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Once you're mine there is no going back



A dire vrai, la présence de Juno en ces lieux ne me plaisait guère et je n'avais pas prévu d'y être confronté de sitôt. Non, la mort de Vyk' était encore trop proche de moi, trop proche de cette maison. Son odeur courrait encore sur les murs et j'avais l'impression de l'entendre rire au coin du salon. Je n'aurais qu'à passer ma tête par l’entrebâillement de la porte en bois pour la voir affalée sur la causeuse, un grimoire entre les mains et sa plume à papote sur la table, retranscrivant avec vitesse chacune de ses recherches. Je n'aurais qu'un signe de la tête à faire pour qu'elle ne me remarque et me montre un de ses plus beaux sourires. Souriante, elle l'avait toujours été. Un sourire franc, de ceux qui naissent dans le cœur des russes de sang et d'âme. J'avais aimé Vyktoria, je l'avais profondément aimé. De ces amours de jeunesse qui rivalisent de passion et de fougue. Mais on me l'avait prise. Azkaban lui avait tué l'homme qu'elle aimé et la prison des sanglots m'avait arraché toute possibilité de l'aimer autant que je ne l'avais fait jusqu'à présent. Cette prison avait tout foutu en l'air. Mais même après cela, elle était resté auprès de moi, elle avait tout tenté pour me remettre d'aplomb, pour faire de moi l'homme que j'avais été un jour. Elle m'avait aimé, deux fois plus, un peu trop. Elle m'avait finalement donné une petite fille après deux fausses couches qui l'avaient épuisés. Ma petite Nikita était tout ce qui me restait de Vyktoria, de cet amour déchu. Elles me manquaient, toutes les deux. Elles me manquaient terriblement. Encore plus maintenant qu'une femme se retrouvait dans le hall de ma demeure. J'eus ce sentiment virulent qu'elle n'avait rien à faire là, que Juno n'aurait jamais dû franchir le seuil de cette maison...avant de recouvrer mon calme. Si elle était là, c'était à cause de moi. Si j'avais déboursé autant, c'était pour des raisons que je gardais mienne pour le moment, elle en savait déjà trop grâce à son don et mes changements d'humeur constants ne pouvaient lui échapper.

Peut-être avais-je fait une erreur en l'achetant. Peut-être aurais-je dû la laissé au bon soin de cet autre mangemort à la réputation aussi funeste que la mienne mais, qui lui, ne lésinait pas devant la violence quotidienne et gratuite. Surement l'aurait-il déjà tué.

« Vous m'avez dit de ne pas prétendre connaître Azkaban et ses blessures... »

Je fixais mon regard dans le sien. Leurs couleur similaire m'amusait autant qu'elle m'hypnotisait. Autant de rage, autant de désir de vengeance. Je reconnaîtrais ces flammes dans n'importe quels yeux. Ce feu ardent qui lèche quotidiennement les entrailles et qui hurle "vas-y ! vas-y ! Venges-toi donc ! Fais-le !"...j'avais déjà trop cotoyé ces brasiers pour ne pas savoir qu'elle fera tout pour atteindre son but. J'allais devoir faire attention, mais un peu plus, un peu moins, n'allait pas changer mon quotidien. Juno allait potentiellement devenir dangereuse une fois que je l'aurais retapé.
Mais attention petite lionne, les crocs du dhole frappent plus fort qu'un lionceau désespéré.
Ainsi donc me parlait-elle d'Azkaban et de mon petit éclat fait quelques minutes auparavant au Ministère. Soit, je lui avais conseillé de la boucler par rapport à Azkaban. N'avais-je pas raison ? Elle était similaire à ces jeunes délurés qui prétendent tout savoir de la vie alors qu'il n'en ai rien. A l'instar de ces enfants qui prétendent connaître la souffrance profonde et perfide après s'être écorché le genoux. S'était exactement ça. Juno s'était écorché les jambes, là où l'ont m'avait arraché la peau chaque jour d'avantage.

« Vous avez été à Azkaban, vous aussi. »

Je soulevais mon sourcil gauche. Bravo ma petite dame, magnifique conclusion. N'était-ce pas évident ? Je lui aurais bien cracher que oui, que j'avais été à Azkaban moi aussi. J'aurais bien pris un malin plaisir à me remémorer chaque torture, chaque minute d'agonie et de dépression vécue entre ces murs...histoire de les lui faire ressentir, plus fort encore. Mais non, je n'allais pas le faire. Je me contenter de la regarder. Elle, pauvre idiote, qui venait désormais de pénétrer dans ma demeure. Elle avait dans ses mains une paire de clé dont elle n'avait même pas la connaissance. Le bruit de mastication des deux chiens s'amoindrirent avant de disparaître. Je tendais ma main derrière moi, mon regard toujours fixé dans celui de la demoiselle. Je sentis Ramses déposer délicatement son crâne dans ma paume alors que je me mis à le flatter. Brave bête. Osiris se montra plus dissident et alla s'adosser à la jambe fragile de Juno. Je ne lui en tins pas rigueur, les chiens avaient toujours d'avantage tendances à approcher les causes perdues, tout comme les chats allaient plus facilement s'allonger aux côtés des personnes mourantes. Comme pour accompagner les dernières journées, les derniers instants.

