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Son regard se perdait sur l'étendu du paysage, qui s'étendait par-delà la fenêtre. Kseniya se trouvait dans le séjour, assise sur une banquette. Il lui suffisait de tourner la tête pour observer ce qui se passait dehors. Ce qu'elle faisait depuis plusieurs minutes. Ces temps-ci, elle avait la fâcheuse tendance de rêvasser. Souvent. Ce qui ne s'avérait pas être sans raison. Jusqu'ici, on ne pouvait pas vraiment dire que sa vie était simple. Kseniya avait toujours été en proie à divers soucis, comme tout le monde. En premier lieu, son travail et les affaires qu'elle devait mener. Fort heureusement, elle n'avait pas à se plaindre. Elle n'occupait pas un mauvais poste, de plus, cela l'intéressait. Elle s'entendait bien avec ses collègues de bureau, notamment Abraxas et Ulrich. Seulement, ce n'était pas la cause de toute cette agitation. Pour le moment, aucun événement n'était survenu dans sa famille. Son frère se satisfaisait toujours de sa position, au sein des rangs des Mangemorts, il parvenait même à se hisser toujours plus haut. Ce qui, évidement, consistait une fierté pour les Zakharov. Cette fameuse famille qui n'attendait qu'une chose, jouir du statut de « sang-pur » et profiter d'une haute position dans le monde magique. Ce qui se trouvait être sur la bonne voie. Encore une fois, elle n'avait pas d'inquiétude de ce côté-là.

Kseniya gardait toujours les choses pour elle. A ses yeux, exposer ses pensées représentait un risque. Depuis son adolescence, elle avait appris à se taire. Ce qui lui avait sauvé la mise bien des fois. Du fait que personne ne pouvait se vanter de savoir ce qu'elle pensait. Elle veillait bien à ce qu'aucune personne ne puisse discerner quoique ce soit. Que ce soit par l'intermédiaire d'un regard inexpressif, d'une expression faciale impassible, ou des paroles vagues. Cela était devenu une habitude, vitale pour elle. Si, à l'heure actuelle, une personne mal intentionnée apprenait le quart de ce qu'elle cachait, la jeune Zakharov risquait gros. Cette possibilité l'angoissait de plus en plus, ces dernières semaines. Non parce qu'elle avait laissé échapper quelque chose. Hélas, ses secrets risquaient vite de la rattraper. Voire de devenir... visibles.

« Kseniya ? » Elle ne détourna pas les yeux. Elle reconnaissait cette voix. « Tu es prête ? » demanda son frère. A cet instant précis, elle daigna tourner la tête. Son cher frère, Alexei. La jeune femme ne pouvait pas prétendre qu'elle ne le reconnaissait pas, puisqu'elle l'avait vu grandir. Elle le voyait régulièrement. Pourtant, parfois, elle se demandait s'il s'agissait du même homme. Ou plutôt du même garçon, avec qui elle jouait, petite. Le même garçon qui la raccompagnait à sa salle commune, à Poudlard. « Qu'est-ce qui avait pu les séparer ? » s'avérait être une question récurrente. Aujourd'hui, elle avait la réponse. Ils n'avaient tout simplement pas la même manière de penser. « Oui » se contenta-t-elle de répondre, en se redressant. Alexei ignorait encore ce que signifiait ce « Oui », en vérité. Dans les faits, leurs parents et eux devaient se rendre à un dîner, avec des amis de la famille. Concrètement, il s'agissait de toute autre chose, pour la petite dernière. Une personne de son entourage allait bientôt partager un de ses horribles secrets.

Il ne leur fallut que quelques minutes pour arriver sur les lieux. Kseniya connaissait le rituel par cœur. Les présentations, les échanges de politesse, … Cela consistait une habitude, pour eux. Sa famille soignait particulièrement ses relations sociales et veillait bien à construire de solides amitiés avec les bonnes personnes. Kseniya agissait comme d'habitude, un léger sourire collé sur les lèvres, le dos droit, respectueuse et polie en toutes circonstances. Aucune tâche au tableau. Alors qu'on les menait dans le salon, elle crut bien qu'elle allait défaillir, quand elle croisa son regard. Heureusement, Alexei réussit à la ramener dans la réalité, en posant une main dans le bas de son dos, l'invitant par la même occasion à prendre place à côté de lui. Elle s'exécuta, essuyant ses mains légèrement moites sur sa jupe. Un peu plus, elle se serait jetée dans ses bras, éclatant ainsi sa couverture, ce qu'elle prétendait être depuis tant de temps.

Le temps s'écoula lentement, trop lentement, au goût de Kseniya. Elle n'écoutait les conversations qu'avec une oreille distraite. Alexei lui pinca doucement le bras et chuchota « Qu'est-ce que tu as ? ». On emportait le plat principal, bientôt suivi par le fromage ou le dessert. « Je... Je ne me sens pas très bien » Elle chassa une mèche derrière son oreille. C'était le moment. La jeune femme prit congés, prétextant avoir besoin de prendre l'air. En s'éloignant de salle à manger, elle craignit presque que le bruit de ses talons ne les alerte. Nerveuse était un euphémisme. Angoissée était plus le mot approprié. Elle feignit de prendre la direction censée l'emmener dans le jardin. Au dernier moment, elle prit la direction de la cuisine, espérant avec violence qu'il s'y trouverait. En l'apercevant, au milieu de la pièce, elle retint un soupir de soulagement. Pour la première fois, elle ne réfléchit pas. Kseniya se dépêcha juste de le rejoindre et, une fois arrivée à sa hauteur, le prit subitement dans ses bras. Peu importe qu'elle soit perchée sur des talons hauts, elle ne parvenait toujours pas à dépasser son épaule. Mais cela lui était égal. Ces dernières semaines avaient été affreuses. L'étau se resserrait rapidement sur elle, et elle avait souvent eu l'impression de perdre pied. Dans ses bras, comme depuis toujours, elle oubliait, l'espace de quelques instants, ce qui l'attendait. « Viens » chuchota-t-elle en lui prenant la main. Ils trouvèrent refuge dans une pièce, juste à côté. Le temps pressait. Ce n'était pas ce qu'elle aurait souhaité, mais jamais rien ne se déroulait comme ils le souhaitaient. Et ce, depuis toujours. Elle prit son visage entre ses mains pour l'embrasser. Elle éprouvait toujours ce besoin de le toucher. Elle avait tellement besoin de ça. Surtout en ce moment. Qui plus est, elle ignorait encore quelle serait sa réaction. Kseniya préférait en profiter, rien qu'un peu, avant que cela ne prenne une toute autre tournure. Après avoir reculé doucement son visage, elle garda ses mains sur ses joues et lui glissa : « Tu vas bien ? » en le regardant dans les yeux. Peu importe le temps qui passait, elle s'inquiétait toujours pour lui. Cependant, c'était sans compter Tim. Il la connaissait bien. Ou peut-être bien que cela devait se voir. Qu'est-ce qui l'avait trahi ? Ses mains qui bougeaient sans cesse ? Son regard fuyant ? Son comportement distrait ? Tim l'interrogea et, Kseniya ne put se résoudre à soutenir son regard plus longtemps. Si bien qu'elle se contenta de fixer la poitrine du jeune homme, se mordant la lèvre, alors que son cœur se serrait au même moment. Toutefois, elle ne put s'empêcher de lui prendre la main. « Tim... Il... Il faut que je te dise quelque chose. C'est important. » et elle serra plus fort.


Dernière édition par Kseniya M. Zakharov le Lun 11 Mai 2015 - 19:05, édité 2 fois
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Fais-ci, fais-ça, fais pas ci, fais pas ça. Ces temps-là, ma vie pouvait très bien se résumer à ces quatre expressions. D'une part, parce que j'étais la bonniche d'une famille de sorciers qui m'avaient littéralement acheté et d'autre part, à part celui de me taire et d'obéir, je n'avais pas beaucoup d'autres droits. Même si cela me débectait du plus profond de mon être, je tâchais d'honorer ma fonction du mieux que je pouvais. Je ne tenais pas spécialement à mourir sous les coups de mes maîtres car oui, le châtiment corporel était toujours en vigueur de nos jours. Dire qu'en entrant dans le monde magique, je pensais pouvoir échapper aux griffes de mon géniteur, ce tyran, qui n'avait que cesse de me maltraiter parce que j'étais différent. La bonne affaire. J'échappais à un despote pour entrer dans le giron d'un autre despote, peut-être même encore pire que cet homme que j'ai toujours haï du plus profond de mon être. Le destin, s'il en est, pouvait se montrer parfois très cruel. J'étais même certain que même un elfe de maison serait mieux traité que moi. Mon bras me lançait affreusement. Des plaques violacées me garnissaient l'épaule et mes muscles tiraient douloureusement. Je morflais et pourtant, je devais passer outre, museler la douleur pour ne pas leur montrer que j'étais faible, qu'on pouvait me briser d'une pichenette. Ce n'était pas le cas, ça ne le sera jamais. J'étais bien plus résistant qu'il n'y paraissait. Après tout, ma réputation me précédait, j'étais un dur à cuire, une teigne, que pouvait-on attendre d'autre de la part d'un bagarreur de toute façon ? Alors, je devais serrer les dents et préparer ce foutu dîner du mieux que je pouvais car le spectre d'éventuelles représailles continuait à planer. Il fallait dresser la table. Mettre les couverts dans le bon ordre en veillant à ne pas laisser de traces de doigts sur l'argenterie. Mettre les assiettes les unes dans les autres tout en me demandant à quoi ça servait d'avoir dix mille sortes d'assiette et de couverts. Dire qu'à la fin j'allais me coucher à pas d'heure parce qu'il me faudra faire la vaisselle, essuyer et ranger car évidemment, en tant que sang-de-bourbe, je n'avais pas le droit d'utiliser la magie sinon ce ne serait pas drôle. De toute façon, en tant que fils de moldus, toute magie que j'aurais en ma possession serait considérée comme illégitime. Pour ces sorciers, avoir des pouvoirs magiques dans de telles circonstances était une aberration, une erreur de la nature qui n'avait pas lieu d'être. Dans l'histoire, c'était moi le monstre, et c'était ce qui semblait justifier un tel traitement à mon égard.

