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sujet; Paper Book [PV]
MessageSujet: Paper Book [PV]   Paper Book [PV] EmptyDim 19 Avr 2015 - 1:35

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Le livre se referma dans un claquement sec et Keziah le replaça sur l'étagère avec un haussement de sourcils. C'était fou, pensa-t-il, le ramassis d'âneries que l'on pouvait publier, le nombre d'histoires à l'eau de rose dont les gens pouvaient s'abreuver dans l'espoir d'échapper à leur quotidien monotone. Pas qu'il ait quoi que ce soit contre eux, mais tout de même... « Oh, vous feuilletiez le dernier livre de Mafalda Tourdesac ? » Keziah tourna la tête vers la voix qui venait de le prendre à partie. Elle appartenait à une petite femme replète, la cinquantaine bien entamée. Elle avait visiblement fait un effort pour dénouer son épaisse tignasse cendrée et donner à sa tenue un aspect élégant, mais des détails subsistaient qui trahissaient son allure de seconde main ; le col râpé de sa robe, le cuir élimé de ses bottes, ou encore les taches de terreau resté coincé sous ses ongles ou la légère odeur de choux qu'elle dégageait. Et à en juger par au moins les trois types de poils de chat différents collé à son chemisier, ce n'était pas difficile de deviner quel genre de personne potentiellement envahissante elle pouvait devenir. « Son Mystère dans l'Allée des Embrumes était époustouflant. Vous l'avez lu ? Euh, non. Pas mon genre de littérature. Excusez-moi, » ajouta-t-il avec un sourire poli, et avant que la sorcière n'ait le temps de rétorquer quoi que ce soit il se fraya un chemin hors du rayon.

Les trois étages biscornus de Fleury et Bott étaient bondés de monde. La librairie avait décidé de profiter du weekend et du retour des beaux jours pour organiser un salon du livre. Plusieurs auteurs du moment avaient été invités à venir présenter leurs dernières œuvres et à rencontrer leurs lecteurs, qui étaient nombreux au rendez-vous. Vu le climat ambiant particulièrement pesant qui planait sur l'Angleterre, ce genre d'événement avait un certain succès, tout le monde cherchant un prétexte pour se vider la tête, même si ce n'était que pour une heure ou deux. Keziah était venu pour sa fille, lui. Depuis la disparition de Victoria, ce n'était pas toujours évident de rester seuls tous les deux à la maison. Même si elle ne posait plus autant de questions qu'au début, il savait que l'absence de sa mère pesait sur la conscience de Louise et il essayait de l'en distraire comme il pouvait. Alors même si les bains de foule n'étaient pas particulièrement sa tasse de thé, même s'il n'avait aucune envie de serrer des mains et de faire la causette, il était venu. Pour elle.

Une tornade de cheveux blonds se jeta justement en-travers de son chemin alors qu'il se rapprochait de l'escalier pour essayer de repérer la fillette parmi la foule. « Papa ! Papa ! J'ai trouvé Elphaba Duchannes ! Elle est là-bas, dans le coin près de la fenêtre, et en plus il n'y a personne avec elle ! Super ! Tu es allée lui parler ? Non... » Keziah ne put pas s'empêcher d'avoir un sourire à la fois amusé et attendri en voyant le visage extatique de sa fille prendre soudain un air embêté et son regard tomber tout droit vers ses souliers. Louise n'était pas particulièrement timide d'ordinaire, mais elle admirait la jeune auteure. A huit ans, c'était assez pour se laisser impressionner. « Allez, viens, » dit-il en posant une main dans son dos pour l'encourager.

Trente secondes à peine plus tard, ils se tenaient devant la table de la Duchannes. C'était une ravissante jeune femme. On ne pouvait pas lui enlever ça malgré les rumeurs qui couraient à son sujet dernièrement. Keziah ne savait pas quoi en penser d'ailleurs. Il ne savait même pas bien les tenants et les aboutissants de cette histoire en vérité. Il ne s'intéressait pas à ces choses-là et il ne s'était jamais vraiment non plus intéressé au travail de la sorcière en-dehors des livres pour enfants qu'elle avait écrit et que Louise était presque capable de réciter par cœur. « Bonjour. J'ai une fille ici présente qui avait très envie de vous rencontrer mais que vous intimidez un peu je crois. » La gamine lui jeta un regard noir de reproches qu'il ignora avec superbe. « 'jour, marmonna-t-elle tout de même en osant à peine croiser le regard de son aînée. Je vous présente Louise. D'habitude elle est plus bavarde. »
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MessageSujet: Re: Paper Book [PV]   Paper Book [PV] EmptyDim 19 Avr 2015 - 13:44

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« Fairy tales are more than true: not because they tell us that dragons exist, but because they tell us that dragons can be beaten.» ♱
-  Neil Gaiman, Coraline.

« Bonjour. J'ai une fille ici présente qui avait très envie de vous rencontrer mais que vous intimidez un peu je crois. » Elle lève la tête de son cahier, rencontrant le regard de l’homme qui vient de lui adresser la parole, puis celui, un peu fuyant, d’une fillette à la chevelure de blé. « ‘jour, » Intimidée et si jolie. « Je vous présente Louise. D'habitude elle est plus bavarde. » Un sourire. Elle offre un sourire en posant sa plume, ses yeux d’un bleu trop intense reflétant la malice qu’on connaissait à l’auteure. Certes, elle faisait polémique ces derniers temps avec des essais en faveur du gouvernement mais ses contes continuaient à se vendre comme des petits pains, les enfants cédant souvent aux nouvelles éditions, quand bien même il n’y ait que très peu d’histoires inédites. « Très honorée, Dame Louise. » Louise, c’est facile à dire, ça fait ressortir son accent français. C’est comme un parfum du passé. Si d’habitude elle est plus bavarde, c’est qu’il faut la rassurer.