« Ce sont des bergers australiens, non ? » me demanda-t-elle avec un sourire bouffé de mélancolie qui me surpris l'espace de quelques instants. Elle était impossible. Il n'y a même pas une heure elle me hurlait et crachait au visage tout le venin dont elle était détentrice, autant dire pas des masses, et désormais elle me souriait comme si tout cela lui rappelait de nombreux souvenirs.
« C'est exact. Celui près de vous se prénomme Osiris. Celui-là, c'est Ramses. » lui dis-je, de sorte qu'elle ne reste pas des heures sans savoir comment ils s’appelaient. Ça me tenait à cœur, me demandez pas pourquoi.  « C'est ma fille qui... » commençais-je avant de me taire, de cesser court à la conversation. Ma fille....ma belle petite fille, prisonnière en ce moment-même. De quel droit je me permettais de rester là à bavarder alors que ma fille m'attendait dehors, là, quelque part ? Elle devait avoir froid, elle devait être effrayé et moi, son père, je restais là à causer chien avec une insignifiante née-moldue ! Je ne pouvais me permettre de rester occupé par des sottises plus longtemps ! Je repoussais doucement mais de façon décidé Ramses de mes côtés avant de siffler Osiris. Les deux frères se relevèrent, d'un claquement de doigts je désignais le salon où ils s’engouffrèrent sans demander leur reste.  « Tu as quartier libre jusqu'à mon retour. La salle d'eau et au fond du couloir si tu veux bien avoir l’obligeance de ravaler un peu ta façade. » lançais-je en reprenant ma cape que je rattachais, enfilant à nouveau mes gants et sortant de la maison en quelques secondes à peine. Je sortis ma baguette afin de réitérer les sorts de verrouillage et transplana pour la forêt écossaise. C'est là-bas que j'avais repéré des traces d'un ancien camp d'Insurgés il y a de cela deux jours. Peut-être pourrais-je y trouver d'avantage cette fois-ci alors que le jour n'était pas prêt de se terminer, m'offrant une vue nette sur les traces et les indices présents.

± ± ±

Le soleil commençait à perdre de sa splendeur lorsque mes pieds frôlèrent à nouveau l'allée de ma demeure. J'étais partie en fin de matinée et c'est en début de soirée que je daignais revenir. Mais mes occupations ne regardaient personne d'autre que moi. Je n'avais pas avancé des masses, à vrai dire je manquais cruellement de matière pour traquer ce groupe d'Insurgés. Savoir combien ils sont m'aiderait déjà beaucoup et les restes de leur camp ne me donnait malheureusement pas les informations nécessaires. Je rentrais donc bredouille, déçu et contrarié par mon échec. Je pénétrais dans la maison, un paquet sous le coude. J'entrais dans la salle à manger, vide. Bien. Je déposais le paquet qui contenait des vêtements propres (dont une robe de sorcière de bonne qualité ainsi qu'une paire de chaussure banale) sur la table à la place qu'occupera Juno. Je retirais ma cape, mes gants et retourna les déposer sur le meuble de l'entrée. Je levais les yeux vers la grande horloge murale. Dix-neuf heure. Je passais une main sur mon visage avant d'entrer dans le salon et de faire face à Juno. « Ah...je t'avais presque oublié toi. » dis-je d'un ton faussement sérieux. Ouai, parfois j'avais des sursauts d'humour pas drôles, c'est comme ça.
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Sabal Ҩ Juno
« Être un Rebut, c'est chiant, mais être un Rebut Empathe, ça l'est encore plus, beeeuh »


Si je révèle qu'elle est déjà lasse de ses regards meurtriers et de son aura sinistre, on penserait que sa reddition est proche. Pourtant, c'est le cas. L'eau glacée revigore son esprit, lui fait prendre conscience de l'énormité de son erreur ; son long séjour à Azkaban lui a ôté ses griffes et le dhole est indomptable, insondable, surprenant. Qu'est-elle en mesure d'accomplir, éloignée de ses principaux outils vengeurs, cloîtrée entre quatre murs sans espoir de sortie ? Rien ne semble pouvoir émouvoir son maître. Juno aimerait se laisser aller à l'abandon, garder la tête dans l'eau froide et pure pour apaiser le brasier qui met ses entrailles à vif.

Mais sa curiosité maladive l'a poussée à tenter d'apercevoir les scarifications sur son dos ; appuyée sur le rebord du lavabo, les cheveux relevés et le cou bizarrement tordu, elle a pu contempler le souvenir des jours passés à supplier et à sangloter dans sa cellule obscure, maculée de sang. Et sa haine est revenue, plus vive que jamais.

« J'ai une promesse à tenir, déclare-t-elle soudain à son reflet dans le miroir. »

Ses grands yeux noirs scrutent sa peau devenue rosâtre ; toute la crasse accumulée, toute la souffrance amassée çà-et-là sur les prisonniers d'Azkaban, l'ont rendue folle au point qu'elle a frotté, frotté, frotté jusqu'à comprendre qu'elle ne pourrait disparaître ainsi. Elle désespère, les mains crispées sur la faïence glaciale. Elle est plus jolie qu'elle ne le pensait, sans sa peau maculée de poussière et de boue. Ses cheveux ruissellent dans son dos, les gouttes traçant un sillon le long de sa taille mince, continuant leur chemin sur le galbe de ses cuisses. Une sombre naïade aux yeux graves. Ainsi isolée de la rage du dhole, Juno comprend qu'elle n'est qu'une carcasse vide de toute émotion tant elle a versé de larmes pour son sort. Désespoir et nihilisme forgent sa nouvelle identité. La jeune femme éponge son corps tremblant avec lenteur, comme si elle craignait de le briser de ses propres mains puis, elle se résout à porter de nouveau ses loques de Rebut. Cette sensation libératrice de propreté n'a duré qu'un instant. Juno perçoit les halètements d'Osiris derrière la porte. Le chien semble s'être décidé à la poursuivre où qu'elle se réfugie. Osiris, Ramses... La voix du dhole résonne encore étrangement à ses oreilles.

« C'est exact. Celui près de vous se prénomme Osiris. Celui-là, c'est Ramses. C'est ma fille qui... »

Une fille ? Qui a bien pu s'étendre sous le dhole pour lui donner un enfant ? Alors, peut être a-t-il déjà pu aimer, peut être a-t-il donné son cœur à une femme qui l'a emporté avec elle dans la tombe, le lui ôtant à jamais. Juno s'interroge surtout sur leur disparation ; aucun cri, aucun pleur et aucun rire ne troublent le silence de la demeure. Seul le dhole et sa meute semblent peupler l'espace vide de cette grande maison. Seraient-elles mortes toutes les deux ? Un court moment, Juno est prise de pitié pour cet homme esseulé, portant le deuil des deux seules femmes de sa vie... Mais un ennui profond étouffe cette vague de bons sentiments envers son maître. Ce serait trop facile de le pardonner pour le désert de sa vie affective. Elle enquêtera plus tard sur les traces de la fillette dans la maison. Sa mort doit être récente. Et son passage à Azkaban doit être bien antérieure à celle-ci. S'il ne l'a pas clairement avoué, la surprise qui a marqué ses traits est une réponse suffisante pour la jeune femme. Mais elle a aussi compris qu'il ne faudrait plus évoquer cette période de sa vie, ou du moins, un peu plus subtilement.

