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PRISONERS • bloodstains on the carpet Eirene Mayfair ‹ inscription : 16/04/2016
‹ messages : 392
‹ crédits : AILAHOZ
‹ dialogues : #rosybrown
‹ âge : 30
‹ occupation : enfermée à azkaban pour 50 ans, elle est persuadée qu'elle n'en sortira pas vivante
‹ maison : serdaigle
‹ scolarité : 1984 et 1991.
‹ baguette : est en bois d'acajou ; elle mesure vingt-six centimètres et possède en son coeur un ventricule de dragon.
‹ gallions (ʛ) : 3581
‹ réputation : je suis un simple objet à la merci des mangemorts, prête à tout pour atteindre ses objectifs. A cela s'ajoute nouvellement l'appellation de criminelle de guerre; vivement recherchée par le gouvernement, je me suis rendue aux autorités début mars 2004
‹ particularité : métamorphomage.
‹ faits : que je suis devenue mangemort peu de temps avant la bataille finale mais que je ne soutiens pas les idéologies du Lord. C'est seulement une étape -indispensable- de plus pour faire mes preuves. L'utilisation de mon don m'épuise et il m'est impossible d'oublier les horreurs commises. Avec les blessures de l'attaque de Sainte-Mangouste et les dérèglements magiques qui s'ajoutent, garder le contrôle devient plus compliqué. L'orviétan (fabuleo) a été le seul moyen efficace pour supporter la douleur et reprendre vite le travail, une absence longue mettant en péril ma place dans le système et toutes les années de dur labeur qui vont avec.
‹ résidence : auparavant dans un minuscule appartement à Canterbury, du côté moldu, cachée de tous sous une fausse identité (Susie Marshall) avec Elizabeth Atkins (Leanne Marshall), je réside désormais dans l'une des nombreuses cellules d'Azkaban, toujours en compagnie d'Elizabeth
‹ patronus : une hirondelle, mais impossible d'en produire un depuis l'apposition de la Marque sur son avant-bras.
‹ épouvantard : mon corps vieilli par l'utilisation excessive de mon don. Plus récemment, il prendrait plutôt la forme de Matteo ensanglanté, allongé au sol et laissé pour mort.
‹ risèd : la liberté, un monde où je pourrais rester moi-même sans mettre ma vie en danger ou celle des personnes que j'aime. Matteo vivant, pas uniquement dans ses souvenirs.
| Décembre 2003, Canterbury – Assise sur le rebord de la fenêtre, Eirene avait laissé son esprit divaguer loin de ce petit appartement, là où ses souvenirs ne la hanteraient pas. Il lui suffisait de fermer les yeux pour visualiser cette petite plage découverte peu de temps après leur arrivée ici, près de Canterbury. Une douce brise lui caressait le visage alors qu’elle entendait l’apaisant bruit des vagues s’échouer non loin, comme si elle y était vraiment. Un sourire discret se dessina sur ses lèvres. Elles étaient bien ici, quand même, à se faire passer pour ce qu’elles n’étaient pas. Loin de Londres, loin de l’agitation, loin des responsabilités. Et pourtant, l’angoisse constante d’être un jour découvertes ne la quittait pas. Cette petite bulle de tranquillité qu’elles s’étaient créées pouvait éclater à tout instant. Eirene et son amie Elizabeth, ou plutôt Susie et sa grande sœur Leanne, avaient fini par s’habituer à cette illusion, jusqu’à l’apprécier même. Parce que c’était bien plus facile d’y croire que de faire face à la réalité. Depuis quand n’avaient-elles pas connues de jours paisibles ? Eirene n’arrivait pas à s’en souvenir, elle avait la désagréable sensation de s’être battue une grande partie de sa vie… pour rien. Cette guerre leur avait tout pris, même leur humanité. Surtout leur humanité. Y repenser, même l’espace d’une seconde, avait suffi à raviver en elle des souvenirs qu’elle préférerait oublier. Et la voilà repartie pour de longues heures de réflexion intense, à essayer de comprendre comment elle avait pu en arriver là. Rien ne s’était passé comme elle l’avait imaginé et son instinct lui soufflait que ce n’était que le début.