Se tournant légèrement, Elphaba cherche dans son sac et en extirpe un livre à la couverture aux gravures d’argent, représentant une fée, sur un fond couleur de nuit. Elle l’ouvre à la première page blanche et trace, de son écriture ronde et légère, à l’encre noire : « A Louise, princesse dorée. Elphaba D. » Elle souffle sur le papier pour sécher l’encre qui luit de ce qui semble être des paillettes et le tend à l’enfant qui ne doit pas avoir plus de huit ans. « C’est un secret, il n’est pas encore sorti, celui-ci. Cadeau. » Une édition limitée, avec des textes jamais publié. Un présent aussi rare que le sortilège appliqué dessus, la dernière page vierge étant un outil de communication, lié au tout premier exemplaire, rangé chez l’auteure. Si l’on traçait quelque chose sur ladite page, sa réplique le transmettait. Peu de bouquins avaient été ensorcelé de la sorte, et si la rumeur courait que certains étaient magiques, que les mots changeaient à l’idéologie du petit lecteur ou qu’il s’agissait d’un moyen de correspondance secrète, aucun des possesseurs de ces fameuses éditions sur lesquelles flottait la rumeur n’avait jamais confirmé.

« Un coeur en détresse reçoit toujours une plume magique. » Les fans savaient. Les vrais, ceux qui connaissaient les histoires sur le bout des doigts. Elphaba avait elle-même fait naître les soupçons en faisant apparaître l’enchantement au sein d’un des contes, une fillette orpheline et malheureuse, plongée dans le doute trouvant réconfort sur l’ultime page d’un livre magique. La preuve ne fut jamais faite. Aucun des possesseurs ne s’était amusé à en parler, comme une proximité avec la française, comme un joli secret partagé. Il ne devait y en avoir qu’un ou deux par recueil publié. Un jour, ils vaudraient une fortune, sans doute. Elle offrait une communication privilégiée, une communication que le papier absorberait et ne ferait plus réapparaître, ne risquant jamais de trahir de potentiels aveux ou des témoignages de rêves. Un clin d’oeil à l’attention de Louise. Si on pouvait reprocher à Elphaba Duchannes d’être une séductrice dans l’âme, une provocatrice, une princesse rebelle, aussi distinguée que joueuse, elle était une véritable marraine la fée pour les enfants à qui elle s’adressait, pour son jeune public. Oui, ses contes étaient sombres, dignes d’Edgar Allan Poe, controversés lorsqu’ils étaient lus par des petits mais les enfants de cette génération sacrifiée à la guerre et la violence y trouvaient parfois les explications à la brutalité des adultes. Le Magister faisait figure du Prince Noir dont le coeur avait été arraché par l’injustice de la vie. « Est-ce que le papa veut aussi sa dédicace ? » Un sourire en coin et l’oeil mutin. On ne négligeait jamais les accompagnateurs, n’est-ce pas ? Surtout si charmant.

* ; français.
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MessageSujet: Re: Paper Book [PV]   Paper Book [PV] EmptyJeu 23 Avr 2015 - 15:38

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Comme réponse à sa remarque, Louise lui donna un petit coup sec du dos de la main qui le fit sourire de plus belle. Keziah adorait l'embêter de la sorte, sans en avoir l'air, et sa réaction était typiquement l'une des nombreuses mimiques qu'elle avait hérité de sa mère. C'était aussi sa façon à lui de détourner son attention du stress de la situation. Il lui cherchait discrètement des noises pour faire revenir son naturel au galop. Jouer sur la susceptibilité de son enfant était peut-être un choix discutable en matière d'éducation, mais tant pis ! Il assumait complètement et, après tout, l'essentiel c'était que cela semblait fonctionner. Quand la jeune écrivaine la salua, la gamine lui offrit alors l'un de ses plus beaux sourires. « L'honneur est pour moi, » se laissa-t-elle même allée à répondre en mimant une petite révérence.

Elle semblait aux anges, et c'était tout ce que Keziah avait voulu. Par les temps qui couraient, ce n'était pas toujours évident. Louise n'était née que quelques années avant le début de la guerre. Il n'était même pas certain qu'elle se souvienne de l'époque où Voldemort et ses mangemorts ne gouvernaient pas le pays d'une main de fer. Lui et Victoria avaient essayé de la tenir un maximum à l'écart de ce qu'il se passait, mais ils n'avaient pas pu la protéger de toutes les horreurs. Un jour, elle avait vu un rebut se faire torturer par son maître au beau milieu de la rue. Comme ça. Juste pour avoir osé lever les yeux vers lui et croiser son regard. Après cela, elle  avait fait des cauchemars pendant des semaines. Et puis, bien sûr, aujourd'hui la guerre lui avait également pris sa mère. Ces cauchemars là n'étaient pas près de disparaître, eux...

