« I know a place where no one's lost, I know a place where no one cries, Crying at all is not allowed, Not in my castle on a cloud. » ♱ - Les Miserables - Castle on a cloud.
« T’auras d’autres enfants Blondie. Des robustes qui mangeront de la pastèque en l’agrippant par la pulpe et qui te rendront dingue avec des conneries. Et Fred t’aime aussi. Pas seulement pour George. » L’image te semble douce, tendre, terrible. Terriblement inaccessible. Si inaccessible que tu ne parviens pas à visualiser ces enfants, tu ne perçois que le petit blond qui t’échappe. « Pourquoi ? » Oui, pourquoi aurais-tu d’autres petits êtres susceptibles de te mourir entre les doigts ? Tu n’étais pas masochiste à ce point-ci. « Pourquoi d’autres enfants ? Si on gagne cette guerre, si le régime du Magister tombe, tout sang-pur à proximité sera taxé d’héritier d’un idéal toxique. Le fait que je sois avec vous ne signifie pas que j’irais jusqu’à avoir des mini-sang-mêlés dans les pattes. » Parce qu’il fallait être honnête, tu n’étais pas un modèle de tolérance, d’ouverture d’esprit, d’amour transcendant l’idéal tordu de ta lignée. Bref, la mixité, très peu pour toi. « Et de toutes façons je déteste le contact. » Sous-entendu : aimer, c’est pas ton délire. Exception faite de Fred avec qui tu t’étais déjà révélée atrocement tactile. Tu avais eu un mouvement de recul, quand il t’a touché le bras, sans agressivité, juste un réflexe d’esquive. Peu étaient ceux dont tu tolérais la peau. Ron ne faisait pas encore partie de ce cercle presque trop privé.
« no offense mais t’es une serpentarde » Tu penches légèrement la tête. Tu tentes de remonter à tes souvenirs de Poudlard. Draco contre Potter.. et par extension, ses chers amis contre les serpentards. « Chapeauflou. Je suis chapeauflou. » Parce que quelque part, il fallait que tu lui signales que ta plus grande faute était tatouée sur ton bras, pas sur tes anciens uniformes de l’école de Sorcellerie. « Je sais bien que ta considération des verts et argent n’est pas très grande mais vous avez plus de points communs avec nous que les autres maisons. » Un sourire en coin. Ne pas penser à Gabriel, ne pas penser à un joli avenir entourée d’enfants, ne pas imaginer ce que serait ta vie sans ce retournement de veste. Finalement, le taquiner sur un sujet aussi futile que vos maisons est ce qui s’avère le plus distrayant. « On a simplement un meilleur sens de la survie que vous. » un clin d’oeil. Est-ce que le rouquin qui suivait le Survivant malgré tous les périls, contre le sens même du concept de bonheur et de vie pouvait nier cet état de fait ? Difficilement. Il s’était fourré dans tant de problèmes.
« Il t’a amené dans sa famille… c’est pas rien Blondie. On fait pas ça par charité. Même avec les jolies blondes. » Revanche consommée. Tu as baissé les yeux pour cacher le rose de tes joues. Il marquait - encore - un point. Tu n’aimais pas l’idée qu’il te qualifie de jolie blonde, tu voyais cela comme le contraire même de ce que tu étais. Quant au privilège d’avoir été menée dans sa famille.. Un soupir s’extirpe d’entre tes lèvres. « C’était extrêmement gênant. » Comme quand on doit rencontrer ses beaux-parents, en pire, parce qu’il y avait les réticences, les camps d’origines opposées, les tensions logiques, toutes ces choses que le Lord avait exacerbé. Autant tu savais Bill d’une grande tolérance, autant rencontrer Ronald avait été source d’angoisse. Encore heureux que le dernier frère ne se soit pas trouvé dans les parages, tu te serais sentie piégée.. à vie. « Je ne suis pas ce qu’on peut appeler .. une pièce rapportée d’excellence. » Pas chez eux. Nulle part ailleurs, si on y réfléchissait, vu l’absence d’alliance avec ta branche. Au moins, auprès des Weasley, on n’exigeait pas de mariage, d’amour, de promesses, on prenait ton amitié défaillante et on ne te réclamait qu’une chose : la fidélité. Le comble de la traitresse, peut-être. « Le roux a pas compensé le serpent. » Moue mutine. Fourchelangue en terre inconnue.
« Yep, un gros lézard. HUH… je veux pas savoir comment vos ancêtres ont fricotés ensemble. C’est positivement dégeulasse. » Tu l’as retenu, le rire, devant sa grimace, par principe, parce que rire n’était pas ta nature, parce que le naturel était toujours trop bridé, enserré dans des carcans fragiles mais bien présents. La retenue, toujours. « Ah mais alors… Voldemort est de ta famille ? Ah ewwwww. » Mh. Lui, en revanche, la retenue ne l’étouffait pas. Tu t’es légèrement mordue la lèvre, ne sachant trop comment placer des mots sur les sentiments que tu éprouvais à ce sujet. C’était toujours si confus. « J’ai toujours envié sa maîtrise. Fou, mais puissant. » Manque d’assurance. Le Maître faisait plier les serpents à sa volonté, il ne courbait jamais l’échine devant un sifflement quand tu n’étais parfois que l’objet de ta particularité magique. Consciente qu’il pourrait mal interpréter, considérer que tu désirais du pouvoir, tu ajoutes : « Il ne perd jamais le contrôle de sa créature. » Ce qui soulignait l’imperfection de ton apprentissage ; quelque chose clochait entre toi et les rampants. « T’es sure de ton serpent au fait ? Imagine, il donne des infos à Nagini ? Je sais pas moi, peut-être sa loyauté elle va d’abord aux serpents. Vous avez un système de confiance qui me dépasse en fait. » Tu as laissé traîner un silence, l’air pensive, faisant tourner la bague autour de ton doigt. Tu ne crois pas avoir eu un jour à expliquer ce qui te liait à Daeva, parce que la plupart des sorciers préféraient éviter le sujet, esquiver l’étrangeté de la chose, le côté un peu glauque. Mauvaise réputation, les plus grands mages noirs de l’Histoire parlent le fourchelang. « Daeva est loin du potentiel de Nagini. Je ne sais pas.. l’expliquer mais il y a quelque chose chez le serpent du Maî-Magister qui. C’est dérangeant. Fascinant mais dérangeant. » Un froncement de sourcils. « La loyauté c’est.. tu vois les chiens ? C’est un peu pareil. Avec un peu plus de caractère et disons, de risque mortel mais si tu instaures un lien d’affection avec ton serpent, il saura te le rendre. Ca implique que le Lord tient à Nagini sans doute autant que je tiens à Daeva. » Sauf que Nagini doit pas tenter de le tuer tous les 4 matins. On était maître du monde ou on l’était pas.