Mi-novembre 2003, Pré-au-Lard – En plein milieu du champ de bataille, Eirene avait l’impression d’être brutalement tirée d’un rêve dans lequel elle était plongée depuis des mois, voire même des années. Les doigts serrés autour de sa baguette, le visage caché derrière son masque, elle ne savait plus où donner de la tête. Tout allait beaucoup trop vite. Un instant elle était en sécurité et celui d’après tout volait en éclat. Alors elle ripostait, essayait de faire en sorte de survivre, attendait que les combats ne prennent fin. Eirene était bien plus sur la défensive que sur l’attaque et rapidement, elle avait trouvé un moyen d’échapper à cette horreur en repérant les blessés pour les emmener vers les lignes arrières. Elle s’était même défait de son masque, plus encombrant qu’autre chose, pour se fondre dans la masse. Epuisée, traumatisée par l’attaque de Herpo Creek, elle tentait tant bien que mal de faire bonne figure mais même les plus forts d’entre eux finissaient par plier. Le corps n’arrivait plus à suivre et dans son esprit, tout s’écroulait. Ce fut un jour de novembre, elle ne se souvenait pas du jour ou de l’heure qu’il était, qu’elle comprit que c’en était trop pour elle. Qu’elle n’arriverait plus à supporter une journée de plus dans cet enfer. Ce n’était pas sa guerre, elle n’avait jamais voulu ôter des vies. Prouver à la communauté sorcière ce dont elle était capable, oui, mais pas en faisant couler le sang. Elle ne soutenait même pas les idéaux du Lord alors à quoi bon ? Rien n’avait plus de sens, pas même ses choix, elle qui avait toujours su ce qu'elle voulait. Aveuglée par son ambition, ce besoin constant de faire ses preuves, elle avait fini par oublier ses valeurs, s’oublier elle-même. Eirene n’avait pas l’étoffe d’une meurtrière et Augustus Rookwood l’avait compris bien avant elle lorsqu’il avait achevé Matteo à sa place, sachant pertinemment qu’elle n’arriverait pas à lancer le coup fatal. Et ce tatouage sur l’avant-bras ne lui avait pas apporté ce à quoi elle aspirait tant : le pouvoir. Personne ne la verrait jamais plus qu’une simple sorcière de sang-mêlé, une bête de foire qu’ils exploiteraient au maximum avant de la jeter dans un coin une fois lassés. Le nouveau gouvernement aurait peut-être pu lui être favorable. Celui qui revalorisait les différences de chacun pour montrer tout ce que la diversité avait à leur offrir. Elle aurait pu être heureuse, mais elle ne le sera pas. Parce qu'elle n’était pas plus qu’une criminelle à leurs yeux, un ancien mangemort. Et ce fardeau, elle se l’était infligée elle-même. Elle qui voulait se battre pour la justice, elle s’était rangée du côté de la violence. Et personne ne l’y avait jamais forcée. Elle s’imaginait pouvoir changer les choses de l’intérieur, probablement. La fuite semblait être la seule option envisageable. Rien ne la retenait plus longtemps dans ce monde où ses parents ne voulaient plus entendre parler d’elle, celui où le simple fait de l’avoir aimée avait coûté la vie à son âme sœur. Se battre ne présentait plus aucun intérêt, pas alors que Matteo était mort. Son monde à elle, c’était lui. Ça avait toujours été lui. Il avait fallu qu'il soit trop tard pour qu'elle ne le comprenne enfin.
Ce soir-là, à Pré-au-Lard, elle n’avait pas réussi à lancer le sortilège de la mort. Comme si la dernière de ses limites, l’infranchissable, avait été atteinte. Eirene ne saurait dire pourquoi elle était restée plantée là, sans bouger, ni même ce qui lui avait traversé l’esprit. Pétrifiée – par la peur ? –, les pieds cloués au sol, elle avait difficilement levé la baguette vers un rebelle quelques mètres plus loin. Beaucoup trop occupé à esquiver les attaques d’autres mangemorts, il mit un certain temps avant de la repérer. Ce fut seulement après quelques minutes de combats intenses pour lui et d’observation silencieuse pour elle que leurs regards se croisèrent enfin. La seconde d’après, il se précipitait vers elle alors qu’elle tentait vainement de formuler un protego. Complètement exposée, vulnérable, elle se mit à penser que c’était la fin. Et que c’était peut-être mieux pour tout le monde. Mais un éclair jaillit de nulle part et le corps du jeune homme s’écroula au sol. Une main lui attrapa l’épaule et l’instant d’après, elle était en sécurité dans une ruelle loin des attaques. Elle découvrit seulement après le visage de celle qui lui avait sauvé la vie. « T’es blessée ? Mais comment t’as pu nous ramener jusque là dans cet état ? » A moins d’un mètre d’elle se tenait Elizabeth, plutôt mal-en-point. « On reste pas plus longtemps, je t’emmène te faire soigner. » La sorcière fit un signe de tête. L’air confuse, perdue, elle reprit son souffle avant de lui répéter que non, elle n’irait pas se faire soigner. Ou du moins, pas là où Eirene le pensait. « On doit partir. Maintenant… » Et il ne lui en fallait pas plus pour la suivre, pour s’échapper loin de cette stupide guerre.
Décembre 2003, Canterbury – Le bruit de la porte qui claque finit par la sortir de ses pensées. Elizabeth était rentrée plus tard que prévu et Eirene l’attendait pour dîner. Par mesure de précaution, elles avaient décidé de réduire au maximum leur utilisation de la magie. Tout ceci pour éviter qu’un moldu ne les voit mais surtout pour ne pas attirer l’attention d’autres sorciers. « Est-ce que tu as faim ? J’ai préparé de la tarte si tu veux. » Mais Eirene n’attendit même pas la réponse de celle-ci et se dirigea vers une pièce de la taille d’un placard qui leur servait de cuisine. Elle revint les bras chargés et posa le tout sur la table basse. En réalité, elle n’avait pas tellement envie de manger. L’appétit lui manquait depuis quelques temps et le fait de travailler dans un restaurant le lui coupait un peu plus. Ce soir-là, elle avait surtout besoin de parler. Mettre des mots sur l’horreur de la guerre, toutes ces émotions qu’elles refoulaient depuis plus d'un mois. Parce qu’elles n’arriveraient pas à avancer en intériorisant tout. Alors elle engagea la conversation, après un temps d’hésitation. « Tu