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sujet; [Londres, 1975] The dying of the Light | Andromeda

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Pas de larmes.

Ce furent les derniers mots que Lazarus entendit de la bouche de ses deux parents. Une telle coordination ne pouvait prouver qu’une chose : l’amour solide qu’ils se portaient mutuellement l’un à l’autre. Malgré le fait que les circonstances de leur mort soient très différentes, finalement. Eugene Carrow était mort en héros pour Lazarus. Sa mort avait fait de lui un grand homme – il l’était déjà auparavant, mais là, il était devenu une vraie légende. Quant à sa mère, malgré un suicide, toujours considéré comme un peu honteux par les sangs purs parce que témoignant d’une volonté de cacher quelque chose,  sa mort était digne d’une grande tragédie – une de celle qui faisait les légendes, elle aussi, et qu’on aurait pu monter à l’opéra.

Façade ? Mensonge habile ? Complicité tacite des deux époux Carrow ? Personne ne saurait jamais la vérité, encore moins leurs enfants. Revanchard et haineux à cause de ce qu’ils prendraient tous pour l’assassinat en règle de leur père, ni Lazarus, ni Tibérius, pas plus qu’Alecto  ou Amycus ne se douteraient jamais de qui était vraiment Gene Carrow. Manipulés par leur mère – et semblerait-il, sans que leur père ne comprenne ce qu’il se passait – ils deviendraient tous mangemorts dans les années qui suivraient, persuadés de suivre le plan de maitre tracé par Eugene Carrow pour eux et tenteraient de devenir, plus ou moins, ses dignes successeurs. Tous en voudraient au Ministère avec la même détermination. Aucun d’entre eux ne sauraient jamais que c’était en réalité Morgana Selwyn Carrow qui avait planifié tout ce qu’il s’était passé et qui était l’architecte de leur future grandeur – future folie, diraient tous ceux qui avaient connu Lazarus Carrow, notamment, avant la mort de Gene. Les autres semblaient avoir toujours été tordus. Laz’ lui-même ne cesserait de jurer que son père n’avait rien fait et que son exécution était un meurtre. Sans jamais se dire que justement, Eugene Carrow ne faisait rien totalement à dessein. Ou plutôt, si, il faisait : mais il travaillait avec l’Ordre du Phénix et non pas avec le Ministère, qui manifestement, n’était pas au courant de ça. Mais le Ministère n’était jamais au courant de grand-chose. C’était bien ça le problème.

Pas de larmes, donc.

On était en 1975. Lazarus Carrow se retrouvait à 20 à peine chef de la famille Carrow. Et tuteur légal de trois frères et sœurs dont un gamin de six ans. Il allait se marier d’ici peu – volonté de ses parents – à une femme qu’il n’aimait pas et il avait du abandonner ses voyages où il réalisait de bonnes opérations économiques. Il était seul, on se moquait de lui sur son passage ou bien on le regardait avec pitié. Il n’aimait pas ce qu’il voyait dans le regard des gens.  Il n’aimait pas être tout seul mais il n’avait pas le choix. Pas vraiment. Il se passa une main fatiguée sur le visage. Il étudiait divers documents dont il devait s’occuper – c’était urgent, avait dit l’avocat, et demain , il y aurait l’enterrement de sa mère.  Pas de larmes, disaient-ils, oui, pas de larmes, mais il ne savait pas s’il allait faire face. Il était épuisé et se dit qu’il s’endormirait bien là, sur la table, mais les cauchemars allaient le reprendre. Alors qu’il songeait à cela, la porte s’ouvrit doucement sur Tibérius. Le petit garçon trottina jusqu’à son bureau et leva le nez pour essayer de voir ce qu’il faisait.

« Laaaz.
-Quoi ?
-Tu fais quoi ?
- Je travaille, Tibérius. Tu peux rester, mais ne fais pas de bruit. Miss Dolly va t’entendre. Dilion ne devait pas te mettre au lit ? » Tibérius avait tendance à échapper à la perceptrice et au vieil elfe des Carrow.  Lazarus sourit devant l’air contrit de son petit frère. Il ne le brusquait pas trop. C’était dur pour lui, alors pour un enfant de six ans… « Bon, assieds toi là, je vais jouer avec toi après. »

Le silence retomba quelques instants. Puis il entendit à nouveau :

« Laaaz.
-Hm ?
-Combien de temps père et mère vont rester morts ? »

