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Des lèvres de Bellatrix Lestrange s’échappa un petit rire angoissant. La mention de son beau-frère avait refermé davantage sa poigne sur la tasse désormais vide qu’elle maintenait entre ses mains. On ne pouvait en aucun cas parler d’affection entre Rabastan et l’ainée des Black tant elle le voyait encore comme un gamin colérique et incapable d’assumer son côté le plus sombre. Il demeurait frileux dans la représentation, inintéressant dans les faits. Ne serait-ce que le considérer semblait étranger à la Mangemort. Il y avait toujours eu une méfiance à avoir envers les calculs des frères Lestrange, du père Malfoy et même de Draco. Non, il n’était pas sûr que le petit blond fût digne d’une aveugle confiance. Après tout, sa mère agressée par le Maitre pouvait se révéler en un événement choquant, voire irrémédiable. On ne pouvait prétendre que notre sorcière en était tout à fait inconsciente. Cela dit, elle s’en fichait peut-être pas mal. Il était difficile de comprendre les méandres de la pensée de Bellatrix, cette même sorcière qui ne vivait plus que pour les Ténèbres et sans doute par elles. Le prisme par lequel elle observait son environnement n’était pas des plus limpides. Alors quelles réflexions défilaient dans son esprit lorsqu’elle se tenait là, face à une jeune femme avenante devant la prédatrice ? Le mystère n’allait pas se résoudre de lui même. Faire la conversation n’était pas trop son fort et les efforts pour se contrôler lui agressaient le crâne avec force. Les acquiescements, les sourires, même la complaisance de Bonnie lui tapait sur le système. Elle savait qu’il ne fallait pas craquer, ne plus faire d’esclandre et se montrer digne d’une réputation. Ce petit discours sur Rabastan lui agita l’estomac et lui titilla la bile, mais elle continuait de fixer la secrétaire en sentant ses doigts affronter la porcelaine délicate et si fragile. Elle détestait qu’on lui passe de la pommade dans le but d’éviter les coups. Cette réaction se lisait sur on visage. Bellatrix Lestrange levait ses yeux vers un ciel inexistant, soupirait au son de la voix de son hôte, regardait ailleurs, comme un enfant lassé d’attendre. Trop de paroles, pas assez d’action tandis que ses phalanges apposées au récipient délicat blanchissaient inexorablement. Sa concentration se baladait sur les chemins de la soif de sang plutôt que du coté des questionnements de la jeune Rowle. Le mot « fragilité » la ramena soudain à leur échange non sans brutalité. La tasse de thé éclata dans sa main, refermée désormais sur ce qu’il en restait, autant dire quelques bouts quelconques. Elle desserra la main pour les laisser choir au sol. « Vous voulez que je vous révèle ce qu’il y a derrière la façade de mon neveu, stupide Miss Rowle ? ». Elle se leva en prenant appui sur le bureau qu’elle semblait pouvoir enjamber à tout moment. Ses yeux fous et sa mine revêche défiaient du regard Bonnie. Comment pouvait-elle parler de faiblesses, de secrets, de carapaces avec ce ton d’adolescente qui se souciait du bonheur de son futur mari. Il fallait prendre Bellatrix pour une débutante pour livrer des choses intimes sans avoir fait ses preuves avant. Une fois mariée et liée par un pacte à la famille, Bonnie Rowle pourrait peut-être aspirer à percer la carapace de Draco. Même si les intentions étaient louables, la secrétaire ne se rendait pas compte de sa maladresse. L’ainée des Black venait d’y voir une collecte d’informations intéressées plutôt qu’une simple question inquiète de future épouse. La paranoïa faisait partie intégrante de la démence et on la voyait à l’œuvre ici. « Si tu ne voulais pas te montrer maladroite, c’est trop tard fillette. » Son index se posa sous le menton de Bonnie et le contraignit à se soulever. Bellatrix Lestrange était désormais penchée par dessus le bureau en approchant son visage bien trop près de celui de la sorcière, envahissant l’espace personnel de la pauvre fille qui n’avait rien fait de mal. « Je n’ai rien en commun avec Rabastan Lestrange. Une tasse de thé ne suffit pas à m’amadouer. Pour me plaire, il faut agir. As-tu déjà jubilé devant une maison de moldu en feu ? Imagine les cris de leur infâme progéniture, des immondes bambins, encore incapable de courir pour éviter les flammes qui les consument devant leurs propres parents. Et ensuite ils se relèvent, le regard livide, mais affamés. Inferi ça te dit quelque chose ? Ils attaquent alors leurs géniteurs qui te supplient du regard d’arrêter tout ça. Car dans les dernières secondes de leur vie, renonçant à se débattre face aux cadavres animés de leurs bébés, les moldus croient en la magie, la craignent. Ensuite, ils meurent lentement, dévorés par des bouches à peine dentées, ravagées par leurs brûlures. Es-tu prête pour cela Bonnie Rowle ? Le jour où tu le seras, tu auras assez de crédit pour glaner des conseils concernant Draco. »
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Pendant un instant, Bonnie avait relâché sa garde. Pendant un instant, elle avait cru que Bellatrix Lestrange pouvait être une femme courtoise et magnanime. C’était en tout cas l’image qu’elle avait donné en buvant tranquillement son thé et en cherchant à faire la conversation à la jeune femme. Après tout, si folle put-elle être, elle restait un être humain et devait bien être capable de se tenir convenablement. Elle avait rangé le bureau de Rabastan et avait laissé penser qu’elle regrettait son comportement et qu’elle voulait se racheter auprès de Bonnie. Cette dernière s’était un peu laissé prendre au jeu, pensant qu’éventuellement elle pourrait être dans les petits papiers de la femme si elle se montrait complaisante. C’était évidemment bien mal connaître Bellatrix. Comment la secrétaire avait-elle pu penser qu’elle s’en sortirait aussi facilement ? Elle n’avait certes pas oublié qu’elle était imprévisible, se tenant légèrement sur la défensive, et avait eu raison. Malgré cela, c’était toujours désarçonnant de voir à quel point il était possible à la mangemort de changer de comportement du tout au tout.

