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Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles Ainsley aurait aimé naître sorcière, beaucoup. Mais la paperasse moldue ? C’est l’une des raisons les plus évidentes. Deux heures déjà qu’elle planche sur ces déclarations débiles, et c’est la troisième fois qu’elle imprime les documents parce qu’à CHAQUE fois, elle fait une faute débile en remplissant les toutes petites cases du formulaire. Il est dix-huit heures quand elle fait une rature sur le formulaire qu’elle avait jusqu’à maintenant bien rempli, et qu’elle roule la feuille en boule pour l’envoyer valser à l’autre bout de la pièce dans un grognement énervé. Elle étire ses doigts sur la table, lève les yeux vers son écran d’ordinateur, et décide de le refermer d’un coup sec, complètement saoulée. « Fuck it. » Elle se lève et va fouiller dans les placards de la cuisine, sans trop savoir ce qu’elle cherche. Des gâteaux ? Des bonbons ? De l’alcool ? Peut-être un peu de tout, en fait. Elle laissait toujours la paperasse à Dan, avant, et même si ça fait trois ans qu’il n’est plus là, elle n’a pas l’impression d’être rodée. Elle est juste nulle, avec ces choses-là. Complètement nulle.
Yoko n’est pas là, les placards sont vides, elle est en legging et en t-shirt Star Wars, a la flemme de sortir, et il FAUT qu’elle se change les idées, sinon elle va finir par envoyer son ordinateur valser et par tuer quelqu’un.
Elle attrape son téléphone portable, ouvre le clapet pour se rendre compte que personne n’a essayé de la joindre. « Pff. » Voilà, c’est le moment de la journée où elle ne supporte plus d’être seule. Elle enfile ses Converse, prend ses clés et son portable, avant de sortir de l’appartement. Elle se sent déjà mieux. Mais bon, elle est toujours habillée comme une pouilleuse. Après quelques secondes à avoir l’air débile sur le palier de son appartement, elle soupire et se retourne pour faire face à la porte de Mafalda. Haussement d’épaules. S’il y a bien une personne qui ne la jugera pas, c’est bien elle. Avec un peu de chance elle sera là, et il n’y aura pas l’un de ses nombreux amis - Ainsley a toujours l’impression que Mafalda a beaucoup trop d’amis.
« Mafiiiiiiiie. » geint-elle de derrière la porte, en faisant glisser ses ongles sur la porte en bois. « Ouvre-moiiiiiii. » fait-elle, d’une voix des plus désespérées. « C’est qui ? » Elle entend des pas qui se rapprochent. « TON PIRE CAUCHEMAAAAR. » Mafalda a dû reconnaître sa voix, et son incapacité à s’empêcher de faire des blagues de ce genre. Quand la rousse lui ouvre, Ainsley lui offre son plus beau visage de psychopathe. Ces dernières semaines, elles se sont croisées plus qu’autre chose. L’ingénieure a eu des horaires décalés, et a dû faire des heures supplémentaires à cause de… la situation actuelle. Le reste du temps, elle l’a passé dehors avec Ceallagh Scamander, à refaire le monde et à imaginer mille scénarios pour mettre leur combat pour l’intégration des cracmols au monde sorcier sur le devant de la scène. Elle ne s’est arrêtée que pour manger et dormir, et c’est sûrement pour ça qu’elle ressent autant de vide aujourd’hui. « Je te dérange pas, j’espère ? » dit-elle en jetant un coup d’oeil par dessus son épaule, pour vérifier que Mafie est bien seule. « Désolée de débarquer comme ça, mais j’étais en train de faire de la paperasse et… j’en pouvais plus. T’as de l’alcool ? » fait la jeune Yang, sans détour. « Je t’en supplie, distrais-moi. Avec ce que tu veux mais distrais-moi. » Puis elle se rend compte de ce qu’elle vient de dire. « Sorry, that sounded kinda dirty. » Elle joue des sourcils.

