« Red, the blood of angry men, Black, the dark of ages past. Red, a world about to dawn. Black, the night that ends at last. » ♱ - Les Miserables, Red & Black
Tu pousses un peu le corps du bout de la chaussure. Pas de respiration. Un témoin en moins. Les bras sont bouffés par l’acide de tes sortilèges. La mort par asphyxie dans un mouvement de baguette bien senti et l’aide du venin si toxique de Daeva. Il t’avait reconnue, tu n’as pas pu laisser passer ça. Rowle, ça t’avait juste rendue folle. Perte de contrôle. Et les vieux réflexes sont revenus à la charge. Tu as étouffé ses cris dans la terre, dans le sang et la colère. Pourquoi ? Parce que tu ne vaux pas cette insurrection qui se bat pour ses valeurs, sa liberté, la justice et le retour à l’ordre. Tu n’étais plus que chaos. Au sein de l’armée du Lord, tu ne souffrais pas l’échec. Et là, tu avais écarté Lancelot, puis Murphy mais pas Blair. Davius devait déjà fanfaronner qu’il avait raison, qu’une Marquée chez eux ne donnerait rien de bon. Et tu te souvenais de ses coups, de sa brutalité, la rendant sur cet ancien collègue dont la route avait malencontreusement rencontré la tienne.
Comme Ypsös, le cadavre serait laissé aux bons soins des bêtes sauvages. Aux crocs, aux déchirures. Ton errance reprend, désireuse d’épargner à Fred et Perceval tes états d’âme, ta mauvaise humeur et ta contrariété. Tu ignores ce qui t’a mené vers l’Asile, repère des Belliqueux. Peut-être était-ce là un judicieux refuge. Le sang n’entache ni le short ni les collants, pas plus que le haut noir que tu portes. Même le long gant à ton bras Marqué ne souffre d’aucune trace. Sur les écailles noires de ton serpent, en revanche, se fondent les traces du crime. Ta baguette vibre encore des sortilèges. Tu as délaissé Murphy et Lancelot en t’évanouissant trop tôt, après ton second transplanage durant la dernière attaque, abandonnant Blair à sa désobéissance, à son absence au point de rendez-vous. Lancelot avait paniqué, te ramenant aux Weasley. Désormais sous surveillance, Bill cherchait la moindre occasion pour te gaver de sucre et l’ambiance à la planque était tout sauf faite de tendresse. La naissance d’Espérance et le retour de Ginevra finissaient d’achever ton incertitude.
Il ne restait qu’une demoiselle qui ne te donnerait pas cette sensation d’être en trop, cette oppression émotionnelle : Murphy. Petite souris. Et si tu ne la trouves pas, Morgana ne sera certainement pas loin. Daeva s’est glissé tout près de l’entrée, sifflant à ton oreille la douce mélodie du calme. Toi, tu ne fixes que ce sang, cette façon dont la magie est tracée, confondue sans mal avec de potentiels délires de gamins. Quelqu’un a protégé les lieux. Tu n’oses pas tenter d’en franchir les contours, tes élans rageurs calmés par cette observation minutieuse. Tout est maîtrisé. Dissuasif, sans nul doute. Tu finis par t’installer à même le sol, l’interminable cobra s’enroulant à tes chevilles pour venir chercher des caresses, offertes du bout des doigts sur sa sombre tête. Ici, nul ne viendrait te chercher querelle. Aucun n’était pacifiste ou blanc comme neige.
orvées, du latin populaire corrogare « convoquer ensemble ». Terme féodal et militaire qui qualifie les services gratuits qui était dû au seigneur par les paysans mais également toutes les tâches effectuées par les soldats d’une compagnie. Tu ne sais pas comment tu dois considérer Morgana Ives. Ton maître de métamorphose et de runes ou ton chef de guerre ? Quel statut pour toi, de toute manière ? Es-tu un soldat ? Les quelques égratignures qui jalonnent ta chair sont ton baptême de sang. N’as-tu pas, toi aussi, perdue une amie dans les combats ? N’es-tu encore que cette inutile bouche à nourrir, cet estomac ignare qui rampe dans la fange à la recherche d’une once de reconnaissance ou d’affection. Alors, en silence – parce que tu as refusé de décrocher un mot depuis ton retour – tu as pris les seaux que les belliqueux ont posés devant toi. Apprentissage. Corvées. Tu n’oses pas regarder ce qui trempe entre leurs eaux souillés. Relent de rouille et d’agonie. Tu ne veux pas te demander combien il a fallu en vider comme des porcs pour les remplir. Le poids de leur mort qui te tire sur les bras et les épaules, qui t’entraine vers le sol à chaque pas que tu accomplis. Billot. Tu as décidé de les appeler ainsi après que tu as lu des articles sur l’unité 731. Ca pullulait dans les archives de Jules. Tu aurais pu être écœurée, avant. Désormais, les cadavres qui s’entassaient dans l’Asile n’étaient plus que des numéros. Tu t’exerçais à ne plus les voir comme des êtres humains capables de pensées. Juste des corps sur lesquels expérimenter – des pensées que l’on pouvait extraire comme leur fluide. Matière première. Viande morte sur lesquels tu testes tes premiers sorts. Bientôt, on te demandera sans doute de les faire disparaître toi-même.
