25juin 04. Ok mais déconne pas c'est plus propre que le cul d'un bébé ! Even s'exclame en levant brusquement les bras en une démonstration universelle d'exaspération. Puis réfléchit et conclut :
Enfin d'un bébé avant qu'il ne se lâche dans sa couche tmtc. Ça n'apaise pas Nao qui continue de le fixer d'un œil pas du tout impressionné avant de pointer le comptoir d'un index impérieux.
Tu m'as genre pris pour ta bonniche gros à qui tu crois parler là, s'offusque l'autre en retour, bombant le torse, et puis Chang le fucker arque son sourcil sans un mot, le mode
tu dégages quand tu veux bro et le Li se dégonfle.
Ok ok, pas la peine de t'emballer dude. C'est ti-par pour la chasse aux tâches inexistantes. Il maugrée quand même dans sa barbe parce que pas content du
tout, et puis ajoute :
Such a pain in the ass, I can't believe you, avant de se figer en captant que Nao l'avait suivi et se trouve debout juste derrière lui, alors que lui-même vient de se pencher pour attraper dans le placard sous l'évier la bouteille de
Nettoie-Tout magique de la Mère Grattesec (recommandé par sa vieille, avec un parfum fleuri qui lui donne positivement la nausée, lui préfère celle de ses chaussettes et caleçons, plus familière et- ahem, authentique). BREF la position assortie à son commentaire est gênante comme pas permis et il se relève précipitamment, se cogne l'arrière de la tête dans le haut du meuble dans sa hâte, la rebaisse avec un cri d'agonie et recule sans réfléchir, se retrouve fesses contre le bassin de Nao, se redresse cette fois (sain et sauf) en lâchant un couinement outré ; une main sur sa tête douloureuse et l'autre sur son postérieur qu'il estime agressé.
BACK OFF YOU OLD PERV. Voilà, ça c'est dit ; l'honneur est sauf, Even s'éloigne tête haute et rictus pincé bien en place.
Ça alterne comme ça depuis des jours, entre les
Je vois toujours la tâche /
C'est pas comme ça que je plie les t-shirts /
T'as pas attaché le premier bouton des chemises après les avoir mises sur les cintres /
Tu as été trop juste sur la dose de lessive, cette tournée là pue, faut la refaire, etc etc. Chang Fucking Nao est un sale
tyran et Even le
hait parce qu'il est plus crevé qu'il ne l'a jamais été, a fait plus de ménage en quelques jours que durant toute sa vie, tellement que la peau de ses mains est toute rabougrie la moitié du temps. La détresse et la frustration sont plus réelles que jamais.
Et si encore il s'instaurait entre eux une sorte... d'équilibre ? Ce serait rentable, somehow. Mais non, du tout. Loin de là. Vraiment
pas. Tantôt ils se bouffent le nez pour un détail misérable et ne sauraient même pas dire pourquoi en rétrospective, tantôt ils partagent une complicité inattendue, tantôt ils se referment et dressent entre eux une barrière invisible ; de peur de se faire à nouveau marcher sur le cœur, du côté d'Even, et de celui de Nao- uh. Probablement parce qu'il n'a
vraiment pas envie de prendre de risque en laissant penser au plus jeune qu'il a la moindre chance avec lui ? Ouais. Probablement.
Mais c'est bon, Even a compris, c'est pas comme s'il prévoyait de rester plus longtemps que nécessaire. Son bagage est prêt le lendemain, lorsqu'il semble que Nao est à nouveau capable de gérer parce que ajusté à son statut d'estropié. Bien décidé à montrer qu'il n'est pas du genre mec collant qui supplie son ex fwb pour un peu d'attention.
