Areo lui a donné un toit et un câlin et une baguette.
Areo lui a donné du temps et des médicaments.
Areo lui a donné de l'espace.
Areo a donné des explications à leurs parents.
Il leur a dit qu'elle avait besoin de temps. De se reconstruire. Qu'elle consulterait un psychomage, oui, plus tard. Elle n'est plus la même, plus vraiment. La Guerre l'a changée. Elle s'est battue avec eux. Pour nous. Pour nous tous.
Il a fait tout ça pour sa soeur. Pas pour elle mais pour sa soeur.
Pour Ines, petite Ines, qui voulait toujours s'immiscer dans leurs jeux, qui essayait de finir les poèmes d'Areo sans y parvenir, qui riait de bon coeur quand Ollie changeait les traits de son visage pour imiter un personnage d'un livre, petite Ines qui a écrit à Ollie lorsque cette dernière est allée à Poudlard, et qui lui a écrit quand c'était son cours même si Areo et elle ne se parlait plus, Ines qui n'arrêtait jamais d'écrire, qui lui parlait d'Areo et de Jemma Howard et de sa mère, Ines qui a combattu tellement de gens, Ines qui a gémi et qui a pleuré et qui a supplié quand Ollie l'a désarmée et battue et tuée.
Elle a tellement supplié. “ Ollie, Ollie, please, this isn't who you are, Ollie, please, PLEASE, NO, STOP, DON'T, THINK OF ARI, HAVE YOU THOUGHT OF AREO, WHAT WOULD HE- ” et puis elle n'a plus parlé.

Olivia aurait aimé que les choses se passent autrement.
Elle aurait aimé... elle aurait aimé qu'Areo ne soit pas si con et croit au retour du Lord. Elle aurait aimé qu'ils voyagent tous les deux dans le monde entier, avec Nazir. Elle aurait aimé qu'ils soient tous les trois contre le monde. Elle aurait aimé épouser Nazir et qu'Areo soit à ses côtés, qu'Areo fasse un discours nul à son mariage. Elle aurait aimé qu'Areo et elle passent leur vie ensemble comme ils étaient destinés à le faire. Elle aurait aimé qu'ils rejoignent les rangs du Lord au besoin, ou alors qu'Areo lui insuffle le courage de rester en Égypte. Ou alors qu'il convainque Nazir de les laisser venir avec lui. Elle aurait aimé... elle aurait aimé...
Ne pas être là aujourd'hui. La baguette qu'elle a reçu ne lui va pas tout à fait. Elle lui va, bien évidemment, mais elle n'est pas... parfaite. Sa vieille baguette lui manque, mais Ollie savait qu'elle ne pouvait pas la garder, donc elle l'a brisée et cachée dans les débris de Pré-au-Lard. Pré-au-Lard. Elle repense aux larmes d'Ines. Ses yeux vides de vie.
Elle ne le regrette pas. Ollie aurait aimé que les choses se passent autrement... mais elle ne peut pas revenir dans le passé, c'est trop tard pour ça. Elle doit vivre avec ses actions.
Elle doit survivre.

Elle est enfoncée dans son lit, elle regarde la rue en bas. Le joli canapé couleur taupe d'Areo, elle a réussi à le convaincre de l'ensorceler pour abriter un matelas qu'elle sort tous les soirs et range tous les matins (il avait un peu peur qu'elle foute le bordel partout, apparemment), elle en avait marre d'avoir mal au dos et pas question de traîner avec M. et Ms. Selwyn (papa et maman) à Allington Castle. Mais du coup, la fenêtre est toute proche de sa tête et il y a un lampadaire, là, juste dehors. Au début, elle avait du mal à s'endormir. Maintenant, elle aime bien. Elle regarde les silhouettes qui vont et viennent en bas dans la rue, en se laissant réfléchir.
Quand la clef tourne dans la porte d'entrée, aussitôt, Ollie se reprend. Ses cheveux noirs sont les mêmes, de toutes manières, alors elle enfonce son visage dans son coussin en se reconcentrant... difficile, sans Adderall, mais de toutes manières elle n'a pas le choix, même si c'est pour qu'Areo lui marmonne un b'soir en passant ou qu'il lui jette un regard protecteur dans le clair-obscur de la pièce. Enfiler le visage d'Ines est comme glisser dans une seconde peau.
Elle pleurait tellement. Ollie, elle l'appelait. Ollie.

Elle se rend compte que quelque chose ne va pas immédiatement: Areo met trop de temps à rejoindre le salon, il traîne des pattes et elle se lève silencieusement pour regarder ce qu'il en est; elle a du mal à se réprimer de crier quand elle voit le sang sur son visage et aussitôt elle se précipite vers lui, “ Areo, what happened, Ari, what is it? ” qu'elle s'écrie, modulant sa voix en pleine phrase avant de poser ses mains sur son épaule pour l'attirer à l'intérieur du salon. Le canapé n'est plus là et elle le force à s'asseoir sur le matelas un peu inconfortable, “ don't move ” avant d'aller dans la salle de bains.
Elle corrige machinalement ce qui ne va pas, l'oeil droit pas assez rond qui ne se sera pas vu dans la confusion et l'obscurité, la lèvre pas assez remplie, le sourcil trop fin — tant de détails qu'elle a appris à repérer et corriger instantanément — en s'emparant de quoi éponger le sang et éventuellement désinfecter les plaies, avant de vite vite vite prendre dans leur petit bocal en plastique deux pilules d'Adderall (those are for menstrual pains, Areo, I don't do drugs, what the fuck!) qu'elle enfile rapidement, avant de revenir dans le salon.
Le pauvre a l'air complètement sonné. Il a une lèvre ouverte, une pommette en ruine et une tempe qui saigne. Ollie s'assied en face de lui, entre ses jambes, le forçant à baisser la tête pour mieux observer les plaies. “ Light, elle demande, prenant son crâne entre ses mains pour mieux le manipuler. Did you... did you get into a fight, Areo? ” Elle est trop surprise pour utiliser le surnom: quand est-ce que sweet, poetry-loving Areo est devenu comme ça?