Le livre que la Duchannes extirpa de ses affaires et posa sur la table était un ouvrage magnifique. L'illustration sur la couverture avait été ensorcelée, de manière à ce que la petite fée représentée jetait de temps à autre une poignée de minuscules étoiles qui s'évanouissaient ensuite lentement. « C’est un secret, il n’est pas encore sorti, celui-ci. Cadeau. Vraiment ? Merci ! Papa, t'as vu ?! s'exclama la fillette qui ne semblait pas croire à son bonheur. C'est très généreux de votre part. » Honnêtement. Il ne savait pas exactement la valeur du cadeau dont la jeune femme se séparait, mais quelque chose lui disait que ça ne représentait pas rien. « Un cœur en détresse reçoit toujours une plume magique. Et ceux qui savent lire entre les lignes verront toujours au-delà de l'histoire. » Keziah haussa un sourcil, surpris. Il lui manquait visiblement un élément pour comprendre ce qui venait de se dire, mais vu le regard que les deux femmes échangèrent cela devait avoir du sens.

N'accordant pas plus d'importance que ça au mystère, l'ancien aiglon commença à jeter un œil à la ronde. À moins que Louise n'ait encore envie de papoter un instant avec son auteure favorite, lui était déjà prêt à mettre les voiles quand il entendit qu'on s'adressait à lui directement. « Est-ce que le papa veut aussi sa dédicace ? Oh, hm... Rien que pour le plaisir de vous voir sourire à nouveau j'aurais bien dit oui, mais la vérité c'est que je n'ai pas lu vos livres alors ça serait un peu hypocrite de ma part. Ce n'est pas par manque d'intérêt, je n'ai juste pas vraiment le temps pour ça. C'est pas vrai. Il lit très vite. J'ai compté une fois : une page en cinq secondes, parce que son cerveau est bizarre, alors ça lui prendrait pas autant de temps que ça s'il voulait. » Keziah laissa échapper un petit rire partagé entre l'amusement et un soupçon de gêne. Un cerveau bizarre. Les mots d'enfant avaient parfois le chic d'être originaux, mais il avait surtout l'impression qu'on venait de le prendre en flagrant délit de mensonge. « Maintenant c'est embarrassant, » laissa-t-il échapper en mettant les mains dans les poches et en tirant sur son dos.

« Monsieur Campbell ! Sauvé par le gong. Keziah se tourna vers la voix qui venait de l'apostropher. Il s'agissait de monsieur Fleury, le propriétaire de la boutique, qui s'avançait avec un grand sourire. Quel plaisir de vous voir ! De même pour moi. Comment allez-vous ? Fort bien, fort bien. Dites-moi, Harvey McCormick m'a fait savoir qu'il comptait publier un nouveau numéro de son journal d'astronomie. J'espère que vous écrirez quelque chose, cela fait longtemps qu'on n'a pas eu le plaisir de lire votre plume. Oui, il m'a envoyé un hibou. Malheureusement je travaille au Ministère maintenant, alors... Oh, je vois, oui. C'est bien dommage. Écoutez, je suis désolé, c'est un peu la folie aujourd'hui, je dois être partout à la fois, mais passez me voir dans la semaine si vous pouvez. J'aimerais beaucoup parler de tout ça avec vous. Bien sûr, je verrais ce que je peux faire. Mademoiselle Duchannes, si vous avez besoin de quoi que ce soit, faites-moi signe, » ajouta le sorcier alors qu'il disparaissait déjà à moitié parmi la foule.

« Un homme charmant. » C'est tout ce qu'il trouva à dire, avant d'esquisser l'un de ses plus séduisants sourires dans l'espoir que cela suffirait pour faire oublier les cinq dernières minutes.
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MessageSujet: Re: Paper Book [PV]   Paper Book [PV] EmptyJeu 30 Avr 2015 - 10:36

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« Fairy tales are more than true: not because they tell us that dragons exist, but because they tell us that dragons can be beaten.» ♱
-  Neil Gaiman, Coraline.

« Oh, hm... Rien que pour le plaisir de vous voir sourire à nouveau j'aurais bien dit oui » S’il n’y avait que cela pour lui plaire, elle n’allait pas l’en priver, et sur le coin de sa bouche une malice pour toute réponse. « mais la vérité c'est que je n'ai pas lu vos livres alors ça serait un peu hypocrite de ma part. » Comme si c’était d’une réelle importance. La demoiselle miniature qui l’accompagnait les lisait assez assidument pour assurer à l’auteure que l’homme avait dépensé pas mal de gallion dans ses oeuvres, qu’il les ai ouvertes ou non. « Ce n'est pas par manque d'intérêt, je n'ai juste pas vraiment le temps pour ça. » Il a le ‘cerveau bizarre’ indique la jeune Louise, contredisant magistralement son père sur sa capacité et son temps pour lire quelques contes. C’était très drôle de lire l’embarras. Un clin d’oeil à la princesse. « Maintenant c'est embarrassant, » Sourire amusé. « Ouh, ce n’est pas beau de mentir. » Charme. « Monsieur Campbell ! » Campbell. Ca lui rappelait quelque chose. Il travaille au ministère maintenant. Oui, ça lui revient. Keziah Campbell. Jolie plume. Très masculine cela dit. Elle l’avait lu, parmi le flot de littérature anglaise que pouvait porter ce pays et elle s’en souvenait parce qu’elle avait plutôt bien aimé, quoique cela datait assez pour que ce soit flou. Faux, elle se serait très bien souvenu, avant l’accident. Mémoire défaillante qui lui joue encore des tours.