Sa journée défile donc de manière monotone ; Juno reste assise sur un canapé, face à la fenêtre, pour guetter le retour de son maître. Osiris ne la quitte plus. Il s'est endormi contre elle, sa tête lourdement posée sur les cuisses de la jeune femme ; alors, elle aussi, elle laisse Morphée l'enlever à sa triste existence et lui procurer le plus profond et le plus doux des sommeils. Elle gît le visage paisible, recouvert par le long rideau de ses cheveux noirs, les lèvres entrouvertes sur sa respiration lente et une main négligemment posée sur Osiris. Aucun fantôme du passé ne vient la hanter, cette fois, mais des larmes d'épuisement se glissent entre ses paupières, roulent sur ses joues fraîches. Quand la porte d'entrée claque, un sursaut brusque l'arrache à ses chimères. Elle s'étire en silence, essuie ses yeux rougis et passe les doigts dans ses cheveux ébouriffés.

« Ah...je t'avais presque oublié toi. »

Juno se tourne vers le dhole et sent de nouveau la colère s'infiltrer dans ses veines, corrompre sa mélancolie. Elle tente de lutter. Un sourire doux et timide étire ses lèvres pleines avec hésitation. Les apparences sont trompeuses ; en vérité, c'est la lionne qui retrousse les babines.

« Je pensais vous avoir marqué plus que ça, répond-elle en baissant les yeux sur Osiris. »

Le chien a recommencé à lui lécher les mains avec attention, la queue battant l'air furieusement. Juno se détourne de son maître, préférant donner les caresses aimantes qu'elle a tant de fois voulu offrir de nouveau à Nicephore. Mais il est déjà bien loin, trop loin pour qu'il entende ses regrets.

« Puisque je ne peux pas accéder aux cuisines ni à l'étage – ce qui signifie que je ne ferais ni les repas, ni le ménage partout –, à quoi vais-je vous servir pendant tout ce temps ? interroge-t-elle d'un ton soupçonneux. Vous ne ferez que tenter d'apposer votre volonté sur moi ? Comme vous l'avez fait avec la marque...? Je veux dire que, vous avez quand même compris que c'était inutile de tenter quoi que ce soit ? Et puis, merde. Vous ne méritez pas une Rebut comme moi ; vous auriez dû prendre la jolie petite blonde juste avant moi, elle, elle avait l'air docile. C'est à croire que je fais tâche partout où je suis... Attendez avant de dire quoique ce soit – ce n'est pas un ordre, c'est un conseil, vous vous doutez bien que je n'oserais jamais donner un ordre à mon maître. Je veux vous raconter quelque chose et après, je n'ouvrirai plus jamais la bouche. Je vous le promets – quoique la parole d'une Sang-de-Bourbe, ça ne compte pas selon vos collègues. (Un rire mauvais la secoue.) Vous devez sûrement être bercé par mon blabla incessant, comme eux... Il cessera bientôt, oui... Peu importe ce que vous pensez de moi ou ce que vous comptez me faire après... Molestez-moi si ça vous chante, j'ai enduré le fait d'être un défouloir pendant deux ans. »

Un rictus douloureux se fiche au coin de ses lèvres. Ce n'est pas une tentative désespérée d'atteindre le dhole, mais bien de lui faire comprendre que plus rien ne la fera plier. La jeune femme est déjà plus bas que terre. Les actes de son maître ne l'entraîneront que six pieds en dessous.

« Oui, c'est ça, j'ai enduré les coups, les insultes et les menaces pendant deux ans alors quelques années de plus... Qu'est-ce que ça peut me foutre ? Rien ne pourra être pire qu'Azkaban. J'ai compris que vous ne voulez pas parler de votre expérience là-bas et je le concède. Pour une personne normalement constituée, résister à ça, c'est... difficile. Et encore, ce mot est faible. C'est celui qui est écrit dans tous les bouquins, mais ce qu'on devrait vraiment nous dire, c'est que l'Enfer paraît bien doux à côté d'Azkaban pour les gens normaux. Pour un Empathe, c'est... indéfinissable. Vous combattez vos démons, mais aussi ceux des autres. Et... Je ne suis pas devenue folle. Pas autant que j'aurais dû l'être. Vous comprenez ce que je veux dire ? Je ne le dirais pas à haute voix. Quoique... Que je le dise ou pas, si vous avez compris, je le paierai de la même manière. Si Azkaban ne m'a pas détruite, vous ne le réussirez pas non plus, et c'est d'une logique implacable qui semble vous avoir complètement échappé. Je suis vôtre physiquement, mais si les Détraqueurs n'ont pas eu mon âme, vous ne l'aurez pas non plus. Ce n'est pas... Une tentative futile de rébellion. Ce que je vous dis, là, ce sera notre quotidien si vous voulez toujours de moi... de mon don. De moi ? Vous l'avez entendue, celle-là... (Elle rit encore, un peu plus sombrement.) Putain, je sais même plus où je voulais en venir à l'origine. Ah, si. Pendant votre absence, je me demandais comment il fallait vous poser cette question pour que vous y répondiez, même si j'ai pensé que c'était trop indiscret, mais j'aimerais quand même savoir : vous avez évoqué la présence d'une petite fille alors où est-elle ? »