Ce soir là, j'ignorais quels seraient les convives et à dire vrai je m'en fichais. Il devait très probablement s'agir d'une énième famille de sang-pur, de la même trempe que mes maîtres. De mon côté, je n'aurai qu'à assurer le service et tant qu'à faire, ne pas faire honte à mes propriétaires. C'est pourquoi ma présentation devait être irréprochable. Ils avaient pris la peine de me procurer quelques tenues de travail car il était hors de question que je me présente au gratin de la société vêtu de haillons. Aussi, pour pousser le cynisme à mon comble, on m'avait vêtu comme un garçon de café moldu, un serveur, pour bien rappeler à tous d'où je venais et quelle était désormais ma fonction : servir, être à disposition du client. Obéir aux desiderata des uns et des autres et la fermer parce qu'on ne m'avait pas demandé mon avis. Chez nous, la fonction de serveur n'avait rien de dégradant, c'était même un petit boulot qu'exerçaient les étudiants moldus pour arrondir leurs fins de mois. Je ne voyais pas où était le ridicule là dedans mais apparemment, ils s'amusaient bien de me voir défiler dans cet accoutrement. Enfin. Mieux valait cela qu'être vêtue d'une vieille taie d'oreiller poussiéreuse, pas vrai ? On relativise comme on peut. Mon propriétaire m'avait bien fait comprendre que j'avais tout intérêt à ne pas rester dans leurs pattes pendant qu'ils dîneraient et parleraient affaires. Soit. Je n'avais pas non plus l'intention de faire le pot de fleurs dans le fond de la pièce en attendant qu'on ait besoin de moi. En fait, je comptais m'avancer sur mes corvées histoire de ne pas tout avoir à faire d'un coup après le repas et terminer à pas d'heure. De toute façon, il valait mieux que je ne fasse aucun bruit pour que mon maître puisse dormir sur ses deux oreilles...si j'osais le réveiller en faisant du bruit j'allais entendre parler du pays. Déjà, les invités commençaient à débarquer, me refilant leurs vestes et redingotes sans m'adresser un seul regard. Mon bras souffrait sous le poids des vêtements mais je n'en montrai rien, tâchant de rester impassible autant que faire se peut. Il me faudrait mettre ces habits un par un sur des cintres et mettre les cintres dans la penderie en attendant que leurs propriétaires respectifs ne viennent les chercher. C'est là que je la vis elle. Mon estomac descendit instantanément dans mes talons. Bien sûr, j'aurais dû m'y attendre. Il était évident qu'elle faisait partie de ces illustres familles de sorciers, je n'aurais donc pas dû être surpris de la voir débarquer chez moi, car quoiqu'on en dise, dans la mesure où j'étais nourri, logé, blanchi, c'était aussi ma maison. Non, ce qui me dérangeait le plus, c'était qu'elle me voit dans cet état. J'occupais une fonction peu glorieuse, me retrouvant dans une situation encore moins bien que celle d'un domestique et je sentais le poison de la honte se distiller peu à peu dans mes veines. J'avais honte, cela faisait aucun doute. Honte qu'elle me voit ainsi, rabaissé à ça, au rang d'esclave. Ah, ça, j'étais bien loin du fringant joueur de Quidditch que j'avais été à l'époque. La Comète avait bien fière allure désormais. J'allais devoir me faire une raison, je n'avais pas suffisamment de prestige pour mériter une fille comme elle et aujourd'hui c'était plus flagrant que jamais. Il semblerait bien que plusieurs mondes nous séparaient désormais. D'où le fait que j'avais pris le parti de me montrer beaucoup plus froid qu'à l'accoutumée, prenant ainsi mes distances. À quoi bon s'obstiner puisque cette histoire n'avait aucun avenir ?

Tendu comme jamais, presque énervé, je m'étais retiré dans la cuisine où j'avais commencé à faire la vaisselle. Je claquais rageusement les couverts sur le plan de travail. Chacun de mes gestes était dicté par la colère et je tremblais même un peu. Me réduire au rang d'esclave était une chose, m'humilier devant elle en était une autre. Pour un peu je me serais laissé consumer par la rage. Tout à me laisser aveugler par la fureur, je ne l'avais pas vue s'approcher. J'avais senti ses bras m'entourer, sa tête se poser sur mon torse. La colère céda bientôt le pas à la panique : quelqu'un pourrait nous voir, mais elle ne semblait pas s'en soucier. J'avais à peine eu le temps d'essuyer mes mains mouillées sur mon tablier qu'elle m'enjoignait de la suivre, ce que je fis sans trop opposer de résistance. Bientôt, nous étions à l'abri des regards, coupés du monde. Je n'eus pas le temps de dire un mot que déjà elle m'embrassait. C'était la première fois que nous nous touchions depuis des mois. J'avais encore en mémoire une certaine nuit que nous avions passées tous les deux, loin de tout ça. Ce souvenir me semblait tellement lointain qu'il me semblait appartenir à une toute autre époque, pourtant pas si éloignée que ça au regard de l'échelle du temps. Elle me demandait si j'allais bien. Comment je pourrais répondre à sa question ? Non, je n'allais pas bien, mais je n'avais pas non plus le droit de me plaindre, j'avais une image à préserver après tout, il était hors de question que je flanche devant elle, même si elle me connaissait mieux que quiconque.

« Tu me connais. » soufflai-je finalement, en tâchant d'adopter un ton détaché. « Je suis déjà en train de planifier une prochaine évasion. »

Ce n'était pas tout à fait vrai, mais pas tout à fait faux non plus. En fait, je me contentais simplement de ruminer ma vengeance. J'avais la rage au ventre et une certaine dose de rancoeur et je ne me sentirai mieux que quand je les aurai fait tomber un par un pour que moi aussi je puisse avoir droit à ma fin heureuse. Il n'y avait plus que ça qui me permettait de ne pas sombrer dans la folie, de ne pas perdre pied avec la réalité. Comme pour confirmer mes propos, je plongeais mes yeux noirs dans ses prunelles claires, ne serait-ce que pour lui dire je vais bien, ne t'en fais pas. C'était drôle de constater que j'étais devenu particulièrement doué pour cacher mes émotions. De toute façon, dans un monde où marche ou crève était la règle, je n'avais pas d'autre choix. Ils n'auraient aucun scrupule à utiliser mes sentiments pour mieux me briser. Par contre, Kseniya, elle, avait le regard fuyant. Peut-être était-ce l'intensité de mon regard qui la troublait, peut-être qu'elle n'y voyait plus celui qu'elle aimait, qu'elle aimait peut-être encore. Si tu savais, mon amour, si tu savais combien j'ai changé. Mais non, elle n'avait pas peur de moi, elle venait de prendre ma main pour la serrer dans la sienne, comme elle faisait lorsqu'elle avait besoin d'être rassurée. Elle disait vouloir me dire quelque chose. Que c'était important. Je déglutis difficilement. Mon estomac, lui , semblait peser une tonne. Pourquoi ce n'était jamais bon signe ? Pourquoi cela annonçait-il une catastrophe imminente ?

« Je suis désolé. » dis-je aussitôt, l'air penaud. « écoute, je n'avais pas prévu de te revoir dans de telles circonstances et...je suis désolé, d'accord ? Tu mérites tellement mieux que moi. Regarde ce que je suis devenu, Kseniya. Un esclave ! Je ne suis même plus considéré comme un être humain et...je ne voulais pas que tu me vois comme ça. »

J'étais partagé entre plusieurs émotions. La rancoeur. La colère. L'amertume. Les regrets. Comment en étions-nous arrivés là, bordel, comment cela est-il arrivé ? Quand-est-ce que tout a commencé à aller de travers ? Puis je réalisai. Elle avait quelque chose à me dire. Quelque chose d'important. Mon cœur se serra. Mes tripes faisaient des nœuds. je crois bien que j'ai peur. Peur de l'avenir. Peur d'un avenir sans elle.

« Dis moi. »

Ces deux mots venaient de s'évanouir sur mes lèvres, prononcés dans un murmure, presque comme une supplique. Une supplique teintée de douleur. Parce que moi je ne te laisserai pas partir. Jamais. Il le faut mais je n'en suis pas capable. J'avais besoin d'elle, maintenant plus que jamais. J'avais besoin de croire en quelque chose. Croire en nous semblait être un bon début.
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« Tu me connais. » lui répondit-il, « Je suis déjà en train de planifier une prochaine évasion ». Kseniya esquissa un sourire sans joie, alors que ses mains glissaient jusqu'à son torse. Elle le connaissait, effectivement. Et malgré le ridicule de la question, il tenait tout de même à lui répondre de manière à ne pas trop l'angoisser. Il le faisait toujours, même au début de leur relation, qui remontait à plusieurs années de cela dorénavant. Kseniya ne pouvait pas prétendre connaître sa situation. Seulement, en traînant dans le milieu, en discutant avec plusieurs personnages, elle pouvait se faire une vague idée sur ce que c'était. Bien sûr, il existait des exceptions, des « maîtres » plus souples et tolérants que d'autres... Et Kseniya ne pourrait jamais imaginer ce que cela représentait. Comment le pouvait-elle ? Du plus loin qu'elle se souvienne, on ne l'avait jamais embêté sur ses origines ou sur sa famille. Puis, les rares personnes qui se permettaient des réflexions sur sa personne ne le refaisaient pas deux fois. Au delà de l'attitude qu'elle avait, au delà de son nom de famille, ils se fiaient à l'autre figure Zakharov. A savoir, son frère aîné. Si Kseniya avait dû se battre pour quelque chose, à son arrivée à Poudlard, c'était bien le fait de se démarquer de son aîné. Ce dernier illustrait le parfait exemple à suivre... en apparence. Charmant, drôle, intelligent, cultivé, fort, persévérant, doué. Si bien que, petite, elle l’idolâtrait, le considérant comme un être parfait. C'est pourquoi, il avait longtemps tenu le rôle de modèle. Seulement, les gens ignoraient ce que cachait ces apparences. Et Kseniya avait été confrontée à la réalité très tôt. Cette fois-là, elle avait pris la résolution de ne plus le prendre pour exemple et ne plus le placer sur un piedestal, ni personne. Qu'il n'était plus besoin de se comparer aux autres, et qu'il lui suffisait de suivre son chemin personnellement, en faisant son possible. A l'évidence, elle y avait plutôt bien réussi. Même si elle n'avait jamais dépassé le niveau de son frère, ce que sa famille se faisait un malin plaisir à le lui rappeler. Rien n'était jamais suffisant. L'excellence. Toujours.

Quelle désillusion... Pourtant, ils ignoraient tout. Ils ne savaient pas combien leur cadette transgressait le modèle familial, bravait les interdits, demeurait différente. Kseniya s'était toujours concentrée sur les apparences. Afin de donner une vision d'elle-même qui satisferait son entourage. Malheureusement, cela ne correspondait en rien à la réalité. Et ce rapport l'avait longtemps troublée, surtout après l'arrivée de Tim dans sa vie, où elle s'était enfin posé les même questions. C'était bel et bien à cette période, où elle avait commencé à tout remettre en question et à construire sa propre opinion. Ce qui en résultait, décevrait probablement toute sa famille. Si bien qu'à l'heure actuelle, Kseniya restait persuadée qu'elle courrait un gros risque. Elle était tellement plongée dans sa panique qu'elle ne pensait à rien d'autre. Mais la suite des événements réussit à attirer suffisamment son attention. Il était désolé ? Kseniya ne comprenait pas. Tim semblait confus, presque inquiet, murmurant qu'elle méritait mieux que lui, qu'il suffisait de le regarder. Qu'il était devenu un esclave, qu'on ne le considérait plus comme un être humain et qu'il ne souhaitait pas qu'elle le voit comme ça. Ce fut plus fort qu'elle, elle s'attendrit aussitôt. « Ne dis pas ça, Tim... » Après tout, Kseniya ne se révélait pas être la meilleure personne au monde. Tim ignorait ce qu'elle avait dû faire, au quotidien, pour que personne ne puisse suspecter quoique ce soit. Et, en toute franchise, Kseniya ne se souciait plus de rien, à ce stade. Tout ce qui s'était passé... ne faisait que lui prouver que ce qu'elle voulait, ce n'était pas un mariage arrangé, se tenir à carreau, vivre une vie préfabriquée. Ce qu'elle désirait ardemment, c'était être libre. Libérée de toutes ses obligations, contraintes, chaînes. Libre de décider. Libre de choisir quelle vie elle souhaitait mener. Libre de penser. Et pour cela, elle ne voyait aucune autre personne à ses côtés que Tim. Cela sonnait comme une évidence. Maintenant, elle pouvait l'affirmer.