Les yeux de l’enfant étaient pleins de larmes. Lazarus l’installa sur ses genoux et il se blottit dans ses bras. Qu’est-ce qu’il pouvait dire ? Il ne savait pas. Il n’était pas très doué pour les relations familiales. Jusqu’à l’âge de quatorze ans, ou presque, il était resté le cancre timide du fond de la classe, une moue boudeuse sur le visage. Son entrée dans l’équipe de quidditch l’avait désinhibé – Poudlard était devenu une fiesta à ciel ouvert… - mais le problème ne passait pas avec sa famille. Il voulut dire quelque chose, mais il se serait mis lui aussi à pleurer, lui le fils et le frère absent, ni aussi prometteur que Tibérius, ni aussi beau qu’Amycus, juste peut-être un peu plus riche et plus malin que les autres.

Lazarus Carrow n’avait pas toujours été un connard. Il le deviendrait avec le temps.

On toqua à la porte. Une visite, aussi tard ? Enfin, 20h30. Bon. L’elfe entra, courbé en révérence profonde et ridicule.
« La jeune maitresse Andromeda est là.
-J’ai dit que je ne voulais voir personne, gronda Carrow. Surtout pas elle. Tu es sourd, ou quoi ?
- La jeune maitresse insiste. Maitre. Elle insiste beaucoup.
- Et donc je devrais m’en occuper ?  Elle se prend pour qui ? Et elle est où, d’abord ?
-Au petit salon, Maitre.
-Bon, je vais descendre. C’est stupide et ça dure trop longtemps. Va mettre au lit maitre Tibérius.
-Oui, Maitre. »

Lazarus abandonna son frère aux mains de l’elfe et descendit quatre à quatre les escaliers, furieux. Andromeda Tonks avait décidé de le narguer. Elle n’était plus une Black, et elle n’était plus son amie. Elle n’était rien qu’une trainée, une traitre à son sang, et elle osait venir ici ! Autrefois, il l’avait défendue, ils avaient lu ensemble, mais ce temps semblait très lointain à Laz. Elle n’était plus rien pour lui, plus personne, sinon une ennemie, qui ne méritait au mieux que son mépris, au pire, uniquement sa vengeance. Et au moins sa haine. Oui, il l’avait défendu, et peut-même aimé et la vision du jeune garçon boudeur et flegmatique lisant des livres avec cette élégante jeune femme resterait à vie ancrée en lui, mais désormais, Andromeda Tonks n’était plus rien. On s’était moqué de lui – tous, l’Ordre du Phénix et la Justice et le Ministère. Tous. Il était bien mal récompensé de sa gentillesse et de sa loyauté.

Elle l’avait trahi et elle le paierait.

Lazarus ouvrit la porte du salon à la volée, furieux, découvrant une Andromeda Tonks de vingt-deux ans ou vingt-trois qui semblait l’attendre. Il attaqua de front :

« Qu’est-ce que tu veux ? Tu es venu me narguer, c’est ça ? »  Il était réellement furieux, à deux doigts de balancer des choses contre les murs, ou bien à quelqu’un. « Hein, c’est ça ? Dis moi ! Ca t’amuse que mon père soit mort ? Ca t’amuse que ma mère se soit suicidée ? Des gens biens, des gens honnêtes, pendant toi, tu… » Il était tellement en colère qu’il ne parvint pas au bout de sa phrase. Il tourna la tête : il pleurait autant qu’il était en colère, en fait. Parce qu’au final, lui aussi n’était guère plus qu’un gosse. « Vas-t-en, Andromeda, vas-t-en ! Je ne veux voir personne, vous n’y comprenez rien, et je ne veux surtout pas te voir, toi ! »