Son monologue se termine ainsi, et tandis qu'elle lève des yeux durs et inquisiteurs vers le dhole, elle songe que cette dernière question était bien sa dernière. Maintenant, il ne se confrontera qu'à son mutisme et son regard noir.
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Once you're mine there is no going back



Je commençais réellement à m'inquiéter pour Nikita. Je ne savais pas où elle était réellement, je n'avais que des pistes et ce n'était pas assez. Non, il fallait que je la trouve maintenant et tout de suite. Cependant le clair de lune ne ferait que me ralentir, je n'étai pas saut. Je n'avais pas encore assez d'informations en ma possession pour être capable de les surprendre sur le lieu de campement en pleine nuit. Mais une fois que je saurais qui ils sont, combien ils sont et où ils sont, alors là la cape nocturne sera ma meilleure alliée et je fonderais sur eux tel un loup qui s'abat sur les brebis égarées. Car ils n'étaient rien de plus que des brebis et j'étais déjà bien plus dangereux qu'un loup. Je ne prenais pas le risque de promettre de les laisser en vie, de simplement récupérer ma fille. Car une fois la petite dans mes bras, une fois que la situation sera à mon avantage et que l'un d'eux se retrouvera face à ma baguette et ma rage...je ne pouvais promettre de m'en aller comme une ombre. Non, j'anéantirais leur campement et leurs piètres existences comme un ouragan déferlant sur les terres arables. Car tel était ma mission en temps qu'homme au service du Magister. Je me devais d'éradiquer toute menace qui viendrait contrecarrer ses moindres désirs. Ainsi il me fut demandé d'effacer un opposant politique tout comme je fut missionner d'abattre un revendeur de basse réputation. Mes cibles et leurs attributs changeaient sans cesse. La journée sur le terrain, à traquer, à courir. La nuit à chercher milles et unes informations, à chasser une toute autre sorte de gibier.

La vie d'un homme n'est pas difficile à prendre, en cela un aveugle ferait peut-être un meilleur travail que moi car il ne verrait pas leurs yeux...C'était ces yeux qui me hantaient, c'était ces expressions de surprise et de peur profonde. Tout le monde a peur de la mort, tout le monde a peur de partir sans avoir pu finir ce qu'il voulait faire. Peur de ne plus voir ses proches, peur de ne pas avoir accompli ses rêves, peur de la douleur, peur de ce qu'il pouvait y avoir après. J'avais peur de mourir. C'est pour cela que la folie m'avait pris au bout de ces quatorze années passaient à me cogner l'arrière du crâne contre la pierre rugueuse, à m'enfoncer les ongles dans la chair, à perdre la raison. Parce que je refusais de crever et que la folie n'était alors plus que la seul initiative.

Je sortis de mes pensées sombres lorsque mon regard obscure se posa sur Juno. Je remarquais bien vite qu'elle avait fait comme je le lui avait dit, elle s'était lavée. Et je devais avouer qu'elle était déjà moins désagréable à regarder, peut-être même un peu moins agaçante. Mais ça, c'était parce qu'elle n'avait pas encore ouvert la bouche présumais-je. Et je présumais juste. Ses cheveux sombres, coiffés, déferlaient le long de ses épaules claires et de son dos que je savais meurtri. Simplement déduction et il ne fallait pas être stupide pour ne pas comprendre la raison de son appréhension à être marqué sur l’omoplate. De plus, comme toute prisonnière avant d'intégrer Azkaban, elle avait été torturée. Par un de mes collègues, car je n'avais jamais entendu parler d'elle avant d'entrer dans cette salle aux enchères courant de la matinée. La torture, mon art de prédilection. C'était funeste et sordide, je le savais. Mais ça avait été ma seule échappatoire, ma seule possibilité pour être au service du Lord et retrouver ma place de Mangemort en bonne et du forme. Mon dévouement pour la cause m'avait fait quitté le bastion familiale russe, il m'avait fait quitté des centaines de souvenirs malheureux et m'avait offert une vie trépidante, ardente et pleine d'action.  Du point de vue de la morale, je n'étais foncièrement pas du bon côté mais de celui des méchants. Et honnêtement ? Cela me convenait parfaitement. Rien ne me ferait changer de camp, mon allégeance s'était scellé par quatorze ans de prison et de torture quotidienne...je ne pouvais plus changer après tout ça, cela m'était impossible. Et pour quoi ? Partir gambader dans la foret en ruminant des plants de renversement politiques qui ne se verront jamais couronnés de succès ? Non merci. Les yeux de la jeune femme face à moi me scrutèrent. A ses yeux rougis, je devinai qu'elle avait dormi. Le repos. Le calme repos après des mois d'entrainement dans un lieu sordide et deux années dans une prison où le sommeil ne venait jamais. Le repos convoité pendant les nuits d'insomnies et de douleur. Ici, au sein de ma maison, elle avait pu se reposer. Parfait, son temps d'adaptation n'avait pas été long. Peut-être qu'elle serait plus apte à comprendre qu'elle avait plutôt intérêt à faire comme je dis et se contenter de sa situation, plus qu'enviable, plutôt que de geindre, se plaindre et se rebeller sans cesse contre moi.
« Je pensais vous avoir marqué plus que ça»
Et elle avait de l'humour par-dessus le marché ! Splendide, non, peut-être n'était elle pas dénue de tout intérêt finalement. Je laissais tomber mon regard sur Osiris qui ne cessait de s'adosser contre elle. Je devinais qu'il ne l'avait pas quitter de la journée. Tant mieux, car ce serait son seul ami dans cet maison. Je ne jouerais pas à m'acopiner avec ma rebut, je ne m'amuserais pas à en savoir plus sur elle, je m'en fichais. Si elle était là c'était...ouai, c'était pour son don. Bien que soudainement je ne pu réellement dire en quoi il me serait utile. Je n'allais pas en faire une rafleur, de toute façon c'était hors de question que je commence à ne lui donner une quelconque importance. Elle était là, c'était tout. C'était déjà assez. Je pensais que la soirée s'annonçait bien, que Juno avait décidé de rester calme pour le reste de la soirée. Malheureux que je fus de croire une telle sottise car déjà elle ouvrait la bouche pour mon plus grand déplaisir.