Cependant, tout s'avérait compliqué. Et Tim ne se doutait pas de combien cela l'était... « Je sais » finit-elle par lâcher, d'une petite voix. Il avait sa fierté, et tenir cette position dégradante, face à elle, devait être humiliant. Dans la situation inverse, cela aurait été probablement son cas. Elle comprenait cela. Pourtant, il n'y avait pas de quoi. « Tu es un être humain, Tim » continua-t-elle, en le regardant dans les yeux, avec une conviction qui lui donnait plus d'assurance. « Ne crois pas à tout ce qu'ils racontent. Tu ne mérites pas moins qu'un autre. Tu vaux mieux que la plupart d'entre eux, crois-moi. Contrairement à ce qu'ils prétendent » Elle lui avait déjà sorti ce genre de discours, ne les laisse pas t'atteindre, Tim. Coûte que coûte. Dans le fond, cela se révélait plus difficile. Kseniya s'en doutait, même si elle ne pouvait précisément pas l'imaginer.

Sa demande, soufflée à voix basse, l'incita à se concentrer sur la raison de sa venue. Aussitôt, l'angoisse la prit à la gorge. Elle baissa les yeux, vrillés sur le torse de son interlocuteur et déglutit. La jeune femme ne savait pas, concrètement, par où débuter son récit. Une, deux, trois secondes s'écoulèrent, avant qu'elle ne prenne son courage à deux mains. Elle eut un petit rire amer, après avoir plongé son regard dans le sien durant près de deux secondes. Ses yeux se posaient à divers endroits, alors qu'elle poursuivait : « Si tu savais combien j'aurais préféré t'annoncer cette nouvelle en d'autres circonstances... Où tu ne subirais pas ça. Où je ne serais pas contrainte de quoique ce soit. Cela serait tellement plus simple ... » Sa voix se noua, en songeant à ce qu'elle devrait bientôt faire. Elle déglutit et ferma les yeux, le temps de se calmer. Il manquerait plus qu'elle pleure devant lui. Ce serait le comble. Elle ne pouvait pas se permettre cette faiblesse. Pas devant lui. « Malheureusement, ça ne se passe pas toujours comme on l'aurait souhaité... » Elle baissa la tête, afin de voir leurs doigts entrelacés. Kseniya redoutait véritablement sa réaction. Dans cette situation, elle ne pouvait compter sur le soutient que de quelques personnes, qui se comptaient sur les doigts d'une main. Et Tim était la personne la plus importante. Pour cela, il fallait qu'il sache.
A cet instant, elle releva la tête, le regarda dans les yeux et les mots s'échappèrent de sa bouche après quelques instants d'hésitation : « Je suis enceinte ».  
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Oh non Kseniya, je ne faisais pas que planifier une prochaine évasion, je nourrissais aussi mes désirs de vengeance. Plus que jamais, je voulais faire payer ceux qui m'avaient tout enlevé, jusqu'à même ma dignité, me réduisant à l'état de chose. Pour mes maîtres, je n'étais effectivement qu'une babiole, un accessoire sympa destiné à affirmer leur puissance et leur suprématie. Je savais bien comment fonctionnait ce monde désormais. Avoir un rebut était un luxe que seules les familles les plus prestigieuses pouvaient se permettre. Qui plus est, j'avais été vendu pour une somme astronomique car je n'étais pas n'importe qui. Autrefois je jouissais d'une petite célébrité, j'étais connu pour mes talents de joueur de Quidditch. Dans le milieu sportif, nombreuses furent les personnes qui avaient murmuré mon nom, voyant en moi un jeune espoir de ce sport. Voilà bien longtemps que je n'avais plus enfourché mon balai, lequel avait d'ailleurs été lui aussi vendu aux enchères à un admirateur, tout ça pour enrichir davantage les tristes sires qui me maintenaient en captivité. Plus rapide est l'ascension, plus dure est la chute. Et pour tout cela, je leur vouais une haine tenace, une haine qui n'avait pas encore atteint le point de non retour. Plus les jours passaient et plus je rêvais du moment où je les tuerais tous un par un, non sans les faire souffrir atrocement comme moi ils m'ont fait morfler. Pourtant, de base, je n'étais pas un tueur, même si je ne transpirais pas l'intelligence je n'étais pas non plus un mauvais bougre. C'est de cet homme là que tu es amoureuse, Kseniya, pas de ce montre assoiffé de sang que je suis devenu. Si tu savais, mon amour, si tu savais les sombres pensées qui me traversaient l'esprit en ce moment précis. Me renierais-tu ? Aurais-tu peur ? Irais-tu te blottir entre ces bras qui pouvaient te briser s'il m'en prenait l'envie ? Je pourrais m'accrocher à ton souvenir, me dire que tout espoir n'est pas encore mort, qu'il y avait encore une chance de s'en tirer mais je n'étais plus quelqu'un de bien, je ne le serai plus jamais car en moi trop de choses ont changé. Je me laissais consumer par toute la haine que je ressentais, je ressassais la rage, la rancoeur qui me laissaient un goût âcre sur le bout de la langue, j'encaissais les petites et grosses humiliations du quotidien qui me jetaient plus bas que terre. Pourtant, au delà de tout ce marasme d'émotions négatives, j'aimais encore. Je pourrais même presque dire que tu m'avais manqué. En réalité, tu me manquais tous les jours, mais ton souvenir s'effaçait peu à peu, remplacé par ces idées délétères. Sauve-moi. Montre-moi que ça vaut encore le coup. J'ai peur, tu sais. Peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas te mériter, que tout ceci soit vain. Aujourd'hui je n'étais plus sûr de rien, et j'espérais que tu pourrais me pardonner de ne pas être celui que tu espérais. Pas assez bien pour toi, jamais, et pourtant...

Tu me disais que je n'avais pas le droit de dire ça. Pourtant elle était là, l'impression que j'avais tout foiré de bout en bout. C'était un sentiment cuisant, qui me brûlait à petit feu. Je ressentais cet échec avec force et vigueur. Bordel, quand tout a commencé à dégénérer à ce point ? Crois-moi Kseniya, tu te sentiras beaucoup mieux quand tu apprendras que je serai mort, car à compter de cet instant je ne serai plus jamais un fardeau pour toi. Tu auras enfin la vie que tu mérites, celle pour laquelle tu te bats depuis ta naissance. Moi-même je n'ai aucune place dans l'équation car je ne serai jamais rien d'autre que l'ombre d'un homme. L'amour n'était pas simple, ça ne le sera jamais pourtant il paraît que c'était la seule chose au monde qui valait le coup de se battre. Encore. Toujours. Machinalement, j'attrapai une mèche de tes cheveux pour jouer avec. Je me rappelais avec force à quel point ils étaient doux, soyeux, combien j'avais l'habitude d'y enfouir mon visage, de respirer ton odeur, de n'écouter rien d'autre que le son régulier et réconfortant de ta respiration. Je ne me lassais jamais de te toucher, de te sentir contre moi bel et bien réelle car à ce stade, je ne saurais me contenter d'une illusion, d'un mirage. J'avais envie de tout ça mais j'avais la hantise que quelqu'un débarque à l'improviste et nous surprenne. Je voulais garder mes distances mais mes bras voulaient te serrer avec force, t'attirer contre moi. Je voulais mais je ne pouvais pas et ça s'arrêtait là. Elle sait, dit-elle mais quoi au juste ? Je ne suis plus rien, Kseniya, ne le vois-tu pas ? Non, forcément que tu ne le vois pas, tu me regardes avec les yeux de l'amour. Sais-tu que tu es la seule personne à m'avoir jamais aimé de la sorte, d'un amour aussi inconditionnel, aussi fort ? Je ne l'ai jamais dit, mais je n'en pense pas moins. Bon sang, si tu savais combien je regrette, combien j'ai peur de ne pas avoir le temps, de ne jamais pouvoir dire ce qui revêt pourtant un aspect de vérité générale, presque irréfragable. Mes mains serraient les tiennes avec force. Je ne me rappelais plus à quel point elles étaient frêles et fragiles à côté des miennes, de ces paluches bien trop rustres en comparaison de ton corps frêle et délicat. Tu me disais que j'étais un être humain, que je n'étais pas un putain d'esclave. Pourtant il était là cet horrible tatouage, il apparaissait avec vigueur à chaque fois que je me trouvais nu sous tes yeux. Un aide-mémoire, sans aucun doute, pour te rappeler qui j'étais désormais. Un moins que rien. Un rebut. Quelque chose qui me brûlait la peau et qui me donnait envie de l'arracher, de la découper en lambeaux pour ne plus avoir cette horreur sous mes yeux mais je ne pouvais rien faire parce que c'était mon être tout entier qui était enchaîné à eux.

« Je n'y arrive plus. » soufflai-je d'une voix bisée en baissant le regard sur ton beau visage.

Mes yeux sombres tentaient de mémoriser toujours plus tes traits pour mieux m'en rappeler dans les moments les plus sombres. Ces traits, je les connaissais pourtant par cœur. Pourtant, j'avais peur d'oublier, de passer à côté de l'essentiel. De me perdre, de te perdre. De ne plus jamais retrouver mon chemin.

