10 novembre 2003
Ils sont là.
Ils l’observent.
Ils attendent le meilleur moment pour le faire tomber.

Mood les voit. Il sait. Il entend les murmures sur son passage.

On veut le faire tomber et on va arriver à le faire tomber parce qu’il n’y a plus personne de son côté. Ils vont tous déserter et l’un d’eux va attendre le meilleur moment pour reprendre Shadow Moses. Mais Shadow Moses c’est à lui. C’est grâce à lui qu’ils peuvent survivre dans la rue. C’est grâce à lui que certains jeunes peuvent survivre à cette vie. Le gouvernement les a lâchés à un moment et c’est vers lui qu’on s’est tourné. Alors ils n’ont pas le droit de vouloir le destituer.

Lorsqu’il passe à travers les tombes et qu’il croise d’autres membres du groupe, il les voit s’écarter en regardant ses mains. Sa magie crépite aujourd’hui et ça fait mal et ça renforce son sentiment qu’on complote contre lui. Encore. Il finit par retrouver Sand. « Mood ? » - « Quoi ? » Fait-il sur la défensive. Son numéro deux le regarde en haussant un sourcil. Elle est habituée à cette colère constante et son ton mordant, mais c’est toujours rude de bon matin. « La récolte d’hier soir. » Fait-elle en désignant ce que des breaches ont ramené de la veille. Mood baisse la tête et inspecte la table. « C’est tout ? » Fait-il à l’adresse du hitter qui s’est occupé de récupérer le butin. Il hoche la tête. « Ça commence à se faire vide dans les maisons. » - « Tu vas pas me faire croire que chez les sangs-purs y a pas un peu d’richesse ? » Il plisse les yeux d’un air soupçonneux. Il lui ment. Evidemment qu’il lui ment. On lui ment tout le temps.

Mood sent la magie crépiter de plus belle et ça devient insupportable. L’autre écarquille les yeux en voyant des gerbes de magie sortir de ses doigts. Mood s’en aperçoit et ferme ses poings. Il en abat un gratuitement sur la joue du hitter. « Si je découvre qu’t’as menti et qu’t’as gardé des trucs pour toi, t’es mort. » Fait-il sous le regard surpris de Sand qui n’a pas eu le temps de l’empêcher de le cogner. Le Hitter l’a cherché. Il lui a menti. Ils lui mentent tous.

Et ses doigts ont encore noirci.
Et il a l’impression qu’il va exploser.
Il s’éloigne parce qu’il n’en peut plus. Il faut qu’il bouge, qu’il ne soit plus proche d’eux parce qu’il a l’impression qu’ils vont lui sauter dessus pour le tuer.

29 décembre 2003
On cherche à l’évincer.
Il le sait.
Il a changé de politique. Il a besoin de personnes fiables à ses côtés et il doit savoir comment les tenir. Sand, ce n’est pas un problème, il a confiance en elle. Mais les autres. Les autres, il n’en sait rien. C’est ça le risque. C’est pas tellement Sand, c’est les autres. Parce que les autres ont peur de lui. Les autres l’évitent. C’est plus dangereux, la mutinerie peut venir d’eux. Alors il essaie de gagner la confiance de quelques-uns soit en faisant miroiter des choses qu’ils n’auront pas au final soit en leur disant qu’il détient des informations concernant un membre de la famille, un ami ou n’importe qui d’autre tant que ça achète la fidélité. Il précise qu’il lâchera l’info que si l’autre le mérite. Généralement, cette info n’existe pas, mais ça lui permet d’en manipuler beaucoup comme ça.