« Puisque je ne peux pas accéder aux cuisines ni à l'étage – ce qui signifie que je ne ferais ni les repas, ni le ménage partout –, à quoi vais-je vous servir pendant tout ce temps ? Vous ne ferez que tenter d'apposer votre volonté sur moi ? Comme vous l'avez fait avec la marque...? Je veux dire que, vous avez quand même compris que c'était inutile de tenter quoi que ce soit ? Et puis, merde. Vous ne méritez pas une Rebut comme moi ; vous auriez dû prendre la jolie petite blonde juste avant moi, elle, elle avait l'air docile. C'est à croire que je fais tâche partout où je suis... Attendez avant de dire quoique ce soit – ce n'est pas un ordre, c'est un conseil, vous vous doutez bien que je n'oserais jamais donner un ordre à mon maître. Je veux vous raconter quelque chose et après, je n'ouvrirai plus jamais la bouche. Je vous le promets – quoique la parole d'une Sang-de-Bourbe, ça ne compte pas selon vos collègues.  Vous devez sûrement être bercé par mon blabla incessant, comme eux... Il cessera bientôt, oui... Peu importe ce que vous pensez de moi ou ce que vous comptez me faire après... Molestez-moi si ça vous chante, j'ai enduré le fait d'être un défouloir pendant deux ans. »

C'était vrai. J'aurais dû prendre la petite blonde avant elle. Mais la facilité ce n'était pas mon truc. Ainsi venait-elle donc de me conseiller, presque ordonné, de l'écouter sans l'interrompre ? Soit, cela je pouvais le faire. Je vins alors m'asseoir sur le fauteuil face à ma petite rebut et ouvrit grand mes oreilles. Ô qu'elle fasse attention, qu'elle choisisse bien ses mots si elle ne voulait pas attiser mon courroux et ma colère. Je n'étais clairement pas d'humeur à entendes bêtises alors que ma fille se retrouvais dans le froid au dehors sans personne pour la protéger.

« Oui, c'est ça, j'ai enduré les coups, les insultes et les menaces pendant deux ans alors quelques années de plus... Qu'est-ce que ça peut me foutre ? Rien ne pourra être pire qu'Azkaban. J'ai compris que vous ne voulez pas parler de votre expérience là-bas et je le concède. Pour une personne normalement constituée, résister à ça, c'est... difficile. Et encore, ce mot est faible. C'est celui qui est écrit dans tous les bouquins, mais ce qu'on devrait vraiment nous dire, c'est que l'Enfer paraît bien doux à côté d'Azkaban pour les gens normaux. Pour un Empathe, c'est... indéfinissable. Vous combattez vos démons, mais aussi ceux des autres. Et... Je ne suis pas devenue folle. Pas autant que j'aurais dû l'être. Vous comprenez ce que je veux dire ? Je ne le dirais pas à haute voix. Quoique... Que je le dise ou pas, si vous avez compris, je le paierai de la même manière. Si Azkaban ne m'a pas détruite, vous ne le réussirez pas non plus, et c'est d'une logique implacable qui semble vous avoir complètement échappé. Je suis vôtre physiquement, mais si les Détraqueurs n'ont pas eu mon âme, vous ne l'aurez pas non plus. Ce n'est pas... Une tentative futile de rébellion. Ce que je vous dis, là, ce sera notre quotidien si vous voulez toujours de moi... de mon don. De moi ? Vous l'avez entendue, celle-là... Putain, je sais même plus où je voulais en venir à l'origine. Ah, si. Pendant votre absence, je me demandais comment il fallait vous poser cette question pour que vous y répondiez, même si j'ai pensé que c'était trop indiscret, mais j'aimerais quand même savoir : vous avez évoqué la présence d'une petite fille alors où est-elle ? »

Je l'avais écouté attentivement et, avec une grande surprise, je ne fut pas pris d'une violente envie de la faire taire. Non, à vrai dire, je n'étais même pas fâché. Elle venait de faire son plaidoyer, soit, qu'elle le fasse, cela n'allait pas changer mes plans. En avais-je seulement ? La raison de son achat me parut bien vide très bancale. Peut-être l'avais-je simplement acheté par volonté pur d'acquisition ? Une pauvre brebis blessée parmi le champ de loups. Je voulais l'avoir à moi seul pour pouvoir la dévorer plus tard. Oui, je me ferais un plaisir de la détruire si jamais elle ne cessait pas cette façon irritante de se faire passer pour une combattante, une guerrière blessée par ses pauvres deux petites années passées à Azkaban. Je pris néanmoins sur moi pour ne pas m'énerver car sa question me figea sur place. Je me sentis alors profondément faible, comme attaqué. Non, elle ne pouvait pas parler de Nikita ausi facilement. Elle...elle n'avait pas le droit de me demander pourquoi elle n'était pas là. Ses mots me heurtèrent tout autant que si ils étaient des poignards couverts de venin. Nikita...ma petite fille...Je tournais mon visage vers la cheminée, là où trônait trois cadres photos où des images animées y étaient entreposés. Sur l'une d'elle, Nikita alors qu'elle n'avait que deux ans. Elle souriait en courant après Osiris. C'était pour elle que j'avais acheté les chiens, pour qu'elle ne soit pas trop seule lorsque je travaillais. Je restais silencieux quelques instants. Car si j'ouvrais la bouche, ma voix se briserait et je refusais de lui accorder une telle victoire.