« Je sens les ténèbres m'envahir chaque foutu jour qui passent. Elles sont là, Kseniya, prêtes à m'engloutir à tout instant. Je n'ai plus la force de lutter contre. Tu sais, parfois quand je m'endors je souhaite ne jamais avoir à me réveiller. »

Une mort presque indolore, dans mon sommeil, c'était presque un luxe vu les temps qui courent. Chaque jour apportait son lot de violence, de morts, de familles détruites. Trop de vies avaient été prises à cause de cette guerre absurde, cette aberration sans nom, tout ça pour quoi au juste, on se le demande. Et tandis que je prononçais ces mots terribles, je ne me doutais pas un seul instant de la nouvelle que tu t'apprêtais à m'annoncer. Je n'aimais pas l'air grave qui s'était soudainement installé sur ton visage, je n'aimais pas les pincettes que tu essayais de prendre. Tu rêvais d'un monde meilleur, mais moi aussi. Ton discours m'angoissait même un peu. Puis, la nouvelle tomba comme un couperet. Enceinte. Le mot clignotait devant mes yeux comme un néon criard dans la nuit. Je ne réalisais pas encore ce que cela pouvait bien impliquer. Presque par réflexe, mes yeux s'aventurent plus bas, comme pour m'assurer que tu disais vrai, que ce n'était pas une blague. Pour un peu, je t'aurais demandé de me pincer pour voir si je n'étais tout simplement pas en train de rêver. Dans tes yeux, je voyais bien que tu ne plaisantais pas, que c'était vrai. L'instant de choc passé, ce fut une vague de désespoir qui m'envahit. Cet enfant, mon enfant, je ne le connaîtrais sans doute jamais. Pas comme ça, pas dans ces conditions. Et pour toi, quelles en seraient les conséquences ? En un trait de temps, je réalisais enfin. Tu étais ma famille, mon foyer. Ces mots prenaient bien plus de sens maintenant que je savais. Toute ma vie, j'avais rêvé d'une famille ou je ne serais pas vu comme un intrus, comme un monstre. Jamais je ne me serais douté que ce soit en fondant la mienne que ce jour arriverait, que mon souhait se réaliserait. Seulement...

« Je suis désolé. » dis-je, bien qu'il était absurde que je m'excuse dans de telles circonstances. « Je...Que comptes-tu faire ? Tu sais, j'ai toujours rêvé d'une famille... » Les mots se bloquaient dans ma gorge.

Putain, Tim, t'as jamais été très éloquent mais là c'est le pompon !

« Seulement...Je n'ai rien à lui offrir. » J'avais le cœur gros tandis que j'assénais cette vérité. « Je n'ai pas de nom, pas d'argent, pas de réputation. Je n'ai rien. Cet enfant, ce qu'il saura de moi...j'ai honte rien que d'y penser. Comment il me verra, hein ? Comme un putain d'esclave. Un sang-de-bourbe qui n'a aucun droit dans ce monde, pas même celui d'exister ! Ce n'est pas la vie que je veux pour lui ou elle, Kseniya ! Ce n'est même pas une vie du tout. »

A présent que je savais, je sentais ma rage, ma hargne s'accroître d'autant plus. Ma situation me paraissait tellement plus injuste vu sous cet angle. Quelque chose en moi venait de se briser. Je sentais des larmes de colère, de rancoeur perler de mes yeux. Putain. Voilà que je me mettais à chialer alors que ce n'était pas le moment. J'aurais l'air de quoi, moi, si jamais on requérait mes services, à me pointer là bas avec des traces de larmes sur les joues ? Je lâchai ta main pour m'essuyer le visage rageusement. Je m'en voulais tellement, tellement.

« Je me suis toujours promis que je ne serai jamais comme lui »

J'avais craché ce dernier mot avec haine tandis que je me rappelais de cet homme, mon géniteur, que je détestais viscéralement. Je n'avais jamais eu le bon exemple à la maison, comment à mon tour je pouvais espérer être un bon père ? C'était absurde. Les chats ne font pas des chiens après tout. Bien que je ne croyais pas à toutes ces conneries de déterminisme, force est de constater qu'il y avait quand même un fond de vérité.

« Pourtant, je suis en train d'emprunter le même chemin. Il n'est pas encore né que je ne pourrai jamais être là pour lui. Ou elle. Je suis désolé...que tu sois toute seule pour...pour affronter ça. »

Je ne voulais pas vous abandonner, c'était hors de question, mais je n'avais pas le choix. Nous étions séparés en raison de nos statuts sociaux bien différents. Je voyais mal comment nos deux vies pourraient être conciliables, enfin réunies. Et si jamais je venais à m'évader, ma tête serait très certainement mise à prix. Soit j'étais un esclave, soit j'étais un hors la loi. Dans tous les cas, mon fils ou ma fille n'auraient jamais une image de moi très glorieuse, et c'était probablement ce qui me flinguait le plus.
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Kseniya ne réagit pas, lorsque Tim s'empara d'une mèche de ses cheveux pour jouer avec. Pourtant, elle éprouvait un sentiment étrange. Elle avait l'impression que cela faisait si longtemps. Cela faisait près de deux mois qu'ils ne s'étaient pas vus. En cette occasion, elle n'avait pas été déçue, seulement... L'attente, après cette rencontre, n'avait pas été facile. Pendant quatre ans, elle avait tenu le coup, se répétant inlassablement les même mensonges, se persuadant elle-même que cela valait mieux pour tout le monde. Elle ne réalisait pas, à l'époque. Que tout était déjà fini. Que rien ne pouvait permettre un retour en arrière. C'était ainsi. Elle avait beau essayer de se convaincre, de maintes façons, cela ne changerait rien. Aujourd'hui, elle prenait conscience de tout ça. Mais pas seulement. Elle se rendait compte qu'au final, elle avait probablement pris la mauvaise décision. En quatre longues années, ils auraient pu passer du temps ensemble. Vivre ces moments, tant espérés. Des moments qui paraissaient, pour la plupart du temps, anodins, aux yeux des gens. Ils n'imaginaient pas ce que Kseniya aurait donné, pour pouvoir ne serait-ce que lui tenir la main, sans se poser les même questions. Quand elle observait ces couples, dans la rue, elle se demandait toujours si un jour, elle pourrait agir de la même manière. Si insoucieusement. Elle les enviait, ces gens-là. La vie était si compliquée... Et l'amour, ce n'était guère mieux.

Evidemment, cela lui avait laissé tout le temps pour se concentrer sur sa carrière. Mais cela lui semblait bien fade, désormais. Qu'est-ce que cela représentait, au juste ? C'était bien, certes, mais cela ne constituait pas le plus important. Et Kseniya avait laissé passer sa chance. Pourquoi ? Par peur. Peur de tout perdre. Peur de s'attacher. Peur de souffrir. Peur de regretter. Ces hésitations, il n'en restait rien à l'heure actuelle. C'était fini, tout ça. Tandis que Tim serrait davantage ses mains, ce constat se marquait davantage dans son esprit. En effet. Elle ne pouvait plus faire semblant.

Entendre sa voix, brisée, lui foutait un coup. Quelque part, depuis toujours, la jeune femme s'appuyait sur lui. A Poudlard, il représentait quelque chose d'indéfinissable. Plus qu'une simple amourette. Dans le sens où, fatiguée de toute cette pression, de tout ces faux semblants, à ses côtés, elle revivait d'une certaine façon. Elle n'avait pas à se cacher, en sa présence. Il n'exigeait rien d'elle, hormis d'être elle-même. Et, à l'époque, il l'aimait comme ça. C'était la première fois, qu'elle était certaine qu'on l'aimait elle, toute entière, sans artifice. Cela lui faisait tellement de bien, en ce temps-là. Elle se sentait acceptée et vivante. Elle échappait à toute cette pression, ces exigences. Elle bravait un interdit, ce que les adolescents avaient tendance à faire en cette période. Il s'agissait de sa seule forme de rébellion, en quelque sorte. Pourtant, Kseniya n'avait pas un caractère si facile que ça. Que ce soit à l'époque de Poudlard ou ces dernières années, Kseniya répondait du tac au tac. Seulement, elle ne perdait jamais son calme, ce masque. Cela en déconcertait plus d'un. Mais personne n'ignorait cet état de fait : Elle ne se laissait pas faire. Pourtant, dans les faits... Elle se trouvait, avec le recul, faible. Kseniya méprisait cela, elle se maudissait elle-même. Elle ne supportait pas d'être faible, aux yeux de quiconque. Et elle l'avait été, pendant des années, se taisant, se cachant, refoulant ses convictions et ses pensées. Il n'en n'était plus question, désormais. Mais les conséquences risquaient d'être nombreuses. Pourtant, ce n'était rien comparé à ce que vivait celui qu'elle aimait, au quotidien. Le voir ainsi, brisé, fatigué, cela lui retournait l'estomac. Kseniya avait l'habitude de le voir comme un soutient, un roc, comme si rien ne pouvait l'atteindre, ou presque. Aujourd'hui, elle constatait que tout ce qui se passait, lui avait foutu un sacré coup. Ce qu'il vivait... l'avait atteint d'une manière indélibile. Plus encore qu'elle le croyait. Lorsqu'elle l'entendit, cet aveu, comme quoi parfois, il espérait ne jamais se réveiller, cela lui fit mal. Mais cela n'était que la vérité, la triste vérité. Mais bon dieu. La tristesse fit place à la colère. Cette situation s'avérait tout bonnement insupportable. Elle ne pouvait pas l'aider, et ça la tuait. Elle ne supportait pas de rester passive, inactive, et de se sentir impuissante. Et cette impression se creusait. Inconsciemment, elle serra davantage ses mains. Au moment où, Tim réalisait enfin ce que son annonce impliquait.

Sa réaction la surprit, tout d'abord. Il s'excusait ? « Je...Que comptes-tu faire ? Tu sais, j'ai toujours rêvé d'une famille... » « Vraiment? » demanda-t-elle, spontanément. Ils évitaient de parler du futur, généralement. Cette question n'était jamais vraiment venue sur le tapis. Quelque part, cela la rassurait. Mais une pensée lui traversa l'esprit presque aussitôt. Même avec moi ? Kseniya n'était pas une fille stupide, après tout. Elle savait bien que Tim lui en voulait encore, pour ce qui s'était passé. Il le lui avait fait comprendre, au tout début. Mais elle avait espéré qu'avec le temps, cela suffirait. Est-ce suffisant ? « Je... Je dois le garder » A vrai dire, la question ne se posait même pas. Il était trop tard. Puis, elle était terrorisée à l'idée que, si jamais elle rencontrerait un médicomage, cela finirait par se savoir. Et elle ne se voyait pas aller voir un moldu non plus... « Seulement...Je n'ai rien à lui offrir.  Je n'ai pas de nom, pas d'argent, pas de réputation. Je n'ai rien. Cet enfant, ce qu'il saura de moi...j'ai honte rien que d'y penser. Comment il me verra, hein ? Comme un putain d'esclave. Un sang-de-bourbe qui n'a aucun droit dans ce monde, pas même celui d'exister ! Ce n'est pas la vie que je veux pour lui ou elle, Kseniya ! Ce n'est même pas une vie du tout. » Ses mots l'atteignaient, clairement. Sans s'en rendre vraiment compte, elle porta l'une de ses mains à son ventre. Le temps de baisser un instant les yeux, elle constata que Tim avait des larmes dans les yeux. « Tim... » laissa-t-elle échapper.  Il s'essuya le visage. Il semblait énervé, mais pas contre elle. Kseniya aurait tellement souhaité lire dans ses pensées, en ce moment. Il avait si honte de lui. La situation actuelle l'avait obligé à éprouver cette honte déplacée. Alors qu'il n'en n'était rien. Cela la révoltait.