« On est la meilleur chose qui te sois jamais arrivé Rowle. » Et c’était vrai. « Viens ! On sort blondie. On va pas pleurer sur nos vies pendant trouze ans, y’a autre chose à faire. On se fait une virée. DAEVA ! ON SE BARRE ! GARDE LA MAISON ! » .. Euh, quoi ? Tu as ouvert de grands yeux sidérés, l’élan d’énergie contrastant avec le calme des lieux et, par dessus tout, sa façon de signaler à ton animal de compagnie qu’il fallait garder les lieux, contre nature chez le jeune homme. « T’es pas sortable blondie en fait. Si je t’emmène à un endroit, tu jures de bien te comporter ? » Petite moue. Où voulait-il en venir ? Tu as tiré sur ta manchette, comme pour t’assurer qu’elle dissimulait encore parfaitement la Marque, tic nerveux, avant de souffler. « Tu insinues quoi, Ronald ? Que le fait d’être Mangemort a impliqué que je sois une psychopathe à la Bellatrix ? Y a des limites aux clichés. » Fuh. Maintenant, il fallait parvenir à le contredire. Quelle plaie.
Tu as récupéré ta baguette et, un mouvement complexe plus tard, tu étais aussi rousse que le fier Gryffondor. « On n’est jamais trop prudents. » Un clin d’oeil. Il avait l’autorisation d’en rire.
Some nights I stay up cashing in my bad luck Some nights I call it a draw Some nights I wish that my lips could build a castle Some nights I wish they'd just fall off. "
« Pourquoi d’autres enfants ? Si on gagne cette guerre, si le régime du Magister tombe, tout sang-pur à proximité sera taxé d’héritier d’un idéal toxique. Le fait que je sois avec vous ne signifie pas que j’irais jusqu’à avoir des mini-sang-mêlés dans les pattes. »
Il la foudroya du regard pendant quelques secondes. De quoi donner l’impression que si les kalachnikovs avaient été de type sorcier, Lucrezia serait au sol à cosplayer le Dormeur du Val en cet instant. Si on gagne cette guerre? Le ‘si’ était insultant. Ils gagneraient, sinon tout était perdu : leurs familles, leurs amis, ceux qu’ils aimaient, toute une civilisation réduite au néant et courant vers l’absolue autodestruction. Si l’on ne mélangeait pas son sang, les tares arrivaient. C’était –comme disait les moldus- scientifique.
Mélanger n’était pas un danger mais une nécessité.
Ron arqua un sourcil à propos du contact. Il avait remarqué qu’elle n’aimait pas être frôlée, si ce n’était tout du moins par ses serpents et, d’ordinaire il s’en ficherait. Mais si elle avait eu un enfant, le contact ne l’avait certainement pas toujours dégouté. Dans sa naïveté, Ron s’imaginait qu’on ne pouvait faire des enfants qu’en aimant l’autre et qu’en en appréciant le toucher. Après tout, si cela avait été le contraire, il était certain que Lucrezia aurait achevé elle-même le père génétique. Non ? C’était des considérations qui l’embrouillaient. Trop compliqué. Trop d’exceptions qui ne confirmaient aucunes règles.
Dans son arrogance toute masculine, Ron partait du principe que forcément quelque chose n’allait pas chez elle. Quand bien même c’était pourtant le droit de tout un chacun de ne pas aimer le contact physique. Quelle qu’il soit. Ron ne se penchait que rarement sur la question. Il s’était rassasié des bras et de la peau de Lavande à une époque puis Hermione avait rempli son monde. Un univers idéal fait de désir latent et d’envies souterraines qu’il ne pouvait pas matérialiser. Parce que la guerre, parce que les caractères, parce qu’Harry.
Parce qu’aucunes nuits ne leur avaient jamais appartenu.
« Chapeauflou. Je suis chapeauflou. »
La réponse eut le mérite de le faire rire. Elle était plus drôle que son air de poupée de porcelaine instable semblait suggérer. Il fit mine de s’offusquer à cette horrible idée que les gryffondors et les serpentards aient quoi que ce soit en commun. Old rivalries die hard. C’était tellement ancré dans son éducation que Ron ne pensait même pas à remettre en question la chose. L’une des premières choses qu’il avait dite à Harry lors de leur première rencontre était que si le choixpeau le mettait chez les verts et argents, il pliait bagage et rentrait chez lui. Mafalda, sa précieuse cousine, avait beau en être une, rien n’y faisait. Rien n’y ferait jamais et si certaines personnes parvenaient à donner une couleur moins négative, Ron n’en restait pas moins accroché à un système compétitif qui avait été inculqué dès sa prime jeunesse.
Et de fait, ce n’était pas dur d’avoir un meilleur sens de survie que beaucoup d’entre eux. Ils étaient téméraires de nature. Même ceux qui avait failli se retrouver dans d’autre maisons. Ron tiqua à la façon dont elle se traitait elle-même. Elle n’était pas une pièce pas plus qu’un nuggets.
« J’ai toujours envié sa maîtrise. Fou, mais puissant. »
« Prends garde. On pourrait te taxer de sympathisante. »
Lui savait pourquoi Voldemort ne perdait jamais de vue Nagini. Il avait eu du mal à le croire lorsque Harry leur avait parlé des soupçons de Dumbledore à propos d’un énième horcruxe. Un horcruxe c’était déjà de la folie furieuse, mais plusieurs? Un frisson lui courut le long de l’échine et Ron passa une main sur son t-shirt, le lissant sur lui-même. Il faisait toujours ça lorsqu’il se sentait nerveux sur la conversation en cours. Ils trouveraient les horcruxes même si c’était la dernière chose qu’ils feraient. Ils les trouveraient et les détruiraient.
L’image du médaillon lui faisait encore pousser des cris inaudibles d’angoisse.
C’était plus simple de marcher en avant. Ne pas s’arrêter. Courir vers un but précis et quand celui-là serait atteint, on en trouverait un autre. Toujours courir pour ne pas avoir à s’arrêter et tomber.
Le mouvement c’était la vie.
« Tu insinues quoi, Ronald ? Que le fait d’être Mangemort a impliqué que je sois une psychopathe à la Bellatrix ? Y a des limites aux clichés. »
La façon dont elle prononçait son prénom lui donnait une tonalité presque moqueuse et il arqua un sourcil en allant prendre une casquette pour l’enfoncer sur sa tête. « D'avoir été. » Ron corrigea nonchalamment. Blanche avec une inscription orange qui semblait modifié mais où l’on pouvait encore reconnaitre –en s’approchant- le logo des Chudley Cannons.
« J’ai modifié pour ne pas qu’on reconnaisse. » Fit-il comme pour expliquer et pour parer à tout reproche. Il n’eut pas le temps et son regard s’émerveilla en regardant Luce. La blondeur glissait comme si elle fondait sous un océan de lave et bientôt le regard clair de la jeune femme brilla plus fort sous l’ombre des mèches auburn.
Tonk faisait ça aussi !
Tonk était morte.
