« It happens accidentally, in a heartbeat, in a single flashing, throbbing moment. » ♱ - Sarah Dessen, The Truth About Forever.
Elle a essayé. Elle a vraiment essayé de se lever pour atteindre la porte, juste en face, qui mène à la salle de bains parentale mais elle n'a pas pu ; elle a vacillé avant de s'écraser lourdement sur le sol, hantée, secouée de sanglots et de spasmes. Son corps a joué de déformations douloureuses jusqu'à ce qu'elle soit trop épuisée pour qu'il le puisse encore. Le blanc de ses cheveux s'est fané, grisâtre et la pigmentation de ses pupilles a viré vers une teinte fantomatique. Elphaba Duchannes était en train de s'éteindre dans sa lutte perpétuelle avec ce passé volé, ces terreurs floues, ces mots évaporés.
L'angle du piano. Elle a revu la scène, elle l'a senti, le coup, la violence du choc contre sa tempe, elle a étouffé ses pleurs, fait taire le son de sa voix. Elsa était avec la nourrice, dehors, à faire des courses ; pas une raison de lâcher prise pour autant. Pas une raison pour s'abandonner entièrement à cette crise insensée. Aidez-moi. Il n'y a personne pour qu'une telle supplique s'extirpe de sa bouche, personne ne pourrait la sortir de là. Alexander allait la tuer. Elle est sûre que.. non, il est mort. Il reviendra. La première gifle, la marque rouge de la main sur sa peau. Puis les autres. Toutes les autres. Et le sang sur ses lèvres qui n'a laissé qu'un bleu dans la mémoire. Tu m'as trompé, Elphaba ! Les accusations, les sorties clandestines. Et cette jalousie, diable cette jalousie.
Sa propre main se porte à son cou. Il va la tuer. Non, il est mort. Elle se débat, seule, dans cette obscurité dérangeante, entourée des vieux meubles de bois de la lignée Reid. Le sol est froid sous sa peau fiévreuse. L'angle du piano. Le temps lui semble infini, et sur le bord du lit, le livre de contes ouvert sur la page enchantée dont elle n'a pas pu lire les derniers mots. Elle voulait juste.. un bain, frais. Juste.. oublier cette peur. Le hurlement douloureux finit par lui échapper quand elle croit revoir son visage, quand elle croit sentir à nouveau les mains jouer brutalement sur sa peau. Et les sanglots qui ne se tarissent plus alors qu'elle se recroqueville, position de protection faiblarde et inutile.
Peut-être qu'il va enfin en finir. Non, il est mort, il est mort, il est mort. Elle tend la main mais sa baguette est trop loin, sur la table de nuit d'acajou. Ca ne sert à rien. Elle abandonne vite, replace sa paume au niveau de son visage et, noyée par ses propres larmes, attend l'instant fatidique où le fantôme aura sa peau. Aidez-moi.
Sa main passe sur son menton, dont même le rasage de frais n’a pas réussi à enlever tout le piquant (il a la barbe dure, formant toujours une légère ombre plus sombre sur son visage). Il a l’air un peu moins fatigué. Un peu plus jeune, également, même si la fatigue de ses traits, de ses yeux, contrebalance cet effet. Il est nerveux. Les derniers mots écrits par Elphaba l’ont laissé sur sa faim, mais surtout sur une désagréable impression. Celle, encore, que ce n’est pas elle de l’autre côté du livre enchanté. Elle est malade, évidemment, et qui donc n’est pas exténué quand il est malade et un peu hors de lui-même, mais il y a quelque chose… ce quelque chose qui veut toujours revenir à la surface, quand elle parle, quand elle bouge, ce mécanisme brisé (de poupée), la faille dans son rôle. Davius surveille le manoir de Godric’s Hollow, où il ne semble pas y avoir âme qui vive. La chambre d’Elphaba est plongée dans le noir, c’est ce qu’elle a dit, et il remarque vite la pièce aux rideaux lourdement tirés. Dans le reste du manoir, cela dit, pas un mouvement. Encore quelques minutes passent avant qu’il ose aller jusqu’à la porte. Il ne frappe pas; il entre, tout simplement, après avoir déverrouillé la serrure et désactivé momentanément un sort simple d’alarme, servant de sonnette magique.