« Je me suis toujours promis que je ne serai jamais comme lui » Ce dernier mot, était craché avec haine. Tim avait toujours soigneusement évité de parler de son passé, de sa famille. Comme Kseniya, d'une certaine façon. Elle se doutait que sa vie familiale n'était pas évidente, mais n'avait jamais su ce qui en retournait exactement. « Tu parles de ton père ? » se risqua-t-elle à demander. Elle ne voyait pas d'autre possibilité. Tim prétendit qu'il était en train de prendre le même chemin que lui, que l'enfant n'était pas encore né qu'il ne pourrait jamais être là pour lui, qu'il était désolé, qu'elle soit seule pour subir tout ça. Aussitôt, un sourire naquit sur ses lèvres, qu'elle espérait rassurant et confiant. « Tu sais bien que j'ai toujours su me débrouiller toute seule » déclara-t-elle. Elle affichait plus d'assurance qu'il en était, en réalité. Elle avait une trouille bleue, de ne pas réussir. Il y avait tellement de choses à prendre en compte... Son sourire disparut à cette idée. Quelques secondes s'écoulèrent avant qu'elle ne prenne de nouveau la parole. « Je ne peux pas rester ici  Cela... Cela va devenir très bientôt difficile à cacher » Sa main se crispa. « Ma famille est très... » quel mot convenait, au juste ? « … conservatrice. Un enfant hors mariage, c'est déjà mauvais. Mais un enfant dont ils ne soient pas sûr et certains de son sang... » Elle ne pouvait pas l'exprimer à voix haute. Pendant longtemps, elle avait nié les véritables personnes qui formaient sa famille. Son père, dévoré par l'ambition et éduqué avec tous ces préceptes, ne risquait pas de bien réagir. En vérité, elle ne doutait pas qu'il puisse intervenir, et ce, quelque soit l'avis de Kseniya. Sa mère pourrait prendre son parti, mais n'obtiendrait pas gain de cause. Et Alexei... Elle eut un frisson à cette pensée. Entre tous, il s'agissait bien de la réaction de son frère, qu'elle redoutait, tant elle était imprévisible. Et le reste de la famille risquait d'approuver. Sans parler de tout ce que cela impliquait, en dehors. Il n'était pas possible de rester. Heureusement, elle disposait d'une somme d'argent plutôt conséquente, au besoin. Mais elle ignorait par où commencer, bon sang. Elle essaya d'alléger les choses « De toute façon, je ne pourrais plus continuer ainsi ». Kseniya ne souhaitait pas que Tim croit que cet enfant en était l'unique cause, et indirectement, lui. Mentir sans cesse, était épuisant. Durant ses services au sein de la Brigade de Police Magique, parfois, voire souvent, il lui arrivait d'avoir du mal à se regarder dans le miroir. La culpabilité la tiraillait. Mais ça, elle ne pouvait pas l'avouer. Comment réagirait-il, en apprenant cela … ? « Tu n'es pas fautif dans l'histoire, Tim. Tu ne dois pas avoir honte. Ce... » Les mots lui manquaient. Cela faisait tellement bizarre de le dire, à voix haute. « ...Cet enfant, n'aura certainement pas honte de toi. Il faut que tu t'enlèves ces idées-là de la tête. Ce n'était peut-être pas la vie qu'on aurait souhaité pour … lui, ou elle, d'ailleurs, mais on doit faire avec. » Enfin, elle, en tout cas. Jusqu'ici, elle se posait la question si Tim souhaiterait vraiment de lui. Sans prendre en compte le contexte actuel. Ils étaient jeunes, après tout. Et parents, à leur âge ? Kseniya accumulait les doutes et n'était pas sûre du tout. Cela l'effrayait. Si elle n'y parvenait pas ? Si elle n'était pas à la hauteur de la tâche ? Pourtant, elle avait souvent rendu visage à Clarine et à sa fille. Cela ne lui avait pas semblé si insurmontable que ça. Pourtant, les doutes persistaient. « Peut-être que je devrais rejoindre les insurgés » échappa-t-elle avant même d'y réfléchir. Ce qui n'était pas foncièrement idiot, après tout. Seulement... Accepteraient-ils, une fille comme elle ? Elle l'ignorait. Le visage de Lance apparut dans son esprit. Oui, il s'agissait d'une possibilité. Poussée par une pulsion incertaine, Kseniya encadra le visage de Tim de ses mains, plongea son regard dans le sien, et lui dit : « Je trouverais un moyen de te libérer ici, d'une manière ou d'une autre, si tu ne l'as pas fait avant. Je ne te laisserais jamais tomber ». La jeune femme en était infinement convaincue. Pour elle, il était inconcevable de rester aussi inactive. Il était temps. Kseniya eut un sourire espiègle,et essaya de plaisanter « Enfin, si tu veux toujours de moi ».
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Enceinte. Pour être une surprise, c'en était une, à ne pas douter. L'annonce était tombée il y a quelques instants à présent et je ne me faisais toujours pas à l'idée. Effectivement, l'arrivée d'un enfant de notre enfant compliquait tout, déjà que la situation était loin d'être simple. À une autre époque, j'aurais sans doute trouvé ça fantastique. Pourtant, en temps de guerre comme c'était le cas à présent, c'était tout sauf une bonne idée. J'avais souligné que je n'avais ni situation, ni argent, en bref, rien à lui offrir, mais je ne pouvais même pas lui garantir un semblant de sécurité, nous ne serions  à l'abri nulle part et cet enfant n'aurait pas d'endroit où s'épanouir tranquillement. Il allait devoir subir ces horreurs alors qu'il n'avait rien demandé à personne. Ce n'était clairement pas la vie que j'aurais voulu pour lui, ou elle d'ailleurs. Ce n'était même pas une vie du tout. Les mots revenaient me hanter. Non, ce n'était pas une vie, c'était loin de l'être, ça ne le sera jamais. Là où nous irons nous serons pourchassés. Je ne pouvais pas imaginer une vie de fugitif où on aurait un bébé dans les bras. Ce petit méritait une vie heureuse, confortable, où il n'aurait jamais à se soucier de rien. Grandir à son rythme en somme. La vie nous avait séparés, puis réunis tour à tour. L'annonce de cette grossesse venait sceller notre sort : nous étions voués à faire la route ensemble, envers et contre tout, envers et contre tous. Mon futur, je ne pouvais pas l'envisager sans toi. Sans vous, maintenant que vous étiez deux. En vrai, j'étais terrifié. Sois un homme! aurait crié mon père, mais je n'étais pas un homme, enfin techniquement je l'étais, mais dans le fond j'étais encore un gosse, un gamin qui refusait de grandir et qui fuyait face aux responsabilités. Jusqu'à peu j'avais gardé une certaine immaturité, puis j'avais été contraint de grandir d'un coup, de la plus violente des façons. Aujourd'hui, il n'y avait plus rien d'enfantin en moi. Mes traits s'étaient durcis, la barbe colonisait mon menton et me grattait les joues, mes yeux autrefois malicieux s'étaient éteints pour ne devenir qu'un puits sans fond. Je n'étais plus que ce gars fatigué, au bout du rouleau, qui vivait à peine, à demi mort en réalité. Je n'avais plus de rêves, plus de convictions, plus l'envie, plus rien, je me sentais vide, je n'avais plus que cette hargne qui m'habitait, je carburais à la haine et à la rancœur, la violence était mon moteur, la seule chose à laquelle je me raccrochais. Il n'y avait même plus l'espoir, la perspective d'un monde meilleur. Je n'étais même pas certain d'être prêt à être père mais maintenant qu'il était là, j'allais bien devoir faire avec. Bon sang Kseniya, nous étions jeunes, trop jeunes peut-être et pourtant nous allions être parents. Putain, ça me fiche un coup quand j'y pense.

C'était fini, l'enfance était loin derrière. De toute façon, nous étions bien trop esquintés pour songer à revenir en arrière. C'était impossible. La vie nous avait flingués, brisés en mille morceaux, elle nous avait foutu des claques dans la gueule, cette garce. Et ça je ne saurais dire si c'était une énième claque ou si c'était un signe, le signe qu'il fallait continuer à espérer, que le sort avait cessé de s'acharner pour autant, que tout n'était peut-être pas encore perdu. Alors oui, j'avais toujours rêvé d'une famille, mais pas comme ça, pas maintenant, pas dans ces circonstances. Autrefois j'avais fait partie de ces idéalistes qui rêvaient d'un monde meilleur où il ferait bon vivre sans se soucier du lendemain. À présent, nous n'étions même pas sûrs d'avoir un lendemain. Tout pouvait s'arrêter d'un coup, aussi facilement qu'on coupe un fil ou qu'on écrase un insecte. Nous étions si peu de choses au final. On ne pesait pas bien lourd dans la balance. Je dois le garder. Oui, bien sûr, comment pourrait-il en être autrement ? Peut-être que toi aussi tu te raccrochais à l'image d'un nous qui aurait pu exister si seulement il n'y avait pas eu tout ça. Ça me foutait en rogne d'y songer, un puissant sentiment d'injustice me tordait les tripes et me donnait presque la nausée. La colère, toujours cette colère, il n'y avait qu'elle qui était ma plus fidèle amie, ma meilleure alliée. Cette rage sans nom que je nourrissais contre tout et n'importe quoi, contre n'importe qui, contre je ne savais trop quoi. J'en voulais à la terre entière en cet instant précis. Plus que jamais, j'avais envie de faire la peau à tous ces connards qui nous avaient volé notre vie. Dire qu'ils osaient se pavaner aux yeux de tous, vêtus de  leur seule indécence alors qu'ils avaient tant de sang sur les mains et bien plus encore. Puis, le visage de mon père flotta dans mon esprit alors que tu m'interrogeais sur le sujet. À celui là je réservais le pire des châtiments. J'y ai pensé souvent tu sais quand j'étais seul dans le noir, à songer à toutes ces choses qui me faisaient mal. Parfois il revenait hanter mes nuits d'insomnie, passées à ressasser mes souvenirs, aussi douloureux soient-ils. J'aurais pu te hurler de ne pas en parler, de le laisser là où il est, mais je n'avais pas le droit de me déchaîner de la sorte, pas sur toi alors que tu n'en savais rien. Seulement, j'avais toujours estimé que ça ne valait pas la peine que j'en parle, que c'était loin derrière, qu'il suffirait simplement de tourner la page mais je m'étais planté sur toute la ligne, et en beauté.

« Ouais, celui-là même. » crachai-je avec un mépris évident.

C'était tellement triste d'en arriver à vouloir renier ses origines, mais pour le coup, ce n'est pas moi qui avais commencé cette sordide mascarade. J'ai eu le malheur de naître différent dans une famille d'esprits aussi étriqués que des boîtes à sardines. Au lieu de m'aimer, de m'accepter, ils n'avaient fait que me rejeter voire me témoigner une certaine hostilité. Comment je pourrais les aimer en retour ? Cela me paraissait impossible. Tu disais que tu pouvais te débrouiller seule, seulement, j'aurais tout donné pour réécrire l'histoire, pour naître dans une autre famille, une famille comme la tienne. Oh bien sûr je ne prétendais pas qu'ils étaient tous des enfants de choeur, certains étaient même de belles enflures – toute allusion à mes maîtres ne serait que fortuite – mais au moins, les choses auraient peut-être été plus faciles. Tu me parlais de ta famille, à quel point ils pouvaient être conservateurs.