« C’est sacrément pratique ! Rousse hein ? » Ron éclata d’un rire fasciné avant d’avoir un mouvement de la tête en ouvrant la porte. « Et je n’insinue pas. Vous… ils… ils sont psychopathes. Tous ceux que j’ai vu. Et pas fini dans leurs caboches pour certains. On transplane. Je guide. » Il ne lui laissa pas le temps de discuter plus en avant et glissa une main légère sur le coude de Lucrezia. « Suis-moi. » Il planta son regard dans le sien de sorte à ce qu’elle ne finisse pas désartibulée. Lui-même savait trop la douleur que cela provoquait.
La sensation était toujours déplaisante, le vent s’engouffrait toujours partout dans les vêtements et on avait la sensation d’être un rubikub sans réponse. Ils atterrirent, titubants, sous une tente désaffectées ou des costumes de clown étaient éparpillés. Le bruit des fanfares dehors et le son des roulis des manèges parvenaient sans souci jusqu’à eux. Ron cala sa baguette dans son vêtement, le bois frottant agréablement contre ses flancs puis regarda Lucrezia. « Behave » Un murmure qui se fondit un froncement de nez excité.
Il eut un autre mouvement de tête et s’extirpa de sous la tente en tenant le pan pour que Luce puisse passer à son tour. L’odeur était saturée de sucre. Celui des barbapapas moldus (celle des sorciers changeaient de couleurs à chaque seconde), celle des glaces et des gaufres et des rires des enfants. Tout était terriblement… terre à terre chez les moldus. Un énorme endroit avec des rondins de bois qui semblaient tomber dans de l’eau, un autre ou les gens semblaient rire en se prenant des vitres… ????...
« T’éloigne pas cela dit blondie… » Ron eut un froncement de sourcils. Ah mince… le surnom marchait moins bien là. Quelques secondes et un sourire de diablotin vint se nicher ses lèvres, remontant les taches de rousseur sur ses joues. « Poil de carotte ! Ouhouhhh »
Comme qui dirait Sainte Mangouste qui se fiche de la gueule du Magenmagot.
S'il avança, les couleurs dansant devant les yeux, il stoppa ses pas devant un décor verdâtre où une énorme bouche sanglante semblait constituer la porte.
Ah. La Maison Hanté.
Ron cligna des yeux. « Je te parie une glace que tu pousses un cri Rowle. » Ron la regarda en relevant d'un air de défi les sourcils. Hinhinhin.
« I know a place where no one's lost, I know a place where no one cries, Crying at all is not allowed, Not in my castle on a cloud. » ♱ - Les Miserables - Castle on a cloud.
« C’est sacrément pratique ! Rousse hein ? » Un sourire en coin. Rousse, oui, mais tu n’en expliquerais pas la raison originelle. Il ne voulait pas évoquer de choses tristes et tu ne voulais pas te souvenir du deuil. « On me confondra avec une cousine, comme ça. » Tu n’avais pas dis soeur, pour ne pas le blesser. Et le roux t’allait plutôt pas mal, si on était un minimum honnête. Ca faisait ressortir ton oeil vert, rendait de l’éclat à ton oeil bleu. Et ça rendait ta mère folle, douce délectation. « Et je n’insinue pas. Vous… ils… ils sont psychopathes. Tous ceux que j’ai vu. Et pas fini dans leurs caboches pour certains. On transplane. Je guide. » Il ne t’a pas laissé le temps de répondre, de commenter la casquette, de protester à l’idée de.. il te touche encore et ça te crispe. Ca n’est pas contre lui, seulement.. les bras de Fred, si rassurants, te manquent déjà. Crac. Et ça sentait le sucre. Et les clowns abandonnés là te font hausser un sourcil. Où t’a-t-il donc menée ? Réticente, tu glisses ta baguette sur le côté de ton haut, préférant la sentir tout près, par excès de prudence. La guerre pouvait rendre paranoïaque. Tu suis, un peu à contrecoeur, vers l’extérieur de la tente.
« T’éloigne pas cela dit blondie… » Les gags et animations alentours te laissaient aussi perplexe que cette saturation de sucre dans l’air, cette fanfare et ces.. rires d’enfants. Tu en as vu courir, à portée de main, et ton réflexe premier, profondément idiot, a été de te rapprocher du rouquin. « Poil de carotte ! Ouhouhhh » Temps de réaction un peu long mais tu finis par souffler : « Pippi Longstocking » Maigre connaissance d’une culture moldue qui remonte sans doute à ton enfance, à ces fois où ta mère n’a pas pu t’empêcher d’accompagner ton père. Quand tu ne parlais pas, à l’époque lointaine de tes dix ans, un peu trop silencieuse et craintive, il avait tenté de nouer un lien par les livres, en passant même par des librairies d’un Londres plus si sorcier. Le ton n’y était pas mais le sous-entendu humoristique était difficile à rater : n’oublie pas que je suis une fille. A se moquer, autant le faire dans les règles de l’art.
« Je te parie une glace que tu pousses un cri Rowle. » La petite fille aux boucles brune manque, d’une maladresse, sa cible, ce petit garçon qui court et lui échappe. Tu l’as vue partir en avant et rien n’aurait pu t’empêcher de la rattraper, avec cette assurance maternelle qu’on ne t’imaginerait pas. Tu t’agenouilles à sa hauteur, replaçant derrière son oreille une mèche rebelle. « Ca va aller ? » On ne parle pas aux inconnues alors on hoche seulement la tête. « File donc lui montrer que les filles sont les meilleures. » Tu te redresses, légèrement plus grande grâce aux chaussures à talons compensés et tu retournes auprès du jeune Weasley, devant le décor presque.. risible, d’une bâtisse qui ne pouvait décemment rien renfermer de réellement terrifiant. « Qu’est-ce que c’est ? » lui demandes-tu, curieuse. Tu ne connaissais que trop mal leurs coutumes, enfant de sang-pur élevée entre les murs du manoir d’Herpo Creek, souvent cachée. Mère extrême, père bridé, couple brisé.
« On ne devrait pas être là, je crois.. enfin je ne le devrais pas. » Tu restais une Marquée mal adaptée à l’environnement et la moindre bizarrerie pourrait vous causer des ennuis, pourtant Ronald ne semblait pas s’en faire. « Pourquoi ici ? » Question légitime, n’est-ce pas ? C’est comme s’il se jouait de vos frontières d’éducation, de vos différences radicales. Les Weasley étaient aussi ouverts que les Rowle étaient fermés. Tu te souvenais simplement que les jumeaux parlaient parfois d’objets moldus dont tu ignorais tout, ou de références que tu ne possédais pas. La fillette est loin, elle riait déjà en repartant à la poursuite de.. son frère, peut-être ? Plaie du coeur. Elle est incapable de magie mais trop jeune pour te laisser indifférente.
« Tu m’as prise en otage, Weasley. » C’est taquin. C’est à nouveau vivant sur le bout de ta langue. « Ce serait presque romantique. » souffles-tu, mutine. Avec un peu de chance, ça le traumatiserait plus que cet endroit censé te faire crier et il te ramènerait aussi sec à Shell Cottage. Tu ne pouvais décemment pas fuir pour ne pas lui donner une raison de te traiter de lâche. Tu n’étais lâche qu’en amour, après tout.