Ça t’importe peu finalement. Tu as compris ce que c’était qu’être adulte. Il fallait accepter le monstrueux et s’affranchir de sa bonté. Blesser plutôt qu’être blessé et sacrifier ce qu’il fallait pour sauver ce qui pouvait l’être. Faire des choix difficiles. Tu avais décidé d’éteindre dans l’œuf toutes les protestations de ceux que les japonais appelaient il y a longtemps maruta. Faire avancer la science. Remporter la victoire. Sauver des vies. Qu’importe le prix. Alors tu portes les seaux de sang et d’entrailles qui débordent à chaque pas. Splock. Tes jeans sont déjà croutés de toute manière et tes mains sont déjà souillées. Tu t’arrêtes et traces méthodiquement les runes délavées sous les graffitis. Traits et déliés. Un par un. C’est une tâche fastidieuse qui ne fait appel qu’à la mécanique et qui te soulage pleinement d’une conscience bien entachée.
Pourtant, tu t’es un instant laissée surprendre par la silhouette féminine assise à même le sol. Splash. Le liquide poisseux vient former une mare à tes pieds. Maculée. Lucrezia. Tu retiens un rire de soulagement alors que tu l’alpagues, laissant là ta tâche fastidieuse. Tu ne pensais pas la revoir après ce qui s’était passé. Morgana ne te laisserait plus jamais partir. Elle avait fait une promesse à Julian et elle comptait bien la tenir. « Lucrezia ! Fred n’est pas avec vous ? » Car la rousse n’existait pas indépendamment de l’inventeur de génie qui la côtoyait. D’un coup d’œil pourtant, tu te rends compte de ta bévue. « Vous êtes venue voir Madame Ives ? Elle est sortie, je crois…mais…. ». Tu jettes un regard de biais aux inscriptions avant de tirer la femme par la main : « Venez. Vous devez avoir faim et soif. On a toujours faim et soif. On est parti en ravitaillement hier, alors on a encore du rab. » Tu la noies sous les paroles alors que tu désactives méthodiquement les barrières et que tu l’as fait pénétrer dans la sinistre bâtisse ta main aux paumes étonnamment calleuse serrée autour de la sienne. Les couloirs aux murs lézardés se succèdent avant que vous n’arriviez dans ce qui vous sert de cellier. « Soyez la bienvenue chez nous ! »
« Red, the blood of angry men, Black, the dark of ages past. Red, a world about to dawn. Black, the night that ends at last. » ♱ - Les Miserables, Red & Black
Esquive de la marre de sang. Qui était assez malade pour faire faire cela à une adolescente ? « Lucrezia ! Fred n’est pas avec vous ? » Tu as détourné la tête, ta chevelure blonde suivant le mouvement. L’or de tes cheveux ayant remplacé le roux d’emprunt que tu arborais depuis ton évasion, à chaque sortie, alternant avec le brun durant les périodes plus risquées. Tu finirais spécialiste des colorations, à défaut de servir à quelque chose. Tu n’as pas pris la peine de lui répondre, ton attitude entière parlait pour toi. Redressée sur tes talons compensés, tu l’observes. « Vous êtes venue voir Madame Ives ? Elle est sortie, je crois…mais…. » Sa main dans la tienne t’arrache un frisson et tu te laisses entrainer, t’obligeant à ne pas fuir sa peau, ne pas la vexer, la blesser. Le contraste entre la douceur de ta paume et le dur travail marqué sur la sienne impose à ton esprit le gouffre qui, un jour, vous a séparé. Et vous séparerait toujours.