Pas un bruit. Pas un son.
Porte refermée derrière lui, les sorts remis, réactivés, il entreprend de monter à l’étage, comprenant que si la Française a précisé que sa chambre est dans le noir, c’est qu’elle désire qu’il l’y rejoigne. Il n’en reste pas moins méfiant, ne faisant pas un bruit, retenant sa respiration. Trop tranquille. Les seuls sons qui lui parviennent, ténus, étouffés, semblent être… des sanglots ? La porte de la chambre est fermée et il colle son oreille à celle-ci, écoutant patiemment. Oui, des sanglots. Des pleurs. Malade. Elle est malade. Ce n’est pas un piège. Il ouvre doucement la porte, laissant la lumière du passage éclairer celle-ci. « Elphaba ? » Il a parlé trop bas, dans un chuchotement trop peu audible, mais ses yeux lui permettent de voir que la jeune femme n’est pas dans son lit. Le bruit des pleurs douloureux, blessés, lui fait baisser les yeux. Au sol. En position fœtale, la jeune femme y est couchée. « Elphaba ! » L’exclamation est angoissée. Il retire son pardessus, le laissant s’échouer au sol, et range sa baguette dans sa manche, allant vite au chevet (même pas, à terre, est-elle tombée du lit ? a-t-elle tenté de se lever et en a été incapable ?) de la jeune femme. À genoux sur le sol. Il la retourne doucement, écartant ses mains pour qu’elle le regarde, le visage à moitié éclairé par la lumière venant de la maison. Il n’a pas fermé la porte derrière lui. Il l’appelle encore, tentant de reprendre une voix calme, mais celle-ci est plutôt nerveuse, effrayée : « Elphaba… c’est moi, Davius. » Les bras la soulèvent du sol, elle est si menue, flottant dans cette chemise trop grande, la ramenant sur lui, la coupant de ce plancher froid. Shh, shh, qu’il murmure par réflexe, écartant les mèches pâles de son visage, dégageant son front mouillé de sueur et ses joues trempées de larmes brûlantes.
Il ne comprend pas ce qui se passe. Il peut seulement constater les résultats. En avoir peur. La peau translucide d’Elphaba, parcourue néanmoins d’un réseau infini d’ecchymoses et de marques rougeâtres, comme il l’a déjà vue. La porcelaine brisée, tachée, marbrée (et il n’a pas encore vue ses marques). Ses cheveux grisâtres, ternes, ses yeux effrayés, dont les iris sont d’un gris délavé. Le visage est parcouru de larmes, nouvelles, et de chemins de sel, larmes anciennes qui se sont évaporées. Elle est en état de choc. Il ne comprend pas et elle non plus, sans doute. Il ne veut pas lui faire peur.
L’homme la soulève du sol, c’est trop facile, presque effrayant ça aussi, pour s’asseoir sur le lit avec elle sur les genoux. Son bras s’étire et referme le livre magique, précaution peut-être inutile. Shh. « Je suis là, fy nghariad… ça va aller… », qu’il murmure à son oreille, caressant son visage. (mon amour)
« It happens accidentally, in a heartbeat, in a single flashing, throbbing moment. » ♱ - Sarah Dessen, The Truth About Forever.
« Elphaba… c’est moi, Davius. » Le flou de ses prunelles noyées lui dévoile la silhouette de l’homme. Il est venu. Il est venu. Il ne l’a pas abandonnée, il ne l’a pas laissée aux griffes du menaçant fantôme qui hante chaque seconde de sa triste et sombre existence. Il la soulève comme on soulèverait une marionnette, sans une once d’effort ou de difficulté, et elle se contente de le fixer derrière le rideau humide de son regard délavé. Shh, murmure-t-il, rassurant, apaisant. Si les tremblements semblent déjà diminuer, sa peau continue à marbrer, révélant de nouvelles blessures, celles de l’âme, d’un autrefois traumatique, insoluble. Ses genoux, ses bras, sa voix. Elle se sent toujours en danger mais elle sait qu’il ne la laissera pas mourir sans rien faire, sans au moins essayer de la défendre. Il a brûlé le manoir pour elle, n’est-ce pas ? « Je suis là, fy nghariad… ça va aller… » Elle n’a pas compris tous les mots mais elle a bien intégré le contact caressant sur son visage, son côté doux.