« Les miens ne sont pas conservateurs, ils sont juste cons. »

C'était le mot juste, en effet. Entre mon père qui ne jurait que par son business, une mère qui aurait pu être aimante mais qui n'avait pas les couilles d'assumer et d'intercéder en ma faveur lorsqu'elle était en désaccord avec mon père et ma sœur...bah, sans doute n'étaient-ils pas faits pour avoir des enfants mais ils en ont eu quand même. Le monde à l'envers. Ils auraient quand même pu essayer. Oh, ils avaient réussi, mais pas avec moi.

« Figure-toi que s'il y avait une chasse aux sorcières ils m'auraient livré sans aucune hésitation. »

Mes mots étaient teintés de cynisme mais c'était la triste réalité. Le pire dans toute cette histoire était que j'étais un fils de moldus, un sang-de-bourbe comme ils disaient ici, mais leur intolérance avait fait naître en moi une certaine aversion envers ces gens car je n'osais même plus imaginer ce que ça donnerait si les moldus étaient au courant de notre existence. Tu me disais que ce n'était pas ma faute, que cet enfant n'aura jamais honte de moi, j'aurais tellement aimé te croire mais je savais d'expérience qu'on ne pouvait pas être aussi affirmatif qu'on le souhaiterait. La raison en est qu'on ne choisissait pas où on naissait, ni même nos parents. On naissait là où on nous disait de le faire, point. Je me tendis comme un ressort lorsque tu évoquas la possibilité de rejoindre les insurgés. Tout à coup, mon visage s'était assombri. Je n'avais pas une très bonne opinion de ces gens là. Ils promettaient beaucoup mais réalisaient peu. Je ne faisais pas confiance à ces lascars et pourtant...j'y songeais moi aussi. Peut-être serait-ce le seul moyen d'assouvir ma vengeance, tout en faisant quelque chose de concret, lutter activement pour amorcer la naissance d'un monde meilleur. Somme toute je me retrouvais mitigé, je n'étais plus sûr de rien. J'aurais voulu protester, dire que non, tu ne feras rien tant que l'enfant ne serait pas né et formuler tout un tas d'autres objections mais tu ne m'en laissas pas le temps. Tu venais de t'emparer de mon visage, pour me jurer que tu ne me laisseras jamais tomber. Moi non plus je ne laisserai jamais tomber, car désormais j'avais une raison de me battre, de tenir le coup, ne serait-ce qu'encore un peu. Puis, tu émis l'idée que je pourrais ne plus vouloir de toi. Mes sourcils se froncèrent, désapprobateurs.

« Comment peux-tu penser une chose pareille, Kseniya Zakharov ? »

Puis, comme pour te prouver mes dires, j'écrasai mes lèvres contre les tiennes, te volant un baiser passionné comme jamais. Je ne saurais jamais te dire ce que je ressentais vraiment pour toi alors je pouvais bien essayer de te le faire comprendre par des gestes. J'avais besoin de toi, de ta chaleur, de te sentir contre moi. Mes lèvres s'emparaient des tiennes avec ferveur, quémandant l'autorisation d'approfondir nos échanges. J'étais habité par cette pulsion étrange, par ce besoin presque urgent. Je ne voulais plus te laisser partir, plus maintenant alors que je t'avais retrouvée, car je ne savais pas quand il y aurait une prochaine fois, ni même s'il y aura une prochaine fois. Mes mains parcouraient ton corps, descendaient dans ton dos, mes lèvres partaient à la conquête de ton cou gracile et délicat. Je te serrais contre moi, dans une étreinte de fer, désirant ardemment oublier pendant quelques temps la triste vie que nous menions.

« Je t'aime. »

Ces mots m'avaient échappé sans que je puisse faire quoi que ce soit pour les en empêcher. De toute manière, je n'aurais pas eu besoin de les retenir car il fallait que tu saches. Je ne t'en voulais pas parce que je veux de toi dans ma vie, pour le meilleur comme pour le pire. Je te voulais toi, toute entière, sans concessions, sans détour, même si demain n'existait pas.
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Tim lui donna raison après une ou deux secondes. Il s'agissait bel et bien de son géniteur. Visiblement, ils ne s'entendaient manifestement... pas le moins du monde. Tim semblait lui témoigner le plus grand des mépris et, demeurait probablement très en colère contre lui. Kseniya ignorait les véritables raisons, mais elle se doutait bien de ce qui en était. Ses parents étaient des moldus, et parfois, la découverte du monde de la magie, et de tout ce que cela impliquait, n'était pas évidente. Peut-être que cela de là. Ou bien de quelque chose qui remontait à plus lointain, à une divergence d'opinions, à un événement particulier. Elle n'en savait rien. Et elle le déplorait, pourtant. Kseniya se montrait curieuse seulement sur le plan des études. En général, avec les personnes de son entourage, elle préférait se renseigner de manière subtile, et pas directement. Elle n'appréciait pas qu'on lui pose des questions indiscrètes, alors elle veillait à agir de la même manière. Puis, elle considérait que personne ne pouvait se mêler aux affaires d'autrui, sans le consentement de celui-ci. La seconde phrase qu'il prononça, renforça son idée. Ainsi, ils ne l'acceptaient pas en tant que sorcier. Son quotidien n'avait pas dû être évident, et elle regrettait un peu de ne pas l'avoir su plus tôt. Mais il n'était jamais trop tard. Le temps leur manquait, les circonstances n'étaient pas favorables à cela, mais Kseniya y croyait. Elle devait y croire.

L'évocation des insurgés semblait le renfrogner. Elle aurait souhaité lui poser des questions, seulement, ils n'en n'avaient pas le temps. Kseniya détestait cela. Elle aurait préféré avoir une conversation tranquille, sans interruption possible. Elle aurait aimé en discuter davantage. Parce qu'après tout, Kseniya n'était pas la seule à décider. Tim avait tout autant son mot à dire. Et, en toute honnêteté, elle n'avait aucune envie de partir. Non, pas le moins du monde. « Comment peux-tu penser une chose pareille, Kseniya Zakharov ? » déclara-t-il, les sourcils froncés. Kseniya eut juste le temps de relever légèrement la tête, avant que Tim ne capture ses lèvres. Kseniya en fut légèrement déroutée. Quelque part, cela la rassurait, mais elle ne pouvait pas s'empêcher de douter. Lui avait-il pardonné ? Est-ce qu'il avait réellement envie d'un potentiel futur avec elle ? Enfin, avec eux. Ils n'étaient pas encore tout à fait trois, mais cela n'allait pas tarder à venir. Elle avait encore du mal à réaliser. Quelqu'un allait l'appeler maman. Ce constat lui faisait tellement bizarre... Kseniya ne faisait pas partie de ces filles qui rêvassaient au prince charmant et aspiraient à une vie de femme au foyer, entourée de marmots. Jusqu'ici, la vision des enfants la laissait plus ou moins... indifférente. Hormis le fait qu'elle regrettait qu'ils se retrouvaient, à évoluer, dans un monde en guerre. Elle en appréciait certains, évidemment, notamment l'enfant de Clarine. Seulement, elle n'avait jamais ressenti ce truc, cette facilité qu'avaient certaines femmes pour la maternité. Tout d'abord, Kseniya n'avait jamais été attirée par ça. Pour elle, la notion d'enfant se liait irrévocablement à la notion de mariage, et par mariage, elle avait entrevu durant longtemps un mariage dénué d'amour ou d'affection, basé sur un arrangement familial. Une vie auquel elle n'aspirait en rien. A dire vrai, à l'heure actuelle, cela la révulsait. Cependant... concevoir un enfant, avec une personne qu'elle l'aime, sonnait comme quelque chose de merveilleux, en soit. Kseniya jalousait ces personnes qui parvenaient à cela. Mais... Ils étaient trop jeunes. Kseniya ne s'attendait pas à tomber enceinte si vite. Et se dire que, dans près de sept mois, elle tiendrait un bébé, dans ses bras, la rendait nerveuse et angoissée. Cela impliquait tellement de choses... Si bien Kseniya se doutait d'ignorer toute l'ampleur de cet état de fait.