C’était gratuit, mauvais, sans fondement. Mais la haine pure allait devenir pour des années le seul moteur de Lazarus Carrow.
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    L'impuissance était un sentiment dont Andromeda avait horreur, sans aucun doute celui qui l'indignait le plus, aussi. La tragédie dont était victime la famille Carrow ne lui était venue aux oreilles que tard cette année-là et elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi. Le silence autour de l'exécution du patriarche Carrow avait laissés muets les membres de l'Ordre qui ne savaient -pour la plupart, pas comment réagir. Perdre un des leurs au combat était devenu monnaie courante, même si s'avancer en disant qu'ils parvenaient à s'y faire était mensonge. Cependant, l'histoire d'Eugene Carrow était toute autre ; il n'était qu'un innocent accusé, puis condamné à tort. Ils avaient tenté de parler au ministère, mais s'étaient -sans grande surprise, heurtés à un mur. Aveugle et sourd comme il l'avait toujours été et le serait toujours, il n'avait rien voulu entendre ou voir. Comme si cette condamnation n'avait pas été suffisamment douloureuse pour la famille -aussi douteuse soit-elle, l'histoire s'était soldée avec le suicide de la matriarche sur laquelle un bon nombre de rumeurs couraient. Andromeda n'y prêtait pas attention. De toute façon, avait-elle un jour prêté attention à ce que la communauté des sorciers au sang pur, celle qui se qualifiait elle-même comme étant l'élite, racontait ? Pas qu'elle s'en souvienne. Après tout, si elle l'avait fait, elle aurait été obligée de faire face à toutes les horreurs qu'on racontait sur elle et au fond, elle savait qu'elle n'était pas prête. Jamais entièrement liée à ces derniers, jamais entièrement détachée d'eux, quel drôle d'euphémisme. Un pied dedans, un pied dehors, c'était sans aucun doute le plus douloureux. Couper les ponts de façon définitive avec son ancien monde serait tellement plus facile et pourtant elle ne pouvait s'y résoudre totalement, son dernier lien étant Lazarus Carrow lui-même. Le reste de ses connaissances lui avaient tourné le dos sans la moindre hésitation et c'était le cadet de ses soucis, lorsqu'elle savait que certains comme sa propre soeur ou encore Rodolphus voulaient clairement la voir morte.


    Andromeda avait voulu voir Lazarus, sincèrement. Mais elle n'avait pas osé s'approcher de lui, même après avoir longuement cherché les mots qui sonneraient justes, peut-être réconfortants avec un peu de chance. Si elle et Ted entamaient pleinement leur vingt-deuxième année, Lazarus quant-à lui était à l'aube de sa vingtième année et se retrouvait père de famille, frère ayant à assumer la responsabilité de ses frères et soeurs. L'injustice face à laquelle il devait faire face déroutait Andromeda, comme beaucoup d'autres sorciers qui n'en diraient pourtant jamais rien, gardant pour eux ce qu'ils pensaient vraiment. « Par Merlin, Dromeda, mais que comptes-tu lui dire ? » Assise dans le rocking-chair, sa petite fille de deux ans dans le bras, la jeune femme garda le silence durant une longue minute. Andromeda était réfléchie, prudente et légèrement calculatrice. L'impulsivité, elle ne connaissait pas, n'appréciait pas ça. Pourtant c'était bel et bien sur un coup de tête qu'elle venait d'annoncer à son époux, plus que dubitatif, qu'elle se rendrait au manoir Carrow après avoir mis Nymphadora au lit. « Je n'en sais rien Ted. Mais j'ai l'impression de l'avoir laissé tomber, je... » L'ancienne Black marqua une courte pause, échangeant un long regard avec son mari. Ted finit par lever les bras en signe de reddition et leur fille se mit à jouer avec ses longs cheveux bruns, obnubilée par leur forme bouclée.


    « Je ne serais pas longue », annonça-t-elle en enfilant une cape verte émeraude. Dehors, la pluie battait son plein et durant quelques secondes, elle hésita à faire marche arrière. Affronter quelqu'un en deuil était une chose qu'elle n'avait jamais fait et pourtant, il le fallait. Lazarus était son ami. Il l'avait soutenue quand la communauté entière dans laquelle elle avait été élevée lui tournait le dos. Elle lui devait bien ça, c'était certain. Pour toute réponse, Ted lui embrassa le front et elle disparut dans la nuit. Quelques instants plus tard, elle se retrouva devant la lourde porte du manoir Carrow. A nouveau, l'hésitation s'empara d'elle, mais elle la chassa rapidement avant de frapper à la porte trois coups qui sonnèrent aussi léger qu'une plume, comme si toute la force dont elle était pourvue habituellement s'était évaporée. L'elfe de maison vint lui ouvrir la porte et sans un mot, elle s'aventura à l'intérieur de la demeure, jetant un bref coup d'oeil à la créature qui joua nerveusement avec ses mains. Si elle ne s'imposait pas maintenant, Lazarus ne la laisserait pas entrer, elle le savait, le sentait, aussi étrange que cela puisse paraître. « M-maître Lazarus ne veut voir personne. » Andromeda haussa un sourcil, à peine surprise. Par Merlin, elle allait passer un mauvais quart d'heure, maintenant c'était bien plus qu'un pressentiment. Pourtant, elle devait lui dire pour son père, elle voulait qu'il sache que ce dernier était un homme bon et qu'il devait s'avancer sur le chemin que ce dernier avait tracé pour lui et non celui de sa mère. « Eh bien dis à Lazarus que j'insiste. » L'elfe sembla dubitatif, ne bougea pas jusqu'à-ce qu'elle fronce les sourcils. « Je ne partirais pas d'ici sans l'avoir vu. Vas m'annoncer à Lazarus s'il te plaît. » Les yeux de la petite créature s'agrandirent comme des soucoupes face à l'élan de politesse dont elle fit preuve à son égard. Surprit, il s'adoucit avant d'hocher positivement la tête en guise de toute réponse et la conduire au salon afin qu'elle patiente.


