18 juillet 04. C'est pas le problème. Incisive lui torturant la lippe en un réflexe témoignant de son hésitation tandis qu'elle cherche ses mots, Ginny se penche en travers de la table ronde en métal forgé autour de laquelle Luna et elle se sont retrouvées et ajuste machinalement le bonnet que James, gigotant inlassablement contre sa meilleure amie, s'évertue à chasser. En plein été le temps changeant fait des siennes : trop chaud un jour, bercé par un vent glacé le lendemain, dans le genre
frustrant on fait difficilement mieux.
Thé partagé : un plaisir simple et pourtant nouveau qu'elles s'efforcent de mettre en place à présent que la notion de
paix semble ne plus être une vaste mascarade, mais un idéal à portée de main.
Être la mère de James est très gratifiant et bien sûr il me rend heureuse, mais- Elle s'interrompt. La culpabilité se répand dans ses veines tel un poison insidieux ; c'est sûrement irrationnel, mais elle a l'impression que son fils retiendra tout ce qu'elle dit et le lui reprochera un jour.
J'étais pas suffisant pour toi, quelque chose de ce genre. L'idée lui arrache un bref rire qu'elle étouffe dans la tasse en secouant ses boucles rousses, désabusée : mettre des mots sur l'idée la fait résonner de façon ridicule. Alors
pourquoi ça la tracasse à ce point ? Une notification sur son pow lui rappelle qu'elle n'a pas actualisé sa situation à
Mage Embauche pour le mois et, sourcils froncés en un air ennuyé, elle pianote rapidement sur la surface du miroir pour y remédier.
Mais tu veux pouvoir te consacrer à toi-même aussi, Luna complète aisément, avec la lucidité qui la caractérise.
Sauf que tu es confuse parce que- je m'en veux d'avoir envie de plus, Ginny s'apprête à compléter; ele n'en a pas le temps cependant, parce que Luna continue sur une lancée tout à fait différente :
- tu as l'esprit infesté d'Aquavirus. La blonde soupire, dépitée.
J'ai bien dit à Neville de faire attention à purifier l'eau avant de s'installer dans la maison familiale, mais je crois qu'il était lui-même un peu trop harcelé par les Joncheruines pour m'écouter. Hm, oui, sûrement. Enfin à ma connaissance l'eau n'a pas été testée, si tu veux je lui taperai sur les doigts de ta part en rentrant, elle assure avec un sourire amusé, mais les yeux bleus perçants de Luna sont lourds de sérieux.
Tu devrais grignoter des fèves de cacao ou du chocolat noir pour contrer l'action des larves. L'effet stimulant et euphorisant t'aiderait à retrouver ton peps ante-partum. Reniflement dubitatif de la part de Ginny.
Et les kilos qui allaient avec ? Non merci, j'ai déjà assez de mal à retrouver ma taille pour en rajouter. Mais non, le cacao favorise la perte de calories et la diminution des cellules graisseuses. C'est tout bénèf. Oh.
Oh,
ça ça l'intéresse.
Ok, je note. Fèves de cacao anti-aquavirus, je te dirai c'que ça donne, elle assure, ravie, mais surtout déterminée à rentrer à nouveau dans ses jeans (d'accord, peut-être qu'elle dramatise
un peu et que l'objectif n'est pas si lointain).
Ça te donnerait le courage de parler à Mione, glisse son amie en retour, d'un ton léger, et la gorgée que Ginny était en train de boire lui passe par le nez.
Je ne manque pas de courage et je n'ai pas envie de parler à Hermione. Rectification cachottée d'un ton étranglé et outré, qui n'impressionne pas du tout une Luna trop occupée à la dévisagée avec la fascination qu'on affiche fasse à un cobaye manifestant les premiers effets d'une expérience.
Ton oreille droite vient de faire ce truc- tu sais, la façon dont elle s'agite toute seule quand tu dis quelque chose que tu ne penses pas vraiment. La rouquine s'offusque :
Je ne vois pas du tout de quoi tu parles. C'est quand même dingue, pourquoi tout le monde lui dit (pas pour l'oreille, mais pour Hermione) ? Elle se plaque quand même une paume sur ladite oreille traîtresse au cas où, sous le rire cristallin de Luna.
9 août 04. D'accord :
peut-être qu'Hermione lui manque. Pas "peut-être", même : Hermione lui
manque. Ginny a fini par se l'avouer, rancunière mais beaucoup trop loyale pour bien vivre le fossé qui se creuse entre elles.
Est-ce que mon oreille tressaute quand je- (
mens)
- dis quelque chose qui n'est pas tout à fait vrai ? elle demande en repensant à la remarque de Luna quelques semaines plus tôt.
Ugh- je ? Peut-être ? Pourquoi ? Neville affiche une tête de vivet doré pris dans le viseur d'un Attrapeur. Ginny lève les yeux au ciel, mais l'amusement mêlé d'attendrissement lui courbe les commissures en une ébauche de sourire.
Rien d'important, laisse tomber. Elle se hisse sur la pointe des pieds pour lui claquer un baiser sur la mâchoire (et il l'aide à se baisser parce qu'il est inutilement grand).
Passe une bonne journée avec les garçons. Elle lève brièvement James à bout de bras pour lui embrasser le ventre et le faire rire, puis le face à elle pour lui bécoter le bout du nez ;
Et toi- tu as l'autorisation de rendre fous ton parrain, tes oncles et daddy Harry, elle lui souffle sur un ton malicieux avant de le passer à Neville et de récupérer ses affaires pour filer à son tour.
