La guerre ne meurt jamais. A l'issue de la guerre face à Voldemort et ses fidèles, elle espérait pouvoir enfin vivre dans une paix durable, maintenue par les souvenirs de ce que les sorciers pouvaient avoir de pire en eux. Elle espérait que la période noire qui venait de s'achever soit une preuve que rien de bon ne peut ressortir d'une guerre, qu'il n'y a que des larmes et du sang chez les vaincus comme chez les vainqueurs. Elle a fait confiance au Ministère intérimaire pour relever le pays dans la justice et l'égalité, qu'il serait capable de passer par-delà la corruption et le mensonge, que les sorciers pourraient enfin retrouver une ère de gloire et de prospérité. Elle se trompait lourdement. Les visages avaient changé, les noms aussi, mais les idéaux étaient restés les mêmes ; il n'y avait que du mépris et de la haine, des mensonges soufflés aux oreilles des bonnes gens pour se donner bonne conscience, des crimes commis au nom d'un idéal du sang qui venait de changer de sens. Et, au milieu de tout ça, elle était là, debout, tentant de se retrouver une place parmi la civilisation, tentant d'effacer les souvenirs de sa capture, de ses bourreaux, et de ces blessures qui la rongent encore de l'intérieur. Elle espérait vivre dans une paix retrouvée, et se retrouvait pourtant à infiltrer le Ministère, revêtant un costume d'Auror qui lui va si bien, pour déterminer si oui ou non l'Ordre pouvait s'éteindre avec la guerre, si oui ou non ce Ministère était digne de confiance. Pendant des mois, elle guettait le moindre signe, la moindre information, pour trouver quelque chose. Et lorsqu'elle parvint à le faire, elle sut immédiatement que rien n'avait changé depuis la chute du Seigneur Noir, qu'il n'y avait nulle place pour l'espoir dans un gouvernement qui, sous peine de justice, exécutait sommairement ses prisonniers, mentait au peuple pour justifier ces atrocités. Elle qui pourtant voulait vivre normalement, se retrouvait à nouveau prise dans une tempête. Un gouvernement corrompu. Et surtout, une guerre.

Elle l'avait sentie venir, pourtant. Après les derniers incidents, elle devait se douter que quelque chose de beaucoup plus grave allait se produire. Le secret magique ne pouvait avoir été percé sans qu'aucune conséquence ne vienne assombrir le futur des sorciers et des moldus. Mais jamais elle n'avait imaginé qu'une telle chose puisse se produire, que ce Ministère en qui sa confiance était toute relative puisse déclarer ainsi la guerre à une communauté entière. Ils venaient de quitter la guerre face aux mages noirs et leurs armées, ils devaient désormais lever les baguettes contre des moldus. Contre sa famille. Et ça, elle ne pouvait l'accepter. Elle avait réfléchi, pendant un instant, à abandonner son rôle dans le gouvernement magique, à quitter ce monde pour mettre ses parents à l'abri et laisser définitivement tout ça derrière elle. Elle y avait pensé, sans pour autant que cela se concrétise. Parce qu'elle ne pouvait se permettre de laisser le pays en proie au chaos, parce qu'elle ne pouvait se permettre de laisser tomber ses camarades, ceux avec qui elle s'était ardemment battue lors de leur combat contre le Mal. Il lui était impossible de faire une telle chose, et pourtant elle ne pouvait se résoudre à affronter des êtres dont elle était si proche, même sans les connaître.

Le Ministère est tombé. Ces mots étaient de toutes les conversations, pas un seul ne pouvait passer à côté de la nouvelle lancée par Scrynews. Enfin, après tous ces mois, le Ministère intérimaire venait de disparaître, pour laisser place à une véritable démocratie. Installée à une table au bord de la salle, elle ne pouvait s'empêcher d'esquisser un large sourire en écoutant les discussions des uns et des autres. Oui, cette chute était une bonne nouvelle, et oui, elle pouvait leur permettre de revenir à la raison, d'annuler cette guerre qu'ils venaient de créer. Elle ne souhaitait que ça, Audrey, une paix et enfin un retour à la normale, un retour vers une vie calme et sans péripétie, sans douleur. N'était-ce pas là le désir de tous ?

Le verre porté aux lèvres, la gorge se contractant sous les vagues, elle termine rapidement la boisson pour en commander une autre, alors qu'à l'extérieur le soleil commence à décliner, donnant aux lieux une ambiance bien différente de celle de la journée. La nuit débute bientôt, et comme toutes les nuits depuis maintenant bien trop longtemps, il ne fait jamais bon de traîner dans les rues. D'un signe de main, elle fait appel au serveur, prête à régler sa note, lorsqu'une silhouette glisse devant elle, la coupant dans son propre mouvement. Une silhouette qu'elle reconnaît, malgré les années passées et la guerre qui a marqué tout le monde. « Aisling ? » La gêne existe toujours, elle la sent encore. Et pourtant, elle tente de briser la glace, d'améliorer les choses et de lui faire oublier le passé. « Viens ici, installes-toi. »