Il est tard quand il échoue enfin devant sa porte. Suffisamment tard pour qu’il ait bon espoir qu’Ines soit profondément endormie sur canapé-lit qu’elle l’a forcé à créer depuis son grand retour. D’habitude il est content qu’elle soit là, même si elle bouffe un peu son espace et qu’il ne comprend pas vraiment pourquoi elle retourne pas à la maison avec les parents qui doivent lui avoir manqué tout autant qu’elle leur a manqué à eux. Mais il est content qu’elle soit là parce que la vie c’était quand même moins drôle sans elle et que c’est sympa d’avoir quelqu’un à voir quand on rentre à la maison, à qui parler, avec qui regarder la MirrorTV et critiquer les émissions. Et puis il aime bien, un peu, la savoir, là, en sécurité et pas à vagabonder il-ne-sait-où. Au moins avec lui, elle est assez honnête, pas comme avec les parents, à qui elle racontait et raconte encore - il n’en doute pas - des tas de bobards pour sortir de la maison comme bon lui semble et obtenir l’argent nécessaire à  n’importe laquelle de ses lubies. Mais ce soir, il n’est pas très content. Ce soir la présence d’Ines le dérange plus que de raison, s’il pouvait, il ne rentrerait même pas du tout, pour pas qu’elle sache, pour pas qu’elle voie. Mais il n’a nul part où aller et il se dit qu’elle dort peut-être, qu’il allumera pas la lumière de toute façon, qu’il ira droit dans sa chambre et qu’elle n’y verra que du feu. Mais il a a peine traversé le couloir, traînant des pieds, deux doigts contre ce qu’il devine être un futur œil au beurre noir, qu’elle apparaît dans l’entrebâillement de la porte du salon, et ne lui laisse pas le temps de se cacher. “ Areo, what happened, Ari, what is it?” C’est marrant et un des coups doit avoir blessé quelques un de ses neurones, ou bien son ouïe, il ne sait pas trop, parce que pendant une seconde il croit entendre Ollie, la Ollie qu’il n’a pas vu presque depuis Poudlard, pas Olivia qui a brûlé leur cabane, mais Ollie, sa meilleure amie, une pointe d’inquiétude réelle dans la voix. Mais bien sûr y qu’Ines, qui pose ses mains sur ses épaules et le force à rentrer dans le salon et à s’asseoir sur le matelas qui remplace le canapé une fois la nuit tombée. Il se laisse faire parce que c’est trop tard, elle l’a vue, parce qu’il est fatigué, trop pour résister.  “ don't move ” il hoche la tête, il n’en a pas l’intention, il a l’impression qu’il pourrait pass out d’une seconde à l’autre.

Il l’entend à peine revenir, la sent, plus qu’il ne la voit, s’asseoir en face de lui, ses doigts manipulant délicatement son visage comme pour mieux voir ce qu’il a. Lui, il a juste mal, il n’en sait rien. Il a mal à trois endroits surtout, la lèvre, la tempe et puis la pommette, juste en dessous de l’œil gauche.  “ Light ”, la lumière soudain invoquée heurte ses pupilles et il ferme les yeux en grimaçant. “ Did you... did you get into a fight, Areo? ” Il aimerait rire et dire à Ines qu’elle regarde vraiment beaucoup trop de films ou lit trop de livres débiles, que c’est totalement ridicule comme accusation, que ce n’est pas son genre du tout. Et le dernier point est un peu vrai. Totalement vrai même c’est pas son genre. S’il a des ennuis, c’est jamais physiquement que ça se résout, ou du moins pas en sa présence. Et c’est pour ça que ça fait si mal ces coups, parce que c’est les premiers. “ It’s nothing just…” Ce n’est pas rien, ils le savent tous les deux et ça ne sert à rien de mentir, il le sait. De toute façon il a trop mal pour pouvoir chercher une bonne excuse. “ It’s just…randos outsides of the office, I was working late and I don’t know if they were waiting or what…Not happy with Ms Howard…or a case…or…” Ils ont été bien plus spécifiques que ça en réalité quand ils l’ont cogné. Y a des noms d’accusés, de clients de Ms. Howard, qui sont jamais allés en prison qui sont sortis et des  “Pureblood-lover, deatheater's cock sucker” et autres délicatesses qui ont été prononcées à son égard à lui, à elle, il sait pas trop. Il se demande ce qu’il se serait passé, s’ils avaient su qu’il en était un lui aussi de sang-pur. Il se demande à quel point ça aurait aggravé son cas et s’il aurait pu s’échapper en vie ou pas. “That’ll teach me to be overzealous, ay” tente-t-il de rire, sauf que le son reste bloqué dans sa gorge et la tentative de sourire blesse sa pommette endommagée et lui arrache une grimace de plus.

Olivia ne peut pas s'empêcher de se demander si il a déjà ressenti de la douleur, Areo. De la vraie douleur. Presque comme celle qu'il a l'air de ressentir en cet instant précis, avec son visage défait et le sang qui suinte de ses plaies; mais pas tout à fait. Si il a déjà eu l'impression d'être marqué, Marqué, au fer rouge (non sans angoisse, et par réflexe musculaire, les yeux d'Olivia se braquent sur l'avant-bras gauche d'Ines; pâle, pâle, immaculé, comme il doit l'être). Olivia se souvient de la douleur de la Marque, et la douleur de l'anneau aussi, l'impression que toute sa magie était aspirée par la relique, la malédiction s'imprégnant autour de son doigt pour toujours, la marque noire à la base de son annulaire que même la Métamorphomagie ne peut effacer.
Le sang, ce n'est pas de la douleur. La douleur, c'est vendre son âme au diable pour sauver quelqu'un qui ne peut l'être. La douleur, c'est trouver le mot de Nazir qui est parti sans un au revoir. La douleur, c'est tuer Ines, petite et innocente Ines, parce qu'elle n'avait pas le choix, d'accord?
La douleur, c'est regarder Areo la regarder comme ça quand elle a les traits d'Ines, et savoir parfaitement qu'il la regarderait avec tout le dégoût et la haine du monde si il savait, oh, si il savait... il la tuerait de ses propres mains, sans doute; face à lui, Olivia n'est pas sûre qu'elle se défendrait. “ It’s nothing just… ” Elle fronce les sourcils, grogne. “ Nothing? ” le défie-t-elle de continuer, et heureusement qu'Areo change sa version, alors qu'elle déchire de ses dents le plastique entourant le cotton qu'elle va imbiber d'alcool pour désinfecter ses plaies. Il n'y a pas grand chose d'autre à faire, à part l'emmener à Saint-Mangouste; il refusera sûrement. Olivia ignore tous des sortilèges esthétiques: elle n'en a jamais eu besoin. Ines devrait en connaître un ou deux... Elle verse un peu d'alcool sur le coton, autant y aller à la moldue. Sa main libre venant attraper le menton d'Areo pour qu'il se tienne immobile.