6TH JUNE Mafalda est encore bien loin d'avoir fini ses examens (ils n'ont pas commencé) et pourtant si elle a plusieurs carnets avec des douzaines de notes colorées ouverts à côté d'elle sur son petit canapé, aucun ne concerne les cours qu'elle est censée préparer. Elle dit que c'est parce qu'elle les connaît déjà — et c'est vrai, elle a beaucoup travaillé non seulement ces dernières semaines, mais avant ça depuis janvier pour rattraper son retard —, mais c'est surtout parce que le projet qui a germé dans son esprit il y a quelques jours, la passionne tellement qu'elle ne peut pas s'arrêter, même quand il faudrait. C'est aussi que les nouvelles politiques de la veille ont eu le don de booster incroyablement sa motivation. La MirrorTV en face d'elle est allumée, figée sur WizMusic, comme d'habitude, un clip musical non-identifié jouant à volume très réduit servant de bruit de fond à ses réflexion. Elle mâchouille un peu sa plume, habitude qui lui est très vite revenue quand elle a repris ses études et se laisse de temps en temps absorber par l'écran - quand elle reconnaît une note d'une chanson des WD principalement. Elle est très (trop) occupée en ce moment, a beaucoup trop de choses à faire tout à la fois et pris bien trop d'engagements çà-et-là, mais c'est comme sa qu'elle aime sa vie depuis la fin de la guerre. Elle aime ne pas avoir le temps de réfléchir à autre chose que la tâche en cours et éventuellement la ou les prochaine(s). Avec Alec elle fait des pauses, mais ça n'a de pause que le nom parce qu'elle son cerveau est tout aussi en ébullition quand il est là, sauf quand il sait arrêter son fonctionnement en faisant battre son cœur un peu trop vite. Aujourd'hui elle n'a prévu de voir absolument personne cependant, elle est censée réviser pour ses ASPICs et ses BUSEs qui commencent précisément le lendemain (elle leur a consacré la matinée et n'ira pas se coucher avant d'avoir relu entièrement toutes ses notes de potions — qu'elle connaît déjà par cœur mais elle veut rendre une copie parfaite). Ça n'empêche pas quelqu'un de marteler à sa porte alors qu'elle jette le carnet sur ses genoux pour qu'il retrouve les autres sur le canapé et se lève d'un bond pour aller ouvrir lançant un c'est quiii un peu chantonnant. « TON PIRE CAUCHEMAAAAR. » La voix est étouffée par la porte, mais les mots employés suffisent amplement à Mafalda pour deviner de qui il s'agit.

Quand elle ouvre la porte un grand sourire aux lèvres pour accueillir celle qui la dérange quand même un peu, Ainsley a une gueule de merde. C'est sa propriétaire ; grâce à elle elle a un appartement petit mais vraiment mignon et à deux pas du chemin de traverse tout en baignant dans le monde moldu. Mais c'est aussi plus que ça. C'est aussi une copine qui, en bonne voisine, n'a jamais rien dit d'ailleurs (ou peut-être qu'elle ne sait pas) pour tous les états d'âmes que Mafalda a pu vivre sur le pallier qu'elles partagent. L'expression faussement effrayante d'Ainsley la fait sourire un peu plus grand.  « Je te dérange pas, j’espère ? » Oui, non, elle s'en fiche, elle ne dit jamais non à de la compagnie et puis, elle, ça fait longtemps qu'elle ne l'a pas vue, vraiment vue et ça lui fait plaisir. Elle secoue la tête en guise de réponse. « Désolée de débarquer comme ça, mais j’étais en train de faire de la paperasse et… j’en pouvais plus. T’as de l’alcool ? » Elle rigole un peu, au moins Ainsley a le mérite d'être directe, et ouvre la porte pour la laisser passer sans plus plus d'introduction. Elle est toujours la bienvenue (et puis c'est un petit peu chez elle). « Je t’en supplie, distrais-moi. Avec ce que tu veux mais distrais-moi. » Mafalda ricane mais n'a malheureusement pas le temps de faire la moindre remarque que la brune se rend déjà compte de ce qu'elle a dit. « Sorry, that sounded kinda dirty. » Les sourcils encore un peu roux de Mafie synchronisent leur danse avec ceux d'Ainsley.