« Well, you don't just hand in your resignation to Voldemort. It's a lifetime of service or death. » Sirius Black "
« Pippi Longstocking »
Il lui coula un regard en biais avant de suivre ses mouvements, stupéfait.
Ah ouais… ah ouais… Lucrezia Rowle, héritière d’un nom pourri, mangemort de son ex-état, ayant torturé, responsable de la disparition de plusieurs insurgés notoires, cette Lucrezeia là avait un cœur.
Ron serra des dents imperceptiblement.
C’était mieux et plus facile quand tout était manichéen, quand le monde était blanc ou noir mais il n’avait plus d’excuses n’est-ce pas ? Ron savait maintenant. Les choses n’étaient pas aussi simple et il suffisait de peu pour faire basculer dans un sens comme dans l’autre. Dumbledore avait parlé de choix. Il avait aussi parlé d’union mais Ron avait toujours repoussé l’idée facilement. S’unir avec des pouffsoufles ? bien sur. Des serdaigles? volontiers. Mais des serpentards?
Il la regarda se pencher vers l’enfant avec des gestes où siégeait avec évidence les vestiges d’une bonté quasi innocente. Ron douta. Il ne les comprenait plus trop. Les serpentards. Cela avait été si simple de les haïr. Ils étaient le parfait récipient incolore de tout ce qu’il détestait cordialement. C’était une guerre froide, souterraine, mais qui semblait anodine quand on la comparait à la guerre intestine qui faisait rage dans le pays.
Il fallait se rendre à l’évidence, aussi dur que cela soit. Ron ne pouvait plus vraiment les détester en masse. Pas après avoir entendu ce que Zabini avait fait pour Ginny. Pas après avoir rencontré Susanna. Pas après Lancelot et son courage juvénile.
Pas après Lucrezia rajustant les cheveux de la petite fille avec une douceur sucrée. Il pencha son visage et cilla légèrement. C’était surement pour ça que Fred y était attaché. Bill disait toujours qu’on ne voyait jamais que la surface des gens et Ron trouvait les surfaces très bien en général. Faciles. Sans prise de tête.
Tellement fausses aussi.
« Qu’est-ce que c’est ? On ne devrait pas être là, je crois.. enfin je ne le devrais pas… Pourquoi ici ? »
Elle ne s’en doutait pas ? Oh bien sur, il avait agit par impulsion. Ron agissait toujours par impulsion mais dans le chaos perpétré il y avait toujours une ombre de logique propre au rouquin. Il glissa nonchalamment les mains dans ses poches, un sourire espiègle au coin des lèvres. « Pour que tu saches pour qui on se bat aussi.»
Dans chaque petite fille aux cheveux bouclés c’était facile de voir une future Hermione. Les petits garçons qui couraient pouvaient être de future Denis et Colin Creevey. Surement Sean Finnegan était venu dans un parc d’attraction de ce genre avec son père moldu. Combien d’entre eux aurait pu recevoir la lettre de Poudlard mais ne le feront plus et se terreraient dans la peur sans comprendre les pouvoirs qu’ils réprimeront sans doute ? Combien d’entre eux ne se verraient jamais expliqué ce qu’ils étaient en réalité et ce pour les protéger ?
Et Lucrezia avait eu ce regard tendre pour la petite fille. Ron fronça les sourcils, le doute toujours là. Ils avaient tous du sang sur les mains. Tous. Elle avait sacrifié aussi beaucoup trop de chose à bien y regarder. De quoi rendre malade.
Elle se gourait en pensant que les Rowle étaient fermés et les Weasley ouverts. En surface oui… mais si l’on grattait…
Ron n’était pas certain qu’il aurait eu le courage de faire ce que la jeune femme avait accompli au final. Tourner le dos à un monde de traditions, de sécurité et de privilèges ? Aux dernières nouvelles seul Regulus Black avait eu ce cran et il était mal considéré des deux côtés alors qu’il avait probablement plus fait contre Voldemort que tout l’Ordre réuni.
Tout n’était pas si pourri que ça au royaume des mangemorts…
Un haussement d’épaule et Ron eut un froncement de nez.
« Et aussi…. C’est un endroit sympa. Fred adorait les parcs avant… je me dis… si tu l’emmènes toi tu vois… ça lui fera du bien. » Rajouta Ron en avançant un peu au hasard des manèges d’un pas souple. Un sourire amusé glissa sur son visage et il lui fit un clin d’œil. « Je suis romantique ! »
C’était, bien au contraire, probablement le moins romantique des Weasley et avec en prime la capacité émotionnelle d’une cuillère à soupe comme dirait Hermione.
« Bah… je crois pas que les relations ce soit trop pour moi de toute façon. Je suis pas très doué pour les histoires d’amour. mais je vais y penser à ton truc de kidnapping. Je suis sur que ça marchera super bien sur la prochaine fille qui me tapera dans l’œil. » Ron eut une grimace en riant doucement. « Qui me tapera littéralement dans l’œil du coup… j’ai assez de bleus comme ça, tu crois pas? » Il lui lui fit signe pour seulement flâner. Se promener avec des gens autour était un luxe que Ron goutait avec plaisir maintenant. « Tu m’as demandé pourquoi ici et j’ai répondu. A mon tour de demander alors. Pourquoi avec nous ? Je sais qu’il y a Fred, mais on ne tourne pas le dos à toute une vie pour un gars…. Même si c’est un Weasley. »
Le questionnement était réel. Si lui savait qu’il n’était pas très romantique, il se demanda tout à coup si Lucrezia ne l’était pas elle, à sa manière.
Ça ou elle était dans une optique de suicide. Et ça, ça lui plaisait rudement moins.
« Tu es sure de toi ? » Il la regarda, abaissant les cils vers elle. Une fois qu’elle aurait tourné résolumment le dos à son ancienne vie elle ne pourrait plus faire marche arrière. Il ne connaissait pas l’histoire de sa famille mais il s’imaginait la même chose et les même clichés que pour tout ceux de l’élite au final. Du luxe, des passe-droits, une propension à se montrer docile et obéissant. De bons petits soldats. Tout ce que les Weasley avait toujours refusé en bloc en somme. Venir avec eux c’était se contenter de peu matériellement (et lui pour le coup trouvait ça extrêmement pénible), d’être sur de ne jamais avoir de privilèges et d’assister à des engueulades fraternelles où personne n’était d’accord mais faisait avec.
Pire, elle serait recherchée au même titre qu'eux l'étaient. Voir pire peut-être.
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« Pour que tu saches pour qui on se bat aussi. » Mh. Tu n’as pas osé lui dire que tu ne te battais qu’égoïstement. Tu n’as pas osé souffler que tu ne vivais plus vraiment et que ces ombres innocentes qui erraient alentours ne feraient jamais de toi une héroïne, quelqu’un de bien. Au mieux, après la guerre, on dira que t’étais paumée. « Et aussi…. C’est un endroit sympa. Fred adorait les parcs avant… je me dis… si tu l’emmènes toi tu vois… ça lui fera du bien. » Oh. Tu a cessé d’avancer pour tourner la tête vers lui. Un instant de réflexion avant que tu n’ouvres à nouveau la bouche, d’un ton beaucoup plus doux, plus rassurant, loin de la taquinerie précédente : « Je vais l’aider, Ron. Je te le promets. Il va décrocher de l’alcool. » Tu ne le dis pas comme un espoir, comme on parle de la fin du conflit, non, tu l’affirmes, comme une certitude. Fred décrocherait de ce poison. Il le fallait.