Elle essaie de ne pas trop le détailler, juste se concentrer sur les plaies. “ It’s just…randos outsides of the office, I was working late and I don’t know if they were waiting or what…Not happy with Ms Howard…or a case…or… ” Ils ne l'ont pas raté, en tout cas: il va avoir la tête au carré, à moins de se rendre à l'hôpital ou chez un médicomage, pendant quelques jours au moins. Olivia n'en revient toujours pas qu'il travaille en tant qu'homme de main d'une avocate, aussi brillante semble-t-elle être... elle a bien lu dans les journaux son dernier exploit au tribunal, permettant à Flint Jr d'écoper d'une peine allégée à Azkaban plutôt qu'une life sentence. Olivia se demande si elle aussi pourrait y prétendre, à une sentence comme ça... Après tout, ce n'est pas sa faute. Elle voulait juste aider Nazir et le reste, c'est l'anneau... l'anneau... “ That’ll teach me to be overzealous, ay, ” la voix étranglée d'Areo la fait se reconcentrer et elle grogne en réponse. “ Don't talk. ” Elle est un peu triste, Olivia. Malgré les années, malgré tout... elle aime encore beaucoup Areo. Beaucoup trop. Maintenant que l'anneau, devenu faible sans la Marque et l'état général d'Olivia, n'a plus une aussi grande emprise sur elle qu'avant, elle a les idées plus claires. Il reste... il reste.. quoi, exactement?
Son faux-frère, se rappelle-t-elle. Le frère d'Ines. Elle convoque le souvenir qu'elle a de lui, quand elle a ordonné qu'on brûle leur arbre, leur cabane. C'est ça qui la force à se concentrer sur l'affaire en cours: la désinfection de ses plaies.

Elle agit un peu brusquement, appuyant sans crainte mais sans cruauté non plus sur les plaies pour les débarrasser des salissures et s'assurer qu'elles sont bien désinfectés. Pour l'oeil au beurre noir il n'a rien de moldu à faire; elle s'empare de sa baguette, l'artefact alien contre sa paume, prêt de son matelas. “ Do you trust me? Don't answer that, ” demande-t-elle, non sans un petit sourire. Et sans attendre sa réponse, de prendre de nouveau son menton dans sa main. “ Hold on. Don't move, Ari. ” Sa voix est presque douce, comme son tout petit sourire qui veut le rassurer.
L'oeil devient rouge plutôt que violet, et la douleur doit être soulagée quand elle a fini; à moitié satisfaite, Olivia relâche Areo et se recule en contemplant son oeuvre. “ Now, bro, you know what's the best way to forget about a good ole beating? A good ale! Or- elle se penche, attrape la flasque que Mafalda lui fourré dans les mains à une soirée en lui faisant promettre de la lui rendre -something stronger like whiskey. ” Olivia ne boit pas, même en compagnie de la prétendue meilleure amie d'Ines, et ne boira pas ce soir: aucune envie de perdre le contrôle, d'elle-même et de son don, autour de quiconque, surtout qu'elle ne tient pas du tout l'alcool. Mais Areo a l'air si défait qu'au moins, elle veut lui donner l'opportunité de s'emporter contre elle pour ne plus être la petite soeur innocente et fragile qu'elle était il était une fois. Elle ouvre la flasque, la lui tend, avec un sourire encourageant et presque goguenard.

“ Don't talk. ” En temps normal il lui dirait qu’elle n'a pas à lui dire de la fermer, parce que c’est lui le grand frère et que c’est son appartement et qu’il fait ce qu’il veut. Mais Si Ines lui dit de se taire c’est que c’est plus facile pour elle de le soigner (sûrement) et comme il n’a de toute façon pas trop envie de parler, il s’exécute, en grognant toutefois légèrement pour montrer son insatisfaction à l’idée de faire exactement ce qu’elle veut qu’il fasse. Ils ont beau avoir grandi, peut-être que c’est un peu pour rattraper le temps perdu, mais il aime bien retrouver ses habitudes d’avant, quand il la trouvait trop petite et gamine et immature pour jouer ou parler avec lui. Ce n’est plus le cas (et c’est surtout lui qui a mûri finalement), mais ça lui donne l’impression que moins de temps s’est écoulé. Ines n’est certainement pas la personne la plus douce qui lui ait touché le visage, mais il a tellement mal partout que ça lui est égal qu’elle appuie un peu fort ici ou là. Il louche un peu quand elle prend sa baguette et l’apporte trop près de son visage. “ Do you trust me? Don't answer that” Il avait déjà ouvert la bouche pour répondre - sans trop savoir ce qui allait sortir de ses lèvres justement parce que c’est une question compliquée qui nécessite de la réflexion. “ Hold on. Don't move, Ari. ” Il masque du mieux qu’il le peut sa peur quand le bout de la baguette d'Ines s’approche de son œil et il se retient même de respirer pour éviter le moindre problème. Ce n’est pas qu’il n’a pas du tout confiance en elle, mais c’est que ses capacités magiques font partie de ces choses qu’il ne connaît pas trop d’elle. Il ressent tout de suite la différence cependant, son index venant immédiatement tâter le dessous de son œil qui lui fait bien moins mal que quelques instants plus tôt. Avec de la chance (et un autre sortilège le lendemain matin), Jemma n’y verra que du feu quand il retournera au bureau. Areo préférerait ne pas avoir à lui expliquer ce qu’il s’est passé. “Thanks Ines. ” ça lui fait un peu mal à la joue quand il sourit, mais ça ne l’empêche pas de le faire.

“ Now, bro, you know what's the best way to forget about a good ole beating? A good ale! Or--something stronger like whiskey. ” Peut-être est-il vieux jeu, mais ça le tente assez peu de se bourrer la gueule avec sa petite sœur. Même si c’est vrai que, pour les douleurs, un bon verre peut faire du bien et surtout aider à dormir ensuite. Il se demande où elle a pu apprendre ça Ines, du haut de ses vingt ans et puis, il se rappelle qu’elle a connu la guerre de façon bien plus violente que lui, une guerre dont il aurait du la protéger, dont il l’aurait protégée s’il avait su à quel point elle était impliquée dedans, plutôt que de la couvrir, comme il l’a fait, auprès des parents. Il s’en veut beaucoup pour ça, même si c’est trop tard pour y faire quoique ce soit. “ Who ever gave you a good ole beating sis? ” il attrape la flasque tendu, en partie parce qu’il songe à en vider le contenu dans sa gorge, en partie parce qu’il veut juste l’éloigner d’Ines. “ Tell me their names so I can go teach them a lesson they’ll never forget. ” Ce n’est pas un très bon combattant. Il se débrouille pas mal avec sa baguette, mais justement il n’a jamais eu à se servir de ses poings, donc ce n’est pas son point fort et même il ne sait pas du tout y faire. Mais il peut apprendre s’il s’agit de sauver l’honneur de sa petite sœur. Areo sait bien que Ines n’a pas besoin qu’il se batte pour elle, elle a suffisamment vécu seule, pour savoir se débrouiller, mais il a besoin de jouer aux grands frères protecteurs malgré tout, besoin de montrer qu’il est toujours là pour elle. “And don’t look so happy with yourself gringa. ” Il secoue la tête parce qu’il a pas oublié le sourire goguenard avec lequel elle a ouvert la flasque. “ You’ve said one thing right for once in your life don't go thinking you're all that now. Also I’m confisquating this. You’re too young to have whiskey under your pillow what the hell.” lui-même avale une longue gorgée avant d'étouffer un toussotement. “Seriously this is strong. ” Il fronce les sourcils en détaillant la flasque du regard. Lui ça va il peut tenir, mais elle ? Elle a l'habitude de boire ça ? “Pray tell, who's MW? ” La flasque a des initiales gravées près du goulot. Qui a une flasque avec des initiales gravées dessus ? Sa sœur a des amis très bizarre, même lui, un Selwyn ne donne pas dans ce genre d'ostentation. Mais c'est pas ça qui le dérange. “Is that your boyfriend? ” fait-il un peu trop sérieusement.

