«
Ah c’est putainement dégeulasse ton machin. Si je meurs Blondie, je viens te hanter mais un truc…. Tu pourras même pas cligner des yeux, je serais là. » Ta vision se brouille lentement. Le sang glisse de la longue entaille sur ta paume et seul le silence répond à Ronald, pesant. Tu tentes de te redresser, de te réinstaller sur le canapé, ce à quoi tu parviens maladroitement. Le sortilège sur Daeva n’a fait qu’un ricochet contre le mur, sans réelle autre conséquence que la surprise du reptile désormais dissimulé. Le langage a été plus fleuri que tu ne l’aurais imaginé et dans une situation différente, sans doute aurais-tu fait un commentaire sur la politesse. Pas là. Les larmes intarissables roulent sur tes joues et tu voudrais appeler Fred, le faire venir, qu’il te serre entre ses bras, apaise cette panique déraisonnable qui empoisonne ton coeur. Pleurs silencieux derrière le roux de tes cheveux. «
Qu’est-ce qu’il lui a pris ? » Le ton n’est pas interrogatif. C’est une question qui exige réponse, c’est un ordre nécessaire à la compréhension. Venir était une erreur. Venir était une connerie monumentale. Tu ne méritais pas leur protection. «
.. je suis désolée.. » c’est une plainte. Douloureuse plainte qui s’extirpe de ta bouche. Les Weasley t’ouvraient leur domaine et tu parvenais encore à faire des dégâts, à manquer tuer l’un des leurs. Peut-être est-ce par punition que tu ne cherches pas dans ta poche si la seconde fiole contient encore un peu de liquide. Ou bien le venin agit-il déjà et brouille doucement ta mobilité. «
Je.. je voulais pas.. » et tu parles comme l’unique coupable de l’acte fou du rampant. Tu es la seule coupable. Tu n’as pas droit à l’instabilité et tu connais le prix d’une pareille faiblesse.
Ta tête glisse et se pose contre son épaule. La pluie de tes yeux s’échoue contre son cou. «
Je l’ai déçu.. » Les barrières de réticence s’effondrent. Il n’y a pas l’odeur de ton ami, il n’y a pas sa peau dont chaque tendresse était familière, il n’y a que le frère, il n’y a que lui qui puisse tarir le flot débordant d’émotions. Tu voudrais être digne, ne pas te faire rétrograder au rang de pleurnicheuse mais as-tu encore une branche à laquelle te rattraper ? Tu l’as blessé comme tu blesses chaque personne que tu aimes. Tu n’as pas le droit d’aimer. Tu es toxique. Une menace sifflante qu’on aurait dû éradiquer au berceau. Avec la soupe à la citrouille. Ta main intacte se pose sur son autre épaule et tu dissimule ton visage contre son haut, cherchant un réconfort que tu n’avais jusqu’alors réclamé qu’auprès des jumeaux. Il est roux, aussi. Il a un coeur de lion, aussi.
Tu as la sensation de te liquéfier, que rien ne pourra plus assécher l’orage. Ypsös est mort, il t’a vraiment abandonnée, et toute idiote que tu étais, tu visualisais l’espoir d’un avenir te filant entre les doigts. Il n’avait pas émis la volonté de concrétiser un mariage mais tu n’as pas eu l’occasion de t’expliquer, de discuter posément. Si tu l’avais fait, si le monde t’en avait laissé le temps, il aurait peut-être envisagé votre relation autrement. La Reine des Neiges demeurera donc isolée dans sa tour glacée de solitude, sans soleil, jamais plus. «
.. Je ne veux pas .. toute seule.. » souffles-tu, difficilement. Articuler te semble difficile.
Neurotoxines. Dans la hiérarchie de tes peurs dominait ce néant, cette absence d’entourage, dans le reflet du miroir, la folie qui isole et pousse au meurtre. Dans la hiérarchie de tes peurs, il y a ces morts qui s’entassent et t’abandonnent.
Tes doigts maladroits rencontrent sa nuque, une caresse pleine de ta tendresse terrifiée. La plaie brûle, de l’autre côté. Le sang goutte sur ton short, sans provoquer de réaction. Daeva était mortel. Animal de compagnie parmi les plus dangereux du monde. Qu’importe, parce que Ronald était sauf. Il était hors de danger. Personne n’arracherait à Fred un autre frère. Surtout pas toi. Ta respiration ralentit. Bientôt, tu sais que tes poumons vont commencer à diminuer leur activité, que la mort s’ensuivra par asphyxie, quelques heures plus tard. Hésitation. Tu songes à ne pas l’avertir, à te laisser couler dans l’inconscience. La douce torpeur d’une fin enfin proche.
Tu ne causerais plus de torts à personne, une fois morte.
La sécurité de la famille.
Ta nouvelle famille.
La respiration siffle. Tu ne sais plus combien de temps tu es restée ainsi, à trembler contre le jeune homme. Tu sens simplement l’air diminuer, tes inspirations faiblir. T
u as fais une promesse. «
La poche.. » murmures-tu, désormais incapable de bouger. Tu ne peux pas lutter contre la dose que Daeva t’a injectée. Petite mais virulente. Il t’a mise à l’épreuve, encore, et de sa cachette, il a bien cru que cette fois serait la dernière.
Fourchelangue ; italique.