Son rire avait déjà été inquiétant, mais Bonnie avait continué de parler, estimant que c’était le rire habituel de la femme – il lui allait tellement bien. En revanche, elle sursauta lorsque la tasse se brisa dans la main de son invitée. Visiblement, elle l’avait énervée, même si elle ne savait pas encore pourquoi. Mais était-il besoin d’une raison particulière pour faire sortir Bellatrix Lestrange de ses gonds ? Sans doute pas. C’était justement pour cela qu’il était impossible de deviner par avance ses réactions. Bonnie s’apprêtait à s’enquérir de l’état de la main de la femme, car une tasse brisée ne pouvait pas ne pas laisser de séquelles, mais elle n’en eut pas le temps. Bellatrix ne semblait par ailleurs pas être blessée d’une quelconque façon, et prit la parole sur un ton particulièrement effrayant. Bonnie tenta tant bien que mal de ne pas broncher, même quand son invitée se leva et se pencha sur elle de toute sa hauteur, menaçante. Elle posa toutefois machinalement sa main sur la poche qui renfermait sa baguette, par réflexe, sachant pertinemment qu’elle ne ferait sans doute pas le poids face à une mangemort aussi expérimentée et déterminée.

Elle n’était pas sûre que la question appelât une réponse. En fait, la question était elle-même une réponse, et c’était non, évidemment. De toute évidence, Bonnie avait été trop présomptueuse en prétendant mériter les conseils de Bellatrix Lestrange, et elle risquait de le payer. Pour la deuxième fois de la journée, la jeune femme craignait pour sa vie, et la nouvelle remarque de la femme confirma que sa demande n’avait pas du tout été appréciée. Le cœur battant, une boule dans la gorge, elle tentait de se calmer pour pouvoir respirer convenablement tandis que la femme soulevait son menton, toujours aussi effrayante, sinon plus. Bonnie attendit la sentence, et celle-ci finit par tomber. Des paroles, uniquement des paroles, mais ces paroles étaient peut-être pires que des actes. Des mots atroces, ignobles, que Bonnie écoutait la mort dans l’âme, retenant avec difficulté sa bile qui tentait de faire une remontée dans son œsophage. Elle le savait depuis longtemps, elle avait beau être de sang-pur, avoir été éduquée comme telle, avoir reçu la marque des ténèbres, elle n’avait rien d’autre en commun avec ce milieu. Elle n’était pas cruelle, elle n’était pas un assassin. Elle était juste une petite princesse pourrie gâtée qui ne pensait au fond qu’à son propre confort, et à la rigueur à celui de ses proches.