« Venez. Vous devez avoir faim et soif. On a toujours faim et soif. On est parti en ravitaillement hier, alors on a encore du rab. » Manger. N’ont-il que cela en tête ? Tu fronces les sourcils, beaucoup plus intéressée par les mécanismes de protection de l’Asile que par un quelconque produit à avaler - encore. Tu as l’impression que Perceval et Fred t’ont nourrie pour la semaine, qui plus est. Les couloirs te poussent à songer que l’endroit porte sinistrement bien son nom. Shell Cottage fait soudain figure de Paradis, plus encore que dans ton premier souvenir. « Soyez la bienvenue chez nous ! »
Que dire ? « Digne du Royals.. » après les attaques, évidemment. Tu doutais cependant que la référence fasse mouche à l’oreille de Murphy pour qui ton monde passé n’était qu’une cible à abattre. Tu romps le contact, doucement, n’étant pas coutumière de cette sorte de proximité. Certes, tu étais greffée entre les bras de Fred, mais il était l’exception. Ton exception. Même s’il y avait des tensions, même si tu ne savais pas toujours le lui dire. Idiote et maladroite. « Murphy.. je suis juste venue voir si tout allait bien. » Ce qu’elle pouvait être bavarde ! Cela dit, vu son environnement et ce qu’elle était visiblement en train de faire quand elle t’a remarquée te pousse à penser que les échanges normaux ne courent pas les rues chez les Belliqueux. C’était ainsi qu’étaient élevés les jeunes, chez les insurgés ? Certes, leur cacher la guerre était peine perdue, mais qu’adviendrait-il de leur esprit, une fois la paix de retour - si elle revenait un jour ? Les adultes avaient leur lot de traumatismes.. mais eux, sauraient-ils alors différencier le bien du mal ? La limite entre les deux te semblait déjà si floue. « Je ne me souviens pas bien de ce qu’il s’est passé la dernière fois, seulement que je t’ai ramenée. Tu n’as pas été blessée ? » La côte encore fêlée sous les poings de Davius, un mois plus tôt, te faisait grimacer selon les gestes, alors tu prends appui contre un mur. Ne rien montrer, un crédo qui te rappelle ton existence de Mangemort. Le serpent revient tout près, inquisiteur, ses yeux froids sur la silhouette de la rouquine.
Royals. Ça sonne bizarrement à tes oreilles comme l’écho d’une histoire passée. Tu avais été tellement fière de te joindre à la foule, de brandir ton poing au-dessus des têtes pour laisser battre les tambours de la révolte. A l’époque, tu croyais encore aux héros. C’était avant les événements de ce jour-là. « Vous voulez dire après que la foule s’est chargée de le transformer en parking ? » Sur l’ironie bien calculée se glisse peut-être l’amertume du doute. Un jour, tu seras obligée de tuer et l’idée te répugne au fond. La première fois, tu auras peur. La seconde, ton geste sera plus assurée. A la troisième, tu l’exécuteras de bon cœur. C’est ce que racontent tous les livres d’histoire. La transformation de l’humain en monstre opérait toujours ainsi et sans le savoir, tu venais aisément de franchir le premier palier. Parce que dans ses lieux oubliés de Dieu lui-même, il n’était pas difficile de s’imprégner de la lèpre des murs et des chuintements stridents de la rouille. La main s’échappe de tes doigts. Elle doit savoir quel être vil tu es devenu, innocence perdue, souillée. « Murphy… je suis juste venue voir si tout allait bien. »
Une grimace plisse tes traits fugacement. Aller bien. Il fallait en parler à Blair. L’inquiétude te tordait le ventre et personne ne voulait t’en parler. Même Arthur restait muet, préférant s’enfermer dans sa chambre pour aiguiser son incalculable collection de lames. Il ne restait donc que les livres hérités de Julian. Histoires macabres datant parfois de l’aube de l’humanité. Epidémies. Guerres. La Mort partout, à chaque fois. « Tout va bien. On me maintient occupé. Miss Ives dit que ce n’est pas bon que j’ai trop de temps pour penser. » Et comme à chaque jour suffisait sa peine, elle alternait les exercices théoriques et pratiques par des corvées harassantes qui te laissaient si épuisée que tu peinais à retrouver ton lit. C’était sa façon maladroite de lui épargner les cauchemars. « Et je ne veux plus penser, Lucrezia. Depuis que Blair a disparu… » Tu ne voulais pas parler des sombres songes qui te tourmentaient dès que tu fermais les yeux ni de la pâle potion que tes aînées préparaient pour les faire taire. La honte te maintient silencieuse brièvement. Si tu avais été plus forte, cela ne te bouleverserait pas mais tu te forces à reprendre lentement. « Vous m’avez ramenée ici et Miss Ives est arrivée peu après. Elle a vérifié que j’allais bien et a transplané quelques minutes plus tard. Elle n’est revenu que bien plus tard. Arthur s’est occupé de moi. »