« Je l'ignore. » lâchais-je simplement avant de me taire à nouveau. Je relevais les yeux vers Juno; Voilà, qu'elle saute de joie. Elle avait gagné cette bataille, elle m'avait eu. A appuyer là où ça faisait mal, en monologuant sur mon incapacité à la faire plier. Est-ce que c'est ce qu'elle cherchait ? Me mettre plus bas que terre ? Est-ce que ça l'amusait ? Elle, pauvre Sang-de-Bourbe sans intérêt ?  « Un groupe d'Insurgé l'a enlevé il y a un mois. » me sentis-je obligé d'ajouter, comme pour l'honorer, pour rappeler qu'elle n'a pas choisie de partir. Rappeler que ma fille était heureuse avec moi, heureuse de sa vie, heureuse d'être là, dans cette maison et de suivre les enseignements d'un éducateur que je payais une fortune chaque mois pour son éducation. Mais je faisais tout ça avec plaisir, parce que ma fille était ce que j'avais de plus cher au monde. Elle m'apportait chaque jour la joie que je n'étais plus capable d'éprouver par moi-même après ces années de calvaire. Elle était mes rayons alors que j'étais le soleil mort. Je l'aimais tellement fort, ma petite fille. « Tu as d'autres questions qui te brûlent les lèvres ou cette menace de mutisme éternel était réel ? » non parce que là où nous en étions, j'étais capable de lui dire beaucoup. Après tout, à qui irait-elle raconter tout cela ? Elle n'avait plus personne. Je n'avais plus personne, hormis ma fille. Me confier à une Sang-de-bourbe avait beau m'horrifier, elle était là, elle.


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Sabal Ҩ Juno
« Être un Rebut, c'est chiant, mais être un Rebut Empathe, ça l'est encore plus, beeeuh »


La plaie du dhole est toujours ouverte et sanguinolente. La lionne se lèche les babines. La souffrance d'un Mangemort est un nectar délicieux... Derrière son perpétuel masque de marbre, sous les parois bétonnées de son cœur, Juno sourit. Chaque Homme a son poison ; la drogue, l'alcool, le sexe... C'est un puissant acide qui les dissout, les rend bavards. Maintenant qu'elle s'attelle à cette tâche, la jeune femme comprend que recueillir des informations, c'est un peu comme les cours de potions. On cherche, on essaie, puis on trouve les ingrédients menant au résultat final. Son maître peut attiser sa rage avec la sienne : il subsistera toujours le regret de la dispartion de sa fille. Et tant que sa plaie ne cicatrise pas, Juno pourra toujours remuer le couteau dedans.

L'évocation de la gamine provoque d'ailleurs une explosion de sentiments refoulés chez le dhole. Merde. Juno sent le poids de la culpabilité sur ses épaules, peser lourdement sur son estomac. C'est si intense que les larmes montent à ses yeux félins. De l'amour à n'en plus pouvoir donner, des pleurs retenus difficilement, la faiblesse d'un homme à l'ego perforé par la langue incisive de la lionne. Le dhole n'est plus seulement dégoût et rage : la vivacité de sa douleur laisse la jeune femme tremblante d'appréhension. Sa forteresse mentale menace de s'effondrer à l'assaut de ses émotions. Le deuil de son enfant ? Non, non, c'est le deuil de Priam... Mais quel deuil est-elle vraiment en train de supporter ? L'un ou l'autre ? Les deux ? Merde, merde. Sa main pâle dégage ses cheveux de son front brûlant. La lionne redevient chaton tant la similarité de leur passé la trouble...

Son attention se reporte alors sur son maître. Pas question d'abandonner maintenant. La victoire lui ouvre les bras...! Le dhole scrute les photographies mouvantes posées sur la cheminée, la teinte de ses yeux noirs prenant la surprenante grisaille de la tristesse. Juno les a remarquées dès son entrée dans le salon. Pendant quelques minutes, elle a observé la fillette courir après Osiris. Souriante, innocente, candide et d'une beauté céleste. Le plus pur de tous les anges engendré par le plus torturé des démons.

« Je l'ignore, cède-t-il finalement, le démon. »

Un rire sarcastique reste coincé dans la gorge de la jeune femme. Il ignore où se trouve sa fille ou son cadavre ? Comment est-ce possible ? L'éclat de son regard morose se fait moqueur au moment même où il lève les yeux pour observer sa réaction. Et la voilà les lèvres frémissantes, le regard brillant. Non, elle ne savoure pas cette victoire. C'est une défaite. Si l'enfant est en vie, Juno n'a plus aucun moyen de défense. Le dhole espérera toujours la retrouver ; et dans ces conditions, comment lui reprocher une mort qui n'en est pas une ? Elle aurait préféré lui cracher au visage que sa fille l'a fui, qu'elle ne souffre plus de son tempérament odieux maintenant qu'elle pourrit, sa carcasse immonde d'enfant du diable bouffée par les vers et les corbeaux. La lionne ne peut laisser échapper un grondement de mécontentement.

« Un groupe d'Insurgé l'a enlevé il y a un mois. »

Cette précision l'enchante, à son grand étonnement. « Avec un peu de chance, elle crèvera et il ira se jeter de son second étage de merde » fulmine-t-elle en croisant les bras sur poitrine ronde. Ses yeux ne quittent plus ceux du dhole. Elle ressent sa faiblesse maintenant. Ça lui fait plaisir, mais ça la touche aussi ; elle n'a pas quitté Azkaban pour subir d'autres sentiments hostiles ou désespérés. Les siens lui suffisent.

« Tu as d'autres questions qui te brûlent les lèvres ou cette menace de mutisme éternel était réel ? »

Surprise, Juno lève les yeux vers le dhole.

« Ce n'était pas une menace, répond-elle d'une voix songeuse, absorbée par ses espoirs cruels. Si vous aimez entendre ma voix, je continuerai de parler ! Mais... Pourquoi cette précision ? Vous ne plaignez pas ma condition parce que vous me détestez. Je vous déteste, alors je ne plaindra p... (Ses mots se perdent dans des souvenirs incandescents.) En fait, c'est surtout votre fille que je plains. Vous savez, j'ai vu des Mangemorts massacrer des villages entiers. Des villages entiers qui disparaissent dans les flammes et qui, le lendemain matin, ne sont plus que des charniers de cendres fumantes. Si nous nous abaissons à enlever les jeunes enfants de notre ennemi, nous tentons de guérir le mal par le mal, et ce n'est pas une de mes options de vengeance. Je préfère largement le pois... »

Elle se tait soudainement, les yeux écarquillés de stupeur. Est-elle devenue folle ? Même s'il n'est pas dupe, elle a dévoilé son arme secrète de la manière la plus stupide qui soit. Le dhole est versé dans l'art de faire parler... Elle aurait dû se méfier.