crois qu’on pourrait être heureuses ici ? » commença-t-elle doucement. La notion de bonheur lui paraissait si floue. « Qu’on pourrait tout recommencer, se reconstruire, essayer d’aller mieux ? Parce que j’aimerais vraiment qu’on s’en sorte, même s’il faut faire un trait sur le monde magique. » Retourner à Londres était bien trop dangereux. Même le simple fait de rester en Angleterre pouvait l’être… Sa voix tremblait légèrement et elle se mit à couper la tarte en plusieurs morceaux pour s'occuper, s’empêcher de flancher. Les verres vides se remplirent d’eau mais elle aurait tout fait pour avoir quelque chose de plus fort ce soir. « Au fait, je sais plus si je te l’ai déjà dit. Enfin, on n’en a jamais parlé… mais… merci. » Elle fit l’effort de relever la tête, respirer un bon coup avant d’éclaircir ses propos. « De m’avoir sauvée là-bas. Rien ne t’y obligeait. » Elle se racla la gorge puis but une gorgée d’eau. « Mais là n’est pas le plus important. Est-ce que tu vas mieux ? » Les véritables raisons de leur départ restaient floues, tout comme ce qui était arrivé à Elizabeth. Il était temps que son amie lui explique certaines choses, ce qu'elle pouvait du moins. |
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PRISONERS • bloodstains on the carpet Elizabeth Atkins |
(November 13th, 2003) Se tenant debout, au milieu d’une maison en ruine, la silhouette légèrement courbée pour se cacher derrière le résidu d’un pan de mur, elle étudiait les alentours comme un chasseur guettait sa proie. Déjà un mois qu’elle combattait dans cette guerre sanglante sans réussir à s’en dépêtrer. Elle aimerait que tout s’arrête, que les cicatrices s’effacent, que ses souvenirs redeviennent clairs, mais ils semblaient pris dans une spirale interminable dont personne ne voyait le bout. Les insurgés se battaient avec tellement de hargne qu’un sentiment bizarre de fierté traversait parfois son esprit. Le camp du Seigneur des Ténèbres – le sien ? – se débattait avec conviction, pensant que la victoire était déjà pour eux. Mais personne ne lâchait jamais, personne ne voulait céder. Elizabeth se retrouvait prise au milieu de cette bataille sans savoir où son cœur voulait la porter. Ses souvenirs se mêlaient encore plus brutalement à ses pensées quotidiennes, elle ne démêlait plus le vrai du faux, se laissait guider par son instinct de survie et combattait quiconque s’opposait à elle. Alors qu’elle pensait apercevoir une silhouette dans l’ombre des arbres, une rafale de vent souffla sur elle des cendres qui l’aveuglèrent. Entraînée dans la traînée d’air, sa capuche glissa de son crâne et ses boucles rousses rebelles se détachèrent derrière son masque. « Je savais que c’était toi ! » Pointant rapidement sa baguette vers l’endroit où elle avait cru apercevoir quelqu’un quelques minutes plus tôt, elle lança un Expelliarmus qui manqua sa cible à cause de ses yeux larmoyants. « Qui êtes-vous ? Ne tentez rien ou je vous tuerai ! » Une de ses voix intérieures se mit à ricaner. Un mois que personne n’avait été tué de sa main, elle était déjà loin l’Elizabeth qui voulait devenir mangemort. « Je ne vous veux aucun mal. — Mais pourquoi tu la vouvoies ? — J’en sais rien, laisse tomber, on n’a pas beaucoup de temps. » Ces deux voix lui étaient familières. C’étaient les deux personnes qu’elle avait déjà rencontrées lors des premiers jours de combat. Elle sentit tout à coup des liens s’attacher d’eux-mêmes autour de ses poignets. « Écoute Elizabeth, c’est Kate, je suis là, je suis vivante, je vais bien. Tu dois rentrer à la maison Liz, on a besoin de toi, on a besoin que tu reviennes ! Je sais que tu es toujours là, qu’on t’a manipulée, je ne sais comment. Réfléchis, souviens-toi, reviens. » Elle entendait les sanglots dans la voix de celle qui affirmait être sa sœur défunte. Ses paupières avaient toujours du mal à s’ouvrir à cause de la poussière mais elle sentit les doigts de cette jeune femme détacher elle-même les cordes qui reliaient ses mains. « Je vais te laisser. Tu sauras revenir vers nous quand tu te rappelleras. Arrête de battre pour eux. Nous, on a besoin de toi. » Et ils disparurent, la laissant ainsi, appuyée contre un mur instable, encore aveuglée et perdue.
(November 14th, 2003) Ce soir-là, un regain d’énergie semblait avoir contaminé les deux camps car les échanges de sortilèges étaient beaucoup plus intenses qu’habituellement. Attaquée par des oiseaux en furie, tranchée par un Diffindo bien placé, projetée contre un tas de ruines, elle en était là, rampant parmi les débris pour éviter d’être de nouveau prise sous les grippes d’un combattant malintentionné. Elle était épuisée et se relevait difficilement de cette dernière confrontation. La conversation qu’elle avait eu la veille au soir avec Kate – elle n’était même pas encore sûre que ce soit elle, étant donné qu’elle était censée être morte dans ses bras – l’avait perturbée. Elle avait la tête complètement ailleurs, et pire que ça, elle n’était même plus capable de se protéger elle-même. Ses paupières étaient désespérément lourdes, mais elle devait trouver un moyen de quitter cette guerre, de cesser les combats, elle était désespérée et n’avait plus la force de défendre un camp qu’elle commençait bizarrement à détester. Elle allait déserter, elle s’était décidée en rentrant hier. Elle s’était préparée, avait récupéré ses réserves de Polynectar – dont elle ne connaissait d’ailleurs pas l’origine – ainsi que les restes d’ingrédients qui servaient à sa préparation. Le tout glissé dans un sac, elle avait fourré quelques vêtements, quelques réserves de nourritures et avait dissimulé tout ça dans la poche de sa cape. Elle avait fait tout ça, comme si une part d’elle l’avait déjà fait, comme si elle connaissait tout ce manège. Et puis elle était repartie sur la zone de combat, une dernière fois, pour y trouver une identité à voler. Elle était d’ailleurs en train de prélever avec dégoût une grande quantité de cheveux d’une femme qui venait de tomber à côté d’elle, lorsque son regard se retourna vers la scène d’un combat déloyal. À quelques mètres d’elle, Eirene, figée, incapable de bouger. Plus loin un insurgé féroce qui se jetait sur elle. Elle ne comprit pas vraiment ce qu’il se passa ensuite, un éclair vert jaillit de sa baguette et éteignit immédiatement la lueur qui brillait dans les yeux de l’insurgé. Elle se précipita sur Eirene, lui attrapa l’épaule et la fit transplaner à des kilomètres de là, dans une petite ruelle, la première à laquelle elle avait pensé. « T’es blessée ? Mais comment t’as pu nous ramener jusque là dans cet état ? On reste pas plus longtemps, je t’emmène te faire soigner. » Elle agita la tête en signe de dénégation. « On doit partir. Maintenant… » Elle attrapa une fiole de Polynectar, y glissa un cheveu et vida la potion. « Il faut que tu changes d’apparence, on doit partir ! »