« Je suis romantique ! » Votre marche reprenait, et la conversation retrouvait un aspect plus léger… quoique. Il avait beau parler avec ce ton détaché et plein d’autodérision, tu percevais des failles que tu ne connaissais que trop bien. Tu étais observatrice, bien que peu douée pour comprendre les émotions d’autrui, cependant, celles-ci t’étaient douloureusement familières : Ronald se sous-estimait. Il ne se voyait sans doute jamais vraiment digne des filles qui pouvaient entrer dans sa vie. « A mon tour de demander alors. Pourquoi avec nous ? Je sais qu’il y a Fred, mais on ne tourne pas le dos à toute une vie pour un gars…. Même si c’est un Weasley. » Tu as baissé les yeux, fixant le sol un moment. Ton silence était peut-être aussi éloquent qu’un long discours. Et le soupir qui s’en suivit, tout autant. « Pas pour un gars. Pour la dernière partie claire de mon âme. » Un morceau de toi-même. Tu as tant de mal à qualifier ta relation avec son frère, tu as toujours la sensation de t’enfoncer dans un romantisme un peu douteux sans jamais pouvoir exposer nettement les contours, ces limites inexistantes. « Je suis .. fille unique. Je ne peux transmettre aucun nom, je n’ai pas été le garçon tant désiré et je n’ai jamais développé les émotions de façon normale. » Tu es forcée de lui expliquer, de revenir aux sources pour qu’il puisse comprendre l’importance que les jumeaux ont pris dans ta scolarité, et bien plus encore aujourd’hui. « Je leur dois.. mon premier rire, la première épaule capable de me consoler, le premier câlin que j’ai pu recevoir sans pleurer. » Et tant d’autres choses. Le premier bisou sur la joue de Fred, la première blague aux dépends de George, le premier bijou qui fonctionnait, entre eux deux, si souriants. « Et.. je sais bien que ça va te faire bondir mais quand j’ai revu Fred.. j’ai remercié Merlin et toutes les divinités sorcières ou moldues que ça n’ait pas été lui, la victime. » Tu l’aimais bien plus, de façon aussi irrationnelle qu’inexplicable. Ca ne diminuait pas la réalité de ton affection pour le défunt roux, seulement.. c’était différent. « C’est tellement peu rationnel. Bill m’a dit que les Weasley ne lâchent jamais leur famille. Fred est tout ce que j’ai, il est ma seule famille, il fallait que je revienne près de lui. » Tu n’oses toujours pas croiser son regard, embarrassée. Tu as l’impression de lui livrer ce que tu as de plus intime, de plus personnel.
« Tu es sure de toi ? » Tu as relevé le nez, un peu, les billes fixées vers l’horizon. « Tu as peut-être la sensation que j’abandonne une vie que je pourrais regretter mais ça n’est pas le cas. Quand ils parlaient des vacances ou de Noël, parfois, je vous enviais, tous. Vous avez des gens qui vous aiment et qui seraient prêts à tout pour vous. » Tu es seule, terriblement seule sur l’arbre généalogique déchiqueté, dans ta tour de glace et d’ivoire. « Alors comme ça.. t’es pas très doué avec les filles ? » détourner l’attention de ta gêne insurmontable. Renvoyer la balle, c’était bien. Ca sauvait parfois. Mais ça n’était pas très juste. Un murmure : « Tu as d’autres questions ? » Son inquiétude était plus que légitime. Tu pouvais bien défaire l’épais brouillard qui enveloppait tes actes, au moins pour le rassurer, un peu, même à peine.
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« Je vais l’aider, Ron. Je te le promets. Il va décrocher de l’alcool. »
Ron n’en doutait pas ou préférait ne pas en douter ce qui revenait sensiblement au même. Il ralentit son pas pour la regarder et acquiesça faisant preuve pour la première fois depuis que Fred l’avait emmené à la chaumière aux coquillages de réelle confiance à son égard. Tous les Weasley aimaient boire mais ça dépassait rarement les limites. Charlie était celui qui tenait le mieux l’alcool, Ron voyait son débit de paroles quadrupler et il était du genre à trouver tout à fait pertinent de chanter à tue-tête de la pop sorcière acidulé, il n’avait jamais vu ni Bill ni Percy grisé par l’alcool. Mais Fred ? Fred était d’une ivresse mélancolique abyssale.
Il buvait trop. Il déprimait trop.
Lucrezia était définitivement romantique, là-haut dans sa tour de glace. Il ne l’aurait pas cru tant ce n’était pas l’image qu’elle renvoyait. Il se souvenait d’elle à Poudlard autour des jumeaux mais vaguement. Fred et George avaient été parmi les plus populaires des gryffondors à l'école. Espiègles, farceurs et intrépides. Peur de rien et toujours volontiers moqueur, ils avaient été l’idole des jeunes (cassedédi Johnny Halliday) voir même des classes supérieurs. Ça n’avait été qu’à demi étonnant de voir une serpentarde tourner autour d’eux.
« Et.. je sais bien que ça va te faire bondir mais quand j’ai revu Fred.. j’ai remercié Merlin et toutes les divinités sorcières ou moldues que ça n’ait pas été lui, la victime. »
Ron fronça les sourcils, replaçant d’un geste souple sa casquette sur ses cheveux roux. L’été promettait d’être chaud et il zyeuta rapidement le ciel, s’éblouissant légèrement et évitant de justesse alors un enfant sur sa trottinette. Il aurait pu lui demander si elle aimait Fred mais selon lui ce n’était pas nécessairement des choses que l’on disait à haute voix. Puis elle était là, non? Elle avait suivi son frère contre vents et marées.
C’était une réponse toute aussi effective en soi.
« George était plus calme. Fred inventait mais c’est George qui finalisait de manière concrète. J’ai jamais su qui était le plus rancunier cela dit. Ils l’étaient tous les deux bien plus que nous autres. On en a longtemps voulu à Percy mais c’était rien à côté d’eux… »
Percy avait réfugié son chagrin en s’engageant trois fois plus dans la résistance. Ron eut un haussement d’épaules. « Ils sont différents… ils étaient. » Corrigea t’il en se rendant compte de son erreur. « George et Fred. Fred et George. On disait les jumeaux comme on dit les Weasley mais chacun est distinct donc… non je ne vais pas hurler parce que t’aimes d’une autre manière Fred. Je pourrais hurler c’est sur celui qui a tué George, ça ouais. »
Ron était arrivé trop tard. George était déjà pâle et étendu sur le sol quand il s’était effondré dessus. Il ne se souvenait de quasi rien exceptés du chaos aux alentours et des bras d’Hermione. Il avait fallu s’enfuir rapidement. On pleurerait nos morts après.
