Hermione inspire un bon coup quand elle voit, sans relever les yeux, que quelqu’un s’est installé en face d’elle à la bibliothèque avec un café. Déjà, s’il y a bien une chose qui l’irrite, c’est les gens qui débarquent avec des tasses de café. C’est extrêmement dangereux pour les ouvrages précieux conservés ici ! Personne n’a entendu parler des thermos ? Hermione sait que le SAWL center a vécu pas mal de changements récemment, mais comment une règle comme ne pas emmener de boissons dans des récipients ouverts a-t-elle pu être oubliée dans l’écriture du règlement ? Les bibliothécaires auraient pu ensorceler les portes pour empêcher les irresponsables d’entrer avec leurs fichues tasses et gobelets en plastique ! Vraiment, il y a des choses qu’Hermione ne comprend pas, et elle a presque envie d’aller les voir pour demander à ce que le règlement soit revu. Mais elle ne le fera pas, bien sûr. Elle sait parfaitement que si elle se pointe au guichet, les employés accéderont sans même broncher à ses demandes, et ça, c’est aussi quelque chose qui l’irrite encore plus que les tasses de café. Elle supporte très mal le fait que personne n’ose la contredire - très mal. Les seuls moments où elle se sent à peu près normale, c’est pendant les cours de certains de ses professeurs, qui ont pris le parti - appréciable - de la traiter comme une élève normale. Ils sont peu nombreux. Les autres forment deux camps extrêmements énervants : ceux qui semblent prendre chacune de ses interventions comme parole d’évangile, et ceux qui la taclent systématiquement (même quand elle a raison) pour lui prouver que son statut d’héroïne de guerre, de célébrité ne veut pas dire qu’elle vaut mieux que les autres.
« So, Granger, you’re coming tonight, right? » Elle en était sûre. Quelqu’un qui amène une tasse de café à la bibliothèque ne peut qu’appartenir à ce club des personnes qui lui forcent la main pour apparaître aux soirées étudiantes. Elle pose doucement sa plume. « Come on, it’s summertime. You can’t spend all your time in this dark place. I know you love it very much, but still… » Donc, il appartient également au club de ceux qui pensent la connaître. Ceux qui ont lu ces témoignages et ces portraits qui la décrivent comme une intello, un rat de bibliothèque - qui aime travailler. Elle les a lu aussi, donc elle sait très bien où il a eu ces infos qu’il prend pour acquises. « It’s Mandy’s birthday. It would mean a lot to her! » Oui, sûrement. Ce serait encore mieux si elle connaissait Mandy, en fait. Elle voit qui elle est, mais elles ne se sont jamais adressé la parole. « I’m sorry, I can’t » Elle prend sa baguette et fait sécher l’encre plus vite sur son parchemin. « I have other plans. I promised I would honor them. » Elle hausse les épaules, feint un air désolé. « That’s too bad… » Elle commence à ranger ses affaires. Il vaut mieux qu’elle rentre chez elle avant que Joshua ait la brillante idée de ramener tout son squad pour essayer de la convaincre. « Tell her I’m really sorry! I hope I’ll be able to come for the next party. » Faux. Elle trouvera une excuse, comme d’habitude. « I really wish I could come. Hope you’re going to have fun, all of you! » Ce n’est pas qu’elle est hypocrite. Elle n’a pas du tout envie de l’être… Elle ne veut juste pas les vexer, ou qu’ils pensent qu’elle est une vraie snob. Hermione se dit vraiment, à chaque fois, qu’elle ira à la prochaine fête. Elle ne veut pas jouer les recluses. Mais elle n’a juste pas envie… Se faire de nouveaux amis, elle a l’impression que c’est tirer un trait sur les autres, ceux qu’elle a perdu. Elle n’arrive pas à tourner la page.
