tales from another world

Il y a un long silence. Une tache d'encre qui apparaît, sans former de mot, ni de dessin, et qui disparaît ensuite, sans autre indice. Le silence. Il l'a sans doute effrayée. Elle ne veut pas et ne sait pas comment le dire. Ou il est arrivé quelque chose. C'est presque trop soudain. Il recommence à mordiller l'extrémité de sa plume, un peu nerveux.

« Je crois qu'on a volé ma... »
Ma vie ? Ma mémoire ?
Quoi donc ?
Que des non-dits, de l'inconnu, ce passé qui échappe à Elphaba et dont il ne connaît rien, un immense casse-tête aux morceaux égarés.

« J'ai toujours une résidence secondaire. La cheminée fonctionne encore. » La résidence secondaire à laquelle il s'est efforcé de ne pas réfléchir. C'est donc bien maintenant qu'elle désire le voir. Davius réfléchit. Il serait facile de se déplacer... facile d'y aller. Il peut transplaner, après tout, tous ces mois d'incapacité sont terminés. Personne ne l'attend et il n'a pas de comptes à rendre à personne. Ce serait... idiot, inconscient, profondément débile. « Et du whisky. Il rit un peu. Vous savez où se trouve le cœur d'un homme. C'est écrit un peu trop vite. Dites-moi où vous rejoindre et... Et quoi ? Il a perdu ce qu'il voulait dire. Et « j'irai le plus rapidement possible » ? C'est une évidence. C'est presque honteux. Il se rattrape comme il peut. ... si vous le voulez. »
Si vous voulez toujours me voir. Maintenant, ou plus tard. Peu importe.
Parce que oui, lui aussi a envie de la voir. Il le sait. Il se refuse le droit de se l'avouer, mais il le sait.

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« Vous savez où se trouve le cœur d'un homme. » Le coeur. Il aurait pu employer des tas de termes. Il aurait pu choisir mille métaphores pour affirmer, tout simplement, qu'elle était douée pour attirer un homme. Est-ce que Davius était du genre élégant et éduqué à la belle littérature, avant la guerre ? Est-ce que ce genre d'expressions faisaient partie de lui ? « Dites-moi où vous rejoindre et... » De la folie. Et c'était de la folie. Il y avait Elsa, là-haut, qui dormait. Il y avait les risques qu'elle sorte sans rien dire, qu'elle s'éclipse et qu'on remarque un peu trop son absence. Et qu'y gagnerait-elle, réellement ? « ... si vous le voulez. » La question serait plutôt qu'est-ce qu'elle voulait ? Ils savaient tous les deux ce qu'ils avaient entamé, lors de leur première rencontre, et elle doutait qu'ils soient assez lucides, à cette heure, pour ne pas poursuivre cette parfaite hérésie.

« Loustry Ste Chaspoule. Le manoir Reid, abandonné. » Sans doute une des rares demeures biscornues inhabitées qui ne soient pas un musée de la honte, un symbole de la traitrise, à l'instar du Terrier des Weasley, par exemple. Ils étaient vraiment stupides, de s'être tous engagés dans cette guerre, de s'être sacrifiés pour un incompétent orphelin. « .. Dans une heure ou deux ? Il faut que je fasse venir quelqu'un, pour Elsa. » C'aurait dû être l'inverse, c'aurait dû être lui, le père responsable et Elphaba la jeune écervelée capable de tout lâcher, mais elle avait vécu trop vite et pour lui, le temps s'était sans doute déchiré. Elle prend le temps de tracer, vaguement, la silhouette du manoir, incapable de se souvenir de l'adresse exacte. Il trouverait, elle le savait. Heureusement que sa mère lu avait fait donner des cours de dessin. « Davius ? Je suis désolée, pour la dernière fois. » ajoute-elle, après que le papier ait entièrement effacé l'esquisse.

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« Loustry Ste Chaspoule. Le manoir Reid, abandonné. Il tente de voir où peut être le manoir, mais les seuls souvenirs qui lui viennent en tête sont les maisons des Diggory, des Weasley et des Lovegood. Il trouvera bien, non ? Dans une heure ou deux ? Il faut que je fasse venir quelqu'un, pour Elsa. Deux heures. » Deux heures, c'est moins louche. Elle aura le temps de trouver un prétexte et de trouver quelqu'un pour prendre soin de la petite, de se faufiler en cachette et de semer les traces de... de quoi ?
Sa paranoïa joue. Son impression de toujours être suivi, que la traîtrise se cache partout.
La plume d'Elphaba trace patiemment la silhouette d'un manoir, qu'il s'efforce de mémoriser pour pouvoir le retrouver. Un manoir abandonné qui ne soit pas un monument à la traîtrise. Il le trouvera.

C'est excitant. Il a déjà la peau parcourue de frissons d'excitation, d'une anticipation délicieuse et interdite. Davius divague (espère) déjà et tous ses efforts pour ne pas y penser, pour ne pas revenir à ce qu'ils ont arrêté, ne servent définitivement plus à rien.
(un animal affamé)

Le manoir s'efface, l'encre complètement absorbée par les livres magiques. De nouveaux mots apparaissent. « Davius ? Je suis désolée, pour la dernière fois. Vous n'avez pas à vous excuser. » Il n'y a pas eu de mal. Il n'y avait pas de promesses. Elle ne lui doit rien. Jamais. « Vous revoir... Les mots s'effacent. Il ne sait plus. Ses mots ont encore fui. La fatigue. ... qu'importe. Je vous attendrai. »
Et si c'est un piège, un guet-apens ? Si c'est Lazarus Carrow qui l'attend au manoir Reid au lieu de la veuve Reid ? Si c'est une façon pour elle de continuer à faire la collabo ?
Hé bien. Ce sera toujours le moment de renouer avec de vieux ennemis.