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Il est des instants dans une journée qu’on ne louperait pour rien au monde. Dans mon cas, et ce depuis aussi loin que je me souvienne, il s’agit des heures de repas. Oui, je suis un ventre sur patte. Je l’avoue. Je l’assume pleinement. Rien dans mon étrange enfance n’est plus doux que le souvenir d’une sucrerie, fraichement acheté sur le chemin de traverse, tendue par mon frère sous le regard courroucé de ma mère. Je ne saurai dire si cela tient au fait de goûter à cet exquise sucrerie ou de la voir, elle, fulminée de l’intérieur d’une certaine complicité fraternel sans rien pouvoir dire. Au fond je dois être profondément mauvaise pour pouvoir penser à cela mais oui, je suis gourmande et un poil rancunière lorsqu’il s’agit de la femme qui m’a élevé. Etre rassemblé autour d’une table créé des liens, ce qui explique sans doute le peu de repas de famille chez les Lestrange. De mon côté, et puisqu’on m’a toujours interdit d’ouvrir la bouche à table, j’ai toujours profité de ces instants pour allier le plaisir de la bouche à celui des yeux. J’ai donc pris assez naturellement l’habitude de lire en mangeant. Non, cela ne m’empêche pas de profiter pleinement des mets dégusté, n’en déplaise aux plus critique je suis parfaitement capable de faire les deux en même temps et en profitant autant de l’un que de l’autre. En revanche, j’ai constaté en grandissant, qu’avoir l’habitude de manger seule n’était pas forcément une bonne chose. A Poudlard mes livres finissaient bien souvent recouvert du repas de mes voisins et il en était de même lors des déjeuner au chaudron baveur. Aussi, depuis que cette auberge était devenue ma cantine j’avais demandé à ce qu’un petit salon privé me soit réservé trois fois par semaine. Les habitudes ayant la vie dure il n’était pas rare qu’au moins deux fois sur trois, j’y retrouve une collègue. Aujourd’hui ne ferait sans doute pas exception à la règle. Après une matinée entre folie et surmenage j’avais bien besoin d’une pause déjeuner convenable. J’avais donc envoyé une missive afin de réservé la salle et j’étais arrivée, comme toujours très à l’heure. La préparation de la chasse des rebuts pour Halloween était toujours un moment important dans l’année. Tout le monde était tendu et il semblait que chaque détails se transformait rapidement en une épreuve insurmontable. Si j’avais pour tâche principale de m’occuper des enchères et pour cette chasse du bien être des sponsors et des propriétaire de rebuts, on m’avait demandé de participer à la préparation même des rebuts. Arrivée à l’auberge je me dirigeais vers la salle réservée et je l’insonorisais rapidement, pouvant ainsi être tranquille tant au niveau des sons de l’extérieur que des éventuels curieux. J’ôtais ma cape que j’accrochais au poste manteau et prenais place à la table ou une bieurraubeurre était déjà bien à sa place. J’en prenais une gorgée avant de sortir le journal du jour. Je commençais ma lecture lorsque le grincement de la porte me fit relever la tête. Prête à passer commande je découvrais ma collègue et lui offrait un sourire. Bonjour Verena, comment vas-tu? Je la laissais s’installer tranquillement, bien consciente qu’elle aussi devait avoir besoin d’une pause. Le service des créature magique était lui aussi très sollicité pour cette chasse.
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Le réveil qui sonne. Un léger gémissement contrarié. Un froissement de draps. Les paupières qui se soulèvent lourdement, balayant d'un revers de cils les grains de sable qui traînaient encore. Des membres qui s'étirent. De nouveaux froissements de tissus. Des cheveux en bataille qui déambulent jusqu'au miroir. La salle de bain qui s'embue. La garde-robe qui frémit. La cuisine qui s'agite. C'est le matin. Un matin calme et ordinaire.

Chez Verena, tous les matins sont parfaitement calmes et ordinaires. Semblables. Inexorablement. Ce qui, en réalité, ne semble pas l'émouvoir outre mesure. L'habitude la connaît et la soutient, file rouge de son existence tranquille.

La tasse racle un peu la table. L'odeur du chocolat chaud se répand dans la pièce, effluves sucrées qui titillent subtilement les sens. L'eau de la douche a fini de couler, déjà. Les vêtements attendent sagement dans leur coin. C'est une serviette de bain gris perle qui déambule dans la maison, de la brosse à cheveux au peigne avant de s'attarder devant le mug. De le boire. D'aider la biscotte à disparaître elle aussi. Puis de s'en retourner dans les étages pour terminer sa préparation.

L'heure du transplanage sonne et c'est une journée qui commence. Concentration, efficacité, rigueur. De maîtres mots quotidiens tandis que s'égrainent les heures, tout aussi sages que des images. Jusqu'à la pause déjeuner.

La poignée du pub se tourna d'un geste vif. Verena avait ses petites manies de petite vieille avant l'heure. Lorsqu'il était l'heure de manger, elle prenait le pli de marcher un peu pour s'aérer, son sac sur l'épaule et un air neutre sur le visage. Elle regardait principalement ses chaussures ou le trottoir mais elle s'oxygénait les poumons, d'une certaine façon. Puis le claquement de ses talons résonnait dans les allées jusqu'à atteindre le Chaudron Baveur. Comme aujourd'hui.