Plus tard.
Quatre ans et ‘plus tard’ n’était toujours pas là.
« Bill a raison. » C’était une réponse laconique mais c’était la seule adéquate. Personne ne pouvait aller contre le fiat qu’aucun d’entre eux ne s’abandonnerait l’un l’autre. Jamais.
Le brouhaha du parc s’éloignait avant que Ron ne s’aperçoive qu’ils étaient sur une route de campagne bordé de maisons espacées en bordure des caravanes des forains.
« Tu as peut-être la sensation que j’abandonne une vie que je pourrais regretter mais ça n’est pas le cas. Quand ils parlaient des vacances ou de Noël, parfois, je vous enviais, tous. Vous avez des gens qui vous aiment et qui seraient prêts à tout pour vous. »
Il eut un rire amusé devant un aveu auquel il ne s'attendait pourtant absolument pas. A bien y réfléchir, il avait toujours eu cette attraction pour ce qu'il n'avait jamais pu avoir: l'or, la popularité inné, ce genre de chose inaccessible quand on était le cadet dans une famille déjà pauvre. C'était étrange de l'entendre dire que c'était elle qui les enviait.
« Mmmmm. Les pulls de notre mère ont toujours eu beaucoup de succès. Je crois que j’en avais donné un à Dobby, il était fou de bonheur. En farfouillant bien, Fred doit avoir les siens encore. » Il regarda ce qu’elle portait avant de lui sourire. « Ça t’en fera un. Enfin… une robe vu comment t’es microscopique Blondie.»
Ron : 1. Lucrezia : 0 la tête à Toto ! ♥♥♥
« On devrait rentrer. Tu sauras revenir avec Fred ici? »
« I know a place where no one's lost, I know a place where no one cries, Crying at all is not allowed, Not in my castle on a cloud. » ♱ - Les Miserables - Castle on a cloud.
« Ils sont différents… ils étaient. » Etaient. Ca te taille l’estomac. Ca fait dégueuler la plaie mal cicatrisée, ressortir ton incapacité à apaiser la peine terrible de Fred. Ronald montre moins de détresse et quelque part, cela rend les choses plus complexes, tu as bien plus de mal à gérer les variations émotionnelles. Y avait-il encore de quoi te faire tenir debout dans ta tour glacée ? « On disait les jumeaux comme on dit les Weasley mais chacun est distinct donc… non je ne vais pas hurler parce que t’aimes d’une autre manière Fred. » Tu as soufflé, presque malgré toi : « Je n’ai jamais dis ‘les jumeaux’ » Au début, tu les confondais, comme tout le monde, et tu avais perçu les variations, leurs expressions propres. Au fil des années, tu étais parvenue à les différencier aussi précisément du bout des doigts qu’avec la vue. Mais tu n’étais qu’une amie de l’ombre. Personne n’avait jamais vraiment capté ta présence à leurs côtés, t’éloignant sitôt qu’une armada de Gryffondors approchait, sitôt que ta propre Maison réclamait le jeu des apparences. Ron avait peut-être été plus perspicace que les autres, il avait peut-être imprimé ton visage, ta silhouette au détour d’un couloir. Toujours est-il que tu ne te sentais pas légitime, en partie parce que tu n’avais jamais ouvertement assumé cette relation particulière.. ce jardin secret désormais calciné. « Je pourrais hurler c’est sur celui qui a tué George, ça ouais. » George, Ypsös, Duncan, Lysander. La légèreté envolée ramène l’ouragan intérieur et tu ne parviens pas à garder le flot sous contrôle. Le silence et ton regard au sol, ta seule défense.
« En farfouillant bien, Fred doit avoir les siens encore. » Les pulls de sa mère. Ces horribles pulls qu’ils portaient, loin d’être flatteurs. Ces symboles d’amour que tu n’avais jamais apprécié à leur juste valeur. Et la nausée te prend. « Ça t’en fera un. Enfin… une robe vu comment t’es microscopique Blondie. » Reflux sentimental. Tu résistais pourtant bien. Tu ne t’étais pas effondrée devant le journal, ni devant la fillette et il suffisait d’évoquer sa famille pour que la vitre se craquèle. C’est peut-être la goutte d’eau ou la fatigue. « Ron.. » Il y avait des maisons et donc potentiellement du monde. Impossible de lâcher prise ici, à la vue de tous. Ta main s’est accrochée à son épaule pour t’empêcher de trébucher, la seconde plaquée sur ton ventre, réflexe idiot, d’outre-tombe. Tu dois respirer. Et les yeux fermés, tu tentes de te forcer à avaler l’air. Fred n’est pas là. T’es paumée avec un gars qui ne t’apprécie que très moyennement au milieu d’un clan de moldus complètement allumés et..
Et tu as besoin de sucre. Blanche comme un linge. Tu ne conscientises pas ton soudain manque de résistance au deuil, à ce qui te secouait depuis quelques heures. Si tu t’étais montrée beaucoup plus dure à la détresse sur le long terme au cours de ta vie, tu n’en étais jamais venue à si peu t’alimenter. Tu as à peine croqué un fruit depuis la veille. Le souvenir d’un baiser, si lointain. Toutes ces chances passées, envolées, sans même les avoir touché du bout des doigts. Ta prise sur l’épaule du jeune homme se fait plus mordante, les ongles dans le tissu. Résister. Tu n’as pas le droit de faiblir, tu n’as plus le droit, tu devais tenir pour deux, tu devais avancer pour donner au jumeau brisé un peu d’espoir, un peu de volonté. T’avais même pas fini la limonade, c’était pas vraiment étonnant que ton corps finissent par te trahir.
Faiblesse. Non. « Il a sûrement encore les pulls. » Tu articules comme tu peux, il est cependant évident que ça n’est pas la suite logique de ton appel, ça n’était pas la phrase qui devait s’aligner avec son prénom. « Mais je. » porterai pas ces trucs. Les mots sont à nouveau morts sur ta langue. Le sanglot s’étouffe au fond de ta gorge et tes genoux cèdent sous ton poids. La rugosité du sol n’est pas plus perturbante que la culpabilité qui te ronge brutalement, se mêlant à l’angoisse, la peur terrible de l’échec. Tu n’aimes pas assez son frère, tu n’as pas suffisamment aimé Ypsös, tu as abandonné Draco. L’image désapprobatrice de Duncan, qui te traitait de monstre sans coeur, te revient comme un fantôme venu te hanter. Pitoyable petite fille à genoux face à tes propres démons. « Aide-moi à me relever s’il te plaît. » Tu réprimes les pleurs, t’obligeant à parler, t’obligeant à exprimer quelque chose d’intelligible - ne pas l’effrayer, surtout ne pas l’effrayer. Ne pas croiser son regard te paraissait aussi essentiel que maîtriser ta respiration. « Je suis juste un peu fatiguée. » Oui. Les tremblements, le teint pâle, les yeux humides et le souffle agité, il allait te croire sur parole.