(December 20th, 2003) Elle marchait d’une allure rapide, guettant à chaque intersection des présences suspectes. Depuis qu’elles s’étaient installées ici avec Eirene, un mois plus tôt, elle avait retrouvé une certaine tranquillité. Entre temps, la guerre s’était finie et les insurgés avaient gagné. Ils ne parlaient pas vraiment de ce monde sorcier qu’ils avaient quitté sûrement par peur. Peur d’affaiblir l’autre, peur de se décourager, peur de ne plus réussir à avancer. Elles se soutenaient l’une l’autre, mais elles savaient aussi que ce n’était pas suffisant. Elles avaient, toutes les deux, fait des choses qu’elles regrettaient, mais les rappeler n’y changerait rien, alors elles se taisaient. Elizabeth sentait que tout ça pesait de plus en plus sur les épaules d’Eirene. Elle était encore jeune. Telles les sœurs pour lesquelles elles se faisaient passer dans ce village moldu, Elizabeth essayait de rassurer Eirene du mieux qu’elle le pouvait, mais lorsqu’elle fuyait la réalité, il était dur d’être un vrai soutien pour quelqu’un. Lorsqu’elle ouvrit la porte de leur résidence de fortune, elle savait qu’Eirene l’attendrait. Malgré le fait que leur lien fraternel ne fut que fictif, elles tenaient suffisamment l’une à l’autre pour s’assurer que chacune rentrait toujours à la maison. « Est-ce que tu as faim ? J’ai préparé de la tarte si tu veux. » Elle n’eut pas le temps de répondre qu’Eirene s’affairait déjà à lui préparer une assiette. Déposant ses quelques affaires au pied de la commode de l’entrée, elle ferma les rideaux des fenêtres et laissa son visage reprendre ses formes normales et ses cheveux châtains se retrousser en boucles rousses sous les derniers effets du Polynectar. Elle s’assit à côté d’Eirene et frotta son visage fatigué. « Tu crois qu’on pourrait être heureuses ici ? Qu’on pourrait tout recommencer, se reconstruire, essayer d’aller mieux ? Parce que j’aimerais vraiment qu’on s’en sorte, même s’il faut faire un trait sur le monde magique. » Elle baissa les yeux, sûrement parce qu’elle s’était déjà posé la question plein de fois sans trouver une réponse valable. « Je ne sais pas. J’aimerais, mais ce n’est pas facile de se forcer à réprimer sa magie. Et puis je pense que … même si je t’apprécie énormément, je ne te suffirais pas, je le sais. » Elle pensait à Matteo, celui qu'Eirene regrettait tant, celui qui comblait sa vie lorsqu'il était encore vivant. « Au fait, je sais plus si je te l’ai déjà dit. Enfin, on n’en a jamais parlé… mais… merci. De m’avoir sauvée là-bas. Rien ne t’y obligeait. Mais là n’est pas le plus important. Est-ce que tu vas mieux ? » Ses doigts jouaient nerveusement avec le bracelet en plastique que son neveu lui avait offert à son dernier anniversaire. Elle se souvenait qu’au moment de le border le soir même, il s’était penché et lui avait donné un deuxième paquet en lui soufflant : « C’est pour maman. » Elle l’avait alors pris dans ses bras sans réussir à lui rappeler que sa mère était morte. Le paquet, elle l’avait toujours, quelque part dans son sac. Donc, allait-elle mieux ? Non pas vraiment, cela faisait au moins plus d’un an qu’elle avait constamment ce poids sur la poitrine et ce doute quant à la mort présumée de sa sœur. Tout avait d’abord été si clair dans sa tête, mais peu à peu ses convictions s’étaient étiolées et avaient peu à peu effeuillé tous ses souvenirs. À présent, elle était certaine que quelqu’un l’avait manipulée, mais elle aimerait tant savoir si cela était réversible, si elle pourrait un jour retrouver une stabilité dans sa tête. On lui avait enlevé tout son libre-arbitre mais pour avancer, elle avait besoin de reprendre confiance en elle, avait besoin de faire confiance à ce que sa conscience lui soufflait. « Je … Mes blessures sont soignées, même si je boite encore un peu. » Elle restait si vague, n’était pas prête à s’ouvrir, pas prête à dire ce qu’elle ressentait, elle n’en avait pas encore la force. « Mais toi, dis-moi comment tu te sens ? J’ai vraiment la conviction que tout ça est dur pour toi. J’aimerais tellement pouvoir faire quelque chose pour t’apaiser, mais je ne sais pas quoi … » Elle tripota à nouveau ce bracelet et poursuivit. « Si tu penses que tu dois partir, que tu as besoin d’aller ailleurs, de fuir, je ne te retiens pas. Je ne veux pas que tu restes pour moi, que tu penses que tu as quelque chose à me devoir. Tu n’as rien fait de mal à part vouloir être reconnue par les tiens. La Marque t’enverra peut-être au tribunal, mais entre les mains de vrais juges – et pas ceux qui prennent arbitrairement les décisions actuellement – tu ne resteras pas en prison bien longtemps. » Elle lui offrait une porte de sortie, cette échappatoire qu’elle aimerait tant avoir elle-même, mais ce dernier sortilège qu’elle avait envoyé avec sa baguette, cet Avada Kedavra qui avait tué un insurgé, personne ne le lui pardonnerait jamais …
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PRISONERS • bloodstains on the carpet Eirene Mayfair ‹ inscription : 16/04/2016
‹ messages : 392
‹ crédits : AILAHOZ
‹ dialogues : #rosybrown
‹ âge : 30
‹ occupation : enfermée à azkaban pour 50 ans, elle est persuadée qu'elle n'en sortira pas vivante
‹ maison : serdaigle
‹ scolarité : 1984 et 1991.