« Lazarus Carrow a piégé ce que j’étais. Il m’a effacée pour me reconstruire. Il m’a falsifiée, Davius. Je.. coincée quelque part au fond de mon propre esprit.. » Elle débite les mots comme une automate trop pressée, dont la voix fatiguée menace de s’éteindre à chaque seconde qui passe. Elle se souvient, ça lui fait mal alors elle doit le dire, le dire avant d’oublier, le dire quand quelqu’un peut entendre, l’aider, la sortir de là, la sauver. « .. Un jouet cassé. Il a mal.. mal fait et.. » Et Elphaba Duchannes s’est changée en un mélange de porcelaine ébréchée et de collaboratrice manipulée. Un peu d’elle, un peu d’une autre, cette autre peut-être qu’elle aurait été si elle avait été élevée dans l’Angleterre raciste et non la France méritocratique.
Un couinement s’extirpe de sa bouche lorsqu’une ombre semble bouger au coin de son champ de vision, et aussitôt, elle se replie, cache son visage contre le torse masculin, contre le rempart de ce corps dont elle se souvient encore les courbes et la chaleur. Il va la tuer, non, Davius est là. Davius est là. Il faut continuer, tout révéler, que ça ne s’évapore pas, que ça ne lui glisse pas encore entre les doigts.. et si elle se souvient encore, après la crise, quand ses incessantes larmes cesseront de couler, alors elle éclaircira, pourra répondre à ses questions. Mais d’abord évacuer le poids infernal du secret qui l’emprisonne, fait d’elle une traîtresse aux yeux de son pays, aux yeux de sa ‘mère’. « J’ai essayé de quitter Alexander et.. ça l’a rendu fou.. ça l’a rendu complètement fou.. » Fou de rage, de jalousie. Son ambition sans limite et sa volonté de conquête faisaient partie de ce genre de défauts qui rendent un homme violent d’autant plus dangereux : Elphaba était sa chose. Sa chose à lui.
Les sanglots brisent encore la mélodie de son timbre. Les doigts agrippés aux vêtements de l’Indésirable, elle se sent vaseuses, fiévreuse, elle voudrait reprendre le contrôle sur cette magie défaillante, sur cet apprentissage qu’on lui a volé. Elle ne pouvait plus être tous les fantasmes. « Vincianne.. il faut dire à Vincianne qu’Elsa.. » Ca se brise, au fond d’elle. Ca se craquèle et la dure vérité est une souffrance à révéler : « Elsa a besoin d’une vraie mère.. et ça n’est pas moi. Elle doit apprendre.. » Pour ne pas devenir comme maman, si fragile, si .. incolore. La petite métamorphomage ne devait pas se changer en joli bibelot du gouvernement. Si elle pouvait rentrer en France, chez les Lancastre. Elsa, juste sa petite Elsa.
Les mots sortent subitement, sans qu'elle puisse les retenir, logorrhée difficile à prononcer, perdue dans un souffle qui se tarit, qui s'efface : « Lazarus Carrow a piégé ce que j’étais. Il m’a effacée pour me reconstruire. Il m’a falsifiée, Davius. Je.. coincée quelque part au fond de mon propre esprit.. » Lazarus. Son visage s'est durci, sa mâchoire s'est crispée. Il s'en doutait. Il n'a toujours pas été lui rendre une... petite visite, mais disons qu'il a été occupé, ces derniers temps. Assez pour que la visite au Mangemort passe au deuxième plan. « .. Un jouet cassé. Il a mal.. mal fait et.. » Et elle s'est brisée. Jouer avec les esprits est complexe, est si délicat. Il faut du doigté, pour le faire, et c'est bien pour cela que Davius ne se risque pas à ce genre d'exercice. Il a appris, des bases non travaillées depuis longtemps, mais il ne le fait pas. C'est trop dangereux. Fouiller est dangereux, alors modifier... ce crétin de Carrow a fait n'importe quoi. A fait comme bon lui semble. Uniquement pour lui.