Mais, pour le moment, Kseniya se retrouvait incapable de penser. L'énergie et la fougue qu'il appliquait, dans cet échange, l'emballait comme jamais. Cela faisait si longtemps, à ses yeux. Elle avait l'impression qu'elle ne s'en lasserait jamais. Il lui manquait, c'était indéniable. Ces derniers jours, plus encore, alors qu'elle avait terriblement besoin de lui. Et aujourd'hui, on lui en donnait l'occasion, servie sur un plateau. Il n'en fallait pas plus pour que la jeune s'abandonne complètement dans cet échange. Elle passa ses bras autour du cou de celui qu'elle aimait et se rapprocha davantage de lui. Dire qu'elle risquait de ne plus le revoir avant des jours, des semaines, probablement des mois... Cela ne faisait que la pousser dans ce sens. Et le contact de ses mains, la rendait presque... fébrile. Un frisson la parcourut, lorsque les lèvres de Tim se posèrent dans son cou. Pendant un instant, elle ferma les yeux et, sans trop s'en rendre compte, elle laissa échapper un léger soupir. Elle ignorait si c'était l'urgence de la situation, le danger que représentait cette rencontre, la possibilité de ne plus se revoir, qui la mettait dans cet état. Ses bras l’enlaçait, dans une étreinte d'acier, et, les yeux fermés, elle n'aspirait qu'à prolonger ce moment, et ce, indéfiniment. La jeune femme prenait conscience, d'à quel point elle avait besoin de lui. Cela sonnait comme une évidence, désormais. Et les mots qu'il lui souffla à l'oreille, fit naître un sourire rayonnant sur son visage. Finalement, elle rouvrit les yeux, alors qu'elle lui demandait « Tu ne m'en veux plus, alors ? ». Elle attendit sa réponse, puis, presque sur le champ, elle l'embrassa de nouveau. Ses mains glissèrent, restant sur ses épaules un moment, avant de parcourir son torse. Elle se recula, le temps de reprendre son souffle, toujours souriante : « Je t'aime aussi. Si tu savais ». Tout comme Tim, Kseniya n'était pas, mais alors, pas du tout douée pour exprimer ses sentiments. Tim s'en était vite rendu compte. Elle se souvenait encore de la première fois, où elle le lui avait dit : rouge écarlate, elle n'avait fait que bafouiller, ou presque. Elle en avait été honteuse, mais cette sensation s'était vite dissipée grâce au jeune homme. Aujourd'hui, Kseniya n'éprouvait plus aucune honte, ou quoique ce soit, concernant ses sentiments. Elle comptait bien les assumer, malgré les risques que cela occasionnait. Après tout, il ne s'agissait pas seulement de cette relation, de ce bébé en route. Avant tout, Kseniya restait opposée aux actions et agissements du gouvernement et de ses partisans. Ses convictions la poussaient dans ce sens. Elle prenait cette décision, elle-même, en toute conscience. Il y avait plusieurs raisons à cela, et suffisamment bonnes pour lui faire prendre des risques. A ce propos, elle les ignorait bien, maintenant. Elle ne pensait qu'à une chose : profiter de l'instant présent. Au bout d'un moment, poussée par la curiosité, Kseniya s'était renseignée, sur les grossesses « magiques ». Il subsistait des symptômes, semblables à ceux des moldues. Toutes sortes d'envies lui venaient à l'esprit, que ce soit en nourriture, ou autre. Kseniya ignorait quand cela débutait, et s'il s'agissait de ça aujourd'hui. Mais, en cet instant, elle n'en n'avait cure. La jeune femme ne pensait qu'au baiser, qu'à leur étreinte, qu'à leurs mains qui se baladaient. Inconsciente, peut-être. Amoureuse, certainement.
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Il était évident que notre temps ensemble nous était compté. C'est pourquoi j'avais renoncé à tout sermon pour profiter au mieux de l'instant présent. Je n'avais pas envie de passer les quelques rares minutes en ta compagnie à me disputer et à provoquer des embrouilles inutiles. Nous aurions le temps de régler nos comptes plus tard. Tout ce que je voulais en ce moment précis était de profiter de tes bras, de ta bouche, de ton étreinte. J'avais besoin de tout ce qui me permettrait de rester humain encore un peu et tu en faisais partie. Je n'avais pas réalisé à quel point ces semaines passées loin de toi avaient été un véritable supplice pour moi. Je n'en pouvais plus de me demander si tu allais bien, ce que tu faisais, avec qui, alors que j'étais tout seul dans cette maison bien trop grande pour moi. Moi qui avais toujours aspiré à une vie simple trouvais ce luxe particulièrement indécent, tant je me rappelais que dehors, de plus en plus de miséreux tâchaient de survivre du mieux qu'ils pouvaient. Il n'y avait que ceux qui étaient placés sous la protection du gouvernement qui s'en tiraient le mieux. Le reste se contentait de vivoter. Toutefois, je n'avais aucune envie de parler de politique maintenant, et encore moins avec toi, même si l'idée que tu puisses rejoindre les insurgés ne me rassurait guère. Tout ce qui me préoccupait maintenant était ta sécurité et celle de notre enfant à naître. Je ne dormirai jamais tranquille tant que je ne vous devinerai pas sains et saufs. D'où la prohibition de prendre des risques inconsidérés. Nous avions des responsabilités à présent et nous ne devions plus penser à nous-mêmes mais à notre famille car c'était de cela dont il s'agissait. Moi même je me demandais s'il était prudent que je fomente des plans d'évasion. Je risquais de me faire tuer dans la manœuvre non sans avoir été torturé au préalable pour avoir fait preuve d'insubordination, ce que mon statut de rebut réprouvait totalement. En tant que tel, je devais rester tranquille, sous les ordres de mes supérieurs. Si toutefois je parvenais à fuir sans encombre, ma tête sera mise à prix. Une généreuse récompense sera promise à quiconque me dénoncera parce que je serai devenu un hors la loi, un traître au gouvernement. En étant vendu en tant que rebut, j'avais du prêter serment à mes maîtres et par extension au gouvernement quand bien même je serais profondément en désaccord avec les idées nauséabondes qu'ils véhiculaient. Autrement dit, je devais me tenir à carreaux sous peine de subir de lourdes représailles. Rester sage, dans les clous, être bien comme il faut. C'était sans compter mon tempérament belliqueux et mon inclination naturelle à enfreindre les règles mises en place.

Ma passion pour toi pourrait être vue comme un acte militant, un goût prononcé pour la rébellion, une volonté de foutre en l'air les codes et les conventions, un moyen comme un autre de prouver mon anticonformisme. Cela aurait pu, mais cela n'était pas. Si seulement ce n'était que ça, tout serait bien plus simple. Nous ne serions pas pris dans les affres de cet amour impossible – s'il en est. La connerie avait quand même ses limites. Je n'étais pas davantage à me jeter délibérément dans la gueule du loup. Je n'irais pas jusque dire que j'étais quelqu'un de prudent, ce serait même mentir, mon côté tête brûlée m'ayant joué de nombreux tours dans le passé mais je n'étais pas non plus masochiste au point de chercher à détruire ma vie allègrement, dans les règles de l'art qui plus est. Je n'avais jamais pu lutter contre mes sentiments, c'était un fait. J'étais piégé dans cet amour contre lequel je ne pouvais rien même avec la meilleure volonté du monde. Le fait est qu'on ne choisit pas de qui on tombe amoureux, sinon, ce serait bien trop facile. Quand ça arrivait alors il fallait faire avec. Il n'y avait pas d'autre alternative. Et à présent que je te tenais contre moi, je ne pouvais plus rien faire. Je n'avais pas d'autre choix que de me laisser emporter par ces émotions qui m'assaillaient et que je ne maîtrisais guère. De la sorte, je pouvais profiter du goût de tes lèvres, de ta peau, respirer ton parfum jusqu'à me shooter avec tout en essayant d'écarter l'idée que c'était peut-être la dernière fois. C'est ainsi que je t'embrassais avec l'énergie du désespoir, te transmettant par-là tout ce que je ressentais pour toi. Les mots m'avaient échappé sans même que je puisse le retenir et tant pis pour moi. Je n'avais plus rien à cacher. En tant qu'ancien Poufsouffle, je pouvais jurer que je te serai loyal à la vie, à la mort. Mon regard brûlant de désir se plongea dans le tien, tentant d'y déceler une quelconque réponse. Ces mots étaient une promesse, Kseniya, j'espérais que tu t'en rendais compte. J'aurais pu lui dire tout un tas d'autres niaiseries, ce qui me passait par la tête en cet instant mais je ne jugeais pas l'instant approprié, je ne voulais pas le perdre en mots, en considérations inutiles. Pourtant, tu me demandais si je t'en voulais encore. Te répondre que je ne t'en ai jamais voulu serait mentir, pire, faire preuve de mauvaise foi. Or, j'avais en quelques sortes promis que je n'avais plus rien à cacher. Ce n'était pas le moment de se rétracter, non ?

« Tu sais à quel point je peux être rancunier, Kseniya. » dis-je d'un ton grave, le visage fermé. « Cependant ma captivité m'a fait réfléchir et réaliser à quel point les instants que l'on veut bien nous offrir sont infiniment précieux, tellement précieux qu'il serait complètement débile de les gâcher en restant bêtement campés sur ses positions. »

Autrement dit, nous n'avions pas de temps à perdre avec toutes ces âneries. Il fallait avancer, laisser la rancune de côté. Je me promis alors de faire la paix avec Juliet, tout du moins, quand j'aurai enfin l'occasion de la voir. Il était peut-être temps d'enterrer pour de bon la hache de guerre, s'aménager un avenir plus serein. Bien sûr, certaines querelles étaient vouées à rester telles quelles, mais d'autres n'étaient pas indélébiles. Certes, il fallait prendre sur soi, mettre son orgueil dans sa poche, admettre ses torts même si ça faisait mal au cul mais le jeu pouvait en valoir la chandelle. Tout du moins, j'avais fini par m'en persuader. J'avais à peine répondu que tu m'embrassais à nouveau avec ferveur, envoyant valser les souvenirs que j'avais de ma meilleure amie. J'étais presque désolé de penser à elle dans des moments pareils mais quitte à aller jusqu'au bout de sa démarche...Tu m'avais dit je t'aime, malgré tout, malgré nos différences, malgré ma condition, malgré nous, malgré eux. Tu ne pouvais pas savoir à quel point tes mots m'avaient fait du bien, non pas parce que je doutais de tes sentiments – loin de là – mais parce que tu m'avais redonné foi. Tu m'avais donné un espoir auquel me raccrocher à mes heures les plus sombres, une flamme destinée à éclairer mes nuits trop longues. Plus jamais je n'aurai peur du noir, je t'en faisais la promesse. J'avais envie de dénouer les rubans de ta robe, de dénuder ta peau laiteuse, de toucher et caresser ton corps. J'étais animé par ces pulsions animales qui fusaient de toutes parts mais j'eus un éclair de lucidité suffisamment efficace pour rompre nos baisers et te regarder dans les yeux.

« Pas ici. » chuchotai-je de façon à rester discret. « On pourrait peut-être...s'isoler ? Ils n'ont pas besoin de moi de toute façon, ils sont tous bien trop occupés à se saouler pour seulement faire gaffe à nous. On sera tranquilles un moment. »

Le dîner battait son plein et l'alcool coulait à flot dans la salle à manger. Aussi je m'étais assuré qu'ils auraient suffisamment de quoi à boire pour qu'ils ne songent même pas à m'appeler. Avec un peu de chance, ils ne se seront pas rendus compte que Kseniya avait elle aussi disparu. Malheureusement, je ne savais que trop bien ce que c'était d'être invisible, de ne pas avoir d'importance aux yeux de qui que ce soit. Et tandis que j'attendais sa réponse, je réfléchissais aux endroits où je pouvais l'emmener. Un placard à balais avait le mérite d'être discret mais niveau romantisme c'était loin d'être la panacée. Je jetai alors un œil préoccupé vers le salon. Pas de danger à l'horizon. Je respirais un peu mieux, mais je n'étais pas tranquille pour autant car je savais que le temps nous était compté, alors autant l'optimiser au maximum.
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« Tu sais à quel point je peux être rancunier, Kseniya. » commença-t-il, grave. « Cependant ma captivité m'a fait réfléchir et réaliser à quel point les instants que l'on veut bien nous offrir sont infiniment précieux, tellement précieux qu'il serait complètement débile de les gâcher en restant bêtement campés sur ses positions. » Il avait raison. Entièrement raison, même. Elle y pensait, il y avait de cela à peine quelques secondes. Cette idée, qu'il ne leur restait que  peu de temps et qu'il leur fallait en profiter intensément, se creusait de plus en plus. C'est pourquoi, elle reprit ses baisers, presque avec désespoir. Quelque part, cela la rassurait, d'entendre ces mots. Cela lui pesait, le fait qu'il puisse lui en vouloir encore. Ils en parleraient plus tard, probablement. Quand ils seront loin, libres, ensemble. Il n'y avait pas de si. Kseniya ne pouvait envisager un si. Cela se produira, tôt ou tard. Peu importe que cela soit une question de semaines, de mois, du moment que cela se fasse.