« Vous avez une femme, alors ? s'enquit-elle innocemment. J'imagine que je devrais aussi lui obéir... Soit. »
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Once you're mine there is no going back



Ce qui se jouait dans ce salon n'était rien d'autre qu'un duel de force. Une lutte opposant le maître à l'esclave, la lionne blessée au renard décrépi. Comment en aurait-il pu être autrement ? Je n'avais pas un seul instant cru qu'elle se rendrait sans résister, c'était malheureusement là le propre de l'être humain qu'il soit doué de pouvoirs magiques ou pas. L’appât de la vie et de la liberté. Cette faim inassouvie de pouvoir faire comme il nous plait. Nous étions tous prisonnier d'une cage préfabriqué, doré ou simplement faite de songes et de promesses. Personne n'était totalement libre de ses choix et de ses actes. La lionne tentait de retrouver de sa superbe, de son autorité sur une savane décimée depuis des années. Non, elle n'était plus reine en ces lieux et le lion s'en était allé depuis fort longtemps. Désormais, son territoire s'était vu envahie de hyènes, de renards, d'orages et de tempêtes. Elle n'était plus reine ici, elle n'était qu'une ombre d'un passé qu'elle tentait désespéramment de refaire présent. Ainsi se battaient les rebuts et les Insurgés, comme des larves tentant par tout les moyens de reprendre le contrôle sur la savane. Bien, qu'ils luttent, cela ne rendait la confrontation que plus ardente et sanglante. Que leurs masques de morale et d'honneur tombent pour ne laissait apparaître que leurs ressemblances avec ce qu'ils clament haïr au plus haut point. Ces traîtres et vermines n'étaient pas meilleur que nous, en aucun cas ils n'avaient plus le droit de régner sur ces terres. Les mangemorts tuaient, traquaient, brûlaient, menaçaient, régnaient, aimaient, protégeaient et possédaient. Les Sang-de-Bourbe et autres traîtres à leur sang aimaient, protégeaient et tuaient, enlevés, torturaient en pareil mesure. Hormis le non et le sang carmin dans veines, nous n'étions en rien différents. Pourquoi eux plutôt que nous ? Peut-être parce que nous, nous admettions notre part obscure, notre désir infâme de contrôle et de pouvoir. Eux se cachaient derrière des valeurs qu'ils ne comprenaient plus. La voilà la réelle différence. Eux se battaient derrière des masques tandis que nous combattions sans chercher à nous cacher.

Les yeux de ma jeune rebut se relevèrent vers moi, fixant ma silhouette sombre et affaiblie. Je savais à ce moment-là que la lutte serait plus ardue que je ne l'avais prédit. Et ce soir, je n'avais plus la force de me battre contre elle. Alors qu'elle la sente, cette faiblesse en moi, cet amour pour ma fille, ma haine envers son espèce, cette contrariété de ne pas être en position de force dans toute cette histoire. Qu'elle s'en délecte, car ce serait la dernière fois. Je l'avais probablement sous-estimé, son esprit n'était faible qu'en apparence. Non, Azkaban ne l'avait pas détruit. Elle n'en avait pas eu le temps. En deux ans, elle n'a fait que frôler son être. Car Azkaban détruit sur la durée et les années passaient à se remémorer chaque chose composant notre vie, notre existence et notre être. Et chacune de ces choses, elle les prend, les rend stérile et fini par les détruire. Au début ce n'est que la douleur physique. Parce que personne n'est habitué à être torturé chaque jour, privé de bonheur à chaque passage de détraqueur. Personne ne prévoit les murs glissants et l'humidité qui pend aux poumons. Le temps d'adaptation est long, très long. Et une fois ce temps révolu, c'est à l'âme que la prison s'en prend. Elle laisse déferler sa cruauté en détruisant chaque parcelle d'humanité et d'individualité. A la fin, il n'y a plus de "je", il n'y a plus que les "ils" qui crient dans les autres cellules, il n'y a plus que les ombres sur les murs et le voix dans la tête. Il n'y a plus que l'obscurité totale et le désir profond de fermer les yeux pour ne plus jamais les rouvrir. Azkaban blesse, puis elle détruit. Juno n'avait connu que les blessures d'Azkaban, elle avait vécu celle des autres détenues. Mais elle ne s'y était pas perdue, elle était resté entière. Et cela, je ne l'avais pas prédit. Car elle jouait bien son jeu, avec ses yeux tristes et son allure chétive.

Elle était parfaite au jeu de la proie. J'allais désormais m'atteler à en faire de la chaire à pâté. Si elle était là, c'était pour mon bon plaisir, pour me distraire. Que les jeux commencent.

J'étais le gladiateur et elle serait le lion.

Son venin recommença à couler le long de ses canines mais n’atteignirent pas mes plaies ouvertes. Car j'étais las. Las de l'entendre cracher sur ma famille. Ses propos étaient déplacés, ô bien sur, j'étais en colère. Bien sûr que si je m'écoutais, je me lèverais pour la tuer sur le champ. Mais non, cela ne ferait qu'obéir à es ordres infra-langagier. Elle me testait, elle jouait. Et bien qu'elle s'amuse, seule. J'étais fatigué de l'entendre utiliser les propos méprisant pour seule arme. Alors je me contenais, j'usais de calme et de patience. J'attendais que sa tirade se termine. Je notais les erreurs faites. Le poison, n'est-ce pas ? Et bien, une chance que j'avais dors et déjà prévu de ne pas la laisser approcher de la cuisine. Guérir le mal par le mal...ma fille n'était en rien un mal, au contraire. Si il devait n'y avoir qu'une et une seule chose de profondément bonne en ce monde, ce ne pouvait être que ma fille. Réticente à causer le moindre mal, incapable de blesser un quelconque être vivant, se souciant du bonheur de son entourage, polie, bien élevée, curieuse. Elle était le portrait craché de la bonté et la gentillesse sur terre. Et cela pouvait être curieux, en effet, qu'une telle merveille soit la fille d'un homme tel que moi. Le fait est que je n'étais pas plus mauvais qu'un autre homme, je n'étais pas plus un monstre qu'un de mes ennemi. J'étais en paix avec moi-même et cela, très peu de gens en étaient capable. Je savais causer de la souffrance, mais elle était nécessaire, pour le bien de ma patrie. En dehors de mes horaires de travail, je ne blessais rien ni quiconque. Je ne prétendrais jamais être quelqu'un de bien, je ne l'étais pas. J'étais juste un homme. C'était aussi simple que ça.