D'un pas preste, la sorcière rejoignit les alcôves à l'écart après avoir pris soin de vérifier auprès d'un serveur que sa collègue était effectivement là ce midi. Lorsqu'elle se planta devant le bon endroit, Vera inspira doucement puis se faufila, scrutant d'un air prudent pour vérifier qu'elle ne s'était pas trompée. Derrière le journal du jour, la chevelure de Gwen ne lui permit aucun doute, aussi la Franco-anglaise entra totalement, refermant derrière elle. ∂∂ Bonjour Verena, comment vas-tu ?Bonjour Guenièvre, répondit la Française, un fin sourire aux lèvres accompagné d'un conventionnel signe de tête. Rien de travers, rien d'extravaguant. Tout dans la norme, de la forme du salut à l'intonation de la voix.

Lissant sa jupe avant de s'asseoir face à la demoiselle, Verena mit quelques instants à répondre. Le temps d'ôter sa veste, de la plier correctement à son côté et d'installer son sac sur la banquette. ∂∂ Je vais bien, affirma-t-elle, aussi convaincante que convaincue. Après tout, Vera allait toujours bien. Le service est en effervescence, chacun est sollicité et ne s'ennuie pas. C'est une bonne chose, conclut la jeune femme, sincère. Un service qui a du pain sur la planche est un service dynamisé, donc qui ne se nécrose pas et qui est bien vu. CQQFD, se disait la sorcière. Enfin, j'imagine que ça n'est pas grand-chose comparé au tien ? Tout va bien de ton côté ? ● On aurait pu croire que cette prévenance tenait de la flagornerie ou de la politesse mais, pour qui la connaissait un peu mieux, cette question était mue par un réel intérêt. Verena avait beau vivre dans le moule du commun avec une aisance déconcertante, elle n'en était pas pour autant dénuée de sentiments et de compassion. L'évènement en préparation mobilisait du monde et une énergie proportionnelle.

En revanche, l'évènement en lui-même, l'ancienne Beauxbâtons ne le passerait pas au crible. Ou à tout le moins s'arrangerait-elle pour que son avis ne s'éloigne pas plus qu'il ne faut de celui de son interlocuteur. Et, en l'occurrence, de son interlocutrice, préparatrice des enchères et familière des rebuts. ∂∂ Y a-t-il beaucoup de candidats pour cette édition ?, s'enquit-elle d'un ton badin. Ca ne coûtait rien. Ca ne positionnait pas. Juste un moyen de s'intéresser sans se mouiller, ce que Vera passait sa vie à faire.

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J’avais toujours été curieuse, je me tenais informé par tous les moyens mis à la disposition des sorciers. J’avais pleinement conscience qu’un tri devait être fait, c’était une obligation. Le discours du magister était le seul à avoir droit de cité dans tout le monde magique sorcier anglais. Je m’amusais de mes lectures plus que j’en apprenais réellement mais je ne me lassais pas, presse écrite, comme radio. Avant l’arrivée de Verena je lisais le dernier article en date sur les « festivités d’halloween. J’avais moi-même refusé d’être interviewer mais j’avais dû briefer la préparatrice qui apparaissait dans cet article. Ce qui me faisait sourire était la façon dont l’article enrobait cette histoire. Je trouvais assez risible cette perte de temps. Faire une interview quand tout était entendu par avance. Au fond, il suffisait maintenant d’un photographe pour créer des articles. Je reposais le journal sur la table quand ma collègue entra dans la salle. Elle avait toujours un sourire aux lèvres, j’en avais déduit que, comme moi, ce sourire convenu nous préservait d’une certaine façon mais plus le temps passait plus nos discussions s’intensifiait. Les sujets abordés étaient moins « courant », nous ne parlions plus seulement de la pluie et du beau temps ce qui était agréable, pour moi en tout cas. Oui l’effervescence a du bon. C’est même assez amusant de voir certaines personnes, d’habitude si apathique, se mouvoir avec tant de vélocité en ce moment. Parce que, oui, du côté des préparateurs certains ne prenait pas réellement leur travail au sérieux. Les ventes aux enchères n’ayant pas lieu toutes les semaines nous avions parfois quelques creux et il n’était pas rare de voir ces personnes bailler aux corneilles lorsque je passais devant les salles de préparation. Les ordres ont été clairs, tout doit être maîtrisé et les rebuts doivent être parfaits. Chose que je trouvais étrange puisqu’on les envoyait dans un labyrinthe ou ils seraient poursuivi, chassé comme de vulgaires animaux. Je m’occupe des sponsors et nous sommes réquisitionnés pour aider aux préparations. Cela ne m’enchantait guère, je trouvais cette effervescence assez malsaine. Oui, nous avons déjà quelques candidats, la liste n’est pas encore longue, les maîtres se décident souvent au dernier moment. Et s’il n’y avait pas assez de chair fraiche à montrer au peuple nulle doute que le magister insisterait auprès des propriétaires de rebut les plus récalcitrants, ceux qui n’était pas vraiment partant de prime abord. Il fallait que cette « cérémonie » soit un vrai spectacle et tout était bon pour faire le show. Le sang allait couler, certaines personnes aimaient ça. J’étais obligé d’assister à tout cela mais je me tiendrais le plus loin possible. Les sponsors seraient sans doute près de la loge du magister, c’était donc l’endroit où je devais être. Je suppose qu’il a été demandé que des créatures soient présentes dans le labyrinthe n’est-ce pas ? Des créatures du genre vraiment dangereuse sans nulle doute. L’aubergiste, habitué de mes sortilèges d’insonorisation pénétra dans la salle. Torchon en main il nous demanda si nous avions choisi. Un plat du jour sera parfait et une part de gâteau au chocolat, merci.. Après un « comme toujours » qui me fit sourire il posa son regard sur Verena attendant sa réponse.
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