En attendant, elle comptait bien profiter de ce moment. Lorsque Tim recula son visage, elle allait presque protester, mais il lui fit comprendre qu'il ne fallait pas que cela se déroule ici-même. Soit. S'isoler sonnait comme la meilleure chose à faire. Kseniya se laissa rassurée par les paroles de Tim. Pour renforcer sa confiance, elle s'éloigna un peu et écouta ; ils  se trouvaient en pleine discussion animée. Il allait leur falloir plusieurs minutes, avant de l'appeler. Et elle comptait bien profiter de ces quelques minutes de répit.  « Guides-moi » ordonna-t-elle, presque. Après tout, il connaissait mieux la maison qu'elle. La jeune femme n'allait pas perdre plus de temps que nécessaire à vérifier toutes les pièces. Ils longèrent le couloir et prirent à droite. Tim semblait hésiter. Elle fit un geste évasif de la main, prit celle de Tim et l'emmena à l'intérieur. Ainsi, Kseniya ne pouvait pas se plaindre de ne pas être suffisamment proche de Tim. On ne pouvait pas dire qu'il y avait beaucoup d'espace. Lumière allumée, elle referma la porte. Kseniya balaya la pièce -si on pouvait appeler ça comme ça, vu sa petite taille- du regard. Cela lui rappelait des souvenirs. Un sourire aux lèvres, elle ne sut pas ce qui lui prit de faire la remarque suivante : « Il faut croire qu'on choisit toujours des endroits insolites ». Comme s'ils avaient, seulement, le choix... A ce stade, Kseniya pouvait se contenter de n'importe quoi, du moment que cela lui laisse le temps demandé et la discrétion nécessaire. Elle jeta un coup d'oeil derrière son dos -aucun carton. Puis éteignit la lumière. Bah oui, il valait mieux vérifier, histoire d'éviter une mauvaise surprise. Cela n'allait pas être pratique, dans le noir. Mais il manquerait plus que, par un mauvais hasard, quelqu'un passe dans ce couloir et ne remarque la lumière. Elle préférait nettement un excès de prudence que le contraire. Ses mains cherchaient Tim, et cela fait, elle le tira par le tee-shirt, pour le rapprocher d'elle. Tous les éléments combinés, la situation insolite, le danger de la situation, l'urgence, la possibilité de non retrouvailles, tout cela donnait l'impression de l'électriser. Sentir le corps de celui qu'elle aimait contre elle, elle adorait cela. Sans aucune hésitation, ses mains se frayèrent un passage sous le tee-shirt de Tim, juste au-dessus de sa ceinture. « Si tu savais combien tu m'as manqué... » souffla-t-elle. Sur ces jolies paroles, la jeune femme essaya de l'embrasser, mais ne toucha que son nez. Elle retint de justesse un éclat de rire, pour finalement retrouver ses lèvres. Instantanément, un frisson la parcourut, toute entière. Lorsqu'ils avaient découvert cela, tous les deux, Kseniya hésitait souvent, demeurait incertaine. Comme on pouvait s'y attendre, avec le temps, cela s'était amélioré. Elle se souvenait encore de la première fois. Le lendemain, elle ne pouvait pas croiser son regard sans rougir comme une enfant. Gwen avait même trouvé ça étrange, cet air rêveur, de sa part. Comment pouvait-elle expliquer ? Il y avait certaines choses qui ne pouvaient pas être dites. Quand Tim était allé à sa rencontre, cette fois-là, elle avait bafouillé, écarlate, qu'en vérité, ce n'était pas ce qu'il croyait -elle avait apprécié, seulement, elle ne pensait qu'à une chose, ou presque : recommencer. Et cela la gênait terriblement. Tim avait été soulagé de l'apprendre, il en avait même ri. Mais cela n'offusquait pas Ksen, au contraire, elle avait souri même. Ils en avaient parcouru du chemin, depuis, mine de rien. Kseniya ne reconnaissait plus l'adolescent qu'elle avait connu. Ce qui était inévitable, après tout ce qu'il avait enduré. Mais elle n'espérait qu'une chose, le redécouvrir à nouveau, parce qu'elle l'aimait, toujours autant, si ce n'est davantage. Elle voulait être là et rester à ses côtés. Il n'était plus question de s'enfuir, de prendre ses distances, non. De toute manière, avec un bébé en route, elle ne pouvait plus penser qu'à elle-même. Désormais, elle devait penser pour deux. Cela devait être ça, d'être... mère.

Les caresses de Tim la reconnectèrent rapidement à l'instant présent. Ses bras à elle, entre temps, avaient enserré la taille du jeune homme, comme pour le rapprocher toujours plus d'elle. Finalement, les lèvres cessèrent d'embrasser ses lèvres, pour continuer au niveau de sa nuque, puis de son épaule. Kseniya aurait tellement préféré prendre son temps, histoire de soigner l'occasion. Mais le temps leur manquait.
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J'avais toujours cru qu'on restait maîtres de notre destin, qu'on avait le libre arbitre. J'avais eu la prétention de croire qu'on faisait nos propres choix, que la décision finale nous revenait automatiquement. Je m'étais trompé. C'était drôle de voir comment les événements s'étaient déroulés au final. La vie nous avait séparés pour aussitôt nous réunir. Certes, entre la dernière fois et maintenant il s'était passé quelques mois mais l'issue demeurait la même. Je n'avais pas prévu de te revoir ce soir là et pourtant c'était bien ton corps qui était serré contre le mien, tes bras qui étaient autour de mon cou. Je me sentais totalement grisé par ces multiples contacts et une chose était certaine, j'en voulais toujours plus. Te proposer de nous isoler pouvait paraître déplacé à bien des égards. J'aurais tout donné pour pouvoir passer une nuit entre tes bras mais ce n'était pas possible, tout du moins, dans l'immédiat. Mieux valait donc prendre ce que l'on voulait bien nous donner, même si c'était peu. Dans un monde où les occasions se faisaient si rares on ne pouvait pas se permettre de jouer les fines bouches même si pour toi j'aurais très certainement décroché la lune. Tu voulais que je m'improvise guide, que je te mène jusqu'aux recoins les plus secrets de cette maison. Ta voix presque autoritaire m'arracha un frisson d'anticipation. « Vos désirs sont des ordres. » murmurai-je dans un souffle presque inaudible bien que je m'efforçais d'adopter un air détaché. J'avais à peine laissé échapper ces quelques mots que déjà je l'entraînais dans ce dédale de couloirs, à la recherche d'un endroit calme et tranquille où nous pourrions nous laisser aller à nos retrouvailles en toute quiétude. Je réfléchissais toujours sur notre destination. Finalement, tu décidas pour nous puisque tu entras dans la première pièce qui se présenta. Sans rechigner je te suivis et je fus à peine entrer que tu avais déjà fermé la porte le plus discrètement possible – ce serait bête de les alerter pour une bête porte qui claque. Effectivement l'endroit était quelque peu exigu et je me demandais même comment on pourrait tenir à deux là dedans. En fait, il s'agissait plus d'un débarras que d'une pièce digne de ce nom. C'était presque incongru d'avoir une si petite salle dans une demeure aussi grande mais peu importe. Ça allait faire l'affaire. Je souris lorsque tu me fis remarquer qu'on choisissait toujours les endroits les plus improbables. Ce n'est pas faux. Par contre, je ne pus m'empêcher de protester lorsque tu éteignis la lumière.

« Je ne peux pas te voir. » déplorai-je alors, presque déçu de ne pas pouvoir la regarder à ma guise. « Allez, même pas un lumos ? »

En ce qui me concerne, je ne pouvais plus produire la moindre magie et pour cause, ma propre baguette avait été confisquée et brisée lors de mon arrestation quelques mois  - années ? - plus tôt. Toi seule pouvais donc nous offrir cette lumière salvatrice, bien plus discrète que l'éclairage de cette maison. À moins qu'il ne s'agisse tout simplement d'un nouveau jeu coquin. À dire vrai, je n'avais jamais tenté de faire ça dans le noir. Il paraît qu'être privé d'un de ses sens pendant l'acte – la vue par exemple – rendait la chose beaucoup plus excitante. Tout d'abord sceptique j'osai laisser un pourquoi pas s'inviter dans mon esprit. Tu me cherchais à tâtons, désorientée. Ça commence bien. Il nous faudra très certainement un temps d'adaptation histoire que nos sens s'ajustent à l'obscurité ambiante. Bon sang, on n'y voyait goutte par ici. Enfin, mon corps rencontra le tien. Là, juste là. Le tout était de ne pas te perdre dans le noir. Je détestais les endroits sombres en plus d'être un poil claustrophobe. Peut-être était-ce parce que mon père m'enfermait pour me punir, sachant cela. Aujourd'hui, ma chambre – si on pouvait appeler ça ainsi – n'était guère beaucoup plus grande et beaucoup plus éclairée. Tant bien que mal, je m'en accommodais même si je donnerais n'importe quoi pour pouvoir avoir un vrai lit, avec des édredons moelleux et des couvertures toutes douces. Un joli rêve qui malheureusement n'était pas réalisable dans l'immédiat. Je frissonnai derechef lorsque tu glissas tes mains sous mon t-shirt, venant directement à la rencontre de ma peau brûlante de désir. Presque par réflexe, je me serrai contre toi. Pouvais-tu sentir à quel point je te voulais maintenant ? Tes mots m'électrisaient, me rendaient d'autant plus fébrile parce que putain, toi aussi tu m'as manqué. Nos débuts étaient laborieux, comme toujours d'ailleurs. Voilà bien longtemps que je n'avais pas eu de contact charnel, j'étais même un peu rouillé, ma captivité m'ayant rendu quelque peu misanthrope. J'espérais encore me rappeler de ton corps, de tes courbes délicates et sensuelles. Tout ceci me revenait en mémoire désormais, mémoire qui avait été quelque peu été altérée au point que je ne me souvenais plus réellement qui j'étais. T'avoir à mes côtés était la seule certitude que je pouvais avoir – le reste me semblait tellement aléatoire. Il fallait que je me souvienne...

Je sentais ta poigne ferme sur mes reins, tes lèvres quitter les miennes pour partir à l'assaut de mon cou. Mes doigts trouvèrent tes cheveux, ils s'y perdaient, ils caressaient ta nuque, glissaient jusqu'au ruban qui retenait le haut de ta robe sur ta poitrine. Je tirai légèrement dessus, le temps de le dénouer. Un bruissement de tissu m'indiqua qu'elle était tombée à tes pieds. Le tout était à présent de ne pas se prendre les pieds dedans, ce serait tellement bête. J'en vins à te soulever avec délicatesse pour dégager la robe d'un coup de pied, c'est qu'elle est devenue gênante celle-là. Puis, je te plaquai contre le mur ou tout du moins ce qui tenait lieu de mur. Mes mains parcouraient ton buste sans aucune pudeur, mes doigts dessinaient tes rondeurs, le cambré de tes reins. Pour l'instant, je n'osais pas encore toucher ton ventre, que je devinais légèrement arrondi. Cela me rappelait qu'il fallait que je reste doux car je craignais lui faire du mal, même s'il était encore tout petit et bien à l'abri là où il était. Je te serrais contre moi et je pouvais sentir ta poitrine contre mon torse. Mes lèvres embrassaient ton cou avec ferveur, mordillant et léchant ta peau d'albâtre, quelque peu joueur. J'explorais l'os fragile de la clavicule et la naissance de tes seins. Je m'en souvenais comme si c'était hier, comme si le temps n'avait pas filé depuis, c'était comme un vieux réflexe que l'on retrouve, des détails qui ne nous avaient jamais vraiment échappés. Oui, à présent, je me souvenais.
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