence, c’est pas ça, mais ça vient que la nuit alors t’en fais pas trop non plus. Continue à vivre. » Il a bien appris à vivre avec en étant tout seul, ce gamin est loin d’être seul. De ce qu’il a compris, les Moriarty sont nombreux et il doit avoir un bon entourage. Il pourra surmonter cette épreuve. « On va trouver et on s’enlèvera cette saloperie. » Il n’a aucun doute là-dessus. S’il a bien appris une chose avec le temps, c’est que tout finit par se défaire à un moment. Le Magister a bien réussi à revenir à la vie et si lui peut vaincre la Mort alors Moriarty et lui aussi. Même si la malédiction qui les frappe est beaucoup plus vicieuse puisque c’est sur le long terme qu’elle finit par tuer. « Je te laisse retourner à ton bureau et perdre le rapport tranquillement. On se contacte dès qu’on peut. » Fait finalement Reaghan. Il est temps pour eux de se séparer. Ils finalisent les derniers détails avant de partir chacun de leur côté. Reaghan a hésité un long moment avant ça. Il se demandait s’il devait lui parler d’Ariane ou pas avant de renoncer. S’il divulgue ce genre d’informations, il peut la mettre en danger et il s’est promis de ne jamais le faire. Leurs petites aventures sont déjà bien assez périlleuses pour qu’il aille parler d’elle à son frère. Sait-on jamais. Alors Reaghan est parti sans rien dire avec un tout autre espoir en tête : voir un objet qui a appartenu au Phillips et qui peut peut-être l’aider avec la malédiction.

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