    Les bruits de pas précipités l'alarmèrent de la venue imminente de Lazarus. Par Merlin, par Merlin, Par Merlin... Elle allait regretter sa venue, elle en était plus que certaine. La porte du salon s'ouvrit à la volée. Andromeda sursauta avant de relever le menton, tournant son regard dans la direction du jeune homme. Les traits tirés, le regard fatigué, il en avait bavé, n'importe qui pourrait le remarquer sans difficulté. Elle ouvrit la bouche, mais il lui coupa aussitôt la parole, attaquant de front. « Qu'est-ce que tu veux ? Tu es venue me narguer, c'est ça ? » Le ton de sa voix la laissa légèrement dubitative et un pincement au coeur lui cloua le bec quelques instants. « Je te demande pardon ? » Elle fronça les sourcils. Génial. C'était un bon début, ça aurait pu être pire. Ou pas. Il était furieux, c'était clair et Andromeda devait être largement suicidaire pour se dresser face à lui comme elle le faisait. Littéralement, elle s'était avancée dans sa direction, se plantant devant le jeune homme. « Hein, c'est ça ? Dis-moi ! Ca t'amuse que mon père soit mort ? Ca t'amuse que ma mère se soit suicidée ? Des gens biens, des gens honnêtes, pendant toi, tu… » Nouveau pincement au coeur. Pendant qu'elle quoi ? Qu'il pense ce genre de choses lui faisait mal au coeur. Sans doute était-elle trop sensible ou susceptible. Sans aucun doute ne plus vivre au sein d'une société de sorciers élitistes au coeur de pierre l'avait adoucie. « Mais qu'est-ce que tu racontes ? Jamais la mort de tes parents ne m'amusera, je voulais juste... » Elle perdit ses mots. La colère qu'elle lisait dans le regard de Lazarus ne l'aidait pas à avoir pleine confiance en elle non plus, il fallait bien l'admettre. « Je voulais juste t'aider, être.. Être présente. » Elle marqua une pause avant de rajouter. « Je sais que la mort de tes parents te met en colère et c'est normal, mais... » Il lui coupa la parole une nouvelle fois. La tête tournée de Lazarus ne lui permit pas de voir qu'il pleurait. Pas tout de suite. Elle ne releva pas, sachant que si elle évoquait ce genre de choses, il se mettrait encore plus en colère, chose qu'elle était loin de souhaiter. « Vas-t-en, Andromeda, vas-t-en ! Je ne veux voir personne, vous n’y comprenez rien, et je ne veux surtout pas te voir, toi ! » Qu'avait-elle pu lui faire pour qu'il réagisse avec autant de véhémence à son encontre ? Dubitative et blessée, elle laissa le silence envahir la pièce. Elle ne voulait pas qu'ils se disputent, ne voulait pas qu'il la déteste comme le reste de sa famille, de ses anciennes connaissances. Elle avait mis du temps à venir le voir, certes, mais elle était présente. Et surtout, elle devait lui dire pour son père. C'est cette pensée qui la ramena à la réalité. « Lazarus. S'il te plaît, écoute-moi. Je ne suis pas celle que tu dois blâmer pour la mort de tes parents. Et il faut que je te dise quelque chose, c'est ton père, il... » Les mots s'étranglèrent dans sa gorge et elle ne dit rien, les larmes aux yeux. Elle était tellement désolée pour lui.

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Il était en colère, il était triste, il était fatigué. Il voulait revenir à un temps béni où il n'avait à se soucier de rien. Lazarus Carrow n'était pas prêt, il était trop jeune. Il voulait...oh, oui, il savait ce qu'il voulait. Pour la première fois il avait envie de retourner là-bas, peut-être, à Harrisgun, là où ils allaient en vacance et il voulait s’il y avait  toujours des fermes avec des cours carrées et presque blanches et s’il y avait des enfants qui jouaient au ballon pieds nus. Il voulait savoir si ses souvenirs existaient et si lui aussi n'avait pas laissé autre chose que sa jeunesse là-bas, comme son père, s'il ne pouvait pas le retrouver.  Il voulait voir, il ne savait pas. Il voulait voir si l’air était aussi bleu que dans ses souvenirs. Il voulait voir quelque chose qui n’existait pas et qu’on laissait vivre en soi, comme un rêve, un monde qui résonnait et palpitait, il voulait savoir si l’on peut commencer à vivre quand on sait que c’est trop tard.