Que pouvait-elle répondre à ça ? Devait-elle dire la vérité et avoir l’air ridicule face à l’assurance de Bellatrix, ou bien mentir et risquer, effectivement, de devoir faire ses preuves de la façon décrite ? Elle n’aurait déjà pas été prête à faire ça pour tous les gallions du monde, alors pour épouser Draco… Certainement pas. Heureusement, ce n’était pas Bellatrix qui décidait ou non de ce mariage, mais Lucius principalement, et Lucius ne lui demanderait certainement pas de réussir ce genre d’épreuve. Puisque quoi qu’elle fît, Bellatrix ne serait de toute façon jamais d’accord, autant être franche avec elle. « Non madame », répondit-elle d’un ton plutôt sec et péremptoire. « Je ne suis pas prête à me salir les mains pour de simples conseils. » Bien sûr, au fond d’elle, elle n’était pas si assurée que ça. Bonnie était plus vraisemblablement un modèle de lâcheté en général. Mais en l’occurrence, elle estimait ne rien avoir à perdre. « Je pensais vous prouver par cette demande que je tenais à Draco, mais il n’en est rien. » Elle essayait de ne pas reculer et de ne pas baisser les yeux, même si elle se sentait en grand danger. « Mais je vous remercie pour votre franchise, Madame », ajouta-t-elle avec un sourire presque sarcastique. « J’ai bien compris que vous ne vouliez pas m’apporter votre aide, qu’à cela ne tienne, je ferai mon possible, par moi-même, pour être une excellente épouse. Je ne pense pas avoir besoin de torturer des gens pour ça, même si ce sont de vulgaire moldus. Draco n’a certainement pas besoin de moi pour cela, je lui apporterai autre chose, de l’amour, pour lui et pour son fils, par exemple. » Elle allait peut-être se faire tuer, mais au moins, elle était fière de son plaidoyer. Elle n’était pas là pour être un homme de main pour Draco, et encore moins pour Bellatrix.
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Le regard de Bellatrix Lestrange se baladait sur Bonnie Rowle comme sur un désert aride que l’on découvre pour la première fois. L’ongle long de son index s’enfonçait dans le menton de la jeune femme avec une intensité nonchalante. Son observation était très claire, la secrétaire était une petite idiote, utile pour les Mangemorts comme chair à canon, inutile pour sa famille comme promise à Draco. Néanmoins, cela n’appartenait pas au choix de la tante du blondinet. Elle subissait le train de vie des Malfoy chaque jour avec une puissante aversion, ce qui n’arrangeait rien à son humeur. « Je crois avoir saisi » chuchota-t-elle en ne se retenant pas de postillonner sur le visage de l’autre femme. En effet, ses iris sombres avaient capté une information capitale dans la suite des événements.

Miss Rowle avait posé la maison sur sa baguette. C’était un geste de défense tout à fait commune chez les sorciers. Quoi de mieux qu’une vieille amie pour se préserver de quelqu’un qui urinait sur votre territoire, sans se donner la peine de vous faire croire qu’il pleut ?  Le réflexe était sans doute anodin mais pour Bellatrix Lestrange il prenait une saveur particulière. De sa gorge, elle sentit remonté le flot de salive qui accompagne l’appétit avec jubilation. Sa langue perfide vint humidifier ses lèvres de manière gênante. Elle lâcha le visage de Bonnie et se redressa de toute sa hauteur, un air hautain et supérieur habitant ses traits. Un sourire pervers illuminait le tableau clair-obscur qu’offrait la favorite du Maitre. « De nos jours, la Marque est vraiment attribuée à n’importe qui. » s’amusa-t-elle avant de pointer sa baguette de noyer sur la secrétaire de Rabastan Lestrange. Son petit speech sur l’amour qu’elle apporterait à Draco Malfoy était loin d’être convaincant. Cette jeunesse n’y comprenait donc rien et l’on s’étonnait de voir la pureté se mélanger davantage chaque jour. Un mariage d’amour, qu’elle idée totalement idiote. Préserver le sang demeurait la priorité des grandes familles de ce monde, il ne s’agissait en rien de copuler gaiement dans les prés en se pourléchant des mots amour et plaisir. Il en avait toujours été ainsi, point à la ligne. Alors ce n’est pas la petite Bonnie Rowle, à l’instinct de survie si défaillant et aux beaux discours de cour de récré, qui allait changer des convictions millénaires, bien ancrées en Bellatrix.