Il est assis tranquillement sur son siège alors qu’il voit Indiana apparaître du dédale. Il lui lance un vague sourire. C’est si étrange que ça soit venu aussi spontanément. Il n’est pas habitué. Il tient Indiana comme les autres : en lui faisant miroiter une information sur sa sœur. Et elle assure bien son job en échange. Mais là, il lui a souri en réponse au sien. Comme si c’était normal. Il se choque lui-même. Ses émotions sont pourtant toujours chaotiques, il a l’habitude de ressentir la colère qui gronde dans sa poitrine constamment. Mais depuis quelques jours, il a l’impression qu’elle ronronne juste. Il réagit toujours mal quand on lui annonce que ça ne tourne pas comme il veut, mais ça va. Il tape en réponse sans tuer. A mon avis Blasphemy est clean - « Tu crois ? » Fait-il en haussant un sourcil. C'est pas lui la fouine des Stitches, du moins. Par contre... il remet pas au groupe les sous qu'il vole. J'l'ai vu faire, il garde sa bourse pendant la récolte et y'a un Hitter qui cautionne. Qui fait son blé d'ssus, même : il le taxe un peu et laisse couler. Mais quand j'ai filé Blasphemy j'l'ai vu aller à l'hosto et en ressortir peu après. J'ai l'impression qu'il fait ça pour quelqu'un tu vois ? Il paye soit un traitement soit une chambre, donne-moi quelques jours de plus et je te dégote l'info. Indiana est-elle sûre qu’il fait ça pour quelqu’un et pas pour nourrir une quelconque rébellion dans ses rangs ? Si la raison est valable, le crime est moins grand, non ? Il mérite une punition, c'est sûr. Mais si tu lui laisses la vie sauve en le présentant comme une seconde chance, il te sera redevable. Et il te sera sûrement reconnaissant, fidèle, même. D’un côté, Indiana a raison. Il doit gagner la confiance de ses membres alors s’il tue Blasphemy maintenant, ça va renforcer le ressentiment des autres. Il jauge la blonde un instant, plisse un peu les yeux. Elle s’est démarquée, motivée par cette envie de retrouver sa sœur alors que concrètement Mood n’a rien. Mais elle se démène et se montre efficace. « Tu marques un point. Tu le files, tu trouves l’information et si c’est ce que tu penses, j’vais faire ce que t’as dit. Par contre, si c’est l’inverse… » Il laisse sa phrase en suspens parce qu’il n’a pas besoin de la terminer. On sait très bien ce qui arrive quand on trahit Mood. « T’as d’autres info à m’donner ? » Il ne se rend pas compte qu’il ne réagit pas comme d’habitude. Il cautionne qu’on lui donne des conseils au lieu d’aller trouver Blasphemy et le Hitter qui accepte ça pour les tuer sur le champ.

4 janvier 2004
Il y a quelque chose qui va pas.
Il se sent oppressé.
Il a du mal à respirer.
Il est en train de paniquer.
Où est le Zippo de Mylan ?
Il ne le retrouve pas et ça le panique si fort. Il a besoin de le retrouver sinon…
Sinon il passera pas la nuit.
Où est son Zippo ?
Il a hurlé sur Sand. Il a hurlé sur deux gars. Il a failli en tuer un troisième. Il ne comprend pas. Il était posé là. Son Zippo était là. Ça ne va pas. Ça ne va pas du tout. On lui a volé ? On lui a volé. Quelqu’un qui lui veut du mal. Il faut…
Il faut qu’il le retrouve.
« Il est où ?! » Il hurle presque et détourne encore et encore et encore ce qui lui sert de chambre.
Sa magie crépite.
Son corps lui fait mal.
Il ne comprend pas.
Il ne…
Il ne comprend pas. Rendez-lui son Zippo.

31 décembre 2003
C’est bientôt la nouvelle année. L’euphorie a gagné les rangs des Shadow Moses et pour cause, c’est l’occasion pour eux de célébrer le passage à une nouvelle année sans avoir à chercher du matériel pur et dur. Ils vont pouvoir profiter d’un bon repas dérobé aux riches sorciers tout en se réchauffant en se castagnant un peu. Le programme est festif et pour une fois Mood l’apprécie également. C'est un gosse qu'il va voir. Le jeune homme hausse un sourcil. Un gosse alors. Son frère ? Indie lui tend un sandwich. Ça tombe bien, il n’a pas mangé de la journée et un petit avant-goût avant le repas du soir ne peut pas lui faire de mal. Il le prend et la remercie d’un mouvement de tête avant de mordre dans le pain tout en continuant de l’écouter. Y'avait un tas de visiteurs à cause des fêtes, ça a été facile de le filer. J'ai le nom du gosse — Indiana lui tend un morceau de papier avec un nom écrit. Un sourire en coin se dessine sur ses lèvres tandis qu’il coule un regard un peu amusé et un brin moqueur en direction de la blonde. La plupart des jeunes qu’ils recrutent ont tous quelque chose que Mood apprécie, mais certains ont également des difficultés avec leur magie ou avec les choses basiques comme lire ou écrire. Ça lui permet d’être vu comme étant le plus intelligent alors qu’il n’a jamais terminé ses études à Poudlard et qu’il ne connaît pas la moitié des sortilèges pouvant exister. C'est le même que celui que Blasphemy a signé sur le registre en rentrant, alors ils sont forcément de la même famille. Il hoche la tête : oui, le petit frère. Ouais, malade paraît-il. Ok il a promis qu’il ne punirait pas Blasphemy. Enfin pas de manière trop violente, mais suffisamment pour qu’il comprenne qu’il aurait dû lui en parler au lieu de faire ça dans son dos. C'est Tex, le mec qui l'a couvert jusque-là. J'me disais — s'il s'en tire d'autres risquent de l'imiter non ? Mood fronce les sourcils. Tex. Il passe un doigt sous son menton, réfléchissant tout en écoutant Indiana poursuivre son rapport. En plus Blas doit n'être reconnaissant qu'à toi. Enfin moi j'dis ça, mais je m'y connais pas vraiment, c'est toi qui gère – « Tex doit être puni. » Et par punition, il entend la totale. Il ne peut pas laisser Tex s’en sortir parce qu’Indiana a raison : d’autres vont s’amuser à prendre exemple sur lui et il ne faut pas. Il ne peut pas laisser passer ça. Il va être clément avec Blas, mais pas Tex. « Va falloir que je le confronte et va falloir que je prévienne les numéros de cette information. » C’est dommage parce que Tex fait un bon boulot, mais s’il cherche a évincé Mood…