« Mademoiselle Duchannes, si vous avez besoin de quoi que ce soit, faites-moi signe, » Elle hoche la tête, sans autre forme de communication. Ils ont vraiment du mal à prononcer son nom. Reid, ils auraient su. Pourquoi n’a-t-elle pas pris son nom d’épouse déjà ? « Un homme charmant. » « Qui n’a toujours pas compris qu’il faut dire ‘madame’. » souligne-t-elle, avec humour. Autant en rire, n’est-ce pas ? Elle était veuve après tout. Une veuve diablement scandaleuse qui semblait s’être vite remise du décès prématuré de son époux. On avait jamais retrouvé le corps. Et sans Lazarus Carrow, qui était avec elle ce soir là, elle aurait été accusée du meurtre. Keziah lui sourit. « Monsieur sourire le plus charmeur ! » Ah enfin, ça lui revenait. Il n’était pas seulement doué d’une jolie plume, elle avait croisé des commentaires sur sa belle gueule dans un vieux magazine, à Ste Mangouste sans doute, pendant la très courte période durant laquelle on avait surveillé son état physique. Un accident. On pensait qu’elle avait été agressée, la nuit où Alexander s’était évaporé, vu l’état dans lequel Carrow avait déclaré l’avoir trouvé. Finalement toute cette affaire était si contradictoire qu’il était devenu impossible de démêler le vrai du faux. Madame Duchannes ne fut plus jamais la même. « Quelle surprise de vous savoir encore enclin aux mondanités. » Il travaillait au ministère, ils étaient tous en panique, là-bas, après les attaques des insurgés, le chaos et la misère. C’était scandaleux de vivre si bien quand la plupart des gens mourraient de faim.

Une petite silhouette aux cheveux bleus et aux grands yeux couleur de ciel. Une silhouette trop petite pour être normalement laissée sans surveillance mais Elsa Duchannes était si colorée qu’il était difficile de la perdre, et elle était surtout bien trop intelligente et rusée pour se laisser avoir. Un regard sévère sur le monsieur sourire, du haut de ses quatre ans. Un peu trop douée, en fait. Un peu trop lucide, la gamine. Un vrai casse-tête, parfois, pour sa mère. Ses réflexions trop matures, sa pensées à la logique propre. Elle comprenait, trop vite, trop bien, laissant Elphaba souvent perplexe ou désemparée. « Maman, le monsieur t’embête ? » Elle s’est glissée derrière la chaise de sa mère pour se placer près de la table. Elle est minuscule et ne semble pourtant pas intimidée pour deux sous. Les monsieur embêtent trop souvent maman. Décontenancée, l’auteur laisse échapper un léger rire. Sa fille était vraiment un espèce de fléreur arc-en-ciel capable de capter les variations de son environnement : on approchait de maman, il ne fallait pas longtemps avant qu’elle ne s’en rende compte. « Elsa, je te présente monsieur Campbell et sa fille, Louise. » Oui, elle avait bien vu la fille, à côté, mais les filles ça ne l’embêtait pas. Non, son problème c’était les papa. « Sois polie, veux-tu ? » « Enchantée, m’sieur.* » et en français, évidemment, pour démontrer son caractère bien trempé.

* ; français.
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MessageSujet: Re: Paper Book [PV]   Paper Book [PV] EmptyVen 1 Mai 2015 - 18:46

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Madame, disait-elle, sans que la méprise n'ait vraiment l'air de la déranger pour autant. Keziah pencha légèrement la tête sur le côté. Il y avait quelque chose d'intrigant chez cette femme, derrière son maquillage, son parfum et ses sourires mutins. Quelque chose de semblable à des fissures. Quelque chose qui ne collait pas tout à fait avec l'image qu'elle donnait à voir. Ce n'est pas qu'il avait particulièrement envie de s'en rendre compte, mais il ne pouvait pas s'empêcher de prêter attention aux détails. C'était plus fort que lui, comme ça qu'il fonctionnait, pour le meilleur comme pour le pire. Le clin d’œil de la jeune femme à son vieil exploit auprès des lectrices de Sorcière Hebdo le ramena pourtant brusquement à des préoccupations plus terre à terre. À nouveau il laissa alors échapper un petit rire nerveux, non sans avoir d'abord pincé les lèvres de dépit.

« Vous avez entendu parler de ça... Quelle chance, ironisa-t-il ! Je tiens à dire que ça a été fait au détriment de ma volonté. C'est une histoire vraiment terrible en vérité, vraiment traumatisante. Les gens ne se rendent pas compte. » Il valait mieux en rire que d'en pleurer. À l'époque cela l'avait assez contrarié – dans le genre décrédibilisant on pouvait difficilement faire pire à ses yeux – mais avec le temps l'anecdote était surtout devenue une blague récurrente que ses amis aimaient utiliser pour le taquiner. Quant aux inconnus qui le reconnaissaient à cause de cela, hé bien il avait appris à faire avec. « Maman dit que c'est parce qu'elles le connaissent pas que les filles croient que c'est un bon parti, s'amusa Louise, enfonçant le couteau dans la plaie. Ta mère est une peau de vache parfois. »

La gamine releva un visage rayonnant vers son père, mais quelque chose dans son regard fit vaciller son sourire. Une faible lueur de tristesse. Sa maman lui manquait, beaucoup, mais c'était différent encore pour son papa. Il avait beau continuer à sourire devant les autres, elle le surprenait souvent à fixer le vide, songeur, quand il était seul. Elle faisait ce qu'elle pouvait pour chasser ces vilaines pensées qui le rendaient triste, mais elles finissaient toujours par revenir... Mais son papa lui sourit. Il vit la crainte dans ses grands yeux d'enfant et la lueur dans les siens disparut aussitôt. Il posa une main sur sa tête et ébouriffa tendrement ses cheveux couleur de blé.