Elle n’avait pas apprécié le ton sec de sa proie. C’était un manque de respect évident, et cela la rendait las. Cependant, son bras restait tendu comme un arc, projetant la menace d’un maléfice imminent. Il n’y avait qu’à voir les flammes qui occupaient maintenant les iris de la Lestrange. C’était plus fort qu’elle, elle était obligée de faire du mal. L’amitié n’était pas vraiment son point fort. Tout prenait d’inutiles proportions. Rodolphus ou Narcissa serait parvenu à la distraire de sa démence suffisamment pour que ce qui allait suivre ne se fasse pas. Il n’y avait aucun intérêt à martyriser Bonnie. Après tout, elle n’était coupable que d’être au mauvais endroit, au mauvais moment. De plus, son allégeance transpirait au travers de tous ses pores. Rabastan demeurerait son modèle encore longtemps. Cette assurance que lui apportait ce bureau était bien loin de la cruauté gratuite qui avait infusé en l’ainée des Black depuis plus de cinquante ans. « Pour être une épouse, il faut apprendre à la fermer. » Le ton n’était pas sec, il était cassant et tombait comme un couperai. C’était le genre de parole après lesquelles on osait rien dire, par peur de l’explosion ou par la pudeur d’un enfant puni. Bellatrix sourit à pleine bouche en frissonnant par avance de plaisir.

Il y avait longtemps que ses lèvres n’avaient pas prononcé ce doux sortilège qui chantait à son oreille. Il avait fait sa légende, elle en était l’ambassadrice. Et, malgré elle, Bonnie Rowle s’était montré digne d’un honneur indicible. Sans cligner ses lourdes paupières, serrant la large mâchoire amusée, elle ressentait la magie entrainée de son estomac vers le noyer par cette impression d’allégresse. Une jouissance noire illumina ses traits durs. La favorite du Magister allait adorer briser Bonnie sans prendre la peine de la toucher. Elle ne voulait pas d’excuse, elle voulait juste lui rappeler que chacune dans cette pièce occupait une place très différente. Bellatrix Lestrange sembla presque avoir un orgasme quand elle formula hystérique :

« ENDOLORIS ».
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Il était très difficile de faire face à Bellatrix Lestrange. De toute son existence, c’était sans doute l’acte le plus courageux que Bonnie eût accompli, mais également le plus inconscient. Elle n’était pas dénuée de peur en cet instant-même, bien au contraire, elle tremblait d’effroi, et pour ne pas regretter ce qu’elle avait dit, elle s’efforçait de se convaincre que le résultat aurait été le même peu importe ses paroles. Bellatrix n’était pas une femme que l’on apprivoisait aussi facilement. Que l’on essaie de la caresser dans le sens du poil ou qu’on s’oppose à elle, si elle avait décidé d’être cruelle, elle l’était. Et Bonnie avait le sentiment qu’elle avait décidé de l’être avec elle, et quoi qu’elle eût fait ou dit cela n’aurait rien changé. Son regard et son sourire étaient explicites. À nouveau, Bonnie pria pour que quelqu’un entre dans le bureau à cet instant, et si possible Rabastan, qui interviendrait certainement immédiatement pour congédier Bellatrix non sans lui avoir passé un savon au préalable. Mais personne ne venait, la malchance faisait qu’elle se retrouvait désespérément seule face à la cruelle mangemort. Alors, elle tenta de se rassurer en s’agrippant à sa baguette, même si elle voulait éviter d’avoir à l’utiliser.