Un couinement, un sursaut, elle se blottit plus étroitement contre lui, alors que ses yeux méfiants parcourent la pièce. Ils sont encore seuls. Il n'y a rien. Rien qu'eux. Il dépose un baiser sur le dessus de sa tête – elle sent la sueur et la poussière. Elle a chaud, elle est perdue, elle est paniquée. (la sorcière rose, la sorcière rouge, la sorcière blanche, la sorcière grise) Il la serre un peu plus fort contre lui. Shh. Il veut l'apaiser, mais il se doute bien que ça ne sert à rien – et surtout, elle doit parler. Elle en est enfin capable, sans qu'il comprenne ce qui a brisé le sceau du secret, ce qui permet au mécanisme de fonctionner à nouveau, même si c'est ainsi. Douloureusement. Difficilement. « J’ai essayé de quitter Alexander et.. ça l’a rendu fou.. ça l’a rendu complètement fou.. »
(la carte multicolore de ses coups, de ses colères, de ses crises, imprimée partout sur son corps, se déclinant en un arc-en-ciel de blessures et chaque fois de petites morts)
Elle pleure de plus belle. « Vincianne.. il faut dire à Vincianne qu’Elsa.. » Vincianne. Il reste impassible, attentif, ne montant qu'il sait de qui elle parle, qu'elle parle de sa cariad, de sa foutue Française impossible qui (lui manque) ne cesse pas de l'emmerder. « Elsa a besoin d’une vraie mère.. et ça n’est pas moi. Elle doit apprendre.. » Elle lui suggère de dire à Vincianne de... prendre Elsa ? De l'enlever ? Enfin, avec son accord, mais la suggestion reste la même. Davius se mord les lèvres, mais il peut seulement hocher la tête. Déjà qu'il ne savait pas comment présenter les choses à la Bouche-Cousue quand il s'agissait uniquement de la lettre, là, c'est un défi qui lui semble encore plus immense. Elle va le massacrer, par Merlin, et il n'aura rien pour se défendre. « Je trouverais Miss Vincianne... je lui dirai. Ce qu'il aura à dire. Tout ce qu'il pourra dire. Je vous aiderai... je l'ai promis. » (l'incendie du manoir)(une visite à Lazarus)(la lettre à Vincianne) Le Gallois caresse tendrement les cheveux d'Elphaba, la berçant légèrement contre lui, comme il le ferait avec une enfant, non pas avec une femme. Une femme brisée, une enfant perdue. Il y a un peu des deux, sans aucun doute. Sa main vient se poser sur son front, puis sur son cou, prenant sa température et ensuite son pouls. Chaude, trop chaude. Rapide, trop rapide. « Pourquoi vous êtes-vous levée ? » Il doit bien y avoir une raison. Peut-être peuvent-ils régler la chose, maintenant qu'ils sont tous les deux, qu'il peut l'aider ? La porte de la salle de bain des maîtres est entrouverte, dans la trajectoire visée. Un bain, c'est possible. Elle est brûlante, fiévreuse, son corps se battant tout autant que son esprit. Il préfère néanmoins ne pas prendre trop d'initiatives qui pourraient lui déplaire. La faire paniquer encore plus. Chaque caresse lui donne l'impression qu'il râpe sa peau, de ses doigts entaillés par le papier précédemment, qu'il la blesse encore plus. Des bleus ne cessent d'apparaître sous le passage de sa peau. « Ça va aller... » Une autre fois. Pour se convaincre lui, peut-être. Pour la rassurer encore.
« It happens accidentally, in a heartbeat, in a single flashing, throbbing moment. » ♱ - Sarah Dessen, The Truth About Forever.