Quand Keziah reporta son attention en face de lui, une petite fille aux cheveux bleus avait fait son apparition. Elle ne devait pas avoir plus de quatre ou cinq ans mais cela ne l'empêchait pas de poser sur la scène un regard perçant étrangement mâture. Ses yeux étaient comme deux fentes suspicieuses et Keziah pouvait presque entendre les rouages de son cerveau tourner à plein régime. « Maman, le monsieur t’embête ? » La question était inattendue. Moins que la véritable inquiétude qui se cachait derrière ceci dit. Quel genre de gamine se sentait à ce point responsable de la sécurité de sa mère ? Surtout lorsqu'il n'y avait à priori aucune raison de s'en faire... « Enchantée, m’sieur. Très heureux aussi de rencontrer toi, Elsa. » Son français était loin d'être parfait mais il se dit que cela l'aiderait peut-être à se détendre. Duchannes. Avec un nom pareil, il aurait dû s'en douter.

La gamine ne sembla pas dupe pour autant et fronça même très légèrement les sourcils. Qu'à cela ne tienne, Keziah ne se laissa pas démonter. Il jeta un coup d’œil à la ronde. La boutique n'avait toujours pas vraiment désemplie mais personne n'était encore venu les déranger et, dehors, un rayon de soleil venait d'éventrer la grisaille londonienne qui lui donna une idée saugrenue. « Qu'est-ce que vous diriez de prendre une pause ? Ce serait dommage de ne pas profiter de l'éclaircie. Les glaces de Florian Fortarôme sont vraiment délicieuses en plus. »
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MessageSujet: Re: Paper Book [PV]   Paper Book [PV] EmptySam 2 Mai 2015 - 16:18

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« Fairy tales are more than true: not because they tell us that dragons exist, but because they tell us that dragons can be beaten.» ♱
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« Je tiens à dire que ça a été fait au détriment de ma volonté. C'est une histoire vraiment terrible en vérité, vraiment traumatisante. Les gens ne se rendent pas compte. » Ouh oui, quel terrible traumatisme. Ca l’amuse plus que ça ne lui fait pitié. Quel homme ne voudrait pas faire baver la gente féminine sur papier glacé ? Quand la petite évoque sa mère, Elphaba comprend bien qu’il y a un problème, qu’elle parle au présent qui souligne le passé, que la guerre a fait des ravages. Compassion ? Pas vraiment. Elle n’arrive pas spécialement à intégrer l’idée qu’on puisse regretter un mariage éclaté, par la mort, le destin ou le divorce. Le mariage apporte des problèmes. Peut-être que seuls les sang-purs devraient s’y risquer, avec un bon contrat, une volonté d’héritage. Eux, ils ne pleurent pas les amours gâchées, c’est leur mode de vie, leur sang qui est en jeu. Idiote. « Il y a du bon à plaire aux femmes. » Sourire en coin, encore. Elphaba ferait-elle du charme ? Pas vraiment. Si, un peu, pour s’amuser. Il est plutôt mignon à regarder. « Ta mère est une peau de vache parfois. » Au moins il est franc. Mh. C’est ça, l’amour ? Elle se souvient avoir été idiote en amour aussi. Elle ne sait juste plus pourquoi elle considère que le décès d’Alexander pour le pays est une bonne chose. Il s’est sacrifié pour la cause. Oui. Seulement on cherche encore le coupable.

« Très heureux aussi de rencontrer toi, Elsa. » Elsa hausse un sourcil. Bon, déjà, le monsieur tente les bonnes manières et il sait que le français, ça existe. Il a dû trouver ça joli pour chercher à l’apprendre, non ? Le monsieur est bizarre. « Maman dit qu’il faut pas parler à ceux qu’on connaît pas. » Un regard vers Louise, avec le même sourire malicieux qu’Elphaba - telle mère, telle fille - avant d’ajouter, à son attention : « Elle fait jamais ce qu’elle dit, les grandes personnes hein. » Sont empotées.

« Qu'est-ce que vous diriez de prendre une pause ? Ce serait dommage de ne pas profiter de l'éclaircie. Les glaces de Florian Fortarôme sont vraiment délicieuses en plus. » Comme ça ? Certes, la petite communauté des auteurs était plutôt à l’aise avec l’idée du partage, de l’échange de pensées, tout ces trucs d’intellectuels, mais une glace, au beau milieu d’un salon consacré aux livres, alors que la population est sous pression ? Ca n’est pas un crime, cela dit. « C’est toujours les monsieurs qui payent. » Elles ne se démontent pas, la gamine. Et elle en sait un peu trop, pour ses quatre ans. Elle sait surtout comment mener son monde par le bout du nez, avec l’autorité d’une grande demoiselle qui ne perd pas le nord. Ca, jamais. « J’imagine que je ne vais pas manquer à beaucoup, les enfants ne sont pas de sortie. » Et les adultes boudent un peu les essais. Sauf l’Elite, mais pour l’Elite, on ouvre des ventes bien différentes, parfois plus privées. Mélanger les torchons et les serviettes ? Jamais de la vie. « Va pour une glace. » souffle Elphaba en rassemblant quelques affaires dans son sac - ne jamais laisser ce qu’elle est en train de travailler à la portée de tous, trop de voleurs en ce bas monde.