Les paroles de Bellatrix furent glaçantes et ne rassurèrent en rien la jeune femme, qui sortit sa baguette juste avant d’être menacée par celle de son interlocutrice, dans l’espoir dérisoire de la réfréner. Sauf que l’on ne réfrénait pas Bellatrix Lestrange et que lever une baguette sur elle était non seulement inutile, mais l’encourageait de surcroît. Elle la rabaissa donc, pour ne pas aggraver son cas, résignée. Peut-être la sorcière la menaçait-elle simplement pour lui faire peur. Peut-être n’allait-elle rien faire au fond, après tout, c’était un lieu de travail. Mais son injonction était sans appel, Bonnie avait trop parlé et elle allait payer pour ça, pour s’être mise à l’aise un peu trop facilement et avoir cru qu’elle pouvait amadouer une mangemort indomptable. Elle avait été trop présomptueuse et ridicule, de toute évidence. S’était-elle attendue à ce qui allait suivre ? Il lui sembla que oui, il lui sembla que cette idée était déjà parvenue à son esprit depuis que Bellatrix avait levé sa baguette. Elle savait ce qu’elle allait devoir subir, et pourtant, elle n’avait rien fait pour l’empêcher. Ou plutôt, elle avait tout fait pour, s’efforçant de ne pas réagir à la provocation. Mais c’était beaucoup trop tard pour se repentir, et le sortilège impardonnable la frappa de plein fouet.

Bonnie n’avait jamais été maltraitée dans sa vie. Elle avait toujours été élevée comme une petite princesse, gâtée. Certes, son père s’était toujours montré strict et sévère avec elle, voire méprisant car elle était une fille, mais il n’avait jamais levé la baguette sur elle – c’était bien inutile, elle s’était toujours montrée docile avec lui. Dans les différentes missions qu’elle avait pu avoir dans son rôle de mangemort, elle avait toujours été aidée et protégée par quelqu’un, qu’il se fût agi de Rabastan ou de Rodolphus, voire de son propre père. Elle n’avait même pas eu à verser elle-même le sang. Elle vivait dans un cocon, une cage dorée, aseptisée. Par conséquent, la douleur qu’elle ressentit quand le sort s’abattit sur elle était incommensurable. Ce fut comme si elle était subitement devenue une boule de chair à vif plantée par des lames affûtées, brûlée par des tisons ardents, déchirée par des griffes acérées. Elle ne sut pas si elle était en train de hurler ou non. Elle n’entendait rien d’autre que sa propre souffrance, son insupportable agonie. Elle avait oublié où elle se trouvait, et même qui elle était. Et quand enfin le mal s’arrêta, elle mit quelques secondes avant de retrouver ses esprits et de comprendre qu’elle était allongée sur le sol, en nage.

Péniblement, elle parvint à se redresser, à se relever même, en prenant appui sur sa chaise, et se laissa tomber dedans, exténuée, tremblante d’émotion et de peur. Elle ne voulait pas vivre ça deux fois, non, jamais, et n’osait même plus regarder Bellatrix en face, trop terrorisée pour ça. De toute façon, elle n’y voyait rien, sa vision était trouble, obstruée par quelque chose qu’elle identifia comme des larmes au bout d’un instant, les essayant alors d’un revers de manche. « Vous n’aviez pas le droit », voulut-elle dire, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle était comme paralysée, tétanisée. Elle se racla la gorge avec difficulté pour arriver à parler, avisa sa tasse de thé encore à moitié pleine, l’attrapa pour en boire une gorgée. Le thé était tiède à présent mais cela lui fit du bien malgré tout. « Je vous en prie… » réussit-elle enfin à articuler, « laissez-moi tranquille. » Son ton n’était pas implorant, il était traînant, las, comme si elle réclamait qu’on l’achève enfin pour ne plus avoir à endurer son sort. Elle ne voulait plus de Bellatrix dans son champ de vision, elle avait besoin de reprendre un peu de force, mais surtout d’être seule.
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Etirant ses zygomatiques douloureusement, la gymnastique du visage de la sorcière n’avait rien d’un hasard. Vouloir faire le mal et y prendre plaisir demeurait dans son essence comme le trait principal de sa démence. Bellatrix Lestrange n’y allait pas par quatre chemins et ce pour en faire davantage une fois son sortilège fétiche usé et abusé. C’était à croire qu’il n’existait rien d’autre dans le paysage de ce bureau que la souffrance et la cruauté d’une veuve noire. Bientôt, le sourire carnassier laissa la place à une expression très sérieuse et animée d’une intense concentration. Comme à chaque fois, elle enregistrait le mouvement des membres meurtris dans son immense mémoire pour ne pas oublier, comme un collectionneur passionné par les timbres des hiboux postaux. La douce mélodie des cris effleura encore une fois ses tympans délicats, écarquillant davantage ses yeux fous aux pupilles dilatées. C’était une joie malsaine, une jouissance presque sexuelle que d’être l’instigatrice d’une indicible torture. En jetant ce genre de maléfice, elle intériorisait bien mieux ce pourquoi Rodolphus était fou d’elle. Il y avait une élégance nauséabonde chez l’ambassadrice de l’Impardonnable. Son courroux devait être redouté. Certains étaient devenus fous en s’y frottant, comme les Londubat.