Elle déteste son sourire. Elle a toujours trouvé trop craquant le sourire d'Areo, concrètement et avec toute l'objectivité du monde. Craquant genre mignon genre mon meilleur ami est cute et puis aussi... craquant genre très craquant genre mon meilleur ami est hot en fait when did that happen. Elle déteste son sourire parce que même après toutes ces années, toutes les mauvaises pensées que l'anneau et la Marque et la Magie Noire ont mis dans sa tête, elle le trouve craquant et cute et hot et doux et parfait et- “ Thanks Ines. ”
Ines. C'est le retour de flamme, le fouet qui claque dans l'air après avoir trouvé et mordu la chair. Ines. Ines qu'elle a tué, Ines qui a pleuré, Ines qu'il aurait dû pleurer aussi mais qu'il a sous les yeux, avec son petit sourire en coin et son amusement de tous les instants. Ce sourire-là, celui qui trace une fossette profonde comme un ravin sur sa joue, il l'adresse à Ines Selwyn sa petite soeur, Shrimp l'Insurgée, la gamine qu'Olivia a tué de ses propres mains pour prendre sa place et survire. Comme en réponse à cet acte affreux et inhumain qu'elle parvient à peine à regretter, son annulaire — où s'étale toujours, qu'importe la forme qu'elle prend, la marque noire de l'anneau qui l'a menée, et la mènera, à sa perte — l'élance et la démange, elle a envie de se gratter ou de l'arracher. Elle se focalise plutôt sur Areo, sur- sur son frère, qu'elle appelle bro avec la facilité de celle qui est habituée aux mensonges, l'adresse du vil serpent, créature qu'elle déteste mais qui la représente bien.

Areo s'empare de la flasque et Olivia sait que c'est une victoire en soi. Elle aimerait bien boire avec lui, partager quelque chose, un véritable moment fraternel, de complicité... mais c'est impossible, et elle a tiré un trait sur ça, sur eux, sur lui en brûlant la cabane de leur enfance, le monde et l'univers de leur amitié entière et codépendante et complice et parfaite. “ Who ever gave you a good ole beating sis? ” Elle rit nerveusement. Elle se doute bien qu'Ines a eu son lot de beatings et de combats: en témoignent ses cicatrices, qu'Olivia a dument examinées en déshabillant son cadavre, la déshumanisant jusque dans la mort, au cas où le crime n'aurait pas été assez horrible. “ Tell me their names so I can go teach them a lesson they’ll never forget. — Well most of them are in the papers, so that wouldn't be much trouble would it? ” rit-elle doucement, parce qu'Ines rigole plus de la Guerre qu'elle n'en parle — Olivia l'a décidée ainsi — et elle n'est pas du tout gênée à l'idée de la mentionner, du moment que c'est sur le ton de la blague. C'est plus simple de construire des histoires évasives comme ça, des répliques qui veulent tout dire et rien à la fois. “ And don’t look so happy with yourself gringa. ” Gringa. Sa voix en espagnol lui avait manqué. Elle se dit ça à chaque fois qu'elle l'entend. Gringa. “ Hey! ” dit-elle sans verve en lui frappant légèrement l'épaule. “ You’ve said one thing right for once in your life don't go thinking you're all that now. Also I’m confisquating this. You’re too young to have whiskey under your pillow what the hell. ” Olivia lève les yeux au ciel. “ Don't be such a prude, Ari. ”

Prude pas tant que ça; pussy sûrement, vu la grimace qu'il fait en avalant une première gorgée. “ Seriously this is strong. — You're such a pussy! — Pray tell, who's MW? ” Olivia arque un sourcil, se penchant en avant pour observer avec lui les initiales gravés à la base du goulot. MW. Who does that? Elle savait bien que Mafie avait un côté mégalo, mais à ce point-là...
Elle l'aime bien, Mafie. Elle est sympa, même si c'est toujours un peu dur de naviguer autour d'elle sans trop comprendre parfois la dynamique qu'elle impose à leur relation, qui remonte à la Guerre dans laquelle Olivia s'est battue du mauvais côté. Mais elles passent du bon temps ensemble, et elle demeure la couverture parfaite. Olivia ne s'en veut pas du tout de complètement utiliser la Weasley pour sa survie. Elle n'a l'air de se douter de rien... et d'être plus simple à duper qu'Areo, quoique ce celui-ci ne se doute de rien non plus, apparemment. Après tout, qui pourrait? C'est tellement tordu, même Olivia s'en rend compte. “ Is that your boyfriend? — What? No. ” Elle fronce les sourcils. Son boyfriend. Il en a des bonnes. Elle serait pas contre, ceci dit, elle se fait un peu chier mais bon. Il faut bien sacrifier certaines choses pour survivre... et le souvenir de Nazir est gravé au fer rouge dans ses pensées, alimenté par la Magie Noire et l'anneau, qui puise sa force dans l'obsession d'Olivia pour l'ancien Belliqueux. “ It's my girlfriend, ” dit-elle avec un ton amusé, avant de lever les yeux au ciel devant l'air éberlué d'Areo. Elle ignore complètement que ça fait longtemps qu'Ines veut une girlfriend et rien d'autre; après tout, la dernière fois qu'elle l'a vue... elle n'était qu'une gamine. “ Girl-friend, précise-t-elle. Mafie Weasley, she's just a friend. ”