Bien sûr, elle n’a rien de prévu ce soir - c’était un mensonge. Comme à chaque fois, elle va rentrer chez elle, s’installer dans son canapé, regarder des émissions débiles sur sa MirrorTV, avec Pattenrond pour seule compagnie. Il a le mérite d’être silencieux, tout doux, et de ne pas lui faire de reproches. Comme souvent, elle va passer devant sa bibliothèque et laisser son doigt glisser sur la cote de son album photo, hésiter à l’ouvrir, puis renoncer, parce que ça ne ferait que la déprimer.

Son sac sur l’épaule, elle quitte la bibliothèque et décide de faire un saut par l’accueil pour régler en avance ses frais pour les prochains mois. Elle est en train de pianoter sur son POW quand son coeur a un raté. Le traitement contre la lycanthropie n'est plus obligatoire, c'est un fait- Ginny. Elle reconnaîtrait sa voix entre mille, et ce ton, surtout. Hermione s’arrête, hésitante. Elle ne sait pas si c’est très sage, de se montrer. Pendant quelques secondes, elle hésite à faire demi-tour. Ginny lui a fait comprendre très clairement qu’elles n’étaient plus amies, et elle se doute que la Weasley a envie de tout sauf de la croiser ici. Mais quand la conversation se poursuit et que le ton monte, c’est plus fort qu’elle : elle sort de l’ombre, fixe le secrétaire et avance, prête à en découdre et à pointer du doigt l’injustice. Pour ça, elle n’a aucun scrupule à se plaindre auprès du personnel et à user de son statut. Miss Weasley je vous priez de- Oh ! Miss Granger, quel plaisir de vous voir ! Elle envoie un sourire un peu hypocrite à l’homme, croise les bras devant sa poitrine, l’air un peu furieux. « Laisse. » Ginny lui coupe l’herbe sous le pied avant même qu’elle ait ouvert la bouche. Hermione tourne les yeux vers elle et fronce les sourcils. Il est hors de question que la rousse se laisse faire comme ça ! « Tu as déjà les intérêts de Malfoy à défendre, pas besoin de faire de moi ta nouvelle BA. » lâche Ginny, amère, en prenant ses documents. Hermione lève les yeux au ciel, toujours les bras croisés, et regarde la rousse lui tourner le dos. Hermione remarque qu’un parchemin s’est échoué par terre, quand Gin s’est un peu éloignée et commence à descendre les marches de l’accueil. « Cette conversation n’a pas commencé, mais elle est loin d’être terminée. » dit Hermione en pointant un doigt menaçant vers le secrétaire avant de ramasser le document envolé.
Il lui faut prendre son courage à deux mains pour suivre Ginny et se mettre à sa hauteur. « Tu as laissé ça. » Elle était tellement pressée de s’éloigner d’elle qu’elle n’a même pas vérifié qu’elle avait tous ses papiers en main - pas très engageant. Hermione décide de faire comme si Gin ne lui avait pas lancé une remarque cinglante, quelques secondes auparavant. « Ils ont pas le droit de te refuser l’inscription. » déclare-t-elle. « J’arrive pas à croire que toutes ces conneries soient encore dans le règlement. » Alors que le fait d’entrer dans la bibliothèque avec une tasse de café n’est pas condamné. Un scandale. « T’es tombée sur le mauvais. Pars pas tout de suite, parle avec l’autre secrétaire, elle est plus à l’écoute. Et puis cette règle débile va disparaître d’un jour à l’autre. Le nouveau gouvernement n’a pas eu le temps de mettre son nez partout, mais ça ne saurait tarder.. Crois-moi. » Hermione se promet de faire remonter l’incident. « Je suis contente que tu reprennes des études. » Elle esquisse un petit sourire, mais rien de trop extravagant. Ça pourrait énerver Ginny plus qu’autre chose. Elle s’attend d’ailleurs à ce que la rousse lui dise clairement d’aller se faire cuire un oeuf de dragon… Mais elle aura essayé. Elle ne se serait pas pardonné de ne pas avoir essayé.