Ton regard se décolle enfin de tes mains maculées et croutées pour se poser sur la femme avec une once d’inquisition. « Mais vous, vous êtes blessée. » Tu avais senti ce picotement désagréable courir le long de ta colonne vertébrale. C’était presque léger par rapport à ce que tu avais l’habitude de ressentir. « Oui. Vous. Vous êtes blessée. » Tu le répète en traversant la salle d’un pas mesuré. La douleur ne serait pas si importante. Miss Rowle n’était pas mourante, elle. « Je peux vous aider. Julian a dit que j’étais doué pour cela. » Un don précieux. Elle le répétait souvent en te caressant les cheveux. Un don vital. Voilà pourquoi elle te protégeait. Pas parce qu’elle t’aimait, parce que tu étais un atout dans son précieux jeux. « Pour soigner les autres. Me laisserez-vous vous aider ? ». Et comme la femme n’exécute aucun geste pour approuver le prochain mouvement, tu te souviens de ton état de crasse. Rougissante, tu fouilles dans tes poches pour en sortir ta baguette. Il doit bien exister un merlin de sort pour arranger ça. Recu… Recurapid ? Recurevit ! Ca doit être ça ! Avec une mine concentrée, tu exécutes l’incantation. Ton pantalon est en partie réduit à un tas fumant. « Bon faut croire que c’était irrécupérable. » Marmonnes-tu en époussetant tes genoux cagneux avec contrition.
« Red, the blood of angry men, Black, the dark of ages past. Red, a world about to dawn. Black, the night that ends at last. » ♱ - Les Miserables, Red & Black
« Et je ne veux plus penser, Lucrezia. Depuis que Blair a disparu… » La culpabilité te vrillerait les tympans si tu ne t’étais pas retranchée derrière la nécessité d’oublier. Blair, c’est ta faute, uniquement ta faute. Et tu ne sais comment consoler l’adolescente, la rassurer, parce que tu n’as jamais été douée pour cela, tu n’as jamais su bercer les douleurs des autres, pas plus que les tiennes. Tu restes silencieuse tandis que Murphy t’explique ce qu’il s’est passé ; tu l’as ramenée entière, c’est tout ce qui t’importe. Tu n’as pas complètement déçu Morgana en mettant la vie de sa protégée en danger.. tu n’y aurais pas survécu, qui plus est. Tu avais déçu Fred, les Weasley, Davius et tous les autres. Peut-être un peu moins ton ancienne collègue. Tu ne te nourris pas assez. Mais la faim n’imposait pas sa loi, pourquoi manger une part qui satisferait mieux une autre personne ? Pensées incohérentes. « Mais vous, vous êtes blessée. » Elle te sort du flou dans lequel tu t’es plongée, les bras croisés, pressant presque inconsciemment le côté abîmé. Au final, tu t’habituais, tu jugeais la sensation lancinante méritée. « Oui. Vous. Vous êtes blessée. » Elle s’approche et tu hausses un sourcil. Comment le sait-elle ? Tu réalises que tu n’as que peu d’information sur la rouquine, seulement sa course effrénée pour échapper aux Rafleurs et sa sorte d’adoption par la bio-terroriste. « Je peux vous aider. Julian a dit que j’étais doué pour cela. Pour soigner les autres. Me laisserez-vous vous aider ? »
Silence. Douée pour soigner ? Comment une sorcière si jeune pourrait-elle être douée au point que la maladresse avec une baguette ne soit pas un obstacle ? Il te faut un certain temps avant d’assembler le puzzle. Ce temps pendant lequel elle tente de nettoyer son pantalon, et ce sang qu’elle traîne avec autant de naturel qu’une seconde peau. Ca fume. Tu écartes Daeva d’un léger mouvement de main, l’animal n’ayant pas besoin de sifflements pour obéir. Il se pousse, te laissant de l’espace. Décrochant la baguette sombre de ta taille, tu effectues un mouvement assuré accompagné d’à peine un doux murmure : « Recurvite » Un brin de toilette ne lui ferait aucun mal, n’est-ce pas ? « Plus sûre de toi, la prochaine fois. Et plus douce. Le but n’est pas d’assassiner tes vêtements, si ? » Un sourire léger sur le bord de tes lèvres. Les Belliqueux n’ont pas dû lui enseigner la délicatesse.