Where you been hiding lately, where you been hiding from the news? Cause we've been fighting lately, we've been fighting with the wolves. Red tongues and hands. "
Ce fut la teinte quasi plaintive qu’elle mit dans son prénom qui le fit s’arrêter.
« Oui ? »
C’était étrange. Elle avait tendance à faire ce que faisait Luna auparavant en l’appelant Ronald. C’était plus rare qu’on ne pouvait le croire les gens qui l’appelaient par son prénom entier. On sous-estimait souvent l’impact que cela pouvait avoir. Tout comme l'inverse quand il n'en avait pas l'habitude.
Comme là.
Ron avait été réellement surpris, se tournant vers la jeune femme, le visage prenant une teinte interrogative avant de se rendre compte que quelque chose n’allait pas. Il y avait de ça quelques heures maintenant, elle était arrivée à la chaumière dans un sale état mais il était persuadé que le choc –dû à Fred d’une manière ou d’une autre- c’était estompé. Le souci c’est que la fragilité affleurait toujours en surface avec Luce. Comme le vent sur l’eau dont on ne voyait finalement que les tremblements incertains. « Mais… putain… Blondie ! » Il la regarda s’effondrer avant de se précipiter vers elle. C’était quelque chose qu’il avait dit ? Qu’il avait fait ? On lui avait aspiré les couleurs. Plus rien. Le vide. Les joues étaient devenues craies, les lèvres avaient pâlis jusqu’à se faire fantomatiques et même ses cheveux avaient perdu de leur éclat lumineux. « Hey, va pas me claquer entre les doigts. »
Ron vint s’accroupir prés d'elle et l’aida à se relever avant de râler en la soulevant du sol une bonne fois pour toute. La réaction épidermique ne se fit pas attendre et Ron réprima un juron en la sentant se crisper et trembler fort contre lui. C’était presque insultant même s’il savait que ça n’avait rien à voir avec lui au final.
Où était Fred quand on avait besoin de lui ?
« Reste tranquille. Tu te casses la tête pour des bricoles, c’est un truc de malade quand même. » Fit-il dans une moue.
Et encore, Ron était loin très loin de se douter de tout ce qu’il se jouait dans le mental de la jeune femme. Il se serait demandé à coup sûr comment elle faisait pour ne pas exploser. C’était incroyable qu’elle se sente coupable pour des individus et jamais pour la masse qu’elle avait pourtant toujours traité injustement. Et en même temps, c’était tellement typique de la maison dont elle était issue qu’il n’était qu’à demi surpris.
« Je suis juste un peu fatiguée. »
« Et moi je suis sur les cartes de chocogrenouilles. » Ron ironisa, légèrement agacé d’être inquiet. Certes, il considérait qu’elle était liée à Fred et Fred était son frère mais elle avait une marque sur son avant-bras. Cela voulait dire tout un tas de choses, cela était l’équivalent de tout un tas de paramètres sombres. On se faisait facilement berner par certains d'entre eux. Le danois avec ses éclats de rire par exemple et Lucrezia avec sa douceur fantasque.
C’était simple d’oublier qu’ils étaient ou avaient été au service d’un homme qui n’avait pas hésité à lancer un sortilège mortel sur un enfant de quelques mois.
« Il te faut quelque chose pour reprendre des forces. Viens là. » Comme Lupin le leur avait enseigné. Il aurait aimé dire qu’il en avait du chocolat mais les insurgés n’avaient en général pas grand-chose. La faisant sauter dans ses bras avec douceur afin de la rajuster, il transplana à nouveau au cottage de Bill non sans lui intimer auparavant de rester tranquille. « J’appellerais Fred ensuite ne t’en fais pas. Tu manges un peu de chocolat, je dois en avoir encore un petit bout. On dirait vraiment que t’as vu un détraqueur blondie. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? »
Il la déposa sommairement sur le sofa aux tapisseries simples et lui contempla le visage. Air faible et larmes qui perlaient aux cils.
Pourquoi elle ne pleurait pas ? Pourquoi elle avait l’air de tout garder pour elle ? Les filles… c’était trop pas normal. « T’as mangé ? Vu comment Fred se nourrit et vu que tu vis avec je demande hein… » L’insurgé se releva puis revint en lui tendant le choco. « Ça restera entre nous. Si… si c’est parce que j’ai parlé de Georges… t’as le droit tu sais. De pleurer, d’être triste, d’être humaine. Je sais que c’est pas le genre de ton ex-maison mais ici c’est différent. On a le droit. Si tu tombes, y’aura toujours quelqu’un pour te relever.»
Un bruit de sifflement. Ah. Les serpents venaient rejoindre leur maitresse.
Ron fronça le nez en agitant sa baguette pour qu'un verre de limonade vienne jusqu'à eux.
« I know a place where no one's lost, I know a place where no one cries, Crying at all is not allowed, Not in my castle on a cloud. » ♱ - Les Miserables - Castle on a cloud.
« Hey, va pas me claquer entre les doigts. » La crispation de chaque muscle. Le souffle qui s’accélère et les doigts qui s’agrippent dans la nuque, par réflexe. Il t’a prise dans ses bras et tu te sens plus vulnérable que jamais, poupée de porcelaine, poupée chiffon que sa force pourrait plier, déchirer. Il est bienveillant mais rien ne reste longtemps rationnel quand une peau étrangère s’invite ainsi, intruse. « Reste tranquille. Tu te casses la tête pour des bricoles, c’est un truc de malade quand même. » Tu geins, sans échappatoire. Fred n’est pas là, George est mort. Tu dois composer avec le petit frère, avec un rouquin de plus, sans vouloir pourtant permettre un remplacement. Tu ne voulais pas laisser à quelqu’un d’autre le privilège du contact, c’était .. trop compliqué. Trop compliqué à accepter. Trop difficile de te dire que tu serais bientôt obligée de supprimer ces barrières qui t’étouffaient. Parce que ça les vexait. Parce que la famille Weasley ne pouvait pas comprendre l’horreur que t’inspirait un geste tendre. Et tes terreurs sourdes brûlent de larmes retenues.
« Il te faut quelque chose pour reprendre des forces. Viens là. » Tu t’accroches plus fort, maladroitement, tes mains incapable de trouver où se placer, mais tu ne veux pas manger. Tu ne veux pas qu’il te mène ailleurs pour te forcer à avaler quelque chose, tu veux être seule, tu veux verrouiller le volcan menaçant de ton âme et t’effondrer en paix. Mais tu dois vivre, tu as promis. Et ta promesse te semble brusquement insurmontable, le poids d’une existence s’écrasant sur tes épaules. Crac. Le transplanage secoue tes sens, remue d’autant plus les vagues. Et tu suffoques. Le diaphragme ne suit pas. Le contact du canapé n’est pas associé à une compréhension de ce qu’il te dit, de ce qu’il raconte. Tu perçois sa voix, pas l’idée qui en découle. A ton annulaire, la bague luit, les crochets verts émettent une lumière délicate et diffuse la chaleur apaisante - jamais assez. Ca te crispe d’autant plus que Fred va savoir, Fred va sentir ta peur, ta détresse, ta douleur.. seulement le bijou est magiquement scellé, impossible à retirer. « On dirait vraiment que t’as vu un détraqueur blondie. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » La créature sombre glissant jusqu’à toi au milieu des émeutes, ton incapacité à défendre le rebut de cette mortifère présence. Le flash cède sa place au souvenir lugubre de ta mère affirmant que ta naissance était une erreur - ces paroles qu’enfant, tu avais surprise au détour du couloir. « T’as mangé ? » Un non de la tête. Gamine recroquevillée sur toi-même. Tu perds ton apparence de glace pour cette fragilité qui te ferait passer pour du frêle cristal. Tu te noies dans tes regrets.