« Je trouverais Miss Vincianne... je lui dirai. » Vincianne. Il le dit si bien, Vincianne. Ca l’étonne un peu mais elle n’ose pas émettre de protestations, de doutes, de questions. Elphaba est fiévreuse, n’est plus tout à fait sûre d’être dans la réalité et se contente de regarder l’homme qui la tient entre ses bras comme on fixe un incertain reflet dans un miroir. « Je vous aiderai... je l'ai promis. » ajoute-t-il, mais elle ne dit rien. Pas encore. Elle a le coeur agité de remords, de regrets, de craintes aussi. Elle n’est plus qu’une enfant contre lui lorsqu’il touche son front puis son cou, lorsqu’il évalue son état. Elle n’est plus qu’une petite fille désemparée au myocarde tambourinant trop fort, à la peau tachetée de ses erreurs du passé. Ses erreurs à elle. « Vincianne est la marraine d’Elsa.. » Ce n’est qu’un murmure résigné, un souffle de tristesse qui ne fait qu’indiquer qu’elle ne confierait pas sa fille à la première venue. C’est pour cela que l’on choisit des marraines, non ? Pour le fatidique instant où les parents ne sont plus aptes. Elphaba ne se considérait plus apte à élever sa fille.
« Pourquoi vous êtes-vous levée ? » demande-t-il finalement. Elle détourne ses billes grises, gênée. La porte de la salle de bains est entrouverte, il ne lui manquait pas grand chose pour l’atteindre, pour se rafraichir. Elle n’aspirait qu’à cela : faire baisser la température autant que la pression. « Ça va aller... » Elle fait non de la tête. Non ça ne va pas aller. Qu’est-ce qu’il va lui rester ? Un amant clandestin qui pourrait se faire tuer sans qu’elle n’en sache rien, une vie vide de sens sans pouvoir écrire ? Elle n’est pas certaine de vouloir de tout cela. Si elle était rentrée en France quand il était encore temps. Tss. Avec des ‘si’, on mettrait le Magister en fiole.
« Je voulais.. un bain.. » finit-elle par avouer, sans une once d’assurance. La séductrice était diablement loin. L’heure n’était ni aux bas élégants ni aux dessous affriolants, juste à cette chemise trop grande ayant appartenu à son défunt époux et à l’obscurité de ce manoir entre maison hantée et modernité. Elle fait un effort pour lever la main jusqu’à la joue de Davius, un peu maladroite, et un autre pour atteindre ses lèvres ; le baiser est fragile, comme elle, et doux, comme une excuse. Elle craint encore qu’en rouvrant les yeux, ce ne soit plus l’indésirable mais le tyrannique. Elle craint encore les représailles lorsque, dans la noirceur de sa chambre, elle serait seule. Peut-être que la lutte la fait délirer ? Elle songe qu’elle ne pourra être sûre qu’une fois calme, quand les muscles cesseront de tirer, quand les pensées cesseront de se jouer d’elle. « Merci.. » un murmure près de sa bouche. Merci d’être là.
Le « Vincianne est la marraine d’Elsa… », susurré par Elphaba dans un souffle, a rassuré le Gallois sur la nature des liens entre les deux Françaises. Lui a également confirmé qu’il espère plus que tout que la Vincianne qu’il a en tête est bien celle à laquelle la Duchannes pense. Il lui a promis de l’aider, de trouver cette Vincianne, avec cette certitude idiote qu’ils parlaient de la même. Et si ce n’est pas le cas ? Oh, il avisera en temps et lieu. Une étrange gêne se dégage de la jeune femme. Oh, ce n’est pas comme s’il attendait à du glamour… pas avec un SOS. Pas avec le fantôme (grise comme ceux de Poudlard, presque translucide) qui se repose entre ses bras. « Je voulais… un bain… » Oh. Riche idée, en effet. Il approuve d’un signe de tête, avant qu’un frisson le traverse quand une main légère s’égare sur sa joue, puis que le visage trop pâle d’Elphaba se rapproche du sien, dans un effort qui semble déjà exténuant. Aussi minime soit-il.