‹ baguette : est en bois d'acajou ; elle mesure vingt-six centimètres et possède en son coeur un ventricule de dragon.
‹ gallions (ʛ) : 3581
‹ réputation : je suis un simple objet à la merci des mangemorts, prête à tout pour atteindre ses objectifs. A cela s'ajoute nouvellement l'appellation de criminelle de guerre; vivement recherchée par le gouvernement, je me suis rendue aux autorités début mars 2004
‹ particularité : métamorphomage.
‹ faits : que je suis devenue mangemort peu de temps avant la bataille finale mais que je ne soutiens pas les idéologies du Lord. C'est seulement une étape -indispensable- de plus pour faire mes preuves. L'utilisation de mon don m'épuise et il m'est impossible d'oublier les horreurs commises. Avec les blessures de l'attaque de Sainte-Mangouste et les dérèglements magiques qui s'ajoutent, garder le contrôle devient plus compliqué. L'orviétan (fabuleo) a été le seul moyen efficace pour supporter la douleur et reprendre vite le travail, une absence longue mettant en péril ma place dans le système et toutes les années de dur labeur qui vont avec.
‹ résidence : auparavant dans un minuscule appartement à Canterbury, du côté moldu, cachée de tous sous une fausse identité (Susie Marshall) avec Elizabeth Atkins (Leanne Marshall), je réside désormais dans l'une des nombreuses cellules d'Azkaban, toujours en compagnie d'Elizabeth
‹ patronus : une hirondelle, mais impossible d'en produire un depuis l'apposition de la Marque sur son avant-bras.
‹ épouvantard : mon corps vieilli par l'utilisation excessive de mon don. Plus récemment, il prendrait plutôt la forme de Matteo ensanglanté, allongé au sol et laissé pour mort.
‹ risèd : la liberté, un monde où je pourrais rester moi-même sans mettre ma vie en danger ou celle des personnes que j'aime. Matteo vivant, pas uniquement dans ses souvenirs.
| Prendre la fuite ce jour de novembre leur avait très certainement sauvé la vie. Malgré les quelques blessures infligées lors de la bataille, elles s’en sortaient toutes les deux plutôt bien physiquement. Pour ce qui était du plan psychologique, c’était une toute autre histoire… Eirene pensait naïvement que la période d’après-guerre serait plus facile à vivre, mais en réalité, c’était bien pire. Les erreurs commises étaient bien trop nombreuses et les regrets s’accumulaient. Sans compter sur cette peur qui la rongeait sans cesse, l’empêchait parfois, souvent, de dormir. Elle craignait d’être démasquée, prise au piège, ne plus tenir le coup. Chaque fois qu’Elizabeth tardait à rentrer, quelques minutes à peine, Eirene imaginait le pire. L’idée de se retrouver de nouveau seule l’effrayait. Tout comme celle de perdre son amie, la seule personne sur qui elle pouvait actuellement compter. Ce semblant d’équilibre n’était rien sans Elizabeth et l’avoir à ses côtés la rassurait plus qu’elle ne l’imaginait. Ses journées, remplies de cafés à servir, tables à débarrasser et montagnes de vaisselle à laver, n’avaient rien de bien stressant. C’était même plutôt tranquille, comparé à ce qu’elle faisait au Ministère. Pourtant, la fatigue s’accumulait alors qu’elle se retrouvait encore à malmener son corps. La durée de ses transformations s’allongeait sans arrêt, ravivant par la même occasion d’anciennes blessures qu’elle pensait jusque-là guéries. Elle préférait de loin cet état plutôt que de se laisser sombrer dans la folie.
Elle ne regardait presque pas Elizabeth, fuyait son regard par peur d’y découvrir une vérité qu’elle connaissait déjà. Comment pourraient-elles être heureuses, alors qu’elles devaient cacher leur véritable nature ? Sa question lui semblait bien ridicule maintenant. Ranger sa baguette magique dans un coin de l’appartement, au cas où elle serait confrontée à des sorciers de passage dans la ville, était facile. Renoncer à la métamorphomagi était différent, surtout lorsqu’elle devait s’en servir chaque jour pour protéger sa couverture. Même le Ministère ne lui imposait pas des transformations aussi longues. « Je ne sais pas. J’aimerais, mais ce n’est pas facile de se forcer à réprimer sa magie. Et puis je pense que … même si je t’apprécie énormément, je ne te suffirais pas, je le sais. » Elle s’arrêta pour l’observer quelques instants. La question n’était pas de savoir si elle serait heureuse ici, mais plutôt si elle parviendrait à le redevenir un jour. Personne n’arriverait à remplacer Matteo. Et elle ne voulait pas que quelqu’un le fasse. Il occupait constamment ses pensées, comme s’il ne l’avait jamais réellement quitté, comme s’il restait celui qui s’accrochait le plus à ce qu'ils étaient avant. Elle était allée trop et s’en était rendue compte trop tard. Cette victoire, c’était la sienne. Il aurait dû être là pour la célébrer, pour profiter et vivre enfin. Par sa faute, Anna ne pourra jamais lui présenter Charlotte et le visage de sa nièce ne restera qu’une image floue. Ses instants-là, elle les leur avait volé. Et elle n’avait aucun moyen de se racheter, puisqu’il n’y avait plus rien à faire. Il était mort. Et ça, elle ne se le pardonnerait jamais.