Elle se laisse retomber en arrière, assise en tailleur, observant toujours le visage ravagé d'Areo. “ I know I don't talk about it too much but it's just... ” Elle baisse les yeux, joue minablement avec un pli de son jean, genre je me focalise sur autre chose, genre j'ai du mal à en parler alors que son cerveau va à fond en cet instant précis, pour tisser les mensonges, le parfait mensonge. “ Hard. It's hard to talk about it. And when the nightmares come... it helps, ” fait-elle avec un coup de menton en direction de la flasque.
À vrai dire, c'est juste qu'elle a du mal à dormir, et c'est les seuls moments où elle se permet l'alcool qui n'est jamais un bon mix avec les médicaments. But you gotta do what you gotta do. “ I'm sorry, this is really grim. You know what helps too? Food. Comfort food but I guess we'll have to make do with your disgusting groceries, ” le tease-t-elle en sautant sur ses pieds, se rendant dans la cuisine en évitant son regard, cherchant dans les provisions qu'elle critique toujours comme étant boring d'Areo (elle est nulle pour faire l'adolescente insouciante, se rend-t-elle compte; elle a l'impression que toute la joie de sa vie a été arrachée avec la mort de Nazir) pour lui préparer quelque chose de chaud, et aussi pour ne pas affronter son regard.

Elle déteste son regard aussi.

“ Don't be such a prude, Ari. ” Il roule des yeux. Sa petite sœur lui dit qu’il est prude ? Pourquoi Ines ne peut pas être juste une adolescente normale qui respecte son aîné ? Le coin de sa lèvre tressaute, peut-être que c’est ça être une adolescente normal, en fait. Même si l’adolescente normale boit quelque chose de quatre fois trop fort pour son corps de crevette. “ You're such a pussy!” Mais c’est qu’elle continue en plus. Il aurait eu quelques années de moins il aurait pu la dénoncer à maman, pas parce qu’il est choqué de son vocabulaire mais juste parce qu’il aime bien l’embêter et la faire punir, autant qu’elle aussi a toujours adoré le faire. Ce n’est plus un bébé elle a le droit au vocabulaire qu’elle veut, mais ça lui fait bizarre quand même. Et puis, il voit les initiales gravé sur la flasque et il oublie cette histoire de langage. “ Is that your boyfriend? — What? No. ” Elle répond si vite, les sourcils froncés, qu’il est obligé de la croire, et il souffle un peu soulagé. Il ne se sent pas d’avoir à intimider un bonhomme pour sa sœur. Oh il le ferait si c’est nécessaire, mais il préfère la voir encore un peu comme une enfant. “ It's my girlfriend ” il fait les gros yeux. C’est pas que ça lui pose problème, c’est juste qu’il ne sait tellement rien d’elle, c’est juste qu’il en n'en revient pas de découvrir un truc pareil comme ça balancé sur un ton amusé, c’est juste que fille ou garçon il reste protecteur, donc il reste mécontent qu’elle ait quelqu’un dans sa vie. Et puis, il pense vaguement aux parents, et il est triste pour elle aussi, parce qu’il se dit que ça ne va pas être facile à faire avaler, à leur père surtout qui reste traditionnel, sur certains points. Areo il trouve ça très con, il veut juste qu’Ines soit heureuse. “ Girl-friend, Mafie Weasley, she's just a friend. ” Oh. Il la connaît elle. Il l’a vue sur le MSN d’Ines et elle le suit sur le sien. Il a même fait l’effort de le faire en retour, pour agacer Ines à l'origine. Elle n'a pas l’air d’une mauvaise fréquentation du coup il s’en fiche, mais peut-être qu’il l’a mal jugée vu qu’elle refile des flasques de whisky à sa sœur. Peut-être qu’il va la bloquer.

“ I know I don't talk about it too much but it's just... ” Elle baisse les yeux et il comprend qu’elle va parler de la guerre, au sujet de laquelle il n’a pas trop voulu la presser, même si ce ne sont pas les questions et l’inquiétude qui manquent. Elle est là aujourd’hui, elle est vivante et chez lui et elle le soigne et elle sourit et elle se moque de lui et il est juste content. Et ils n’ont jamais à en parler si elle ne veut pas. Pourvu qu’elle aille bien. “ Hard. It's hard to talk about it. And when the nightmares come... it helps” Il hoche la tête, compréhensif. C’est triste qu’elle ait besoin de ça et il préfèrerait qu’elle en parle avec lui si ça peut l’aider, mais il comprend malgré tout. “ I'm sorry, this is really grim. You know what helps too? Food. Comfort food but I guess we'll have to make do with your disgusting groceries, ” Il n’aime pas qu’elle change de sujet comme ça, l’air de croire qu’elle l’embête en parlant d’un truc qui manifestement est important et difficile pour elle. Il lui a tant répété qu’elle l’embêtait quand ils étaient jeunes, parfois sincère, mais Ines elle ne pourra jamais vraiment l’embêter. Et surtout pas en étant honnête avec lui. Il est mécontent et un peu inquiet quand elle se lève d’un coup, visiblement pour aller dans la cuisine et il n’attend pas une seconde pour la suivre, son regard figé sur sa nuque. “ Sorry for being an adult and buying adult food.” Fait-il pour détendre un peu l’atmosphère. Ses courses sont parfaitement normales, merci bien. Il s’approche d’elle quand elle arrive au niveau des placards lui tournant le dos et passe un bras autour de son cou, mi-câlin mi-prise-de-catch. “ I don’t want you to feel like you have to hide stuff like this away from, okay? If you want to talk about it, even the grim and gory details,” bien sûr il espère qu'elle n'a rien vu de gore qui hante ses nuits et l'empêche de fermer les yeux “ I’m here for you sis.” Il dépose un vague baiser dans ses cheveux et puis il la relâche et esquisse un sourire moqueur. “ Plus I mean you’re sleeping in my apartment so I kind of have to listen to you.” Il hausse une épaule et l’aide à fouiller les placards, même s’il ne sait pas à quel type de nourriture elle pense. Il a toujours la flasque dans les mains et la porte encore à ses lèvres. La crevette n'est pas bête. C’est vrai que ça aide. C’est vrai qu’elle est intelligente sa sœur et gentille et courageuse, c’est vrai qu’elle a bien grandi et qu’il est très fier d’elle. Quelque gorgée de plus et il lui dira; il pose la flasque sur le comptoir, loin de lui, pour ne pas être tenté.