« J'suis déjà prise tu sais, sinon...» lance-t-elle d'une voix graveleuse avant de tirer la langue, même si la blague a une certaine touche de sincérité. Ainsley n'est clairement pas laide, au contraire, et puis Mafalda la trouve super sympa (et pas que parce qu'elle lui loue son appartement à bon prix ni parce qu'elle l'invite parfois à venir jouer aux jeux vidéos avec ses potes moldus) et en plus elle est méga-intelligente, bref, elle serait un bon parti, objectivement. « J'dois avoir du whisky-pur-feu quelque part »  elle a filé sa flasque avec ses initiales gravées dessus à Ines il y a des lustres (et n'a, il faut croire, aucune intention de la récupérer, pas plus que l'autre n'a l'air de vouloir lui rendre), mais elle en a une autre, cadeau de Neville pour son anniversaire, et surtout une bouteille bien remplie dans son placard. « Ou du vin. » Ce n'est pas du tout le genre à se faire un verre toute seule le soir (elle n'aime même pas tellement le vin en réalité), mais quand elle fait ses courses d'adulte - bon ok quand elle a fait ses courses la première fois après avoir atteint les vingt-et-un ans il y a quatre jours, elle s'était dit que ça serait sympa et classe d'ajouter du vin rouge à sa liste, genre elle a l'habitude et c'est une vraie jeune femme maintenant. Elle guide Ainsley jusqu'au salon et débarrasse machinalement d'un coup de baguette les carnets qui trônent sur les coussins du canapé pour la laisser s'asseoir (ils vont gentiment s'empiler sur la table basse). « Comme tu vois j'étais dans d'la paperasse aussi. » Mais c'était de la paperasse intéressante dans son cas à elle, contrairement à celle qui semble avoir drainée Ainsley de toute son énergie. En fait, maintenant qu'elle y songe, la cracmolle tombe vraiment très bien. Elle devrait pouvoir l'aider. Mais d'abord, Mafalda va lui chercher à boire. « T'as l'air d'avoir besoin d'un truc fort. » Elle la regarde de la tête aux pieds avec un air faussement critique. « Cool ton t-shirt. » elle a entendu parler de la franchise Star Wars (surtout d'Ainsley et Yoko), mais elle n'a jamais vu aucun des films de la saga depuis le premier devant lequel elle s'était à moitié endormi quand il est passé à la télévision chez sa mère il y a une dizaine d'années — ça ne l'avait de toute évidence pas passionnée. « Quel genre de truc nul t'avait à remplir ? » fait-elle en se dirigeant vers la cuisine pour récupérer des verres et la flasque de whisky.

6TH JUNE « J'suis déjà prise tu sais, sinon… » Ainsley pose brusquement une main sur sa clavicule, comme si elle venait de découvrir quelque chose de bouleversant. « Est-ce que… Est-ce que ça veut dire que j’ai raté ma chance ? » Elle frappe sur poing dans l’air, et fait mine de se parler à elle-même : « Un plan pour me débarrasser d’Alec, vite ! » Elle laisse la blague retomber dans un sourire, en avançant un peu dans l’appartement de Mafalda. Comme à chaque fois, elle laisse son regard balayer la pièce. Ce n’est certainement pas pour s’assurer que Mafie n’a pas fait de bêtises dans cet appartement dont elle est la propriétaire, mais plutôt parce qu’elle est à chaque fois vraiment impressionnée par ce que la jeune femme a fait de cet endroit. L’appartement avait du potentiel, bien sûr, sinon Ainsley n’aurait jamais décidé de le louer, mais il n’est pas donné à tout le monde de s’approprier un endroit et d’y apporter une atmosphère. Mafie a réussi à en faire une sorte de cocon, très chaleureux, dans lequel la jeune ingénieure apprécie de passer du temps quand elles se voient. Elle ne regrette pas de l’avoir choisie.