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MessageSujet: Re: Paper Book [PV]   Paper Book [PV] EmptyMer 6 Mai 2015 - 22:55

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Le sourire aux bords des lèvres, il ne semblait pas avoir conscience que sa proposition pouvait avoir quelque chose de déplacé, ni que ce n'était peut-être ni l'endroit ni le moment pour ça. Il invitait littéralement la Duchannes à déserter le poste pour le plaisir anodin de savourer un cône de glace, d'oublier ses responsabilités pour profiter de l'instant présent, et il ne voyait vraiment pas où était le soucis. Son intention était pure, dénuée d'autre agenda que celui de partager un moment agréable en compagnie d'une femme qu'il ne connaissait peut-être ni de Morgane ni de Merlin mais qui ne lui semblait pas déplaisante. Keziah avait toujours été ainsi, agissant comme ça lui chantait même si cela devait se faire au détriment du bon sens ou de ce que l''on pouvait attendre d'un adulte responsable. Pas même la terreur imposée par le gouvernement du Lord n'aurait su lui faire renoncer au désir de vivre sa vie comme il l'entendait. Au moins jusqu'à un certain point en tout cas...

« C’est toujours les monsieurs qui payent. Pas de problème, » rétorqua-t-il gaiement à l'intention de la petite demoiselle. Il aimait bien cette gamine. Elle allait droit au but, ne se laissait pas impressionner par les grandes personnes et, visiblement, il y avait chez elle une lucidité peu commune pour une enfant si jeune. Il n'était pas certain que ce dernier point soit une bonne chose toutefois. Un enfant était rarement amené à grandir trop vite sans raison, et ces têtes-blondes poussaient déjà si vite. Parfois, il regardait Louise et il s'étonnait de voir qu'elle était devenue si grande. Il lui semblait que c'était encore hier que son petit corps tenait presque tout entier dans ses mains et qu'il craignait de lui faire du mal chaque fois qu'il la prenait entre ses bras. Il avait ressenti une telle beauté et une telle violence à l'époque, en regardant à travers ses grands yeux bleus, à l'idée de savoir qu'il avait engendré ce petit être, qu'il avait participé à créer cette toute nouvelle existence dont il serait responsable jusqu'à la fin de ses jours. Ça lui avait même donné le vertige, et aujourd'hui encore il se demandait chaque jour s'il serait à la hauteur.

Le sourire sur le visage de sa fille – comme à l'instant où son auteure favorite accepta son offre – aurait dû suffire à apaiser ses craintes. Elle aurait dû suffire. Mais Keziah savait au plus profond de lui que ce n'était pas vraiment le cas et il s'en voulait pour ça. Sa main se posa pourtant sur l'épaule de la fillette aux cheveux blonds, au même moment où la Duchannes s'extirpait de derrière sa table. Gentleman, il l'invita à passer devant lui d'un geste du bras, inclinant légèrement la tête en avant. Dans la rue, les passant n'étaient guère très nombreux malgré l'éclaircie. Comparé à l'ambiance étriquée de la librairie, cela faisait du bien de pouvoir respirer un bon coup en écartant les bras, et Keziah prit même quelques secondes pour tendre son visage vers le ciel, fermer les yeux et profiter de la chaleur du rayon de soleil. La boutique de Fortarôme n'était pas bien loin, ils y furent en quelques minutes et quand le glacier leur demanda ce qu'ils souhaitaient Louise avait déjà une réponse toute prête au bout des lèvres. « Vanille chocolat ! Un grand classique. Ce sera la même chose pour moi ! La vanille et le chocolat n'ont jamais déçu personne, » souffla-t-il à Elsa sur le ton de la confidence.

Leur glace à la main, chacun d'eux ayant trouvé leur bonheur, le curieux quatuor reprit doucement sa route. Quand ils arrivèrent à la hauteur d'Eeylops, Louise, qui pépiait gaiement aux côtés d'Elsa, attrapa la main de sa nouvelle amie et l'emmena avec elle observer de plus près les animaux – non sans que la petite française n'ait au préalable jeté un regard suspicieux en arrière pour s'assurer que le monsieur n'embêterai pas sa maman en son absence. Le geste n'échappa pas à Keziah, qui eut un sourire amusé. « Vous avez une fille étonnante. Futée. Elle ne fait pas trop confiance aux hommes, je me trompe ? » Sa question pouvait sous-entendre tellement de choses. Pourtant, il l'avait posé de la plus simple des manières, comme il aurait pu lui demander sa couleur préférée. Trop occupé qu'il était à empêcher sa glace de lui couler sur les doigts, il n'avait même pas daigné regarder la Duchannes dans les yeux.
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MessageSujet: Re: Paper Book [PV]   Paper Book [PV] EmptySam 9 Mai 2015 - 15:36

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« Fairy tales are more than true: not because they tell us that dragons exist, but because they tell us that dragons can be beaten.» ♱
-  Neil Gaiman, Coraline.

De la fraise. Malgré les précieux conseils de Keziah, Elsa choisit la fraise. Sa langue sur la crème et ses cheveux soudain aussi roses que la gourmandise firent sourire Elphaba, dont le choix se porta plutôt sur le café. « Vous avez une fille étonnante. Futée. Elle ne fait pas trop confiance aux hommes, je me trompe ? » Non, il ne se trompait pas et le temps d’arrêt de la sorcière traduisit bien vite le trouble dont elle était empreinte. Pitié, aidez-moi. Vague angoisse qui crispe ses doigts autour du cornet. Elle ne trouve pas les mots, la réponse bloque, se heurte à une réalité éloignée, rejetée. « Elle a mal vécu le décès de mon époux. » La réponse est un peu automatique, un peu monocorde. « Je suppose qu’elle craint qu’on ne le remplace. » Que quelqu’un frappe encore maman. Fillette rose et joyeuse auprès de la jeune Louise. Elles ont l’air de bien s’entendre, quoi qu’Elsa reste souvent très laconique. Sur la défensive. Elle était pourtant bien trop petite pour ce genre de réflexes.