“ Sorry for being an adult and buying adult food. ” Olivia se force à sourire, elle force Ines à sourire, elle force le sourire sur ses lèvres. C'était un vieux garçon, Areo, le genre de gamin trop sage et sévère et sérieux jusqu'au moment où il ne l'était pas, jusqu'au moment où il souriait et que le monde entier s'éclairait d'une lumière brulante et joyeuse qui réchauffait plus que tout le coeur d'Olivia. Il lui manque. Il lui manque atrocement, leur amitié lui manque; elle aurait presque envie de faire volte-face pour affronter son regard et tomber à ses pieds en lui hurlant tous ses péchés, pour lui demander pardon, pour lui dire qu'elle l'ai-
Elle sait que c'est dans sa tête mais pendant un instant, Olivia a l'impression que l'anneau la brûle, à son doigt où sa marque noire tranche sur la peau mate. Elle serre le poing pour éprouver la résistance de ses doigts avant de retourner à son exploration des placards, sortant du pain de mie et allumant le four, naviguant dans la petite pièce avec habitude et harmonie, parce que finalement, cet endroit, elle y vit aussi, il lui appartient aussi... Elle se souvient de leurs plans tirés sur la comète, leurs idées de colocation, pendant qu'elle ferait sa formation d'Auror tandis qu'Areo ferait... whatever mais il le ferait bien, comme tout ce qu'il entreprenait. Ils auraient été parfaits... peut-être que si elle n'avait pas eu une si mauvaise note en Potions ce fateful day aux BUSEs, si elle avait fini au N2 du Ministère, si elle était devenue Auror, peut-être, sans doute à vrai dire, que tout serait différent aujourd'hui. Peut-être qu'Areo et elle auraient pu... un jour...

Le bras qu'Areo passe autour de son cou la prend par surprise et elle se raidit aussitôt, prête à se défendre et à se battre sauf que c'est Areo, avec l'odeur des pastilles à la menthe qu'il met sous sa langue et cette impression de chaleur, de confort familier, qu'elle a toujours quand il la touche, qu'elle ait été Olivia ou qu'elle soit Ines. Malgré elle, Olivia sent quelque chose se briser en elle et c'est embarrassant, juste parce qu'il la tient contre lui, alors elle baisse le visage jusqu'à ce que ses cheveux noirs recouvrent les traits de son visage figés dans une expression indescriptible entre tristesse, douleur et colère, les sourcils et les yeux d'Olivia reprenant le pas sur Ines. Elle doit se concentrer sur Ines, juste sur Ines, l'Aderall is kicking in... but it's not enough. Elle aura bien du mal à expliquer à Areo pourquoi ses cheveux deviennent gris, si jamais elle perd le contrôle... “ I don’t want you to feel like you have to hide stuff like this away from, okay? If you want to talk about it, even the grim and gory details. ” Non, il ne veut pas savoir. Ines le rassurerait; Olivia en rirait. Elle sait que si elle lui racontait quoique ce soit de ce qu'elle a fait, elle reverrait dans ses yeux la même expression qu'elle a lu il y a des mois, la dernière fois qu'ils se sont vus pour de vrai. L'horreur et la déception et la douleur.
Il lui manque. Mais ce qui lui manque la plus, c'est la personne qu'elle était autour de lui. “ I’m here for you sis. ” Sis. “ I know, bro. ” Bro. Elle doit survivre. Elle doit garder le contrôler. Elle doit...il la relâche et Olivia relâche une respiration qu'elle ignorait qu'elle était en train de retenir. Elle se force à se concentrer jusqu'à être sûre qu'Ines est de retour à 100% avant de se remettre à bouger, lentement d'abord, avec plus d'assurance ensuite.

“ Plus I mean you’re sleeping in my apartment so I kind of have to listen to you. ” Olivia soupire exagérément par jeu en roulant des yeux, mettant les tranches du pain dans le toaster avant d'aller chercher du fromage qu'elle coupe en large morceaux. “ I'm making toasties, ” dit-elle à l'adresse d'Areo dont les yeux posent plein de questions. “ Stop drinking, I can already tell you're getting tipsy: your cheek's all pink, ” se moque-t-elle gentiment, tendant le doigt pour l'enfoncer dans la joue d'Areo qui n'est pas blessée. “ You're such a lightweight?! You're no fun, Areo. ” Elle secoue la tête, l'observant un instant trop long (avec une pointe de nostalgique) avant de vite vite vite retourner dans la peau d'Ines — des fois elle s'y perd, ou alors préfère simplement sombrer, prétendre que tout va bien, que tout est comme avant... ou pourrait l'être un jour. “ Anyway, now would be a good time to tell you that my girl friend- my friend who is a girl, Mafie... she kinda mentioned going to Ibiza? Over her spring break? Don't we have... cousins over there on the coast? ” demande-t-elle à Areo, convoquant les vagues souvenirs qu'elle a de sa famille maternelle, en retournant continuer ses toasties avec une concentration délibérément intense.

“ I'm making toasties ” Such adult food, qu'il songe en roulant des yeux. Mais ça le dérange pas. C'est à la recherche de comfort food qu'ils sont, pas d'un plat sophistiqué et de toute façon i avalerait à peu près n'importe quoi, l'alcool lui a ouvert l'appétit. “ Stop drinking, I can already tell you're getting tipsy: your cheek's all pink  You're such a lightweight?! You're no fun, Areo. ” Elle n’a pas le droit de dire ça c’est lui le grand frère qui doit être saoulé par sa sœur et le fait qu’elle ne tienne pas bien l’alcool, et il n’a pas envie de sourire, parce que ce n’est pas drôle du tout, mais ses lèvres ne lui répondent plus et s’étirent un peu trop à son goût, comme s’il aimait bien cet banter fraternel, qui semblerait en cet instant presque suffisant pour rattraper toutes ces années perdues. Et puis, Ines n’a peut-être pas tout à fait tord, peut-être que l’alcool est en train de commencer à faire effet, il n’est pas une si petite nature que ça, mais c’est vrai qu’il n’a jamais été un grand buveur, ce qui lui convenait vu que sa drinking buddy de prédilection, sa buddy de prédilection tout court en fait était Ol—, quelqu’un qui ne tenait pas deux verres. Une ombre passe devant ses yeux quand il pense à elle, mais elle est repartie aussi vite qu'elle est apparue. “ Anyway, now would be a good time to tell you that my girl friend- my friend who is a girl, Mafie... she kinda mentioned going to Ibiza? Over her spring break? Don't we have... cousins over there on the coast? ” Ibiza, avec la mauvaise influence qui lui donne une flasque de whisky-pur-feu à ranger sous son oreiller ? Il a le droit de dire non ? Elle ne lui demande pas la permission, donc il s’imagine que non et qu’elle va se fâcher s’il essaye, parce que c’est vrai qu’elle est majeur et qu’en plus elle s’est débrouillée toute seule (trop seule) pendant cinq ans et qu’il faut bien qu’il la laisse grandir, ou plutôt qu’il accepte qu’elle a déjà grandi. Ce qu’elle lui demande c’est s’ils ont des cousins et il réfléchit une demi-seconde, hausse les sourcils, puis les fronce. “Uh duh…Only your best friend in the whole world, or she used to be, Rosario. ” Une petite peste qu’il n’a pour sa part jamais su saquer, mais il aime beaucoup son grand frère, un an plus vieux que lui et qui, à chacune des visites de ces cousins-là en Angleterre, lui faisait office de meilleur ami. Mais rien avoir avec la complicité d'Ines avec Rosario et sa petite sœur Alma. Un trio infernal dans le jardin d’Allington ces trois-là. Alejandro et lui étaient bien d’accord là-dessus.