Sauf que ça tombe visiblement au mauvais moment, parce que quand Even annonce qu'il se casse Nao est en down, déprime totale, en mode "
je suis bon à rien" et "
tu fais bien de te casser plutôt que de subir mon insupportable compagnie". Sac de sport/affaires sur l'épaule, un pied de l'autre côté de la porte, le premier réflexe d'Even est de répondre avec désinvolture :
Mais naaan. T'es lourd et maniaque et un éternel insatisfait perfectionniste à mort mais t'es pas si terrible. 'Kay bye. Avant de se rendre compte que c'est de la déprime sérieuse, pensées noires et tout, comme il y a eu droit à deux trois reprises quand ils étaient proches. Et comme Nao en a eu ces derniers temps sans jamais l'autoriser à approcher ou à faire quoi que ce soit pour le soulager.
Pas besoin d'y réfléchir à deux fois avant de laisser tomber son sac à l'intérieur et de refermer la porte sur eux sans un mot. Les yeux de Nao sont rivés sur sa main valide crispée sur le haut de ses cuisses et Even lui remplit un bol de céréales
Martin Miggs (
ses précieuses céréales à
lui Even alors on peut pas nier son esprit de sacrifice) et part en mission confection de Bubble Tea pour lui recharger les batteries.
Il y a cette douleur déplaisante qui lui martèle le cœur à chaque fois qu'il le voit comme ça, mais maintenant qu'il ne se sent plus capable de lui remonter le moral c'est encore pire : il se sent complètement démuni.
29juin 04. Que ce soit dit : Even n'a rien à voir avec l'organisation de cette soirée. Raison pour laquelle il joue l'homme invisible dans un coin de la pièce, agrippé au goulot de sa bière comme si sa vie en dépendait. Y'a Mickey mais busy ailleurs, Hazel mais elle ne décolle pas de Nina, Mylan mais flanqué de l'ex boss d'Even et gnh. Et y'a Yohan hyung et Nao mais tout deux en compagnie du fléau causant justement le malaise intense du Li à l'heure actuelle : le
flower squad. Pas même au complet, d'après les ricanements de Yohan un peu plus tôt, parce que paraît qu'ils sont genre, dix.
Dix snobinards comme ça putain non mais pourquoi ?? Rien qu'à leurs fringues ça se voit qu'ils n'ont rien à voir avec son monde. Et puis leur air hautain et la façon dont ils dévisagent ce qui les entoure. Et leurs manières. Et leur façon de
parler. Et le
jugement dans leurs yeux quand l'un d'eux le fusille du regard (à l'exception du gars qui a un môme et qui a franchement l'air funky, Even l'approcherait éventuellement si y'avait pas les autres parce qu'il est sûr d'avoir déjà, genre, participé à de méga fêtes chez ce gars-là). Le taïwanais engloutit une nouvelle gorgée d'alcool pour digérer la sensation désagréable que lui inspire leur présence, tentant de ravaler la boule de nerfs qui lui obstrue la gorge et lui rappelle que Nao avait honte rien qu'à l'idée de le présenter à ces gars-là, son
vrai monde. C'est aigre, déplaisant, un brin angoissant, et il a adopté sans même y faire gaffe sa dégaine de mec emo : rictus amer et peu avenant, frange retombant devant les yeux pour le soustraire au reste du monde, tenue noire noire noire comme l'âme de Seamus et air mi-edgy mi-tourmenté. Pendant un long moment il reste de son coin, à plisser les yeux d'un air mauvais pour dissuader quiconque de l'approcher, ruminant le fait que Chang n'a plus besoin de lui à présent qu'il n'est plus
seul. Parce que ça n'a jamais été que ça non ? Un moyen de passer le temps, la solitude, l'ennui. Guère plus. Puis Dirico semble aimanté par le nuage couturé de mauvaise humeur et d'ondes négatives qui entourent le garçon solitaire, mal à l'aise dans cette masse qui lui semble trop inconnue pour qu'il s'y sente comme chez lui. Le chat saute donc sur les genoux d'Even, renifle sa bière avec curiosité et lape la goûte accrochée au goulot avant de reculer la tête avec une désapprobation évidente. Le Li lâche son premier rire étouffé de la nuit et consent à éloigner la bouteille pour la poser au sol : loin de lui l'envie d'offusquer son compagnon à fourrure. Ses mains ainsi libérées se trouvent une occupation que Dirico semble estimer plus productive et valide d'un ronronnement sourd, se tortillant un moment pour profiter pleinement de chaque mouvement des phalanges et de la paume d'Even, avant de rouler sur le dos pattes repliées pour se laisser cajoler correctement. Et ça y'est : rien que comme ça, l'emo kid est réconcilié avec la vie. A quoi bon souhaiter une compagnie humaine quand on peut compter sur les animaux ? En toute honnêteté, il a toujours préféré les derniers aux premiers, faible pour la nature et tout ce qui l'accompagne oblige.