Quand il tend le chocolat, tu détournes le visage. Tu fixes la fenêtre, les tremblements ne cessant pas malgré tes bras croisés contre toi. « t’as le droit tu sais. De pleurer, d’être triste, d’être humaine. » Non, tu n’as pas le droit. On t’a enseigné le fait de ne rien laisser paraître, on t’a demandé d’être digne, pour cacher la tare qui coule dans tes veines, et tes carences émotionnelles de l’enfance n’ont fait que ronger les contours de ta personnalité défaillante. Tu n’étais plus qu’un puits de détresse. Le sifflement de Daeva ne te parvient pas immédiatement. C’est vicieux, subtil, ça glisse sur le sol jusqu’à se dresser dans le dos de Ronald. « Relâche. » ordonne-t-il, d’une autorité qui te fait frémir. Ne laisse pas le serpent te contrôler, Lucrezia, répétait autrefois ton père. Mais le serpent était plus fort. Tu n’étais qu’une ombre encombrante, un outil cassé. La longue queue s’enroule à ta cheville et use de sa force pour te faire glisser au sol, te jeter aux pieds du jeune Weasley. Il est contrarié. Les crochets fendent l’air, entaillent la paume de ta main placée en protection devant tes yeux. La douleur n’est cependant pas reçue. Les larmes roulent contre ta volonté et si Daeva mord le mollet de Ronald, ça n’est que pour te forcer à reprendre le contrôle de toi-même, pour te relever, que tu le veuilles ou non. Le venin mortel de la créature ne te laissera pas le choix, si tu trembles encore, vulnérable, tu sais déjà qu’il te faut réagir. Ta main plonge maladroitement dans ta poche et tu fais rouler une fiole claire sur le sol. Qu’il la prenne. « Bois, vite.. » souffle-tu, la vue troublée par les pleurs, la voix brisée par ton souffle saccadé. Tu fuirais plus tard. Tu te souviens pourquoi tu as toujours renoncé à aimer, à t’entourer. Dangereuse. Et maintenant, va-t-il toujours accepter de te relever ? Le roux de tes cheveux colle encore à tes joues.
Dire que tu voulais leur cacher ça. Dire que tu voulais taire tes failles, les garder sous silence entre les bras de son frère. Echec. Pardonne-moi. L’animal s’est déjà écarté, calmé, roulé sous le canapé.
Where you been hiding lately, where you been hiding from the news? Cause we've been fighting lately, we've been fighting with the wolves. Red tongues and hands. "
Pendant un court instant, Ron fut tenté d’appeler Bill, Fleur, sa mère. Quelqu’un d’autre de plus apte à gérer ce genre de choses. Ron n’avait jamais été bon pour consoler quoi qu’on en dise. Il avait les bras solides cela dit, de ceux qui pouvaient vous happer et vous protéger le temps nécessaire. Tous les Weasley avaient cette caractéristique et Ron fouilla dans sa poche pour toucher l’arrondi de son miroir. Il suffisait d’appeler Fred. Il saurait l’apaiser bien mieux que lui ne pouvait le faire. Ils se connaissaient, s’étaient apprivoisés et Ron connaissait ses défauts. Il était brouillon, impatient, colérique et si peu enclin à l’empathie… Terriblement humain en un mot. Contrairement en tout cas au serpent qui glissait sournoisement le long des jambes de Lucrezia.
« C’est normal ton bordel de serpent là ? » Ron fronça les sourcils. Elle les contrôlait à la base, non? C’était même tout le but d’être fourchelang et d’avoir grandi avec ce genre de lézards: les avoir à sa solde. A vrai dire, le tableau qu’ils offraient ne donnait pas tant que ça l’idée d’une domestication. Ou alors c’était presque le contraire. Il eut une grimace en voyant Daeva mordiller Lucrezia puis il suivit du regard le serpent qui vint s’enrouler autour de lui. Huh. Il avait horreur de ces bestioles et Daeva avait une personnalité déviante. Quelque chose de plus ou moins sulfureux, plus ou moins anarchique. Ron se rendit compte que le serpent n’était viable que si sa maitresse l’était. Un rattachement obscur comme un cordon ombilical invisible.
Qui nourrissait l’autre exactement ?
C’était comme si tout se passait subitement au ralentit et que les sons se retiraient du monde. Le simple sifflement de l’animal qui vint serpenter sur lui dans une élégance visqueuse. Pour un peu, Ron en aurait eu le tournis. Il vit l’éclat improbable des crochets acérés de Daeva avant de les sentir. La douleur de la morsure se répandit dans un flash lumineux et Ron eut un aveuglement de plusieurs secondes avant que son corps ne daigne envoyer enfin le shoot de morphine apaisant. Le cri suivit du sort de baguette fut instantané projetant le serpent plus loin. Les picotements désagréable et l’engourdissement eurent raison de lui et Ron se laissa tomber sur le sofa dans un gémissement recouverts de jurons tous plus effroyables les uns que les autres. Si Lucrezia n’était pas au courant des manières parfois désastreuses de Ron, elle le serait dorénavant tant le cheptel d’insultes colériques fut foisonnant. Cela allait de « Tu vas finir dans une saucisse que je donnerais aux strangulots! » à « Tête de pieuvre, je ferais de toi mes prochains gants de quidditch» en passant par « Putain ça fait mal @#hdgfs sa mère en crocodile !! »
« Bois, vite.. »
Vite? Mais elle ne voyait pas que son toutou vert venait de le prendre pour un hamburger?
« Excuse-moi de SOUFFRIR LE MARTYR et de pas dépêcher mon boule de boire ton gatorade là… »
C’est bougon (sans blague ?!!) et visiblement en colère que Ron arracha des mains la fiole que lui tendait Luce pour la vider d’un trait.
« Ah c’est putainement dégeulasse ton machin. Si je meurs Blondie, je viens te hanter mais un truc…. Tu pourras même pas cligner des yeux, je serais là. »
Le rouquin balança son visage en arrière en s’appuyant sur le dossier moelleux du canapé et ferma les yeux un instant, le temps que l’antidote fasse effet. « Qu’est-ce qu’il lui a pris ? »
Le ton était impératif. Ron ne disait pas ça dans un soupir ou pour faire joli dans le décor. Il exigeait une réponse pour le coup. Il tourna un regard bleuté sur la jeune femme à ses côtés qui semblait toujours aussi pâle et tremblante.
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