Le baiser est doux, un effleurement à peine sur ses lèvres, plus appuyé subitement, avec toujours autant de délicatesse. Le souffle d’Elphaba. « Merci… » Il sourit, une ombre furtive qui disparaît aussitôt, invisible aux yeux clos de la jeune femme. Il l’étend sur le lit et déboutonne la chemise d’homme, sans hâte, sans sensualité, pour ensuite la reprendre entre ses bras. Le vêtement n’a fait que révéler encore plus de blessures passées, jamais oubliées, entreposées dans une mémoire brimée et cassée. Aucun regard pour sa nudité. D’érotisme, de séduction, il n’y a aucune trace. Aucune pensée, même. Ce n’est pas cela. « Vous aurez un bain. » Pour abaisser sa température, pour la réveiller, pour la garder alerte, pour l’aider. Son corps en a besoin tout autant que son esprit. Il se lève, tenant fermement le poids si léger qu’elle représente, l’emmenant directement dans la salle de bain des maîtres. Il n’en allume pas les lumières, il se contente de lancer un sort qui fait flotter quelques boules lumineuses au-dessus du bain – moins agressives pour le regard. Un autre coup de baguette et les robinets sont ouverts, jusqu’à ce qu’il considère le bain suffisamment rempli.
L’eau est fraîche. Davius la teste des doigts avant de se pencher pour déposer Elphaba dans l’eau, un shh shh d’apaisement passant déjà ses lèvres – par réflexe, au cas où elle trouve que c’est trop froid, pour la calmer (ta fille, tu fais comme tu faisais avec tes filles). « Ça va vous faire du bien. » Il se pose à côté du bain, assis sur le plancher froid, une main traînant dans l’eau. Il a déjà fait son plongeon du jour dans l’eau froide, juin a réchauffé les lacs depuis l’hiver et c’est plus agréable à nager, mais la fraîcheur lui fait aussi du bien. L’apaise un peu. Il est plus calme. En apparence seulement, peut-être : il sent encore son cœur se débattre de nervosité. D’appréhension. Il a encore peur. Ils ne sont pas en sécurité. N’importe qui peut arriver, n’importe quand (le Mangemort). Sa main vient caresser l’épaule d’Elphaba, distraitement, les bleus qui semblent légèrement s’estomper. Réellement, ou est-ce un effet de son imagination ? Il n’est sûr de rien. Les boules lumineuses ne lui permettent pas de voir avec tant de détail. Les doigts jouent avec une mèche trop pâle, tandis que les yeux détaillent le cou marbré, les lèvres légèrement bleutées. « Voulez-vous… manger quelque chose ? » L’Auror n’a pas envie de la quitter, de la laisser là, seule. Il a envie de s’excuser, également. Pour la surveillance, pour le Mangemort, pour toute cette pression qui est de sa faute. Toute cette angoisse. Peur de peut-être trop se dévoiler.
« It happens accidentally, in a heartbeat, in a single flashing, throbbing moment. » ♱ - Sarah Dessen, The Truth About Forever.
« Vous aurez un bain. » Il la défait de cette chemise hantée, avec douceur et sans montrer l’ombre d’un désir déplacé. Il la soulève avec facilité, comme si elle ne pesait rien, pas plus qu’une ombre, ce qu’au fond, elle est. Elphaba Duchannes était morte depuis longtemps, sa vivacité et sa malice sacrifiées au sein d’un mariage brutal et destructeur. L’eau est une délivrance. La fraîcheur apaise l’irritation de sa peau maculée des bleus du passé et la présence de Davius calme l’agitation de son esprit. « Ça va vous faire du bien. » lui souffle-t-il. Il lui faudra une dizaine de minutes avant qu’elle ne remarque les boules lumineuses et cette main traînant près d’elle, dans le liquide frais. Revenir à un état normal ne lui est pas aisé. La peur, toujours cette peur qui ronge. « Voulez-vous… manger quelque chose ? » Le contact sur son épaule, ses doigts jouant avec une mèche de cheveux pâle ont détourné son attention de la question - concentration défaillante. Elle finit pourtant par esquisser un sourire, un brin de malice passant dans ses yeux gris : « En dehors de vous, vous voulez dire ? » Les marques sur sa bouche s’estompent lentement et son cou paraît reprendre une couleur plus naturelle, plus normale. Les stigmates ne résistent pas à ce qu’il lui offre, à cette affection et cette protection qu’il représente.