C’est un peu bizarre qu’elle pose la question, c’est le genre de trucs qui ne s’oublie pas quand même, même après une guerre, ils ont toujours habité-là ces cousins et Ines et lui leur ont même rendu visite la seule fois où ils ont mis les pieds en Espagne. “Don’t you remember that horrible colour that Alma had painted her room with, you wanted to paint yours the exact same, little pain in the ass you were.” rit-il, parce que c’est un peu bizarre, mais pas assez pour le rendre méfiant, surtout que, méfiant de quoi ? C’est sa sœur, au pire elle a oublié, ce n’est pas très grave, elle était jeune. “ We could write to auntie tell her you’re coming she’d be happy to see you.” Lui-même ne l’a pas vu depuis des lustres, mais bon. Il s’en fout un peu. En revanche son visage s'illumine enfin: “I should tell Alejandro to come over while you’re gone…you know since you’ll be leaving some space.” Ça fait longtemps qu’il n’a pas vu son cousin non plus, depuis la fermeture des frontières en fait, puisqu’Alejandro a du cesser ses visites annuelles. Ils sont restés en contact, mais un weekend entre hommes pourrait être sympa maintenant qu’il y pense. Il pourra lui parler de la jolie voisine qui a emménagé y a pas longtemps, ce qu'avec Ines, il ne se sent pas trop de faire. “ When are you planning on going? ” Il ne sait pas quand est le spring break, il n’est plus à l'école depuis bien longtemps et ne traîne plus avec aucun étudiant — ça lui fait d’ailleurs penser qu’Ines n’est inscrite nul part, ce qui fait beaucoup stresser mamá et father et, ainsi qu’il s’en rend compte maintenant qu’il a un peu d’alcool dans le sang, lui aussi. “ Hey sis, what are your plans? Other than Ibiza I mean? ” Il ne veut pas trop la presser avec ça, après tout elle se remet tout juste, mais Ines elle a beau avoir changé avec la guerre il ne peut pas se l’imaginer moins déterminée et énergique qu’elle ne l’était avant, au contraire elle doit l’être encore plus pour avoir survécu et pour être là aujourd’hui à faire semblant que tout va bien et c’est pas son genre de rester à la maison à rien faire ni de se payer des vacances sans penser aussi à l’après.

“ Uh duh…Only your best friend in the whole world, or she used to be, Rosario. ” Olivia sent son coeur s'arrêter dans sa poitrine. Rosario, Rosario, Rosario, elle a déjà entendu ce prénom, non, elle l'a lu dans le journal d'Ines, celui qu'elle garde normalement sur elle et qui doit être dans la poche intérieure de son manteau dans l'entrée. Rosario, évidemment, la cousine d'Ines, elle l'a vue pendant la Guerre, est allée en Espagne en espérant trouver des alliés... elle avait un frère aussi. Alejandro, si elle se souvient bien. Pourquoi est-elle si nulle à ça alors que ce carnet est littéralement la seule chose qui lui a permis de rester en vie pendant tous ces mois? Il faut qu'elle trouve une solution plus durable que prendre la place d'Ines, ça ne va plus.
Mais d'un autre côté, être Ines Selwyn, c'est le confort. C'est le côté rassurant d'Areo, c'est vivre avec lui, fermer les yeux et prétendre que tout va bien. Et Olivia a toujours préféré prendre la première porte de sortir que se casser la tête à trouver une véritable solution. “ Rosario, yes, of course, ” dit-elle d'un ton qui tombe sous l'évidence, frappant légèrement sa paume contre son front. Ses doigts tremblent alors qu'elle découpe des morceaux de fromage pour les placer sur le pain, espérant secrètement qu'Areo continue à boire pour peut-être oublier cette conversation. C'est le genre de faux-pas qu'elle doit absolument éviter.

Sauf qu'Areo ne semble pas s'arrêter une seule seconde. Ça ne doit pas vouloir dire qu'elle doit se relâcher. Certainement pas. “ Don’t you remember that horrible colour that Alma had painted her room with, you wanted to paint yours the exact same, little pain in the ass you were. ” Elle réfléchit un instant. Avant de rire, “ oh dear, yes, I remember that! I had no taste whatsoever, ” fait-elle en levant les yeux au ciel avec un petit sourire, ignorant complètement de quel couleur il parle ou qui peut bien être Alma. Rosario est mentionnée à de plusieurs reprises mais Alma? Parler des cousins est une mauvaise idée. Elle va devoir dire à Mafie que finalement, ils ne pourront pas aller voir sa famille, c'est trop dangereux, ils se sont trop fréquentés pendant la Guerre — eux verront qu'elle est différente. Et dans l'autre oreille, elle dira à Areo que Mafie a un plan parfait sur la côte. “ We could write to auntie tell her you’re coming she’d be happy to see you. ” Elle hoche la tête. “ I miss auntie, ” dit-elle d'un ton nostalgique. Le prénom a dû être mentionné dans le carnet d'Ines mais Ollie ne s'en souvient pas. Il va falloir qu'elle le relise.