Oh les rires, oh cet endroit, oh les beaux souvenirs, et lui, tout seul face à elle, qui lui renvoyait l'image de sa propre nullité, de sa propre inconséquence, face au sacrifice de son père. Lui, Lazarus, ami d'une traitresse à son sang, comme tous ceux qui avaient condamné son père, comme Barty Croupton Sr. Oh oui, il était la proie de la colère, du vacarme qu'on fait tous, de l'envie furieuse parfois d'aimer, de jeter, de casser et d'embrasser, dans le même mouvement les larmes, les rires, n'être plus rien qu'un mouvement, une chose, être aussi vrai qu'un caillou, un bout de bois, que chiffon ou colère, ce mouvement qui ouvre la terre en deux et précipite les livres et les femmes, les gentillesses et les tendresses des grands-mères, loin : que tout s'écrase dans un grand vacarme et qu'on ne parle plus, de rien, de rien.

Pourquoi était-elle là ? Hein, pourquoi, sinon pour se foutre de lui ? « Ne me parle pas de mon père ! » Pour un peu, il la giflerait. Ou il la tuerait, il ferait quelque chose. Lazarus Carrow n'était pas brisé, ce n'était pas le bon terme. Non. Fracassé serait plus approprié. "Cassé" sous-entendait quelque chose de net, de franc, de réparable. Or ce qui lui arrivait était plus confus, plus abstrait, plein d'éclats et sans espoir de guérison.  Il ne s'en remettrait jamais.

Il ne pouvait pas, il était parti trop loin pour ça. Il ne lui restait rien. « Je n'ai plus rien. J'ai tout perdu. Tout ce qu'il me reste c'est ça. » Il fit un geste de la main pour essuyer ses larmes. « Les partisans des nés-moldus ont gagné. Mon père a perdu. Vous l'avez assassiné. Des gens comme toi, des traitres à leur putain de sang, l'ont assassiné. Et pour quoi ? Qu'est-ce qu'il avait fait, mon père ? Qu'est-ce qu'il vous avait fait, bordel ? » Il se laissa tomber dans un fauteuil, en larmes, sa colère monstrueuse évanouie pour laisser place à des larmes et à une amertume grandissante. « Je pensais qu'il était immortel, qu'il ne nous laisserait jamais. Il a affronté ça sans rien dire. Il a été courageux. Lui. »

Il les haïssait à un point inimaginable, Andromeda, Croupton, et le système, dans une noire confusion qui lui faisait perdre peu à peu la raison et tout bon sens. Il ne reviendrait plus jamais en arrière, persuadé qu'il avait raison. Jamais. Et il ne voulait rien entendre, surtout pas d'elle, aveugle qu'il était, oubliant qu'Andromeda avait toujours été sincère avec lui, toujours de bon conseil. « Quoi, mon père, qu'est-ce qu'il a, mon père ? Ne me parle pas de lui, tu n'as rien à dire sur lui, rien ! Ou plutôt si, tiens, parle, dis moi ce que tu en penses, dis moi qu'il l'avait mérité, et alors j'aurais vraiment une bonne excuse pour te sortir de chez moi ! »

Le ton, à nouveau, redevenait noir et colérique. Il était incapable de se contrôler, et de toute façon il s'en foutait, il pensait ce qu'il disait. Il voulait qu'elle aie mal, aussi mal que lui si c'était possible et si ça ne l'était pas, qu'elle touche du doigt, au moins un peu, ce que ça fait lorsqu'on perd quelqu'un qu'on aime. « C'était ta famille. Mon père était de famille, par le sang, tu piges, ça ? Et tu n'étais pas là, tu ne l'as pas soutenu, tu as trahi les idées qu'il avait pour rejoindre ses bourreaux. Tu as trahi ta propre famille, Andromeda ! »

La colère, encore et encore, prenait le pas sur tout. Et si une part de lui regrettait ce qu'il disait, il réussissait à la faire taire. Lazarus Carrow, et tous les espoirs que plaçait en lui son père, mourraient à ce moment là. C'était peut-être ça, l'agonie de la lumière, finalement.

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