« Je n’ai pas faim. » comment le pourrait-elle ? Tout son corps se débat contre le sortilège. Tout son corps se joue de ses failles. Et l’apprentissage ne lui est plus accessible. Avec les souvenirs falsifiés s’étaient envolés des pans entiers de sa vie, des pans complets d’une enfance auprès de sa famille d’adoption, des leçons de Vincianne qui lui avait tant appris.. tant appris pour oublier, comme ça, d’un claquement de doigts, d’un tour de baguette mal calculé. « Il faut que cela cesse, Davius.. » Les pigments reviennent progressivement, le blanc redevient brun, le gris retrouve quelques reflets bleutés très légers. « Si je ne retrouve pas complètement ma mémoire, si on.. si on.. » Les mots s’échappent. Elle fronce les sourcils, inspire profondément. Les dessins marbrés de l’épiderme laissent place à la porcelaine. Le froid de l’eau est bénéfique, écarte les tensions. Mais ça n’est pas la fontaine de jouvence et ça n’a pas le miraculeux pouvoir de lui rendre ce qu’elle fut, il y a longtemps.. des siècles lui semble-t-il. « Si on ne supprime pas ça, mon corps va vieillir prématurément. » Parce que le manque de maîtrise a de lourdes conséquences.
Un soupir mélancolique. « C’est comme si je n’avais plus accès à ce que j’ai appris, et je suis trop âgée pour recommencer à zéro.. » Il y a des limites à ce que sa magie pouvait réintégrer, surtout dans son état, il n’y aurait aucun moyen de changer la donne. A moins de la réparer, à moins de récupérer ce qui faisait d’elle une personne, une vraie, libre de penser, de prendre des décisions. Elle ne pouvait même plus prétendre à élever Elsa, influence nocive pour une enfant entêtée ; pourquoi se forcerait-elle à contrôler son don si maman n’en avait pas besoin ? « Vous avez pris des risques.. pourquoi ? Je suis une collabo, vous ne devriez pas.. » Pas la peine de terminer cette phrase, le sens coulait de source. Il ne nierait pas l’absurdité de cette relation, n’est-ce pas ?
« En dehors de vous, vous voulez dire ? » Le regard gris a pris un nouvel éclat, plus jeune, et lui esquisse simplement un sourire amusé, bref. Ce n’est pas le moment de jouer. « Je n’ai pas faim. » Voilà qui répond à sa question et qui le satisfait; il n’a pas besoin de se déplacer, de la laisser seule. La bouche est redevenue intacte, ô magie, ô camouflage.
Il effleure le cou marmoréen, recommence à jouer avec une mèche de cheveux. Nervosité, distraction, incapacité à se concentrer. Incapacité à l’aider, lui semble-t-il, à être utile. « Il faut que cela cesse, Davius.. Si je ne retrouve pas complètement ma mémoire, si on.. si on.. » Le cou a perdu ses blessures et tout le corps suit, lentement, mais sûrement, retrouvant des couleurs. Les cheveux entre ses doigts se foncent, jusqu’à redevenir bruns, et quand il regarde ses yeux, il jurerait que les iris translucides ont récupéré des reflets bleus, verts. Est-ce qu’il est rassuré ? Il sait bien que ce n’est pas parce qu’il ne voit plus les marques qu’elles ne sont plus là… Les chemins violacés, rougeâtres, disparaissent également, laissant Elphaba vierge de toute marque, de toute cicatrice. Le corps camoufle, cache, dérobe. « Si on ne supprime pas ça, mon corps va vieillir prématurément. » Vieillir non pas au sens des années – les sorciers ne vieillissent pas comme les moldus, de toute façon. Vieillir au sens de la magie. Sa magie s’étiolera, jusqu’à être complètement fanée, à n’être qu’une fleur malade. Son corps accusera encore et cette fois pour toujours les coups reçus, la transformant en fresque de violence indélébile. La magie s’échappera, sera hors de contrôle, et aucune baguette, aucune rune, aucun sort, ne pourra contenir ce qui sera déréglée. Métamorphomage. Don et malédiction. Un soupir; sa main caresse une joue désormais intacte, son pouce effleure les lèvres pleines. « C’est comme si je n’avais plus accès à ce que j’ai appris, et je suis trop âgée pour recommencer à zéro.. » Lazarus l’a cassée, brisée; il ne sait pas comment récupérer ce qui a été verrouillé en elle, ne sait pas qui pourrait arranger les choses sans les aggraver. Personne qui puisse accepter de le faire, dans tous les cas.