Il est dans son
monde, un monde où seul lui et Dirico existent et où le reste est cloîtré dans un coin de ses pensées qu'il ne souhaite pas ouvrir maintenant, lorsque la silhouette de Nao apparait dans sa vision périphérique, éclatant la bulle. Et c'est sans vraiment y penser qu'Even attrape délicatement la petite créature par la taille pour la poser au sol en dépit de ses miaulements mi-choqués déçus mi-plaintif, probablement parce qu'il espérait choisir
quand l'heure des câlins arriverait à son terme plutôt que se le faire imposer. Toujours est-il qu'Even, lui, a d'autres objectifs : il emboîte le pas à Nao, cœur battant la chamade lorsqu'il débouche sur le balcon, avant de grimper l'escalier de secours menant au toit.
Il ne sait pas trop s'il est le bienvenu, n'a pas pensé plus loin que le fait qu'il s'agira de leur premier moment de solitude depuis que les autres sont arrivés et qu'il a... envie de ça.
I'm leaving tomorrow, il annonce, en partie pour justifier sa présence. Il est un peu tendu lorsqu'il fait quelques pas en direction d'un Nao assis, veillant pour sa part à ne pas donner dos mais à ne pas non plus fixer ce qu'il y a de l'autre côté du rebord. Il est aussi perturbé par le vide que par le fait de ne savoir sur quel pied danser.
We need to talk, il souffle, mains enfoncées dans les poches. Tire de l'une d'elles pack de cigarettes et briquet, pour en coincer une entre ses lèvres, l'allumer puis user de son don pour jouer avec les flammes qu'il continue à extirper de l'objet cerclé de métal.
I'm sorry 'bout... everything. I don't wanna fight anymore. Il rechigne à étaler tous les pourquoi et les comment, ils n'en ont plus besoin à ce stade, trop conscients d'avoir des torts l'un comme l'autre. De s'être fait du mal, mais aussi pas mal de bien. D'avoir eu des moments rudes, mais aussi de bons. Et c'est c'qu'il espère sauver, Even. Les bons souvenirs, pour les multiplier jusqu'à gommer le négatif de leurs mémoires.
I'm gonna behave from now on so maybe we could- start over again. Like... let's be friends, yeah ? Il tente un ton relaxe, comme s'il n'avait pas l'impression de jouer sa vie, comme s'il n'avait pas l'impression de se trahir. Mais en dépit de ce qui rugit à l'intérieur, il se sent réellement... calme. Comme s'il s'agissait de la bonne chose à faire. Ou de la seule, peut-être.
C'est le cas non ? Ils peuvent pas vivre l'un sans l'autre, pas plus l'un avec l'autre ; alors un équilibre entre les deux est la seule solution envisageable.
Nao le fixe un instant, imperturbable. Avant de se fendre d'un petit sourire, un peu timide, un peu heureux, un peu autre chose qu'Even ne veut pas déchiffrer par peur de ce qu'il y verrait. Il tapote le sol à ses côtés, invitation que le plus jeune accepte en s'asseyant à sa gauche, poids basculé sur ses bras étendus derrière lui, clope au bec et visage rivé vers le ciel. Vers les hauteurs et l'avenir et les promesses de quelque chose de meilleur, plutôt que le néant, la douleur, les peines, les peurs. Nao adopte la même position et leurs mains sont proches, presque assez pour s'effleurer mais pas tout à fait ; et Even se dit qu'il peut se contenter de ça.