« Je … Mes blessures sont soignées, même si je boite encore un peu. » Eirene esquissa un sourire sincère, ce qui se faisait de plus en plus rare ces derniers temps. Lorsqu’elle travaillait, elle se devait de porter le masque de l’employée modèle, mais une fois les portes du restaurant passées, la jeune femme perdue qu’elle était devenue refaisait surface. « Ravie d’entendre que ton état s’améliore. » Elizabeth restait toujours secrète sur ses réels sentiments et celle-ci s’empressa de lui retourner la question. Tout dans son attitude montrait qu’elle n’allait pas bien, mais Eirene n’insistait pas. Parce qu’elles savaient toutes les deux que précipiter les choses ne ferait que les empirer. « Mais toi, dis-moi comment tu te sens ? J’ai vraiment la conviction que tout ça est dur pour toi. J’aimerais tellement pouvoir faire quelque chose pour t’apaiser, mais je ne sais pas quoi … » « Pour qui ça ne l’est pas ? » qu’elle lâcha avec un léger rire nerveux. Rien n’allait. Elle voulait croire que oui, elle gardait le contrôle, comme elle l’avait fait pendant près d'une décennie, mais se battre ne présentait plus tellement d’intérêt. Les épreuves de la vie étaient bien plus surmontables lorsqu’il était toujours en vie, même loin d’elle. Il lui restait toujours l’espoir de pouvoir le retrouver, un jour. « Si tu penses que tu dois partir, que tu as besoin d’aller ailleurs, de fuir, je ne te retiens pas. Je ne veux pas que tu restes pour moi, que tu penses que tu as quelque chose à me devoir. Tu n’as rien fait de mal à part vouloir être reconnue par les tiens. La Marque t’enverra peut-être au tribunal, mais entre les mains de vrais juges – et pas ceux qui prennent arbitrairement les décisions actuellement – tu ne resteras pas en prison bien longtemps. » Elle passa une main derrière la nuque, nerveuse. « Et partir pour aller où ? » Elle n’avait plus personne à qui rendre visite. « Mes parents ne veulent plus me voir. Sans parler d’Anna… » Elle n’avait même eu pas le courage de l’affronter, de lui révéler qu’elle avait tué son frère. Son ancienne belle-sœur l’avait toujours soutenue, même dans les moments les plus difficiles. Et voilà comment elle la remerciait. « Merci… Mais je reste car je t’apprécie vraiment. Tu es la seule personne en qui je peux avoir confiance, qui puisse me comprendre même un tout petit peu. Une véritable amie… Et puis, autant se soutenir plutôt que de s’isoler, non ? » C’était en partie faux. Eirene se sentait redevable et elle devait faire quelque chose pour essayer d’apaiser ce poids sur les épaules de son amie. Elle l’avait sauvée de la mort, en valait-elle au moins la peine ? Avoir ôté la vie de cet insurgé la tourmentait et Eirene était impuissante face à ce mal-être grandissant. Et c'est bien parce qu'elle tenait à elle qu'elle ne partait pas. « C’est gentil d’essayer… » Elle lança un regard sur son avant-bras, y glissa ses doigts pour dessiner une forme qu’elle ne connaissait que trop bien. Parfois, il lui arrivait d’utiliser la métamorphomagie chez elle, sans qu’Elizabeth ne s’en rende compte, pour faire disparaître la Marque de son corps. Ça l'aidait à se rappeler qu'elle n'avait pas toujours été cette sorcière-là, celle qui avait fini par taire ses convictions et renoncer à ses valeurs. Même dissimulée sous un pull épais, elle en devinait les contours. Effacée de sa chair, elle en ressentait les picotements désagréables, pourtant inexistants. Elle essayait de l’oublier, mais son corps ne se retenait pas de lui rappeler qu’elle avait commis l’irréparable. « Tu te trompes. La Marque en elle-même prouve que ce que j’ai fait est mal. » Quelques minutes avant, Elizabeth lui demandait ce qu’elle pourrait faire pour l’apaiser. Eirene voulait l’impossible. Aux dernières nouvelles, personne ne revenait d’entre les morts. « Et puis… je me fiche du temps que je passerai en prison. commença-t-elle doucement, les yeux baissés fixant le sol. Rien ne pourra le ramener. Quelle que soit la condamnation. » Alors autant rester ici et faire semblant d’être quelqu’un d’autre. Eirene n’avait jamais véritablement évoqué les circonstances de la mort de Matteo. Elizabeth avait peut-être eu des doutes, ou fait le rapprochement entre l’obtention de sa Marque et le moment où elle lui avait annoncé son décès. Elle n’en avait parlé avec personne, finalement. « Je l’ai tué. » avoua-t-elle, toujours aussi nerveuse, les mains tremblantes. Encore aujourd’hui, elle n’arrivait pas à accepter le fait qu’il ne soit plus là. Tout lui semblait irréel. « Il est mort parce qu’il m’aimait. » Les souvenirs de cette journée revinrent violemment à la surface. Elle voyait son corps étalé au sol, sans vie. Et les mangemorts la féliciter alors qu’ils quittaient la pièce, comme si rien ne s’était passé. « C’est de ma faute, ils voulaient tester