MUMBAI + Une odeur de jasmin et de marigold a enveloppé sa naissance, non loin d’un temple consacré à Ganesh à Mumbai. Une attache plus que temporaire, aucun de ses parents n’en étant originaire. Elle n’y aura vécu que trois mois, juste le temps pour son père (Jawad Praveen) de la prendre sous le bras et de l’emmener avec lui. C’est seule avec lui qu’elle a grandi puisque sa mère (Salma Cheriet) a disparu quelque jours après lui avoir donné naissance, estimant son devoir par la-même accompli. Aussi c’est comme simple sorcière, fille d’un sorcier de la nation du feu qu’elle a grandi, citoyenne du monde avant tout, elle n’a que très peu remis les pieds en Inde et ne devrait avoir d’indienne que la nationalité. Pourtant, elle se sent culturellement proche de la population hindi de Mumbai, dont leur langue est sa langue maternelle son père étant lui-même originaire de Patna. Dotée d’une spiritualité très importante elle a oscillé entre plusieurs des religions les plus représentées dans son pays natal, pour finalement décider de rester en dehors de leur carcan tout en partageant un certain nombre des valeurs, de paix, de dévotion et de tolérance qu’elle a appris au contact des religieux rencontrés au cours de ses nombreux voyages à travers le monde.
DAKAR + Elle devait avoir sept ans à peu près quand ils sont passés par le Sénégal et ses premiers vrais souvenirs remontent à là. C’est aussi qu’ils y sont restés assez longtemps, bien plus que partout ailleurs, s’établissant même à Dakar pendant presque un an. Sa seule constante avant ça c’était Jawad, qui était résolu à emmener la gamine partout avec lui, même dans des séminaires ennuyeux, même sur des fouilles et autres explorations potentiellement dangereuses. C’est près de Dakar qu’elle a véritablement découvert l’archéomagie, avec une petite pelle, inaugurant symboliquement le chantier sur lequel son père occupait la fonction d’expert. Elle a attrapé la folie du voyage avec lui, l’envie de voir le monde et l’impossibilité de rester en place trop longtemps, mais elle a aussi, à Dakar, goûté à la stabilité, aux amitiés enfantines qu’elle a pu forger en allant pour la première fois à l’école (à la International School of Dakar), découvert autre chose et assimilé quelques éléments de la culture locale.
BÉJAÏA + Malika a quinze ans, les voyages continus ont fini par la faire échouer avec Jawad en Algérie et de là jusqu’à la terre qui a vu grandir sa mère et où lui-même l’avait rencontré. Elle y rencontre les vélanes peuplant la région de Béjaïa en Kabylie et y passe l’été, laissant son père explorer seul les montagnes fertiles pour lesquelles ils étaient originellement venus, découvrant juste à temps ce qui fait la particularité de sa mère et compose un quart de sa personne. Elle en apprend tant sur les traditions vélanes que kabyles et développe un profond attachement pour la culture tant berbère qu’arabe, se promettant de venir faire un pèlerinage à Béjaïa tous les ans ce qui sera effectivement sa seule destination constante pendant plus de dix ans, en plus des voyages annuels à l’île de Barren (source du pouvoir de la nation du feu). Elle ajoute alors à l’hindi et l’anglais des rudiments de kabyle et d’arabe algérien qu’elle complètera au fil des ans, y ajoutant une dizaine d’années plus tard une certaine maîtrise du mandarin.
ANTALYA + C’est dans la région d’Antalya, à ses vingt ans qu’elle a effectué sa première vraie fouille, au sein d’une équipe internationale, commanditée par le gouvernement turque. Elle n’était qu’une membre parmi d’autres à l’époque, mais probablement la plus impliquée, la plus passionnée, la plus excitée à l’idée d’être, pour de vrai, une archéomage. Quand ils ont découvert le tombeau d’un mage important du douzième siècle, son nom n’est apparu nul part dans les quotidiens sorciers, mais ça lui était égal, elle avait accompli quelque chose, effectué une fouille sans Jawad et le dîner de félicitations auquel il l’a invitée quand ils se sont retrouvés à Bali le lendemain de la clôture du chantier valait tous les prix du monde.
LE CAIRE +
TÉHÉRAN +

6 novembre 2003 + Jawad Praveen décède lors d’un voyage en Nouvelle-Zélande, son testament est lu devant Malika une semaine plus tard et lui apprend qu’un autre enfant existe peut-être quelque part au Royaume-Uni, la moitié du patrimoine de son père lui revenant le cas échéant. De ce potentiel frère ou sœur elle n’a qu’un nom, Ahmed, pas le moins courant qui soit et un âge approximatif. Infiniment perturbée par la nouvelle, qui dérange le lien qu’elle croyait complètement honnête et fusionnel avec son père, ce n’est pas l’effet pécuniaire qui l’embête le plus. Pourtant, le choc passé, la nouvelle lui semble plutôt bonne, esseulée à la mort de Jawad, elle découvre qu’une autre famille l’attend peut-être. Aussi, dès que les frontières du Royaume-Uni ont été ouvertes en décembre 2003 elle s’est empressée de prendre un portoloin.