Il n’est pas préparé à la question suivante : « Vous avez pris des risques.. pourquoi ? Je suis une collabo, vous ne devriez pas.. » Ses dents mordent sa langue, doucement, puis l’intérieur de sa joue, alors que les yeux s’abaissent brusquement, n’osant pas soutenir le regard encore trop pâle de l’écrivaine. Il regarde ses doigts baigner dans l’eau, cherchant une réponse appropriée, pas trop compromettante, à donner à Elphaba. Quelque chose de vrai qui ne dise pas tout – et même ce qu’il est incapable de formuler, de nommer. Elle a raison, après tout. Elle collabore avec le gouvernement, que ce soit volontairement ou pas. Lui… enfin, pas besoin d’épiloguer sur ses propres activités. C’est aussi absurde qu’imprudent. « Vous me manquiez. » C’est honnête. C’est cela. Ce n’est pourtant pas tout. Les réponses incomplètes lui font toujours l’effet de mensonges par omission et même ainsi, il ne sait pas mentir, n’aime pas mentir. L’inconfort se lit sur ses traits fatigués. Sa main libre, sèche, caresse son menton encore râpeux, geste qui s’accompagne d’un soupir. « Je suis un homme seul… doublé d’un sacré idiot. Plus encore que quiconque puisse l’imaginer. Je vous ai promis de vous aider. Et… vous me plaisez. »
Il le lui a déjà dit. Les mots ont pourtant un autre goût, dans sa bouche, cette fois.
Davius a promis et elle lui plaît. Il l’aime bien, même si ces mots ne veulent pas se formuler clairement dans son esprit. Ils se frappent contre une barrière, un refus net. Il ne veut pas le dire, se le dire. Enfin il ose la regarder à nouveau, un grand sérieux imprimé sur son visage. « C’est de ma faute si vous êtes surveillée. » C’est alors à lui de faire quelque chose pour régler cette situation dans laquelle il l’a replongée, alors que ce n’était pas le but. Il voulait seulement (nourrir la bête, apaiser le monstre affamé) l’aider.
L’aveu laisse la jeune femme dans une grande lassitude et leur discussion, décousue, ne se poursuit pas. Il se contente de caresser ses épaules, puis, quand elle lui semble plus détendue, d’aller l’étendre sur son lit, enveloppée dans une serviette. Les rares mots qu’ils échangent ne forment aucune phrase, aucun discours supplémentaire, et quand il se couche aux côtés d’Elphaba, ses bras serrés autour d’elle, elle semble retomber dans un demi-sommeil agité. Davius ne peut pas rester bien longtemps, mais… il en a besoin, peut-être, lui aussi. D’elle. (il lui a promis) Il chantonne, à voix basse. Une chanson en gallois, comptine pour endormir les enfants, berceuse tendre. Les syllabes graves, douces, comme une mélopée apaisante. Les spasmes légers se calment à peine. Ses lèvres viennent embrasser les joues, les pommettes, le visage froid et trop pâle. Il s’est rasé et son menton, jamais tout à fait doux, râpe la peau délicate. Légères marques rosées.
(O mor siriol, gwena seren Ar hyd y nos) (Ô combien joyeusement l'étoile sourit Toute la nuit)
Il ne peut rien faire de plus. Cette impuissance le rend dingue, le mine, et même pour celle-ci, il ne peut rien faire.
Les lèvres s’effleurent, un dernier baiser à la belle endormie – partagé, doucement, le demi-sommeil devenant un demi-éveil bref. Un chuchotement contre les lèvres pleines, une autre promesse : « Je reviendrai, fy nghariad. »
#EVENTS & #MISSIONS. NE MANQUEZ PAS LA WIZPRIDE (rp et hrp) !#SCRYNEWS. refonte du ministère (plus d'infos) & nouveaux procès de guerre (plus d'infos)#FORUMATHON.