mes limites… » Plus d’un mois s’était écoulé depuis sa supposée mission, mais tout était tellement frais dans son esprit. Les larmes voulaient couler, mais elle ne s’autorisait pas à lâcher prise. Par culpabilité, parce qu’elle n’avait tout simplement pas le droit de se lamenter alors qu’elle était responsable de cette perte. « Tu l’aurais apprécié, j’en suis sûre. » ajouta-t-elle en riant doucement. Elle l’imaginait parfois débarquer ici, comme si rien n’avait jamais changé, rencontrer Elizabeth, se raconter leurs journées, parler. Et puis elle se demandait ce qu’il aurait fait à sa place et chaque fois, elle en venait à la même conclusion : tout, mais pas ça. Il aurait trouvé une autre solution. « Il me manque. » Elle releva les yeux pour se concentrer sur son interlocutrice, en espérant qu’elle puisse lire dans son regard toute la détresse qu’elle ressentait. « Il me manque tellement… » Et sa voix se brisa complètement, alors qu’elle relevait les épaules, résignée. La liste des regrets était interminable et s’allongeait un peu plus chaque jour. « Comment peut-on supporter la perte de… » Elle s’interrompit. Son âme sœur ? Le seul homme qu’elle ait vraiment aimé ? Celui avec qui elle s’imaginait construire une famille, vieillir ? Ils étaient en guerre, dans deux camps opposés et pourtant, jamais l’idée qu’il puisse perdre la vie ne lui avait effleuré l’esprit. C’était tellement stupide. Pour le reste du monde, ils n’étaient que de simples humains parmi tant d’autres, alors que l’un pour l’autre, ils représentaient leur tout. « … sa moitié ? » La question était peut-être malvenue, mais Elizabeth pouvait la comprendre mieux que personne. On lui avait toujours dit que les jumeaux entretenaient un lien particulier, si fort qu’il était difficile d’en comprendre la véritable nature. Elizabeth avait perdu Katherine et elle n’arrivait pas à comprendre comment elle parvenait encore à tenir debout. « Parce que je pense pas en être capable. » Elle avait surmonté de nombreuses épreuves tout au long de sa vie. Mais celle-ci était de trop. |
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PRISONERS • bloodstains on the carpet Elizabeth Atkins | Elle faisait des cauchemars. Elle en faisait constamment depuis qu’elles avaient quitté le champ de bataille, depuis qu’elles s’étaient exilées à Canterbury, depuis qu’elles avaient commencé leur vie de fugitives moldues. Chaque nuit, elle se réveillait en sursaut, les gouttes de sueur perlant sur son front et le visage figé de cet insurgé, les bras en croix, gravés sur ses rétines. Elle n’arrivait toujours pas à le faire sortir de sa tête, quoi qu’elle fasse, malgré la fatigue, malgré les médicaments, elle était constamment hantée par ce qu’elle avait fait. Même le fait d’avoir agi pour une bonne raison ne suffisait pas à apaiser sa culpabilité. Elle se sentait lâche. Lâche d’avoir fui plutôt que d’assumer les conséquences, lâche de ne pas oser se livrer aux autorités maintenant que la guerre était finie, lâche d’entraîner Eirene avec elle. Son influence sur les autres était détestable. Elle était loin de ressembler à une manipulatrice pourtant elle l’était. Inconsciemment, ses choix avaient mené des personnes qui comptaient pour elle à leur perte : Katherine, Eirene … Elle avait l’impression de rendre Eirene malheureuse, de l’avoir entraînée dans une fuite qu’elle n’avait pas désirée, de l’obliger à vivre dans un monde où elle ne devrait pas exister. C’était elle qui avait tué, pas Eirene. C’était elle qui était responsable, pas Eirene. Elle voudrait la libérer, la laisser s’en aller, lui enlever dans le même temps toute sa tristesse et son désespoir. Elle se sentait inutile, frustrée, démunie face à cette amie, son amie, qui n’avait plus d’ancre à laquelle se raccrocher. Elle aimerait juste pouvoir faire quelque chose. « Et partir pour aller où ? Mes parents ne veulent plus me voir. Sans parler d’Anna… » Elle entendit la détresse dans sa voix, et sa seule réaction fut de la regarder avec compassion. Elle ne savait pas quoi faire pour l’aider, pour arranger les choses. « Merci… Mais je reste car je t’apprécie vraiment. Tu es la seule personne en qui je peux avoir confiance, qui puisse me comprendre même un tout petit peu. Une véritable amie… Et puis, autant se soutenir plutôt que de s’isoler, non ? » Un ricanement lui échappa et elle détourna les yeux. Quelle ironie que d’entendre des louanges à son égard ! Elle ne se reconnaissait pas à travers la description d’Eirene. Elle n’était pas une personne de confiance. Trahir ses convictions, abandonner ceux qu’elle aimait, tuer … Comment pouvait-on avoir confiance en une telle personne ? Elle n’avait rien du héros dépeint, elle n’était qu’un monstre. Pas une amie. Un monstre, un démon, une personne qui ne méritait qu’une chose : la mort.