Les Londubat avait eu le malheur de ne pas parler. Ces Aurors de pacotilles, surtout la pitoyable Alice, faisaient pâles figures dans les souvenirs de l’épouse Lestrange. Et dire que ces idiots d’insurgés les avaient encore à l’esprit comme de fabuleux résistants… Muets, il n’en avait pas moins imploré les Mangemorts de les épargnés. L’ainée des Black se souvenait de cette clémence qui avait retint sa baguette de noyer. Ils avaient été rendus à la vie, un peu amochés sans doute. Leur maudit fils pouvait geindre encore longtemps. Désormais, aucune vie ne résidait dans leurs corps vidés de toute substance. Cet épisode de guerre aurait fait pâlir plus d’un Détraqueur. « Un sort pire que la mort » était la formule utilisée par les sorciers de l’angélisme dépassé. On qualifiait Bellatrix Lestrange de sorcière dérangée. Sincèrement, les inconscients étaient ceux qui se trouvaient sur son chemin. Cela avait toujours été comme cela. Pourquoi se mentir ? Dans l’Angleterre du Magister, sa loyauté la rendait plus censée que n’importe qui. Bien plus censée que cette petite Bonnie Rowle, secrétaire de Rabastan et petite prétentieuse bien trop bancale. C’était à se demander la raison de la visite de Bella dans ce bureau ridicule. Le petit Rabby était trop occupé pour sauver ses protégés. Elle n’espérait que son entrée pour pouvoir lui montrer qui était aux commandes, même si la sorcière ne possédait aucune belle pièce bien meublée dans ce ministère. C’était le bras armé contre les bureaucrates, ces nantis du système réfugiés bien loin du quotidien pour insuffler la Terreur dans les esprits.

Le Doloris fut rompu aussi facilement que l’on écrase un niffleur en le transperçant d’un talon aiguisé. Bellatrix Lestrange pouvait parler d’expérience sur ce point. Avant les humains, maints animaux avaient souffert. Néanmoins, devant sa proie actuelle, elle ne pouvait que murmurer une chanson n’ayant aucun sens. Elle s’approcha de la jeune femme en la laissant supplier. Oui, la Favorite du Maitre allait partir, parce qu’elle avait perdu son temps. Elle toucherait deux mots à son neveu concernant la faiblesse de sa future épouse et la nécessité de la soumettre pour éviter toute défection de dernière minute. Il fallait avouer que cette entrevue avait inspiré l’ainée des Black. « Vous êtes encore trop douce Miss Rowle. » Ses longs doigts fins vinrent caresser la joue ferme de la secrétaire ; elle la regardait de cet air fasciné,  adressé aux cafards écrasés, encore agités par des spasmes nerveux. C’était sans doute encore plus inquiétant. Courbant l’échine, elle approcha son visage de celui de son hôte, déglutissant la salive abondante qui noyait encore sa langue d’excitation. « Je crois que nous en avons fini ». Sa moue d’enfant attardé était insupportable. Elle rejeta délicatement une mèche de Bonnie imbibée de sueur derrière son oreille, comme l’on s’occupe d’une fillette qui a la fièvre. « Il faut toujours se soumettre à Bellatrix Lestrange » vint-elle chuchoté près de l’oreille de sa victime essoufflée, comme une confidence qui venait servir de morale à la fin de leur conversation « Tout est de ta faute charmante petite fille. Il faut se fâcher sur les enfants impolis même si on les apprécie un peu, n’est ce pas ? ». Ses lèvres sèches se posèrent en un baiser sur le front de Bonnie avant de s’étirer en un rire gras. Se dirigeant vers la sortie en flânant innocemment, Bella fit tomber une pile de document d’un geste faussement distrait avant de disparaître dans le couloir, un peu déçue que Rabastan ne soit pas venu la voir, elle qui avait fait le déplacement. Au moins, elle s'était trouvé une nouvelle poupée. Ciel qu’elle adorait les mondanités.
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