Tu n'oublies pas sa peluche préférée ? Tu sais, le cerf. Pour ses siestes. D'ailleurs pense à le coucher aux heures habituelles, sinon il sera crevée et de très mauvaise humeure. D'ici une demi-heure environ puis- Je sais Gin, je sais. Harry aussi. Tout ira bien, pense jute à toi ! Ok. Elle expire profondément pour se calmer.
Ok. Bye, je vous aime. Mais elle est déjà de retour 5 secondes après avoir franchi la porte.
J'ai rechargé les couches du sac à langer ? Je sais plus- et sa crème contre l'érythème ? Neville panique en même temps qu'elle, vérifie :
Oui oui, tout y est ! Vêtements de rechange, crème, matelas à langer- uhm, les biberons, les lingettes- où sont les lingettes ? Il manque les lingettes !? Mais- Fausse alerte, pardon ! Elles sont là, et aussi le lait de toilette- tout est bon Gin', vraiment, tu peux y aller l'esprit tranquille... Mais lui n'a pas l'air tranquille du tout, alors elle l'enlace avec toute l'affection qu'il lui inspire et assure plusieurs fois qu'elle a confiance à 100% (même si pas tout à fait, c'est pas
lui, c'est juste plus fort qu'elle), avant de s'obliger à partir sans se retourner cette fois. Comme à chaque fois qu'elle laisse James à quelqu'un (c'est rare ou alors généralement assez bref : par exemple, il passe plusieurs heures avec son père, mais de façon entrecoupée parce qu'il est encore dépendant d'elle), Ginny se sent
mal, comme si elle faisait quelque chose de vraiment terrible, mais (allez savoir si ce sont les fèves de cacao ou si c'est le fait de ne plus supporter l'enfermement) elle se sent aussi euphorique à l'idée de s'accorder une journée juste pour
elle plutôt que pour
elle et James.
D'autant plus
maintenant. Les Merlinois n'étaient pas son premier choix, pas face aux projets concrets des Doonistes en faveur des Lycans, mais on ne peut pas nier que leur programme soit aussi
prometteur (si tant est qu'il s'y tiennent, et Ginny ne peut pas s'empêcher d'être sceptique ; qu'on lui pardonne, les politicomages ne lui ont jamais donné de raison de leur accorder sa confiance). En termes de droits en tout cas, ça s'annonce réellement bien, ou
mieux du moins ; les lettres de menace ou de critique n'ont pas cessé mais elles sont plus liés au fait d'être
la mère du fils de l'élu qu'à celui d'être une louve. Et les regards sont toujours circonspect, mais elle peut fusiller du regard ceux qui la dévisagent sans craindre d'être arrêtée par un agent de la bpm et soupçonnée d'avoir voulu attaquer quelqu'un. Ça semble pas grand-chose mais c'est déjà un pas en avant, suffisamment au moins pour que Ginny surmonte le dégoût qu'elle éprouve depuis la fin de la guerre et les quêtes infructueuses de boulot, pour s'autoriser à nouveau à
envisager l'avenir.
Raison pour laquelle elle se retrouve quelques heures plus tard au bureau des admissions de Sawl C, avec en main le diplôme certifiant le passage de ses ASPIC — en candidate libre, à la fin de l'année scolaire du CEPAS. Elle était relativement confiance, vraiment ; jusqu'à ce que le sorcier vissé de l'autre côté du bureau lui remette son dossier d'un air faussement navré en lui sortant elle ne sait quel
bullshit supposé expliquer qu'elle ne soit pas
admissible.
Vous vous fichez de moi ? C'est la galère des mois ayant précédé son accouchement qui se rejoue inlassablement et franchement, Ginny, elle n'a pas la patience pour ça.
Le traitement contre la lycanthropie n'est plus obligatoire, c'est un fait- Le décret a été révoqué au niveau du ministère, certes, mais vous devez comprendre que le règlement de l'établissement l'exige encore, par mesure de sécurité, miss Weasley. Vous pouvez vous mettre votre règlement à la noix dans le- Miss Weasley je vous priez de- Oh ! Miss Granger, quel plaisir de vous voir ! Et le détestable individu de se lever précipitamment, respectueux et obséquieux au possible. Ginny se fige, incertaine, les yeux rivés sur la paperasse qu'elle venait tout juste de claquer sur le bureau avec l'intention de camper sur place jusqu'à obtenir gain de cause. Mais-
Laisse. Son ton n'est pas terriblement glacial, mais pas particulièrement chaleureux non plus, lorsqu'elle interrompt Hermione qui sans surprise s'apprêtait à faire de son cas son cheval de bataille.
Tu as déjà les intérêts de Malfoy à défendre, pas besoin de faire de moi ta nouvelle BA. Elle n'attend pas vraiment de réponse, rassemble les parchemins qui ont glissés et récupère le dossier avant de tourner les talons sans un regard au sorcier qui lui lance un coup d’œil mauvais- ou à Hermione.
Elle ne sait pas trop ce qui a parlé : la rancœur, la jalousie, l'égo, le
ras-le-bol ? Et si elle ne regrette pas, pas
vraiment, parce qu'incapable de s'appuyer sur les autres pour obtenir gain de cause, Ginny peut difficilement nier le pincement de son cœur qui bat la chamade au moment où elle tourne le dos à son amie d'enfance;