Le silence s’épaissit dans la pièce et créa un fossé entre Eirene et elle. Plus que jamais, elle avait l’impression d’avoir fait une erreur en entraînant Eirene avec elle. Tout cela n’avait été qu’une décision égoïste et impulsive pour ne pas finir seule. La solitude, Elizabeth ne la supportait pas, elle avait toujours vécu avec quelqu’un, elle avait toujours eu quelqu’un sur qui se reposer. Katherine avait partagé chaque seconde de sa vie de leur conception à la mort de sa moitié. Et puis il y avait eu Adam et Noah, qu’elle s’était sentie obligée d’aider après la mort de Katherine dont elle se sentait désespérément coupable … Lorsqu’elle s’était retrouvée sur ce champ de bataille et qu’elle avait lancé le coup fatal, une brume sombre l’avait enveloppée et lui avait laissé entrevoir la solitude. Elle avait eu peur, elle s’était raccrochée à la seule personne qui se trouvait à ses côtés, et cette personne avait été Eirene. Victime de sa peur de l’isolement. Elle se frotta le visage et tapa son poing contre le bras du canapé. Elle était en colère contre elle. Elle était en colère contre sa nature. Eirene rompit le silence et sa douce voix mélancolique eut raison de sa colère. « Tu te trompes. La Marque en elle-même prouve que ce que j’ai fait est mal. » Elle ouvrit la bouche et la referma immédiatement. Son amie n’avait pas mérité ça, se retrouver avec la Marque alors qu’elle n’avait pas tué, pendant qu’elle, Elizabeth, avait tué mais n’avait pas de Marque. La Marque était comme une cicatrice indélébile qui rappelait sans cesse à celui qui la portait ce qu’il avait fait de mal. Elle n’avait pas besoin de ça pour s’en rappeler, mais pour Eirene, cela constituait sa plus grande psychose parce que cela lui rappelait le décès de son fiancé. « Et puis… je me fiche du temps que je passerai en prison. Rien ne pourra le ramener. Quelle que soit la condamnation. » Elle tourna la tête vers son amie, un air triste voilant son visage. Elle se sentait tellement mal pour elle qu’elle ne savait plus comment réagir. Après quelques secondes de tergiversation, elle décida que le meilleur moyen de la consoler était d’être là pour elle. Elle s’approcha doucement, passa ses bras autour de ses épaules et l’enlaça affectueusement. « Je l’ai tué. » Elle le savait, elle s’en doutait. Le rapprochement n’avait pas été difficile à faire entre le moment où Matteo était mort et où Eirene avait obtenu sa Marque. Elle connaissait les conditions nécessaires à l’obtention de la Marque. Matteo était mort pour qu’Eirene obtienne ce qu’elle avait toujours voulu : la reconnaissance. Eirene semblait restée raide face à son contact, et Elizabeth se sentait horriblement inutile. Ne pourrait-elle pas utiliser un peu de magie pour apaiser son amie ? Juste un petit peu … Juste assez pour lui faire du bien mais pour qu’elles ne se fassent pas repérer. Elle envisageait réellement la question parce qu’elle ne supportait plus de la voir dans cet état. « Il est mort parce qu’il m’aimait. » Elle aimerait pouvoir dire quelque chose pour la contredire, mais elle n’avait pas tort, la seule erreur qui avait fait de lui sa victime était l’amour qu’il lui portait. Elle pinça les lèvres, recula légèrement et fixait le profil abattu d’Eirene. « C’est de ma faute, ils voulaient tester mes limites … » Ces Mangemorts, Voldemort, ils étaient tous des monstres et ils avaient réussi à convaincre Eirene qu’elle en était une aussi. Elle voulait les détruire plus qu’ils ne l’étaient déjà, elle voulait qu’ils meurent, qu’ils souffrent autant qu’elles souffraient. Ils n’avaient aucune âme, aucun ressentiment, ils ne méritaient pas la vie. Elle les haïssait tous. Même s’ils constituaient en ce moment leurs meilleurs alliés, elle se voyait incapable de leur accorder une quelconque confiance, même relative.
« Tu l’aurais apprécié, j’en suis sûre. » Elle sourit et s’imagina accueillir Matteo dans leur appartement miteux pour un repas festif. Elle aimerait tant pouvoir lui apporter ça, lui offrir ce présent, mais tout était impossible. « J’en suis certaine. » Ses pensées se décrochèrent légèrement de cette réalité pour creuser dans son passé. Elle avait le sentiment d’avoir déjà croisé la route de Matteo, de l’avoir déjà connu. Elle voudrait lui demander si elle avait une photo, juste pour tenter d’imaginer la personne qu’il était ; mais cette idée semblait très mauvaise au vu du désespoir qui occupait déjà le cœur d’Eirene, alors elle se tut. « Il me manque. » Leurs regards se croisèrent enfin et elle se sentit encore plus misérable qu’elle l’était déjà. « Il me manque tellement… » Elle voudrait lui dire qu’elle comprenait, mais ce qu’elle ressentait à l’égard de Katherine était différent. Plus que l’absence, elle ressentait l’éloignement ; elle avait l’impression d’être dupée. « Comment peut-on supporter la perte de… » Elle lui laissa du temps, même si elle savait parfaitement ce qu’Eirene voulait dire. Elle posa sa main sur son avant-bras et par de légères pressions, lui rappelait qu’elle n’était pas seule. « … sa moitié ? » Elle a beaucoup de mal à formuler une réponse. La peur de dire des choses qui empireraient tout l’assaille. « Parce que je pense pas en être capable. » Elle n’était même pas sûre de posséder des conseils judicieux face à un tel sentiment, mais elle s’y risqua, laissant simplement son cœur parler … Elle prit le visage d’Eirene entre ses mains et la força à la regarder. « J’aimerais pouvoir te dire que tout ira mieux dans quelques jours, quelques semaines ou quelques mois, mais pour certains cela prendra peut-être des années ou n’arrivera jamais. J’aimerais te dire que c’est facile et qu’il suffit de tourner la page pour que tu te sentes mieux, mais ce serait te mentir … » Elle glissa l’une de ses mèches brunes derrière son oreille. « Mais je peux te dire une chose, Eirene. Tu es forte, tu es bien plus forte que moi et un jour tu seras capable. Il te manquera toujours, toujours … Rien n’y changera. Parce que tu l’aimes, parce qu’il t’aimait ─ » Elle s’arrêta pour prendre une profonde inspiration. Sa gorge était serrée et elle se retenait elle-même de pleurer. Elle n’avait pas le droit, on ne parlait pas d’elle. « ─ Petit à petit la douleur ne sera plus qu’un petit picotement au niveau de la poitrine. N’aies pas peur d’avancer. Tu ne l’oublieras pas. C’est impossible. N’aies pas peur de laisser les choses aller mieux pour toi, parce qu’il voudrait que tu te pardonnes. Il voudrait que tu ailles mieux. » J’aimerais moi aussi … Elle lâcha son visage et l’enlaça à nouveau. Elle se tut quelques minutes et finit par lui souffler dans l’oreille. « Tant que tu auras besoin de moi, je serai toujours là. Sache-le. Ne l’oublie jamais. Matteo, lui, ne quittera jamais ton cœur. A chacun des battements de ton cœur, il sera là. » Elle serra Eirene de toutes ses forces. Elle voulait qu’elle lâche prise, qu’elle se détende, qu’elle pleure même, si cela pouvait lui faire du bien. Elle voulait seulement lui enlever sa souffrance, elle voulait seulement qu’elle aille mieux. |
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