Le jeune homme soupire et passe une main lasse sur son visage. Il mord une nouvelle fois dans son sandwich. « Pourquoi ils ne comprennent pas que ça sert à rien de me cacher ce genre de choses. C’est du gâchis pour Tex. » Il est contrarié. Il fronce le nez. « T’as fait du bon boulot, Mist. » Il n’oublie pas qu’il doit remercier les membres qui effectuent bien leurs tâches parce que ça fait naître de la reconnaissance en eux. Du moins, c’est ce qu’Indie lui a dit et il a l’impression qu’elle est toujours dans le juste depuis quelques temps. « On va régler ça avec les autres du coup. Tu peux aller profiter de la dernière journée de 2003. »

04 janvier 2004
Mood a fini par arrêter de remuer après avoir explosé son poing contre un mur. Persuadé qu’on avait probablement emmuré son bien le plus précieux. La douleur a irradié son bras, mais pendant un court instant, il n’a plus senti sa magie le brûler de l’intérieur. Il a arrêté de frapper le mur quand il a entendu ses phalanges craquer. Il a envie de chialer parce que s’il a perdu le Zippo de Mylan, il aura tout perdu de lui et que les créatures de la nuit vont venir le tuer dans son sommeil.

Qu’est-ce qu’il va faire s’il l’a perdu ?
Il a besoin d’Indiana.
Indiana saura où il est.
Indiana est sa plus fidèle espionne.
Elle ne le trahirait pas, hein ?
Elle sait où il est.
Elle sait qui l’a.

Lorsqu’elle entre dans la pièce, il ne peut s’empêcher de se précipiter vers elle. « On m’a volé. Tu sais qui c’est, pas vrai ? Dis-le moi. » Il a ce regard un peu fou et tellement nerveux. Il n’arrive plus à avoir des pensées cohérentes. Indiana sait forcément que quelqu’un s’est introduit chez lui. C’est son espionne, elle le sait. Et si elle sait et qu’elle n’a rien dit ça veut dire qu’elle protège peut-être le voleur ? C’est forcément ça, sinon elle serait venue plus tôt pour le prévenir. « Ne t’avises pas de me mentir, Mist. J’ai des informations sur ta sœur et tu ne voudrais pas que je ne dise rien tout ça parce que tu protèges un autre gars. » Il serre un peu sa prise sur les bras d’Indiana. Pas trop fort. Du moins, il croit. Il ne sait pas. Il doit laisser du sang sur ses vêtements aussi. Il a du mal à sentir sa main gauche.

Pourquoi il a si mal alors qu’il n’avait plus rien eu depuis des semaines ?
Il la relâche brusquement et s’éloigne. Sa respiration s’est accélérée un peu plus. Il se prend la tête dans les mains. La gauche tremble beaucoup.
Il finit par s’échouer dans un coin de la pièce parce que ça fait définitivement trop mal et que ça appuie dans sa tête et qu’il a l’impression qu’il va mourir.
« Retrouve-le. Retrouve-le. » Gémit-il. « Fais-la taire. Fais-la taire. » La voix dans sa tête. La douleur dans son corps. La magie qui lui brûle les doigts. Tout. Qu’on fasse taire tout.