« J'dois avoir du whisky-pur-feu quelque part, fait Mafie, ou du vin. » Ainsley sourit. Elle savait bien qu’elle ne serait pas déçue. Dans le salon de la jeune Weasley, des carnets noirs de notes sont étalés sur le canapé, et sur le sol, aussi, et Ainsley se demande si Mafie ne lui a pas menti en disant qu’elle ne la dérangeait pas. Bon, elle se promet de ne pas trop s’attarder. « Comme tu vois j'étais dans d'la paperasse aussi. » D’un coup de baguette, la jeune femme envoie les notes s’empiler gentiment sur la table basse. Ainsley suit les petits carnets des yeux, toujours fascinée par la facilité qu’ont tous les sorciers à faire ce genre de choses. On pourrait croire qu’elle est habituée, après vingt-six ans passés dans une famille sorcière. Mais non. Pendant des années, elle a vu la magie dans un espace restreint, ayant parfois l’impression que ses frères, ses parents et sa soeur étaient des êtres uniques, et que le monde des sorciers dont ils parlaient tant n’existait pas vraiment, étant donné qu’elle n’y prenait pas part. Chaque rencontre avec un nouveau sorcier lui rappelle à quel point ce monde est vaste, et elle a toujours du mal à saisir le fait qu’il puisse y avoir autant de personnes naturellement touchées par la magie.  

« T'as l'air d'avoir besoin d'un truc fort. » déclare Mafie après l’avoir observée de la tête au pieds. Ça fait légèrement rire Ainsley, qui est bien consciente de l’air fatigué qu’elle se traîne depuis quelques jours. « Cool ton t-shirt. » La brune baisse les yeux sur sa poitrine, où un Star Wars s’étale en noir et jaune. Elle a le réflexe de pousser ses cheveux pour dégager le visuel, mais ses mains trouvent du vide. Elle a tendance à oublier qu’elle s’est coupé les cheveux récemment… Elle est vraiment fatiguée. « Merci ! » dit-elle joyeusement. Techniquement, ce n’est pas son t-shirt. Mais bon. Après trois ans, il lui appartient presque, finalement. « Quel genre de truc nul t'avait à remplir ? » Ainsley suit la rousse dans sa cuisine. « Bwarf, des trucs en rapport avec les impôts, et -- » Elle passe une main dans ses cheveux. « Des trucs pour l’hôpital. » Elle hausse les épaules. Pas difficile de comprendre pourquoi la paperasse est éprouvante pour elle, une fois que cette information est sur la table. Mafalda est au courant pour Dan. Enfin, comme tout le monde, elle n’est pas au courant de tout : elle pense qu’ils ont été blessés en mission, sait qu’Ainsley s’en est sortie avec une jambe dans le sac, et que Dan est dans le coma. Le reste est devenu un secret d’état au moment où Ainsley s’est réveillée dans sa chambre d’hôpital avec des hauts responsables du gouvernement moldu au bout de son lit. C’est peut-être mieux comme ça. Elle n’est pas sûre que Mafalda l’apprécierait autant si elle connaissait tous les détails de l’accident.

« Oh ! Au fait ! » se rappelle soudain l’ingénieure. « T’as bien fêté ton anniversaire ? » Elle sourit. Elle se souvient parfaitement du jour où elle a fêté sa majorité, et c’était… inoubliable. « Désolée pour mon mini-cadeau un peu nul, j’ai pas eu le temps de te trouver quelque chose de plus cool. » Elle a déposé un paquet de bonbons auquel elle avait agrafé un JOYEUX ANNIVERSAIRE écrit à la va-vite dans la boîte aux lettres de Mafalda le matin de son anniversaire, avant de partir au travail. « J’imagine qu’Alec a fêté ça avec toi… Tu m’avais pas dit que vos anniversaires étaient proches, ou quelque chose comme ça ? »