« Je ne la comprends pas toujours. Son regard sur le monde et sa façon de penser m’échappent, comme si son raisonnement était hors de ma portée. » C’était un peu le cas. La gamine était trop intelligente, trop cassée aussi, mélange détonnant qui l’avait rendue trop mâture, en plus d’être perspicace. Elle réfléchissait à toute vitesse par des biais parfaitement décalés, qui lui étaient propres. Et Elphaba, souvent dépassée, ne la voyait plus grandir. Les livres, les signatures, les sorties officielles prenaient du temps. L’errance inconsciente aussi. Ces nuits d’angoisses, ces terreurs nocturnes, ces migraines. Ca vacille. Vertige. Le coeur qui bat trop vite. Elle en lâche la glace qui s’écrase sur le sol tandis qu’elle se rattrape à l’épaule de Keziah. Une longue mèche blanche tout près de son visage et un tremblement dans ses doigts, une rébellion de sa métamorphomagie. A-t-elle vu la silhouette d’Alexander ? Non, impossible, il est mort. Il était mort. Et dans son angoisse soudaine, bloquée par la modification ratée de sa mémoire, elle se referme comme une huître, enclenchant ce geste défensif, caractéristique, dans son mouvement de recul : elle a refermé ses bras autour de son propre corps, la tête baissée, les yeux fermés. Personne autour ne semble y avoir prêté attention sauf Elsa, qui fixe sa mère, silencieuse, sans qu’aucune surprise ne peigne ses traits. Maman fait souvent ça.

« Oh.. je suis maladroite.. » finit-elle par souffler. Maladroite ? La situation est paradoxale, de sa position défensive à sa soudaine détente, comme si elle s’était simplement embronchée et non pas crispée de terreur. Le blanc de ses cheveux a déjà disparu et elle arbore un sourire confus. Non, vraiment, gâcher une glace de la sorte est embarrassant. Elle replace une mèche derrière son oreille et regarde autour d’elle. Pourquoi sont-ils ici, déjà ? Une pause, c’est cela. Une pause entre les séances de signatures, pas vraiment intensives puisque les enfants ne sont plus tellement de sortie pour les romans ou les contes, ces derniers temps. Et elle n’écrit plus tellement de contes, non plus. « Votre fille est tellement mignonne. » dit-elle, d’un ton à nouveau décontracté, portant ses billes trop bleues vers les deux jeunes princesses. Elsa les regarde toujours d’un air inquisiteur, ce qui ne l’empêche pas de poursuivre, en même temps, sa conversation passionnée avec Louise. Quelque chose cloche encore chez maman. « Puis-je réparer ma maladresse d’une quelconque façon ? » C’est l’intention qui compte, n’est-ce pas, Elphie ?

* ; français.
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MessageSujet: Re: Paper Book [PV]   Paper Book [PV] EmptyVen 22 Mai 2015 - 19:51

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La mort de son époux. Keziah jeta un bref regard en coin à la jeune femme. Maintenant qu'elle en parlait, l'histoire lui revenait en mémoire. Le scandale. Il se rappelait avoir jeté un œil distrait à des articles relatant les faits. Il y a quelques mois de ça, avant les fêtes de fin d'année, la brutale disparition d'Alexander Reid avait fait choux gras dans les journaux. Tant de gens avaient disparus depuis l'avènement du Seigneur des Ténèbres. Personne ne s'intéressait à ces âmes errantes venues grossir les rangs des anonymes d'ordinaire, sûrement pas les tabloïds en tout cas, mais Alexander Reid avait été un mangemort et les circonstances de sa disparition avaient soulevé un certain nombre de questions. La jeune femme qui se tenait à ses côtés avait même été brièvement suspectée de s'être elle-même débarrassée de son mari, mais l'histoire ne collait pas et, en l'absence de corps, difficile de prouver quoi que ce soit. Au final, personne ne savait ce qui s'était véritablement passé, ou personne ne s'était donné la peine d'en avertir le grand public, et l'affaire avait été gentiment étouffée. Rien de surprenant au royaume des enchaînés.

Keziah n'avait toutefois pas pu s'empêcher de remarquer que son interlocutrice ne portait pas d'alliance au doigt, ou qu'elle n'avait pas fait le choix de conserver son nom d'épouse. Si sa fille n'avait pas encore fait le deuil de son père, comme elle le prétendait, c'était moins évident en ce qui la concernait. Keziah se gardait pourtant bien d’émettre un jugement quelconque. Chacun gérait la perte d'un être aimé à sa manière, et il ne connaissait pas Elphaba Duchannes. Son regard suivit alors le sien et se reporta sur les deux fillettes qui pépiaient gaiement un peu plus loin, autour des cages de deux hiboux grand-duc qui les regardaient d'un œil sévère, comme s'ils désapprouvaient leur intrusion dans leur espace vital. Ce qu'elle disait de sa fille, sur sa difficulté de se positionner face à sa perception différente des choses, l'intrigua soudain. « Votre fille a quoi, trois ou quatre ans ? Vous diriez qu'elle a une maturité intellectuelle singulière ? Elle aurait appris à lire par elle-même, par exemple, ou démontrerait un intérêt quasi obsessionnel pour certaines choses avant de passer à d'autres. Ça peut être... »

Il ne termina pas sa phrase. À côté de lui, la française venait d'échapper son cône de glace, qui alla s'écraser en une flaque rose sur les pavés du Chemin de Traverse. L'expression de terreur sur son visage était aussi saisissante qu'inattendue. Elle lui avait agrippé l'épaule et Keziah, par réflexe, la voyant vaciller sur ses jambes, voulu attraper sa main libre et tremblante dans la sienne de peur qu'elle ne s'écroule, mais son geste déclencha une brusque réaction de repli chez l'écrivaine. Elle s'écarta de lui comme s'il avait représenté un danger, lui, l'homme, le laissant planté là dans l'incompréhension. Alors il ne bougea pas. Il resta parfaitement immobile jusqu'à ce que la jeune femme reprenne ses esprits, jusqu'à ce que la mèche de cheveux blancs disparaisse. La métamorphomagie était un drôle de don. Un de ceux qui vous trahissait sans vergogne face à de presque parfaits inconnus, le blanc contrastant avec sa chevelure brune, son calme soudain tranchant avec la peur panique des secondes précédentes.