Pourquoi s'est-elle mise dans cette situation, déjà? Son doigt la brûle; pour ça. Ce foutu anneau qui est persuadé de tout mieux savoir qu'elle. “ I should tell Alejandro to come over while you’re gone…you know since you’ll be leaving some space. ” Alejandro, frère aîné de Rosario. Ça, elle s'en souvient. “ Yeah that'd be nice! I remember him telling me he missed you. I think he'd really like that, yeah. ” Elle met le pain sur une plaque qu'elle met au four avant de lentement se tourner vers Areo, un sourire factice sur les lèvres. Just your usual sibling banter. Il faut qu'elle abrège cette conversation. “ When are you planning on going? — Spring break. ” Elle hausse les épaules avant de grimacer. “ I think it's in two weeks or something. ” Elle s'y prennent sans doute un peu tard... peut-être qu'elle pourrait annuler au dernier moment? Ce serait une bonne idée, apparemment, elle est tout à fait incapable d'assurer plus de cinq minutes. Il faut qu'elle se remette en mouvement. Ses forces et sa santé lui sont complètement revenues. Alors pourquoi ne peut-elle pas simplement se mettre à voler de ses propres ailes? Pourquoi faut-il qu'elle s'attarde là, sur ce champ de mines qu'est la vie d'Areo? Ce n'est clairement pas raisonnable.
Mais où aller? S'enfuir une fois qu'elle sera à Ibiza? Et pour aller où? Non, il faut qu'elle trouve Nazir. Il faut qu'elle sauve Nazir. Il faut- “ Hey sis, what are your plans? Other than Ibiza I mean? ”

Elle lui adresse un regard vide pendant un instant. Ses plans? Survivre. Nazir. Trouver une porte de sortie. Survivre. Survivre.
Mais c'est pas les plans d'Ines, ça. Elle se met à rire nerveusement, se détournant pour se servir un verre d'eau. “ I don't know yet. I've been looking at, you know, schools and stuff but I... I'm not sure I fit in yet. I feel like I'm in a different world than people like... you know, even like Mafie. ” Et comment. Elle est littéralement interprétée par une jeune femme de vingt-sept ans qui a quitté l'école depuis longtemps et a à son actif plus d'une dizaine de meurtres. “ I was thinking of Spain actually, ” invente-t-elle, “ or that maybe I could see the world... I don't know. ” Elle apporte le verre d'eau à ses lèvres. Elle a cessé de trembler mais elle se sent fébrile tout de même, pas à sa place, mal à l'aise. “ You kind of sprang it on me, ” rit-elle nerveusement. “ I'm trying to reconcile the person that I was before and the person that I am now. ” Shrimp et Ines. Ollie et Olivia. Elle jette un regard en coin à Areo. “ Carpe diem, bro, ” plaisante-t-elle avec un sourire en coin, espérant que son doute adolescent ait été crédible.

Elle rit nerveusement, peut-être que d’autres lui mettent la pression aussi concernant son futur, d’autres que leurs parents qu’elle fuit plus ou moins en squattant son canapé. Peut-être qu’elle ne sait vraiment pas et que ça la stresse — ça le stresserait lui en tous cas — d’autant qu’elle voit sa meilleure amie qui apparemment poursuit des études. Peut-être qu’il est un peu tôt pour qu’il lui pose la question. “ I don't know yet. I've been looking at, you know, schools and stuff but I... I'm not sure I fit in yet. I feel like I'm in a different world than people like... you know, even like Mafie. ” Il hoche la tête, même si, non, il ne sait pas. Lui-même est définitivement dans un autre monde que sa petite sœur. Il y a les années qui les séparent déjà, et puis il y a la guerre que chacun a vécu très différemment. Pour lui ce n’était pas vraiment une guerre, juste un état de tension au quotidien et un gouvernement plus sévère qu’il n’en a jamais connu et quelques attentats, quelques accidents ci-et-là. Ça fait longtemps qu’Ines et lui vivent dans des mondes différents. Il essaye de la comprendre malgré tout, mais ça ne réussit pas toujours. Peut-être qu’il sait ce qu’elle veut dire alors, peut-être qu’elle se sent avec la-dite Mafie comme il se sent avec elle. “ I was thinking of Spain actually” Oh…elle veut partir ? Il se fait violence pour vite effacer la petite moue qui déforme ses lèvres. “ or that maybe I could see the world... I don't know. ” Il se contente de hocher la tête, parce qu’il ne sait pas quoi dire, il ne sait pas comment masquer sa déception. Ils viennent de se retrouver et elle veut déjà repartir et bien sûr il n’a pas le droit de l’en empêcher et même, il devrait être content qu’elle ait un rêve et des projets, mais quand même. Et puis, qu’en est-il de leurs parents ? Il ne peut les imaginer ravis de voir leur gamine courir le monde alors qu’ils viennent de la récupérer envie. Ceci dit quoiqu'il en pense il la soutiendra devant eux s'il le faut. C'est le changement principal dans la dynamique de leur relation depuis qu'elle est revenue, le front qu'ils maintiennent - qu'il maintient surtout - devant les parents.

“ You kind of sprang it on me ” C’est vrai que de sa part à lui ça sort de nul part, que c’est la première fois qu’il le mentionne, ne souhaitant pas presser sa sœur ou lui donner l’impression qu’elle n’est pas la bienvenue chez lui, même si, si elle compte rester indéfiniment il faudrait peut-être qu’il songe à opter pour un appartement un peu plus grand, histoire qu’ils aient tous deux leur espace personnel. Pour autant, il ne peut pas s’imaginer qu’elle n’y ait pas du tout songé, ça ne lui ressemble pas et puis surtout leurs parents au moins ont déjà du lui en parler plus d’une fois. “ I'm trying to reconcile the person that I was before and the person that I am now. ” Ça a déjà plus de sens, ou du moins, ça a le don de lui faire se poser beaucoup moins de questions. Chaque fois qu’elle mentionne la guerre de près ou de loin, il se montre automatiquement plus indulgent. Parce qu’il sait qu’il ne peut pas prétendre comprendre ni elle ni ce qu’elle a vécu. Alors il se retire et s’en veut pour avoir sûrement abusé avec ses questions ou ses remarques et il hoche la tête et la laisse systématiquement s’en sortir. “ Carpe diem, bro ” Areo lui rend son petit sourire, même s’il lève un peu les yeux au ciel devant le cliché. “ Hey phrases in latin are my thing.” Plus exactement les vers en latin, ou les vers dans n’importe quelle langue. “Sorry if I pressured you sis, wasn’t my intention. Just let me know if you need my help in any way, like sorting out applications, looking for an internship all that kind of stuff.” Pas qu’il aimerait la voir travailler avec lui au cabinet de sorciers de la défense, mais il a quelques contacts tout de même, il est en mesure de l’aider, même un tout petit peu. “ And if you do travel the world, don’t forget your bro yeah?” le ton léger qu'il veut utiliser n'est pas tout à fait assorti à son regard. Il ne veut pas rester trop longtemps sans nouvelle d’elle comme ce fut le cas sur la fin de la guerre, même si elle est grande et qu’il s’imagine que rien qu’elle puisse faire ne sera jamais plus dangereux que tout ce qu’elle a déjà vécu. Il lui vole son verre d’eau, même si le placard est rempli de verres propre et qu’il n’a qu’à se servir. “ So how are our toasties going then?” demande-t-il avant de boire tout ce qu’il reste.