Il allait bien il y a quelques semaines.
Il allait bien. Enfin.

04 janvier 2004
Ça brûle si fort.
Ça crépite un peu même.
Il serre les poings fort fort fort pour éviter que sa magie n’explose dans la pièce.
Il a fini par oublier ce que ça fait quand les crises se déclenchent, quand il a l’impression que son corps entier s’embrase sous la douleur. Mood a cru être arrivé au bout de ces crises. Quel naïf. Peut-être qu’on le contrôle et qu’on s’amuse à lui faire mal quand on s’ennuie. C’est peut-être ça l’origine de ses crises ?

Dis-moi c'qu'on cherche – « Mon zippo. » Il répond à voix basse, si basse qu’elle ne peut pas l’entendre. Enfin le zippo de Mylan. Enfin le zippo de Mylan qu’il a récupéré avant qu’il ne le trahisse. Il sent toujours son cœur qui cogne dans sa poitrine et sa magie qui pique et qui noircit le bout de ses doigts. Il aura encore les regards braqués sur ses mains tout à l’heure. Il sait que les autres vont encore poser des questions. Il y aura des murmures, des messes basses et il ne supporte pas ça. Il ferme les yeux pour essayer de calmer la douleur qui le brûle à l’intérieur et qui menace de sortir de sa poitrine. Il sent de la fraîcheur tomber sur son visage. Pas une fraîcheur violente, mais quelque chose de doux qui le réconforte un peu. Mood ouvre les yeux pour voir Mist s’affairer autour de lui. Il oublie parfois pourquoi elle porte ce surnom. Il n’ose pas bouger et la laisse faire. Il profite de la fraîcheur nouvellement gagnée pour essayer de se calmer et de laisser passer la douleur. On retournera tout le mausolée, tout le cimetière, tout Londres s'il le faut, mais on le retrouvera. Tu me fais confiance ? Mist pose ses doigts sur le dos de la main de Mood. Il trésaille et manque de la retirer parce qu’il n’est pas habitué à un tel contact, mais il s’y fait. Elle a la peau froide qu’il remarque. Il frissonne un peu alors que sa peau semble bouillir encore et encore. Sa magie est toujours là à crépiter et il n’a pas envie que Mist se prenne une décharge de magie. Il souhaite qu’elle recule, mais elle ne le fait pas. Et son contact est beaucoup trop apaisant pour qu’il la repousse vraiment. Dis-moi ce qu'on cherche. C’est beau ce que la magie de Mist produit. Elle fait de la belle magie à côté de la sienne, si noire, si sale, si violente. Il regarde les volutes danser autour d’eux et il a envie de chialer parce qu’il a mal et que le zippo n’est pas là. « Le zippo. Mon zippo. » Fait-il un peu plus fort pour qu’elle l’entende. Il ne la regarde pas parce que le spectacle qui se joue au-dessus d’eux et encore plus beau. « J’en ai besoin. » Pour la nuit. Pour empêcher les ombres de l’attraper. Parce que Mylan n’est plus là pour le rassurer comme cette fois-là en troisième année. « Il était sur mon lit, mais… il n’y est plus. » Il s’arrache à la contemplation de la brume pour reposer son regard sur le visage de Mist. « Quelqu’un me l’a pris je crois. » Il ne sait pas pourquoi il a l’impression d’être un enfant qui parle. La douleur le fait parler comme ça parce qu’il ne peut pas se concentrer pour avoir sa voix normale et un comportement normal. Du moins, la normalité selon Mood en fait.

Le chef des Shadow Moses glisse sa main en direction de sa tête. Son autre main tremble toujours et saigne toujours un peu. Il ne veut pas que sa magie blesse Indiana. C’est son espionne. Elle lui est fidèle et il ne veut pas la blesser alors qu’elle ne le mérite pas. Il a compris la notion de mérite maintenant. Il y a des cas où les autres méritent des coups et d’autres que non. Il a compris. Alors il sait que pour le coup, Mist ne mérite pas d’être punie. C’est pour ça qu’il a retiré sa main. C’est pour ça qu’il ne veut pas qu’elle le touche parce qu’il a peur de lui faire mal sans le vouloir pour une fois. « J’ai besoin de mon zippo, Mist. » Parce que c’est un objet qui a appartenu à Mylan et qui le rassure. Est-ce qu’elle va comprendre son importance pour lui et le besoin impérieux de le retrouver ?