« Tu es une soigneuse, c’est ça ? » Tu ne vois pas d’autre explication. Elle a entre les doigts de ces magies qui te fascinent. C’était ton truc, au Ministère, d’étudier ces domaines rares ou oubliés, ces magies accessibles à trop peu de monde ou mal jugées. Certes, tu t’étais plutôt penchée sur des héritages ancestraux que la modernité avait écarté, que les sorciers avaient relégué au passé, mais tu avais croisé quelques documents sur les soigneurs. Assez pour ajouter. « C’est un talent précieux dont il ne faut pas abuser. Je ne mérite aucun soin, Murphy. Préserve-toi pour quelqu’un qui en vaudra la peine. » Ca ne sera jamais ton cas.
oing qui se contracte sporadiquement. Muscles qui se tendent jusqu’à t’en faire mal. Le méritaient-ils eux, chiens galeux, bêtes assassinées, bientôt équarries que tu les soignes, toi ? Méritaient-ils l’atroce délai que tu leur octroyais gracieusement ? Les belliqueux n’avaient aucune pitié pour toi, et comme tu ne pouvais plus en ressentir pour les bourreaux, tu n’en avais pas pour eux non plus. Et dans leurs yeux déjà morts, tu lisais parfois cette demande honteuse qui les rendait si beaux. Une grâce de lâcher prise. Pourtant, tu forçais la vie dans leur veine, comme un poison mortel jusqu’à ce qu’ils récupèrent suffisamment pour une seconde séance. Après, vous les laisseriez pourrir dans un coin avant qu’une ombre ne s’en débarrasse. La médecine et la mort ne sont que les deux faces d’une même médaille. Et tu voudrais pouvoir le lui dire, que toi, toi, tu n’es déjà plus une enfant. Que tu avais déjà participé à l’horreur et que d’entre vous deux, c’était sans doute toi la plus souillée. « Vous ne devez pas croire cela. » Tu murmures, la voix étranglée et faible. « Je ne soigne rien ici. » A peine réussissais-tu à les maintenir en état de répondre. Cependant, tu avais le temps de voir à quel moment ils basculaient dans la folie, à quel étape, ils ne percevaient plus en toi la salvatrice mais l’immonde persécuteur. Alors, ils te suppliaient d’arrêter et tu restais sourde à leurs invectives. « Laissez-moi vous aider. Laissez-moi faire quelque chose de bien.»
Tes doigts saisissent en tremblant les siens, comme une imploration. Si tu peux enlever un peu de douleur alors peut-être n’es-tu pas le monstre qu’ils voudraient que tu sois. Tu ne peux leur en vouloir. Il faut survivre avant tout. Il faut gagner la guerre. Il n’existe pas de place pour un enfant alors tu es devenue autre chose. Une chimère. « La souffrance n’est jamais nécessaire, Lucrezia. » Une forêt d’incendies plantée dans le gris d’orage. Le silence retombe en flocon de rouille autour de vous. « Et vous devez être opérationnelle. Fred a besoin de vous, il va se perdre tout seul. Nous avons besoin de vous. Une machine ne peut fonctionner s’il manque des pièces ou si elles sont défectueuses. Et nous n’avons pas le temps de les laisser se remplacer d’elles-mêmes. N’est-ce pas ? » Avec plus de force, tu saisis ses poignets, plantant tes ongles ras dans sa chair. Petits croissants écarlates dans la neige de sa peau. « Vous devez vous détendre ou je vous ferai mal. » L’ordre impérieux est de ceux que l’on ne discute pas. La même voix qui émergeait dans la lumière crue du laboratoire de Julian brise en éclat la trame sourde de la discussion. Lucrezia doit être réparée.
