HERO • we saved the world Emily Callaghan |
Les premières brises de l’hiver balayaient les dernières feuilles d’automne, comme une page d’histoire se tournerait et recouvrirait peu à peu les stigmates d’un passé douloureux. Caressant doucement son visage rosi par le froid, l’air qui s’engouffrait dans ses poumons lui rappelait à quel point elle était vivante, à quel point elle existait. Pourtant à l’intérieur de son corps, tout était mort. Même le cœur palpitant dans sa poitrine. Même les pensées traversant son esprit. Même la douleur lui rappelant ses blessures. Même la légère éclaircie illuminant son visage. Rien n’avait assez d’essence pour lui faire accepter cette dure réalité : elle vivante, eux morts. Son regard suivit les dernières lévitations d’une feuille, avant de fixer le porche de la maison. Le portail était fermé, le parterre de fleur était fané et la végétation sauvage avait fini de recouvrir le chemin de terre qui menait à la maison. Abandonnée, délaissée, inhabitée … Elle ne comprenait pas comment tout cela avait survécu sans même être saisi par les moldus. Mais était-ce si important ? Elle poussa doucement le portail qui grinça comme dans ses souvenirs et s’engagea sur le petit chemin semé d’embûches. Ses pas étaient lents, et du bout de sa baguette, elle tentait de tracer une route franchissable par son corps affaibli. Parfois des légers mouvements se déclaraient à droite, à gauche, parmi les buissons persistants de la maison ; et puis le rire caractéristique des gnomes lui rappela qu’elle n’était pas seule. Pas vraiment. Lorsqu’elle atteignit le porche et qu’elle passa les doigts sur la plaque en argent sur laquelle était écrit Bienvenue chez les Callaghan ! son cœur manqua un battement. Que restait-il des Callaghan ? Une maison défraîchie, un frère disparu, une enfant oubliée. Elle essuya ses doigts sur son pantalon et y laissa une longue traînée de poussière. Un frisson la parcourut alors que sa main se refermait sur la poignée de la porte. Été 1997. Plus de cinq ans qu’elle n’avait plus foulé le sol de cette maison. Plus de cinq ans qu’elle n’avait pas touché cette poignée. Plus de cinq ans qu’elle avait perdu son innocence.
Ses premiers pas à l’intérieur de la maison lui firent l’effet d’une claque dans la figure. Rien n’avait changé. Rien à part la poussière qui recouvrait le sol et les meubles de la maison. Sur la commode de l’entrée se trouvait deux petits paquets et une lettre entrouverte sur le côté. « Mademoiselle et Monsieur Callaghan, veuillez recevoir nos plus sincères condoléances pour la perte que vous venez de connaître. Nous avons tenu à vous restituer les baguettes de vos parents que vous trouverez dans les deux paquets joints. Solennellement. Le ministère de la magie. » Elle lâcha la lettre sur le sol, dégoûtée par ce contenu. Le ministère avait déjà été assiégé à cette époque, et ils avaient osé écrire ces mots comme s’ils n’étaient pas responsables de ce qui était arrivé. Elle attrapa, malgré tout, les paquets et les déballa. Sortant tour à tour les baguettes de son père et de sa mère, elle les examina, les étudia, les testa, avant de ranger celle de sa mère dans sa poche. Elle dissimula les deux restantes dans un tiroir qu’elle verrouilla. Poursuivant sa route, elle alla jusqu’au grand salon où ils avaient passé tant de fêtes de Yule et tant d’anniversaires. Elle regrettait tout ça … Alors qu’elle essayait de se rappeler la silhouette de son père lisant la Gazette sur le fauteuil, le sourire de sa mère travaillant dans la cuisine, la plume de son frère grattant sans relâche sur les parchemins, elle trébucha et tomba à genoux sur le tapis rongé par les mites. Sa gorge était nouée et sa poitrine était prise dans un étau. Elle avait l’impression de suffoquer. Il aurait été tellement plus simple de pleurer, mais elle en était incapable. Ses mains se refermèrent en deux poings puissants et elle frappa le parquet de toutes ses forces jusqu’à ce que la douleur fût trop insupportable. Elle ne pouvait pas rester ici plus longtemps … Elle avait besoin d’air. Sans même jeter un regard en arrière, elle sortit en courant et s’échappa le plus loin possible de ce village qui lui rappelait tout ce qu’elle avait perdu.
L’allée des embrumes … Elle ne savait pas comment elle était arrivée là, ni par quel moyen elle s’était retrouvée avec une coupure à la joue mais une migraine atroce tapait à l’intérieur de son crâne. Elle était assise à même le sol, les jambes repliés contre elle et les mains tremblantes. Elle n’aurait pas su dire si c’était le froid ou simplement l’adrénaline, mais elle fut soudainement parcourue par la peur. Qu’était-il arrivé ? A qui avait-elle fait du mal ? Avait-elle blessé quelqu’un ? Fouillant dans ses poches, elle n’y retrouva que la baguette de sa mère et son miroir. Elle pourrait appeler Ginny, Neville ou Luna, mais sa conscience lui criait de ne pas le faire. Qui pouvait dire ce qui arriverait si elle était à nouveau sujette à une absence ? Elle ne voulait pas les mettre en danger, elle ne voulait pas risquer leur vie … Ils devaient rester loin d’elle, loin de toutes les souffrances qu’elle pouvait engendrer. La méconnaissance et l’ignorance la rendaient fébriles. Sa place n’était-elle pas à côté de tous ces criminels de guerre, enfermée derrière les barreaux ? Elle n’avait rien du héros. Rien de l’étiquette qu’il lui avait collé sur le visage. Alecto avait raison, elle aurait mieux fait de rester enfermée. Sa période de rebut était peut-être, finalement, la seule partie de sa vie qui lui avait été favorable. Torturée, mais enfermée. Seule, mais pas dangereuse. Vivante, mais pas meurtrière … Elle attendit de longues minutes par terre que les maux de tête s’apaisent. De nombreux passants la regardaient d’un œil méfiant, mais elle ne voulait pas leur donner une raison de la dénoncer. S’appuyant contre le mur, elle se remit sur pied et tenta de retrouver la route qui la mènerait vers le Chemin de Traverse. Elle tourna dans plusieurs ruelles, sans réussir à se repérer. Quelle cartographe faisait-elle ? La douleur la lançait mais sa détermination était plus grande. « Tu sais où tu es Emily, tu sais où tu vas, allez ! » marmonna-t-elle pour elle. Alors qu’elle tourna pour la nième fois, et qu’elle se retrouva dans une impasse, elle fit immédiatement demi-tour et se trouva face à une silhouette sombre. « Excusez-moi. Puis-je passer ? » Toujours essayer la politesse avant de tenter un coup de force. Observant la personne avec attention, elle avait l’impression de la connaître. « Je … Qui êtes-vous ? » Elle sortit sa baguette et se risqua à lancer un petit Lumos. Lorsque le rayon lumineux traversa le visage du jeune homme, elle sursauta et recula d’un pas. « Harry ? »
|
|