Le regard qu'il posait sur elle était soudain dur et froid, mais ce n'était pas vraiment elle qu'il fixait ainsi. C'était l'ombre de son mari. Même sans son sens de l'observation et l'incroyable capacité de déduction dont il était doté, il ne fallait pas être un génie pour recoller les morceaux. « Puis-je réparer ma maladresse d’une quelconque façon ? Ne faites pas attention à ça. Ce n'est rien. Ça fera sûrement plaisir à un chien errant. Tenez, ajouta-t-il en lui tendant sa propre glace, à laquelle il avait à peine touché. Ce n'est pas très hygiénique mais je vous assure que je suis quelqu'un de très sain. Vous ne risquez rien. » Il esquissa un sourire rassurant. La dureté de son regard avait complètement disparu, retrouvant l'éclat habituel de sa bonne humeur malicieuse. Il n'allait pas revenir sur ce qui venait de se passer. Il ne se sentait aucun droit à pénétrer ainsi dans l'intimité de la Duchannes. On lui avait pourtant souvent reproché de toujours fourrer son nez où ça ne le regardait pas, mais il avait plus de décence qu'on ne lui en prêtait. « Vous vous accrochez souvent au bras d'inconnus comme ça ? Faites attention, un jour quelqu'un risque de l'interpréter d'une drôle de manière ! » Oui, bon, il n'allait quand même pas se priver de plaisanter là-dessus !
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MessageSujet: Re: Paper Book [PV]   Paper Book [PV] EmptySam 6 Juin 2015 - 0:02

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« Fairy tales are more than true: not because they tell us that dragons exist, but because they tell us that dragons can be beaten.» ♱
-  Neil Gaiman, Coraline.

« Ce n'est pas très hygiénique mais je vous assure que je suis quelqu'un de très sain. Vous ne risquez rien. » Il propose sa glace et elle n’ose pas refuser, encore un brin déconnectée de ce qu’il vient de se passer. De quoi étaient-ils en train de discuter ? Tous ces flous dans son existence, qu’est-ce que ça l’agace, Elphaba. C’est comme un gros gruyère, un de ceux où il y a plus de trous que de fromage. Un sourire en guise de merci, un peu timide, un peu maladroit, si.. juvénile. « Vous vous accrochez souvent au bras d'inconnus comme ça ? Faites attention, un jour quelqu'un risque de l'interpréter d'une drôle de manière ! » Et un éclat plus taquin, charmeur, soudain dans le pigment trop bleu de ses prunelles - ça, elle connaît, c’est un jeu qu’elle maîtrise, elle y a ses gammes, une vieille mélodie d’interdit. « Seulement au bras de ceux qui me plaisent.. » souffle-t-elle en goûtant malicieusement la saveur de la crème glacée, sans détourner l’attention de son visage auréolé de blondeur. Monsieur sourire n’était pas dégeu à regarder. « Allez-vous porter plainte, mh ? » Ouh. Ch. Vilaine. A-t-elle déjà oublié son défunt époux ? Elle ne porte pas son alliance, en plus, aujourd’hui - elle est en réparation, maladroitement cassée au cours d’une collaboration.

Il lui avait demandé l’âge d’Elsa. Ca lui revient comme un éclair, comme la foudre fend le ciel. Ils parlaient de la maturité. Il a posé des questions. Un gruyère pas si fondu que cela, finalement. « Elle a quatre ans. » répond-elle, à réel retardement. « Et elle a appris.. beaucoup de choses toute seule. » Parce que mon mari me frappait, aurait-elle pu répondre si elle en avait eu conscience, si son esprit n’était pas la vaste prison d’un passé trop douloureux. « Elle aime les livres plus que tout. Mais j’imagine que c’est héréditaire ? » Une interrogation comme une autre. Elsa avait été obligée de grandir plus vite que la moyenne, par sa situation familiale mais n’en était pas moins prédisposée à acquérir une certaine avance. Les Duchannes sont des intellectuels.

Mais Elphaba n’était pas une Duchannes. Elle n’était qu’une orpheline anglaise. Elle ne pouvait pas avoir offert à sa fille des gènes qu’elle-même ne possédait pas. Duchannes-Reid, deux mensonges. Comme deux cicatrices enfouies derrière la success story d’une auteure plus trop en vogue. La politique, ça vend moins. « Je suis assez occupée alors je ne saurais prétendre qu’Elsa n’a aucun secret pour moi. Elle me surprend chaque jour par sa vivacité d’esprit et son jugement très sévère envers les gens - et le monde en général. » Un soupir, un peu mélancolique. Elle ne sait pas trop pourquoi. Peut-être qu’elle est un peu coupable, un peu embêtée d’avoir laissé Elsa seule tant de soirs, avec une nourrice, alors que son père était mort, alors que tout changeait autour d’elle.


* ; français.
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