Un homme, rien d'autre.

« Tu m'ennuis » lançais-je en me relevant doucement. Je passais une main pour ramener mes mèches d'un noir corbeau en arrière et fit volte-face. « Le dîner sera servi dans une heure. » rajoutais-je avant de quitter le salon. Je traversais le couloir afin d'atteindre la salle de bain où je fini par m'engouffrer. Je verrouillais la porte et déboutonna ma chemise. La laissant tomber au sol je posais les paumes de mes mains sur la jarre d'un blanc immaculé et relevais mon visage, rencontrant mon reflet dans le miroir. Passant mes mains sous l'eau, j'en profita pour rafraîchir mes pommettes et mon front avant de refermer les robinets. Je terminais de me déshabiller et fila sous la douche, profitant du jet d'eau chaude pour me libérer la tête et l'esprit. Le calme me trouva bien vite alors que je posais mes paumes contre le mur carrelé, sentant ainsi l'eau dévaler mon dos et mes mollets. Je fermais les yeux, laissant l'apaisement parcourir mon corps tendu, calmant les tensions dans mon cou et mes épaules. Le silence, il faisait un bien immense.

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Sabal Ҩ Juno
« Être un Rebut, c'est chiant, mais être un Rebut Empathe, ça l'est encore plus, beeeuh »


La victoire... Juno l'a frôlée du bout des doigts. Les fêlures de l'esprit du dhole semblent se consolider d'elles-mêmes grâce à sa rage. Le salon a pris l'apparence d'une arène, et alors que son maître se revêt de son armure, Juno est restée le fauve à abattre. Sa faiblesse n'en a plus que le nom ; même s'il a compris qu'elle ne capitulera pas le premier jour, ses ressources sont suffisamment nombreuses pour qu'elle s'interroge sur son avenir au sein de cette maison. Il est intelligent, impitoyable, et aussi meurtri qu'elle. Leur lutte sera sans merci. Sans fin. Et il y a ces ombres incisives dans la lumière. À quoi bon gagner, si elle remporte ce duel avec les idées qu'elle combat ? « N'importe quoi, lui siffle sa Raison. Peu importe ce que tu fais, tu seras toujours meilleure qu'eux. » Meilleure ? Au fond, Juno bouillonne. Où est le Bien ou le Mal dans tout ce bordel ? Qu'ils soient des Insurgés ou des Mangemorts, le résultat sera le même : des morts, beaucoup trop de morts. Plus elle y songe, plus la vérité lui paraît lointaine. Le dhole ne devrait pas être son principal ennemi. Les Mangemorts non plus. Le Gouvernement ? Encore moins. En revanche, si Voldemort tombe, ils tomberont tous.

Alors, comment jouera-t-elle avec le dhole ? En sortant les griffes ou en faisant patte de velours ? Cruel dilemme que voilà. Juno se mordille les lèvres, pesant le pour et le contre de ses stratégies. Tant que sa vengeance n'a pas de fin, il faut qu'elle survive. Et si elle veut survivre au sein de ce milieu hostile, il lui faut des alliés. La lionne se sent soudainement stupide. Sa colère lui a caché des aspects pourtant indispensables. Pour une fois, elle s'est montrée digne de sa maison, mais à ses risques et périls ; son impulsivité ne la mènera nulle part. C'est ça. En son cœur, elle reste Gryffondor. Pour les Insurgés, elle est Poufsouffle. Pour sa vengeance, elle est Serpentard. Mais pour sa survie, autant jouer chez les Serdaigle maintenant. Créativité. Érudition. Discernement. Sagesse. Pour Poudlard...

L'atmosphère bascule dans l'étrange. C'est un brouillard complet qui s'abbat sur le salon. Le dhole est trop complexe, à l'image d'Azkaban, et sa dualité intérieure arrache une grimace à Juno. Pour s'apaiser, la jeune femme doit d'abord l'apaiser, lui. Ses lèvres s'ouvrent avec lenteur, cherchant des mots qui n'attiseront pas sa haine, puis, se referment. Le dhole a coupé son élan.

« Tu m'ennuies. »

Une bouffée de rage manque de la faire sortir de ses gonds. Un instant, ses prunelles sombres brillent de colère avant de se poser de nouveau sur Osiris et ses poils soyeux. « Qu'il le prenne ainsi, cet abruti, songe-t-elle en serrant les mâchoires. Ce n'est plus lui que je vise directement, même si je veux me libérer de mes chaînes... » Son changement de cible ne change en rien le destin de son maître. Lui aussi, il périra. Peut être avant son propre maître. Au fond, les Mangemorts ne sont que les Rebuts de Voldemort... Le dhole se lève de son siège, l'abandonnant à ses pensées. Qu'il parte. Le silence lui apporte plus de réponses. Juno le suit de son regard noir et dur, songe qu'elle ne lui devra plus rien que son mutisme.

« Le dîner sera servi dans une heure. » ajoute le dhole avant de la laisser à sa véritable tristesse

Bienvenue en Enfer, lionne. Et les jours qui suivront se ressembleront tous, là où on entre les yeux pleins de détermination, et où l'on en sort les yeux pleins de larmes...



THE END
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