Pour opérer, tu n’as jamais eu besoin de baguette. C’est par le contact que tu opères, brodant des nœuds de puissance dans les articulations, courant le long du système veineux, surfant sur les signaux nerveux pour trouver la cible. Côtes. Trois fractures nettes. Tu peux presque sentir dans ton propre corps le sinistre craquement du calcaire qui se brise. Le froid. Extrémités qui s’engourdissent alors que les capillaires irriguant ta peau se rétractent. Réparer le déséquilibre en créant le chaos. Tout n’est que transfert d’énergie. Tout n’est que bride et exercice. Tout n’est que contrôle. Retisser la trame du tissu endommagé, une fois, deux fois, trois fois. Puis lui donner sa rigidité, sa solidité. Une goutte de sueur glisse le long de ta tempe, venant mourir sur tes lèvres légèrement bleuies. Enfin, rompre le contact, les mains moites et exsangues. « Cela restera sensible encore quelques jours. »
« Red, the blood of angry men, Black, the dark of ages past. Red, a world about to dawn. Black, the night that ends at last. » ♱ - Les Miserables, Red & Black
« Laissez-moi vous aider. Laissez-moi faire quelque chose de bien.» Tu allais refuser. Tu allais lui dire non mais ses doigts sont entrés en contact avec les tiens. Elle tremblait et tu n’as pas eu le coeur de la repousser, de peur de la blesser, de la casser. Elle est trop jeune pour vivre dans ce monde de violence et de cruauté. Trop jeune pour porter le poids de la réalité. « Et vous devez être opérationnelle. Fred a besoin de vous, il va se perdre tout seul. Nous avons besoin de vous. » La morsure du remord se rappelle à ton esprit. Personne n’a besoin de toi, même pas lui qui t’en veut, avec lequel la communication est rompue. Défectueuse, elle a raison. Tu es défectueuse, la psyché en morceaux, l’assurance envolée. « Vous devez vous détendre ou je vous ferai mal. »
Réaction à retardement. Tu n’as pas pu te séparer d’elle à temps. Tu as senti le transfert, son effort pour souder, renforcer ce qui avait été fracturé, et sur le moment, tu as songé que, peut-être, elle risquait de s’épuiser à renforcer un corps que tu nourrissais mal, traitait avec dédain. Une enveloppe charnelle ignorée. Tu n’avais jamais eu la chance de voir une soigneuse à l’oeuvre, c’est sans doute pour cela que tu ne l’as pas observée plus tôt, que tu l’as regardée d’abord comme un objet d’étude, admirative, avant de constater son état. « Cela restera sensible encore quelques jours. » La douleur, tu t’en fichais. Tu l’avais méritée. Pas elle.
Ses lèvres bleuies. « Murphy ! » Elle se mettait en danger. Elle sacrifiait un peu d’elle sans réfléchir aux conséquences, sans se dire que vous ne survivriez pas à sa perte. Et tu trembles un peu pour sa vie. « Tu épuises ta magie inutilement ! Tu t’épuises inutilement ! » Mal placée pour le dire, et pourtant.. toi, ta vie était finie, tu pouvais sombrer dans tes addictions sans prudence, affront même au concept de survie. Elle était trop jeune pour glisser dans ces travers. Tu la détailles, scrutes chaque partie de son si jeune corps, contrariée. Si tu te sens un peu mieux, c’est la culpabilité qui domine, consciente que si tu n’avais rien montré, elle n’aurait peut-être pas cherché à te soigner. « Tu n’as pas besoin de soigner pour exister. Tu n’as pas besoin de te faire du mal. » Est-ce que tu la sermonnes, est-ce que tu la conseilles ? La frontière est fine.
Tu attrapes sa manche, l’attires vers toi. Le contact te hérisses à nouveau mais tu prends soin de ne le provoquer que sur ses vêtements, dans un premier temps, la serrant contre toi. Pas de peau contre peau. Elle est vivante et tu as tellement peur de lui faire du mal. Les Belliqueux ont de ces méthodes qui te déplaisent et le souvenir cuisant de la mère que tu ne seras jamais se rappelle à toi quand tu glisses les doigts dans ses cheveux, geste presque tendre, un peu maladroit mais réconfortant. « Ne refais jamais ça. Pas pour moi. Je ne veux pas être maintenue en vie ou en état. Pas si ça te coûte autant. » Tu ne pourras pas supporter le poids d’un transfert, de ces soins qui pourraient la tuer. Si tu ne l’aurais pas avoué à voix haute, les origines de la gamine n’ont aucun impact sur tes gestes envers elle. Un deuil de plus et tu ne te relèverais pas. Tu ne veux plus échouer.
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